Texte intégral
C'est avec un très grand plaisir que je suis parmi vous aujourd'hui pour ouvrir cette conférence dans le cadre de la Présidence Française de l'Union Européenne. Je tiens à cet égard à remercier vivement la Commission grâce à laquelle nous sommes ici réunis.
Je travaille sur les questions d'égalité professionnelle avec Xavier Bertrand, Ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, et je me réjouis que sous son impulsion, ces questions aient été élevées au rang de priorités politiques en France.
Il y aura sans nul doute, pour chacun d'entre nous, beaucoup à apprendre pendant ces deux jours et j'attends avec enthousiasme les expériences concrètes dont chaque Etat membre pourra témoigner sur ces questions.
Je voudrais vous dire aussi combien je suis honorée de vous recevoir ici, à Lille, dans ma région d'origine et là où j'exerce par ailleurs des responsabilités électives.
Vous l'avez compris, je suis très attachée au Nord-pas-de-Calais, véritable carrefour européen et berceau de la diversité économique culturelle et gastronomique aussi.
Nous savons ici l'importance de l'Europe en matière de développement économique et social : en 20 ans, grâce aux Fonds structurels, nombre de projets ont pu voir le jour dans notre région.
Le thème de cette manifestation témoigne de nos convictions : l'Europe doit avancer sur des thématiques importantes socialement, l'Europe est un lieu d'engagement collectif au service du progrès social.
Pourtant, dans le contexte actuel de crise financière que nous connaissons, certains pourraient penser que l'urgence est ailleurs. Je crois au contraire que la question qui nous occupe aujourd'hui est, dans ce contexte, plus fondamentale encore. En temps de crise économique, les femmes ne doivent pas être la variable d'ajustement alors qu'elles représentent plus de la moitié de la population, qu'elles sont actrices du monde économique et constituent un enjeu stratégique pour l'avenir. Il est au contraire essentiel d'affirmer que l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est un enjeu économique majeur et de se donner les moyens de relever ce défi.
L'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes, nous en parlons depuis plus de 30 ans mais nous n'y sommes pas encore. Nous savons toutes et tous que l'égalité est une valeur fondamentale de l'Union européenne. Nous pouvons nous féliciter des avancées réalisées ensemble :
- l'inscription du principe d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les traités qui nous lient ;
- les directives qui le mettent en oeuvre et la jurisprudence qui veille à son application.
Oui, je tiens à le rappeler, c'est au plus haut niveau - dès le traité de Rome de 1957, texte fondateur de la Communauté européenne - que l'égalité entre les sexes, la lutte contre les discriminations, la résorption des inégalités sont réaffirmées. Depuis, le traité d'Amsterdam de 1997 et la Charte des droits fondamentaux signée et proclamée lors du Conseil européen de Nice le 7 décembre 2000 ont précisé le contenu juridique et politique de ces principes.
Sur cette base, des directives ont été adoptées et des actions de nature plus incitatives ont été menées, sous l'impulsion de la Commission européenne, qui a placé ces priorités au coeur de sa feuille de route 2006-2010 pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
Je tiens également à saluer le travail menée, au Parlement européen, par Madame Edit BAUER, dont le récent rapport confirme la persistance de l'écart de rémunération entre hommes et femmes et contient des recommandations qui rejoignent les initiatives du Gouvernement français en matière de dialogue social, d'accompagnement des entreprises et de sanctions à l'égard des plus réticentes.
Oui, le changement est en marche et les apports de l'Europe ont été, sont et seront déterminants. Nous avons encore du travail pour faire progresser l'égalité entre les sexes dans la sphère économique, sociale et politique.
Plus que jamais, nous avons besoin de rencontres comme celle-ci. Je l'avais déjà souligné le 3 juillet dernier lors de la conférence des commissions parlementaires pour l'égalité des chances des femmes et des hommes de l'Union européenne. A cet égard, je tiens à saluer la présence de plusieurs parlementaires aujourd'hui.
L'Union européenne s'est fixé des objectifs chiffrés de progression en matière d'égalité professionnelle. Nous reviendrons sur ces objectifs au cours des deux journées de travail que j'ai le plaisir d'ouvrir. Mais je suis sûre que vous partagerez le constat suivant.
D'abord deux points de convergence entre les 27 Etats de l'Union :
- le premier, positif, porte sur le niveau d'éducation des femmes qui a rejoint, voire dépassé celui des hommes
- le second, négatif, concerne les inégalités qui persistent dans tous les pays quant à l'accès des femmes à la prise de décision, et plus globalement aux responsabilités.
Ensuite, le constat de ce nous appelons le « plafond de verre » : Au sein des entreprises de l'Union Européenne, un conseil d'administration comprend en moyenne 15,4 membres mais seulement 1,3 femme. Et lorsqu'elles sont membres d'un conseil d'administration, les femmes sont très rarement en position de pouvoir.
