Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, sur la politique de santé mentale, notamment l'offre de soins et la recherche en psychiatrie à Paris le 5 avril 2001.

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Circonstance : Journée mondiale de la santé : santé mentale, à Paris le 5 avril 2001

Texte intégral

Monsieur le Directeur,
Mesdames,
Messieurs,
L'OMS a choisi la santé mentale comme thème de la journée mondiale de la santé qui sera célébrée dans le monde entier le 7 avril.
Ceci doit nous permettre de prendre conscience que les troubles de la santé mentale affectent la vie de bon nombre de nos concitoyens de tous âges et de toutes conditions, qu'elle détériore la qualité de leur vie et met souvent en danger leur insertion dans la société.
Et pourtant ces personnes malades, ces usagers, ont été parmi les moins écoutés et les moins considérés dans notre système de soins pendant longtemps, tant il est vrai que le trouble psychique inquiète par son étrangeté, contribuant à renforcer l'isolement de celui qui en souffre.
La place de l'usager doit radicalement évoluer et c'est la raison pour laquelle le ministère de la Santé a choisi de décliner cette journée mondiale par une approche en direction des usagers, qui rejoint par ailleurs une démarche de fond engagée à la suite des États généraux de la santé de 1999, qui va se concrétiser prochainement par une loi consacrant le droit des usagers au sein du système de santé.
Au-delà, je veux profiter de cette occasion pour esquisser à grands traits les axes d'une politique de santé mentale rénovée, tels qu'ils m'apparaissent aujourd'hui indispensables.
Une large réflexion est en cours sur ce sujet, vous le savez, avec plusieurs groupes de travail à l'uvre, pilotés par la DHOS et la DGS ainsi qu'une mission confiée à deux psychiatres, Éric PIEL et Jean-Luc ROELANDT, dont j'attends les propositions détaillées avant l'été.
Mais d'ores et déjà, les pistes que je vais tracer devant vous correspondent à ce nouvel élan que je souhaite impulser et figurent dans les orientations politiques que j'ai rendues publiques il y a 10 jours.
Il me semble en effet nécessaire de poser les bases d'une refondation de la politique de santé mentale dans un cadre qui donnera lieu à une large concertation associant usagers, professionnels et représentants institutionnels, notamment les élus locaux. Celle-ci permettra d'engager un débat national essentiel au regard des enjeux de notre société. Sa traduction est susceptible de passer par une loi-cadre.
I - Le constat
La multiplication des troubles pour lesquels sont désormais sollicitées les équipes de psychiatrie, le nombre des personnes concernées, une sur trois sur la vie entière, en regard une organisation institutionnelle qui date des années 1980 et qui n'est plus totalement adaptée aux besoins des patients, imposent de refonder la politique de santé mentale et d'en faire une priorité de santé publique.
De nombreuses demandes s'expriment dans le champ de la santé mentale et de la prévention, notamment pour des manifestations qui perturbent le champ social : souffrance des jeunes, souffrance des exclus, stress au travail
Le nombre des personnes suivies a considérablement augmenté, que ce soit dans le dispositif public ou privé. Un quart des patients qui consultent en médecine générale présentent des troubles mentaux.
Dans le même temps, on observe en France la densité de psychiatres la plus élevée de l'Union européenne, avec 22 psychiatres pour 100 000 habitants, soit 4 fois plus qu'il y a 30 ans. Malgré cela, plus de 10% des postes du secteur public ne sont pas pourvus. Enfin, il existe une répartition très inégale sur le territoire, ce qui n'est pas sans répercussions pour un égal accès aux soins.
On observe également une évolution tendant à mieux prendre en compte la personne dans sa globalité, dans sa vie. Ainsi, à travers les schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS), la question de l'appui technique à apporter aux structures sociales est abordée dans plus de la moitié des régions. Dans l'élaboration des programmes régionaux d'accès aux soins et à la prévention (PRAPS), il y a de nombreux projets innovants, adaptés. Les secteurs sont partenaires ou à l'origine de nombreux points écoute. De plus en plus de réseaux originaux se mettent en place, en psychiatrie d'adultes comme en pédopsychiatrie.
