Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdemoiselles et Messieurs,
Je voudrais vous remercier de votre invitation, qui me touche, et remercier aussi de leur accueil les responsables et les étudiants de l'École normale supérieure de Lyon.
Il n'est pas fréquent qu'un ministre de l'Éducation nationale se rende à l'invitation d'une convention étudiante.
Mais si j'ai accepté votre invitation, c'est, naturellement, parce que rien de ce qui a trait à l'éducation et à l'enseignement ne m'indiffère. Et puis, je connais bien l'U.E.J.F. et j'ai même eu, depuis un an et demi, le plaisir de rencontrer et de travailler à plusieurs reprises avec Raphaël Haddad, votre président. Je connais donc la force de son engagement, ainsi que celui de l'U.E.J.F. tout entière, dans le combat pour la défense et la promotion des valeurs républicaines que nous partageons. Je sais d'ailleurs que, comme moi, vous êtes convaincus qu'elles passent avant tout par l'école et le savoir.
Pourquoi ne pas le dire, j'apprécie cette forme de militantisme qui ne s'arrête pas à la défense d'une identité, qui est ouvert au débat et à la confrontation des idées tout en proclamant haut et fort les valeurs qui font la force de notre démocratie face aux totalitarismes et aux fanatismes dont regorge hélas notre monde moderne .
Que vous portiez ce message n'est d'ailleurs pas étonnant puisque votre organisation plonge ses racines dans la Résistance et la sombre période de l'occupation nazie. C'est, en effet, en 1944, qu'un groupe d'étudiants juifs issus de la Résistance a créé l'Union des Étudiants Juifs de France.
Je n'oublie pas la vocation sociale qui fut celle de l'U.E.J.F. à ses débuts lorsque, dans une période dramatique, elle se fixa pour objectif d'aider les jeunes Juifs revenus de l'enfer concentrationnaire à retrouver leur place dans la société, notamment en recouvrant leurs droits d'étudiants. Après 57 années d'existence, l'U.E.J.F. est, aujourd'hui, l'une des organisations juives les plus prestigieuses, forte de ses 15 000 membres répartis sur toute la France.
Cette histoire de l'U.E.J.F., j'y suis sensible car elle rejoint mon combat en faveur de l'enseignement de l'histoire et de la transmission de la mémoire de la Shoah aux jeunes générations. Enseigner l'histoire de la Shoah, ce n'est pas transmettre la mémoire d'une communauté, c'est aussi s'assurer que personne ne puisse ignorer, que personne ne puisse même contester ce crime universel, inscrit dans la mémoire de l'humanité, que constitue la Shoah. C'est pour cela que nous devons veiller à inscrire cet enseignement dans les programmes et le faire effectivement enseigner.
J'y suis personnellement attentif car le refus de recevoir cet enseignement est toujours le signe d'un refus de nos valeurs communes, et d'un repli identitaire porteur de violence. Vous pouvez donc être certain, et c'est le premier message que je veux vous adresser, que vous me trouverez toujours à vos côtés pour mener ce combat comme pour dénoncer tous les totalitarismes et tous les intégrismes.
Dans le cadre de cette convention, vous abordez d'autres thèmes tout aussi actuels, comme la lutte contre le racisme, en posant sans faux-semblant les vraies questions. C'est la preuve de votre connaissance du sujet mais aussi de votre expérience car vous avez une vraie tradition de lutte contre le racisme en lien avec d'autres associations comme S.O.S. Racisme.
Aujourd'hui, il semble que nous vivions dans une société où la coexistence des cultures, des croyances, voire l'absence de repères alimente la crise des valeurs et, plus grave encore, jette les uns contre les autres. Dans ce contexte, vous avez su toucher les jeunes, et en particulier les élèves qui sont les plus exposés à la violence et aux débordements.
Vous avez notamment réussi à vous adresser à la jeunesse grâce à vos livrets : Le racisme expliqué à nos potes ou Le sionisme expliqué à nos potes. Vous avez aussi développé votre combat sur le terrain de l'humour, avec la soirée « Rire contre le racisme » que vous avez organisé avec S.O.S. Racisme et à laquelle j'ai assisté en avril dernier. Et en effet, quoi de plus universel - et de plus désarmant - que le rire ?