Elles sont le plus souvent cantonnées dans des postes de gestion des ressources humaines, de communication ou de juristes.
Cette situation est regrettable à l'heure où plusieurs études démontrent une corrélation entre les performances financières des entreprises et une bonne représentativité des femmes dans leurs instances dirigeantes.
Encourageons donc les femmes qui le souhaitent à exercer des activités dont elles sont encore largement exclues, comme la recherche, les métiers scientifiques, la haute technologie, le bâtiment... mais aussi dans les carrières artistiques. Je me retourne ici vers Claire GIBAULT, députée européenne, à qui je rends hommage car elle sait combien les métiers des arts et du spectacle sont marqués par de fortes disparités et la persistance de situations de ségrégations.
Evitons que les femmes demeurent concentrées dans certaines branches traditionnelles et dans des fonctions de management intermédiaires.
Pour cela, il est important de prendre conscience du décalage qui perdure entre la représentation des femmes dans les médias et la place réelle qu'elles occupent dans la société.
Le 30 septembre dernier, lors du Sommet de l'égalité des chances, les ministres l'ont reconnu et les Etats membres sont désormais appelés à promouvoir des actions spécifiques afin d'éradiquer les stéréotypes dans l'éducation, la culture, la formation, l'orientation professionnelle et l'emploi.
Nous ne pouvons que nous en réjouir et je tiens à nouveau à saluer le rapport de Madame Eva- Britt SVENSSON sur « l'impact du marketing et de la publicité des genres » qui va dans le sens de la démarche prioritaire que j'ai tenu à adopter en favorisant la création d'une Commission de réflexion sur l'image des femmes dans les médias, dont le rapport et les conclusions m'ont été remis le 25 septembre dernier.
Nous avons donc un long chemin à parcourir pour renforcer la participation des femmes au marché du travail, favoriser leur insertion professionnelle, reconnaître leurs compétences et valoriser leurs potentialités. C'est essentiel pour l'efficacité et la compétitivité de nos démocraties.
Toutes ces problématiques interdépendantes feront l'objet d'échanges au cours de la Conférence autour de tables rondes dédiées. Nous reviendrons ainsi sur les enjeux économiques de l'égalité professionnelle.
Nous aborderons la question des choix et des orientations scolaires afin de réfléchir à l'amélioration de la mixité des métiers et à l'accès des femmes aux postes de décision.
Nous comparerons les conditions de travail des femmes et nous nous interrogerons sur l'amélioration de la qualité des emplois ainsi que sur la sécurisation des parcours professionnels.
L'emploi féminin a été, je le répète, le principal facteur de la croissance du marché du travail dans l'Union européenne au cours de ces dernières années. S'il semble plausible, comme je l'ai dit, d'atteindre en 2010 l'objectif de 60 % de taux d'activité des femmes, il est en revanche nécessaire de faire des efforts qualitatifs, en particulier pour limiter l'impact négatif du temps partiel et des congés familiaux sur le déroulement des carrières.
Nous évoquerons également les moyens dont disposent les femmes, mais aussi les hommes pour gérer leurs temps de vie, nous analyserons l'incidence de la parentalité sur l'emploi.
Pour parvenir à l'égalité salariale, nous nous attacherons à présenter quelques leviers mobilisables tels que la négociation collective ou les politiques volontaristes des Etats. La France, par exemple, s'est engagée une démarche de concertation régulière depuis novembre 2007. Afin que les entreprises adoptent un plan d'action sur la résorption des écarts salariaux, elles sont aidées et accompagnées (un modèle de rapport de situation comparée et un guide méthodologique ont été mis en ligne sur le site du ministère du travail depuis le 26 août). Elles seront potentiellement pénalisées par une sanction financière à compter du 1er janvier 2010 si elles ne respectent ces impératifs.
Enfin, demain matin, une dernière table ronde sera axée sur la conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle en tant que facteur d'attractivité des territoires et de performance des entreprises. Nadine MORANO, Secrétaire d'Etat à la Famille, introduira cette thématique.
Notre programme est dense. Nos travaux s'attacheront à mettre en exergue les bonnes pratiques mais je compte beaucoup sur la qualité de nos échanges et de nos débats pour renforcer, s'il en était besoin, notre conviction de la nécessité d'agir en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
C'est l'affaire de toutes et de tous : les 27 Etats membres de l'Union, mais aussi les acteurs économiques, les partenaires sociaux, la société civile et le monde associatif.
Je vous remercie
Et je cède la parole à Madame Belinda PYKE, responsable de la direction chargée de l'égalité Femmes/Hommes, de l'action contre la discrimination et de la société civile à la Commission européenne.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 26 novembre 2008