Pourtant cette approche reste limitée à un petit nombre de professionnels, ce qui impose les constats suivants :
1 - La logique de la sectorisation qui correspond à la mise en uvre d'une psychiatrie communautaire n'a pas atteint tous ses objectifs :
- Elle est restée principalement centrée sur le soin médical direct, sans d'ailleurs aboutir totalement à l'intégration de ces soins dans la communauté, même si le nombre de patients suivis en ambulatoire a fortement augmenté.
- Les missions de prévention et de réadaptation ont été peu développées alors qu'elles constituent des axes essentiels d'une politique de santé mentale.
- La nécessaire articulation des prises en charge sanitaire, médico-sociale et sociale est mal assurée et rencontre de nombreux obstacles liés au fait d'une part, que ces structures relèvent de régimes juridiques distincts d'autorisation et de financement et d'autre part à une insuffisante clarification des spécificités et complémentarités des rôles de chacun.
2 - L'offre de soins est très inégalement répartie sur le territoire, qu'il s'agisse des structures de soins ou des moyens humains.
- Les hôpitaux spécialisés sont souvent distants des populations qu'ils desservent, historiquement implantés en dehors des zones urbaines pour la plupart.
- Les structures alternatives à l'hospitalisation sont insuffisamment développées (hôpitaux de jour, accueil familial thérapeutique).
- On observe un déséquilibre entre l'offre publique et l'offre libérale et entre les régions.
- L'organisation actuelle de l'offre de soins apporte peu de réponse aux situations d'urgence caractérisée, notamment au domicile des patients.
3 - La recherche en psychiatrie est peu développée.
De ce fait, les pratiques professionnelles sont peu codifiées. L'enseignement quant à lui apparaît incomplet, très orienté sur la prise en charge hospitalière des patients.
4 - Enfin, l'image attachée à la maladie mentale a faiblement évolué et la stigmatisation des malades reste forte.
Les usagers du dispositif de santé mentale et leurs familles, de plus en plus constitués en corps social actif, sont demandeurs d'une évolution des modalités de prise en charge susceptibles de les relayer dans leur difficile parcours. Ils souhaitent ardemment que l'image de la santé mentale évolue et revendiquent les mêmes droits que ceux de l'ensemble des usagers du système de soins et des dispositifs sociaux.
Or, l'élan des pionniers du secteur, peut-être face à la montée et à la modification des demandes exprimées, ne semble plus en capacité d'apporter une réponse suffisamment forte à l'expression de ces besoins. Il faut relancer cette dynamique.
Nous sommes là au cur de l'action que mène le Gouvernement de la reconnaissance pleine et entière de l'usager au sein du système de soins et dont l'un des axes forts passe par la loi de modernisation du système de santé, que vous avez évoquée ce matin.
Les usagers en santé mentale sont pionniers, puisqu'ils ont déjà accompli un travail, inscrit dans cette reconnaissance mutuelle avec les soignants, en signant le 8 décembre 2000 une "charte de l'usager en santé mentale" avec les représentants des médecins des établissements spécialisés en santé mentale. Je tiens à saluer cette démarche de respect mutuel qui donne aux malades un véritable statut d'acteur et non plus de sujet passif.
Il nous appartient de poursuivre dans cette voie.
Je distingue 3 axes essentiels d'un projet futur, dont la mise en uvre suppose une transformation profonde de l'organisation actuelle.
Cela nécessitera du temps, nous le prendrons. D'autres pays s'y sont lancés et en une dizaine d'années ont totalement modifié la prise en charge des personnes ayant des troubles mentaux, leur proposant des thérapeutiques diversifiées et un accompagnement social, culturel et professionnel digne du respect dû aux malades.
La France qui peut s'honorer de la création du secteur dans les années 60 est aujourd'hui devancée dans sa pratique à l'égard des malades. Je souhaite lui rendre son rang et sais pouvoir compter sur vous.
II - La réflexion doit s'articuler autour de 3 axes :
1er axe - Renforcer la place des usagers dans le dispositif de santé mentale et affirmer les droits des malades en limitant les procédures de contrainte aux situations thérapeutiques qui le nécessitent strictement.
Il s'agit ici d'impulser un réel changement culturel à l'égard des usagers du dispositif de santé mentale. Cette orientation suppose leur participation dans les décisions qui les concernent, la prise en compte de l'ensemble de leurs besoins ainsi que le respect de leurs droits. Les propositions du projet de loi portant modernisation du système de santé vont en ce sens, en élargissant aux usagers la composition des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques.
