Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, en réponse à une question sur la politique économique du gouvernement et les mesures à prendre au niveau européen pour faire face à la crise économique, à l'Assemblée nationale le 25 novembre 2008.

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Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le président du groupe socialiste,
Voilà tout d'un coup que Gordon Brown est devenu l'exemple pour le Parti socialiste. La baisse de la TVA de 2 points aurait, dans notre pays, monsieur Ayrault, et vous le savez très bien, trois conséquences. La première conséquence, c'est de faire la part belle aux importations et pas à l'activité économique nationale ; certes, la Grande-Bretagne n'est pas dans la même situation parce qu'il y a longtemps qu'elle a abandonné son industrie. Deuxièmement, la TVA aurait une deuxième conséquence, c'est que ce serait une baisse absolument équivalente pour tous les niveaux de rémunération, et donc pas une baisse ciblée sur ceux qui en ont le plus besoin. Quant à l'imposition britannique sur les plus fortunés, si vous êtes prêts à proposer à notre pays de s'aligner sur les niveaux de la Grande-Bretagne, faites cette proposition et nous en discuterons ici, à l'Assemblée nationale.
La vérité, monsieur le président du groupe socialiste, c'est que, premièrement, vous avez raison de dire que les prévisions économiques mondiales se dégradent de jour en jour, et l'OCDE, aujourd'hui même, vient d'annoncer que le taux de croissance mondiale qui était encore, il y a encore quelques semaines, évalué à 5 % était désormais prévu à 1 %, et dans cette conjoncture, la zone euro est, pour l'instant, avec une prévision de - 0,6, l'Allemagne de - 0,8, la Grande-Bretagne de -1,1 et la France de - 0,4 %. Ce sont des prévisions, monsieur Ayrault, mais je note déjà, et ça me permet de répondre à votre proposition concernant la suppression des mesures que nous avons prises à l'été 2007, que si aujourd'hui notre économie résiste mieux que les autres économies européennes, c'est justement parce qu'elle a injecté 10 milliards d'euros en 2007 dans l'économie, qui se retrouvent aujourd'hui dans le taux de croissance. Mais vous avez raison de dire qu'il faut maintenant, après le plan de sauvetage des banques dont je rappelle que la France a été largement à l'initiative, un plan de relance massif en Europe.
Il faut que ce plan soit massif, et c'est la raison pour laquelle nous préparons avec le Gouvernement, et sous l'autorité du Président de la République, des propositions qui vous seront soumises rapidement et qui sont des propositions qui visent d'abord à soutenir massivement l'investissement dans notre pays. Il s'agit de favoriser les investissements dans les infrastructures ; il s'agit de favoriser les investissements des universités, les investissements dans la recherche, les investissements dans la formation, en prenant des mesures pour que tous les projets qui sont prêts à être mis en oeuvre mais qui sont bloqués pour des raisons financières ou pour des raisons de réglementation, puissent être libérés de manière à ce qu'ils produisent des effets immédiats sur l'économie.
De la même façon, nous voulons pour une durée déterminée, lever les contraintes qui pèsent sur les acteurs publics pour qu'ils puissent plus vite engager les projets qu'ils ont eux-mêmes prévus. Et nous voulons mettre en oeuvre des plans sectoriels, en particulier dans les deux domaines qui sont les plus atteints par la crise économique, c'est-à-dire le bâtiment, le logement et le secteur automobile.
Nous proposerons dans quelques jours des mesures très ambitieuses pour le secteur automobile. Il y a aujourd'hui 1 million de véhicules en stock chez les constructeurs français. C'est une situation que l'on n'a pratiquement jamais vue depuis en tout cas très longtemps. Nous allons prendre des mesures, y compris des mesures fiscales, pour faire en sorte que le marché automobile redémarre, en même temps que nous allons investir sur l'industrie automobile pour qu'elle soit en mesure de produire dans un deuxième temps les véhicules du futur, les véhicules de demain, les véhicules électriques, les véhicules hybrides qui nous permettront d'être en bonne position sur les marchés internationaux.
Mais pour que ce plan fonctionne, monsieur Ayrault - et vous avez eu raison de le souligner aussi -, il faut que ce plan soit européen. Il faut qu'il y ait une coordination entre les plans de relance européens, et si possible, une coordination entre le plan de relance européen et le plan de relance que prépare le nouveau gouvernement américain, parce que c'est de cette manière que nous aurons le levier qui permettra de relancer l'économie mondiale.
Dans le cadre des propositions que la France avait faites au Conseil d'octobre, la Commission va annoncer demain ses propositions pour un plan de relance qui sera débattu au Conseil européen de décembre, qui sera donc en vigueur avant la fin de cette année. Je note que dans ce plan de relance, tel que pour le moment il est connu, il y a beaucoup de propositions qui sont des propositions françaises, et qui sont des propositions sur lesquelles il y avait beaucoup de scepticisme, il y a encore quelques semaines. Par exemple, la Commission insiste sur la nécessité de continuer à baisser les taux d'intérêt en Europe. A 3,25 %, nous avons encore de la marge pour baisser les taux d'intérêt en Europe. La Commission propose de prendre des mesures spécifiques pour les PME, et en particulier, d'alléger toutes les contraintes que les règles de la concurrence en Europe font peser sur le soutien aux PME. C'est une idée que nous défendons depuis plus d'un an, en particulier avec ce qu'on appelle le Small business Act à la française. La Commission propose aussi qu'il y ait une forte relance budgétaire, ce qui veut dire naturellement que nous devrons mettre entre parenthèses, dans des limites qui soient des limites acceptables, les règles du Pacte de stabilité et de croissance.
Voilà les mesures que l'Europe va annoncer et dont nous allons débattre. Je note, monsieur Ayrault, que ce sont des mesures qui sont soutenues, qui sont appelées de leurs voeux par la plupart des pays européens, et notamment - et vous avez eu raison de le souligner -, par beaucoup de pays européens qui sont gouvernés par les socialistes. Nous aimerions donc, dans ces conditions, que vous les souteniez avec nous. Mais cela supposerait pour cela que vous choisissiez une ligne politique, et ça, c'est une autre histoire.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 novembre 2008