Mais vous avez également eu le souci de mener une action de terrain, avec le programme « coexist » qui est aujourd'hui un instrument éprouvé pour faire reculer les préjugés qui font le lit des discriminations et de la violence. Aujourd'hui, et c'est le second message que je veux vous adresser, je vous confirme mon intérêt pour la démarche que vous avez engagée. Je souhaite donc promouvoir ce programme qui a le grand mérite de pouvoir s'appliquer pour combattre aussi bien le racisme que l'antisémitisme ou l'homophobie. Tous ces thèmes sont d'ailleurs clairement inscrit désormais dans la circulaire de rentrée qui précise les objectifs que poursuivent tous les établissements scolaires au cours d'une même année.
Car au fond, nous nous retrouvons sur les valeurs et sur les questions essentielles qui traversent aujourd'hui notre société : la lutte contre le racisme, les contours de la liberté d'expression, le combat contre toutes les formes de discriminations. Chacune de ces questions et les réponses qui y sont apportées, engagent la société, la conception de l'homme et du vivre ensemble. Mais nous devons inventer en permanence des réponses nouvelles à cette préoccupation.
Lutter contre le racisme, c'est l'affaire de tous. Oui, mais que faire pour lutter, concrètement, contre les formes de racisme les plus insidieuses, celles qui apparaissent lorsqu'on cherche un stage ou un logement, lorsqu'on se présente à un entretien d'embauche, lorsqu'on veut prendre des responsabilités dans une organisation ?
Ces questions sont au coeur de votre action associative. Elles me préoccupent également, en tant que responsable politique, mais aussi en tant qu'homme et citoyen. Elles sont d'ailleurs au centre de l'action que je développe depuis mon arrivée dans ce grand ministère de l'Éducation nationale.
En effet, j'ai le souci constant d'assurer la transmission à tous les élèves d'une culture commune, laïque et républicaine. Cet objectif est au coeur de la réforme de l'école primaire qui vise à ce que tous les élèves acquièrent les savoirs fondamentaux en français, en mathématiques, mais bénéficient également d'un enseignement mieux défini d'histoire, et d'éducation civique et morale.
Et si j'ai voulu que les élèves sachent reconnaître, dès l'école primaire, les symboles de la République, c'est parce que je suis convaincu qu'ils symbolisent une volonté commune de vivre ensemble, par-delà les origines sociales, ethniques ou religieuses.
Mais nous ne devons pas nous contenter d'affirmer des principes : nous devons aussi mettre en oeuvre nos intentions de façon volontariste. C'est pourquoi, j'ai souhaité que l'Éducation nationale s'engage activement dans le plan Banlieue, qui donne, par exemple, aux écoliers des quartiers les plus défavorisés la possibilité d'être scolarisés dans des écoles de centre-ville. C'est pourquoi, l'une des premières missions du Président de la République que j'ai accomplies était la suppression de la carte scolaire, qui ouvre une nouvelle liberté pour ceux qui, autrefois, n'avaient que le droit de rester là où les autres n'allaient plus.
C'est pourquoi, enfin, j'ai voulu ouvrir le recrutement des classes préparatoires aux grandes écoles. En effet, elles sont le symbole vivant de l'excellence éducative de notre pays mais leur recrutement a aujourd'hui perdu la dimension méritocratique qu'il avait encore il y a quelques dizaines d'années. Nous devons démocratiser l'élitisme républicain et offrir au plus grand nombre la possibilité d'y accéder. C'est précisément pour lutter contre les phénomènes d'autocensure que j'ai souhaité qu'au moins 5 % des élèves de terminale de chaque lycée soient candidats à une classe préparatoire.
Je crois enfin que ma mission est de donner à chaque élève les moyens de réussir sa scolarité et, au-delà, la poursuite de ses études et son insertion dans la vie professionnelle. C'est le véritable enjeu de la réforme du lycée qui doit permettre d'offrir à tous nos élèves un encadrement personnalisé et des conseils pour imaginer leur avenir mais également davantage de temps pour s'investir dans des projets et des travaux personnels.
C'est dans ce cadre que s'inscrit la nouvelle seconde : mieux accompagner les lycéens tout au long de leurs études, conforter leurs acquis du collège, les préparer, par des modules semestriels, au choix de leurs futures séries en cycle terminal, c'est tout cela l'ambition de cette nouvelle seconde. À terme, nous voulons que les élèves d'aujourd'hui deviennent des étudiants qui réussissent mais aussi des citoyens responsables et engagés dans la vie de leur pays.
Vous le voyez, Mesdemoiselles et Messieurs, le ministère de l'Éducation nationale est aux côtés de tous ceux qui, comme vous, luttent activement pour donner à chacun sa place dans la société. Je souhaite que votre congrès soit particulièrement riche d'idées et de propositions pour progresser dans cette voie !
Source http://www.education.gouv.fr, le 25 novembre 2008