Afin de permettre aux usagers de jouer tout leur rôle dans ce dispositif, il convient de mieux les associer en amont de l'organisation du dispositif de santé, notamment par la participation aux instances de concertation nationale et locale (conférence nationale et régionale de santé) dans lesquelles ils se trouvent en capacité de représenter les intérêts des citoyens, aux côtés des professionnels de santé et des institutionnels.
De la même manière les usagers, d'ores et déjà représentés dans les instances délibératives des établissements de santé doivent à cet échelon pouvoir positionner fortement leurs attentes spécifiques, en matière notamment de qualité d'accueil et d'information.
Une sensibilisation de l'ensemble de la population à ces problématiques est également gage de ce changement.
De nombreux exemples européens nous montrent qu'il est possible de fédérer les usagers du dispositif de santé mentale, en vue de faciliter les démarches de personnes que leur condition rend plus vulnérables. Je tiens à saluer ici les représentants des usagers étrangers qui participent à cette journée et qui vont s'exprimer sur leurs expériences cet après-midi.
Le Québec s'est doté de " groupes de défense et de promotion des droits des personnes atteintes de troubles mentaux " ainsi que de " groupes de bénéficiaires " auprès de chaque établissement de santé, qu'il soutient activement.
Les Pays-Bas poursuivent la même logique, les associations locales d'usagers étant fédérées dans une vaste association nationale influente.
En Grande-Bretagne, le système est très développé et jouit d'une certaine ancienneté en lien notamment avec la réforme du dispositif de santé mentale initié de longue date dans ce pays. Le financement des associations est assuré d'une part par les services sociaux, mais également par des entreprises privées sous la forme d'un mécénat ce qui traduit d'ailleurs une appréhension différente de la maladie mentale dans ce pays.
En Suède, la puissante association nationale d'usagers décline sa représentation au plan local et bénéficie à ce niveau de subventions des hôpitaux.
Au-delà de cette orientation, visant à permettre aux usagers de se constituer en acteur incontournable du dispositif de santé mentale, je souhaite proposer une révision de la loi actuelle de 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux . En effet, le Conseil de l'Europe, la jurisprudence, l'évolution des attentes par rapport à la psychiatrie et des dysfonctionnements constatés dans l'application de cette loi amènent à reconsidérer ces dispositions.
On note par exemple le développement des hospitalisations sans consentement, après une mesure d'urgence, pour un public qui relève de plus en plus de troubles du comportement, à la suite d'une alcoolisation excessive par exemple.
La durée des sorties d'essai, prononcées à la suite de mesures d'hospitalisation d'office, qui ne sont pas levées, s'est considérablement allongée. Elle donne lieu à une sorte de contrainte implicite aux soins. On peut dès lors se demander si la restriction du traitement psychiatrique obligatoire au seul milieu hospitalier est aujourd'hui pertinente. En effet, l'organisation d'un dispositif de soins implantés dans la communauté doit permettre la mise en place d'un soin obligatoire en ambulatoire.
A ce titre, il me semble indispensable de procéder avant toute décision de soins contraints ou non, à une observation poussée de l'état psychiatrique et somatique de la personne, de son environnement et de l'étayage dont elle peut disposer. Ce n'est qu'à l'issue de cette période, que les psychiatres proposent généralement d'une durée maximale de 72 H, permettant dans la plupart des cas la stabilisation des états de décompensation psychiatrique, qu'une décision d'orientation pourra être prise.
Cette période d'observation doit conduire à limiter le nombre des hospitalisations.
Il est indispensable, pour des raisons évidentes tenant à la qualité et à la proximité des soins prodigués pendant ces 72 heures, que cette période d'hospitalisation ait lieu dans un établissement répondant à cette exigence d'une prise en charge globale de la santé de la personne, c'est à dire à proximité du service des urgences de l'hôpital général.
2ème axe : Centrer la mise en uvre de la politique de sectorisation sur les besoins des usagers.
Il convient en premier lieu de développer une prise en charge centrée sur les besoins de l'individu dans son environnement et intégrant dès l'accès au dispositif de santé mentale, les deux dimensions sanitaire et sociale.
Pour cela, il faudra organiser des passerelles entre les dispositifs sanitaires, médico-sociaux et sociaux de manière à pouvoir faire alterner ou coexister, lorsque cela est nécessaire, des périodes de soins et de prise en charge sociale. Il s'agit de bâtir en collaboration et autour de l'usager un plan de services correspondant à ses besoins dès le début de son entrée dans le système de soins et non de rechercher à la hâte des solutions alternatives sociales ou médico-sociales à une hospitalisation qui doit prendre fin.
Cela suppose une adaptation et une réactivité des dispositifs sociaux et médico-sociaux d'orientation et de prise en charge existants à ce type de situation. Cette adaptation et cette réactivité seront d'autant plus facilitées que les équipes seront soutenues par l'accompagnement apporté par les professionnels de la psychiatrie.
Je souhaite en outre impulser une réelle politique de prévention.
En effet la prévention seule permet d'éviter la constitution de certains troubles ou de limiter les effets de certains autres à travers le repérage, le diagnostic précoce, la prise en compte de l'environnement.
A titre d'exemple le repérage des difficultés autour de la naissance et dès les premiers âges de la vie, le diagnostic précoce ainsi que la mise en place d'une prise en charge à proximité du lieu de vie, l'organisation d'un lien avec l'ensemble des professionnels intéressés par l'enfance et la jeunesse représentent des enjeux de prévention prioritaires de nombreux troubles mentaux ou psychosociaux qu'ont à connaître les jeunes.
C'est un exemple, il y en a d'autres, tels que le programme pluriannuel d'actions contre le suicide mis en place en 2000.
Je suis également attaché au développement des interventions précoces à domicile par les équipes de psychiatrie. Elles permettent de prévenir la crise ou l'urgence grâce à un soutien actif des personnes et des familles. Des équipes mobiles devront être mises en place. Leur intervention favorisera l'accessibilité aux soins et limitera les indications de l'hospitalisation psychiatrique en offrant un travail de crise et une réponse graduée en utilisant toutes les ressources de réponses alternatives possibles.
Il convient aussi de rénover les méthodes de planification régionale dans le cadre d'un SROS unique, proposant un volet " psychiatrie " obligatoire et concevant la psychiatrie comme une discipline médicale à l'instar des disciplines de médecine, de chirurgie et d'obstétrique. Les régions Franche-Comté, Languedoc Roussillon et Lorraine se sont inscrites dans une démarche de ce type en intégrant un volet psychiatrie dans leur SROS et la Haute-Normandie dispose d'ores et déjà d'un SROS unique. C'est une orientation à généraliser.
De même, une réflexion s'impose désormais sur la nature et la localisation des établissements de santé accueillant les patients. En effet, la prise en charge au plus près du lieu de vie, dans la communauté, constitue le premier élément d'une stratégie thérapeutique adaptée.
En ce sens, le rattachement des secteurs aux hôpitaux généraux et le développement des services de psychiatrie dans ces établissements a constitué une avancée qu'il faut désormais amplifier, voire dépasser, en cohérence avec l'organisation par bassin de vie ou territoire pertinent. Ce rapprochement passe par :
- le développement des alternatives à l'hospitalisation,
- le renforcement des visites à domicile,
- le développement de l'hospitalisation à domicile,
- et le recours accru à l'accueil familial thérapeutique.
Il pourra également prendre la forme de consultations dans les centres sociaux et devra trouver sa place dans les réflexions relatives aux maisons de santé
Il est indispensable d'orienter les financements en ce sens, c'est à dire en privilégiant le développement des dispositifs implantés dans la communauté et en limitant celui des services d'hospitalisation complète.
Dès lors, les admissions de nouveaux patients ne pourront plus intervenir dans des établissements éloignés des lieux de vie des personnes malades car ils ne présentent pas toutes les garanties de réinsertion dans la société. Un redéploiement progressif de ces structures au plus près de la population est mon objectif essentiel, avec une disparition à terme des structures d'hospitalisation à distance de leurs bassins de vie.
Je le redis : la santé mentale doit être précurseur d'une organisation nouvelle, avec une articulation entre les champs sanitaire, social et médico-social.
Je propose de bâtir un cadre institutionnel de négociation entre les représentants de l'Etat, les Agences régionales d'hospitalisation, les élus locaux (conseils généraux et municipalités), les acteurs sanitaires et sociaux et les usagers permettant de bâtir une cohérence d'ensemble.
Je compte proposer qu'une ou deux régions pilote essaient ainsi de définir une nouvelle synergie entre tous ces acteurs qui souvent n'agissent qu'au non de leur logique propre.
Par ailleurs, d'importants chantiers en cours dans le champ social et médico-social (mise en uvre de la future loi rénovant l'action sociale et médico-sociale, réflexion engagée sur la rénovation de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées) devront permettre d'améliorer la qualité, l'adaptation et l'articulation des réponses médico-sociales avec les soins.
3ème axe : Faire évoluer les pratiques professionnelles en lien avec la nouvelle organisation projetée :
Le développement du travail en réseau constitue un élément incontournable de cette nouvelle approche visant à placer l'usager au cur du dispositif.
Les équipes de secteur doivent être à l'initiative de la constitution de ces réseaux, en relation avec l'ensemble des professionnels susceptibles d'intervenir dans le parcours de l'usager. Certains psychiatres libéraux souhaitent d'ailleurs que leurs patients accèdent aux stratégies thérapeutiques proposées par les secteurs (CATTP, hôpitaux de jour).
S'agissant de la relation avec le médecin généraliste, il faut rappeler que d'ores et déjà ces professionnels participent très largement au dispositif de santé mentale. Ils sont d'accès facile et leur image est plus neutre que celle attachée aux psychiatres et aux psychologues. En revanche, leur pratique est généralement isolée. Là encore le travail en réseau autour d'un patient, permet de répondre à ce travers.
Au delà, l'allongement projeté du 3ème cycle de médecine générale intégrera des stages en santé mentale. En effet, le reproche le plus souvent fait à l'égard de ces études n'est pas tant l'absence de connaissances théoriques qu'un manque de pratique à l'égard de ces patients. La formation en lien avec le psychiatre, à l'occasion des stages précités, permettra de mieux faire partager la spécificité de cette discipline.
L'économie générale de la sectorisation psychiatrique requiert trois dimensions, médicale, psychologique et sociale. Elles imposent au psychiatre de s'entourer d'une équipe pluridisciplinaire, composée notamment de psychologues, de professionnels infirmiers, de professionnels de rééducation (psychomotriciens, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes) et de travailleurs sociaux.
Afin d'organiser les articulations de compétence attendues des patients, les professionnels paramédicaux et sociaux doivent être formés à des approches communes. Il s'agit en effet de leur permettre de développer une culture qui facilite l'élaboration d'un travail commun autour des besoins de santé mentale. Les programmes de formation initiale doivent sensibiliser à cette approche culturelle croisée et la formation continue doit donner l'occasion de ces rencontres sur un territoire partagé.
Il y a également débat aujourd'hui sur la question de l'encadrement de l'exercice des psychothérapies. Certains abus, sur des personnes généralement vulnérables, peuvent nous inciter à limiter l'accès à un titre de psychothérapeute à des professionnels dûment formés et présentant toutes les garanties nécessaires. En ce sens, notre pays doit développer une évaluation fine des techniques de psychothérapie qui font consensus dans la communauté scientifique. C'est à l'ANAES de mener cette analyse et je vais l'en charger.
D'une manière générale et plus particulièrement en santé mentale, les ressources humaines constituent un élément central et sont à même de proposer un changement dans une approche jusqu'alors segmentée entre filière professionnelle au profit d'une appréhension plus globale des problématiques de santé mentale.
CONCLUSION
En conclusion, le chantier est immense, car parler de santé mentale, c'est parler de bien plus que de médecine, c'est se préoccuper d'insertion, être attentif à l'accompagnement social, toutes dimensions qui ne peuvent être efficaces que coordonnées.
Le défi du moyen terme repose sur l'articulation renforcée des différents acteurs impliqués, au-delà des expériences de terrain un peu isolées que l'on connaît ici ou là qui montrent cependant la faisabilité de telles approches.
Il faut rendre ces coopérations institutionnelles obligatoires autour de la réponse aux besoins des malades.
Des réformes sont nécessaires et ma volonté est claire pour les conduire avec vous.


(Source http://www.sante.gouv.fr, le 6 avril 2001)