Discours de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur la mission de l'armée française au Kosovo, Mitrovica, le 3 avril 2001.

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Circonstance : Déplacement de M. Alain Richard, ministre de la défense, à Mitrovica, Kosovo, le 3 avril 2001

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Il y a évidemment beaucoup parmi vous que je découvre pour la première fois puisque depuis mon dernier passage en janvier, la plupart des unités ont tourné. Vous le savez, nous avons choisi de relever un défi extraordinairement difficile, il y a deux ans et demi, à l'automne 98, quand, avec nos alliés et nos partenaires de l'Union européenne nous avons décidé de nous opposer par les armes à la démarche de persécution et de nettoyage ethniques entreprise par les autorités yougoslaves de l'époque. Aussi, aujourd'hui à Mitrovica, je veux vous dire que nous avons atteint une grande partie de nos objectifs. Quand je fais la comparaison avec d'autres tentatives qui ont été faites par la communauté internationale et auxquelles nous avons participé de surmonter des problèmes internationaux particulièrement difficiles, je continue à vérifier que l'engagement de la démarche que nous avons choisie de suivre ici avance vers le succès.
La première chose bien sûr c'est que les premiers contingents avant vous ont été capables de réinstaller des centaines de milliers de personnes qui avaient été chassées par la terreur de leur région d'habitation et qui avaient été auparavant persécutées, placées en position de domination pendant des années et donc concrètement, nous avons inversé l'épuration ethnique. Ensuite, nous nous sommes trouvés et nous sommes encore confrontés à des comportements de violence, d'agressivité, de détournement de la loi qui découlent de décennies, parfois de siècles de confrontations violentes et d'injustices réciproques entre les communautés de cette partie de l'Europe. Et ce qui est très frappant, c'est qu'en particulier dans la zone de cette brigade où pourtant les conditions sont parmi les plus difficiles, nous avons obtenu trimestre après trimestre une baisse du nombre d'actes de violence et de la gravité des menaces qui a été constante. Je suis cette évolution avec beaucoup d'attention et j'ai pu vérifier l'ensemble des données sur le nombre d'atteintes aux personnes, le nombre de menaces, les incidents divers. On voit bien qu'au cours de la fin de l'année 1999, de l'année 2000 et le début de cette année on a, à certains moments des remontées de violences et des affrontements surtout en zone urbaine dont la brigade nord assure la maîtrise, mais le travail de fond de mise en place d'un contrôle efficace et sans aucun débordement de force, ce travail porte ses effets. Nous avons aujourd'hui des conditions de sécurité que ce pays n'a jamais connu depuis des générations.
Nous avons aussi su travailler de façon méthodique souvent avec des moyens limités pour rétablir progressivement l'ensemble des fonctions de vie courante dans ce secteur. Et si vous parlez avec les gens de la rue, avec la population vous pouvez vérifier que l'organisation matérielle de la vie locale, tout ce qui est services publics, tout ce qui est activités de première nécessité, là encore sont aujourd'hui en meilleure situation que ce qu'ils ont connu au cours de toute la dernière génération. Et tout cela a été fait en grande partie - et en plus des missions de sécurité et de protection à caractère militaire - par les hommes et les femmes de la KFOR et de la brigade nord. Nous avons aujourd'hui, bien sûr des problèmes plutôt de nature politique qui restent devant nous puisqu'on sait bien que les communautés qui sont en présence ici et en particulier dans cette zone de Mitrovica ont des raisons anciennes, des réactions ancrées qui les conduisent à se méfier et à se confronter, nous le savons. Et ce serait naïf d'imaginer que quelque action politique ou militaire que ce soit pourrait supprimer ce sentiment d'opposition et de méfiance en quelques années.
La rationalité et la logique conduisent à penser qu'il faudra vivre avec ce sentiment d'opposition pendant encore très longtemps. Mais ce que nous voyons, c'est que la part du recours à la violence se réduit petit à petit, je veux souligner en particulier puisque j'en parle à chacun de mes déplacements que la recherche des armes et les obstacles mis à tout ce qui est trafic d'arme, tout ce qui est utilisation de moyens permettant d'exercer l'intimidation fait des progrès grâce à une meilleure connaissance du terrain à une acquisition progressive d'expérience et un savoir-faire de renseignement qui nous permettent par exemple au cours des trois ou quatre dernières semaines d'avoir fait des interceptions nombreuses et particulièrement bien réalisées de matériel d'armement qui était prévu pour offrir un soutien aux quelques centaines de " guérilleros " qui se sont engagés dans un conflit au nord de la Macédoine.
De même la protection des zones de contact entre les communautés, là où il y a le plus d'incidents, nous a permis de rétablir une situation de stabilité à Mitrovica qu'on n'avait pas connue depuis longtemps. J'ai été frappé au cours des deux années d'expérience ici par le fait que les quatre ou cinq périodes de montées d'incidents et de confrontations en zones urbaines qui s'enclenchaient les unes derrières les autres duraient suivant les moments, dix jours, vingt jours, parfois presque un mois, mais quand on revenait à la phase de stabilité après ces incidents, on avait un niveau de sécurité qui était meilleur que la fois précédente. Donc je crois qu'il faut que chacun, et chacune de vous, vous vous disiez que le travail que vous faites est vraiment exceptionnel. Vous savez par vos camarades, par des anciens que nous avons été engagés, que nous sommes encore engagés dans d'autres opérations où l'obtention de résultats est beaucoup plus lente et beaucoup plus incertaine. Ici, je sais bien que nous avons encore du travail pour des années et des années et qu'il faudra garder toute la vigilance et tout le souci d'efficacité que nous avons eu jusqu'à maintenant. Mais quand on regarde les photographies tous les six mois ou tous les ans de la situation au Kosovo et en particulier à Mitrovica, nous pouvons être particulièrement fiers du travail que vous avez fait.
J'ajoute que nous travaillons en coalition, nous travaillons au coude à coude avec un grand nombre d'alliés et partenaires, beaucoup évidemment de nos partenaires de l'Union européenne mais aussi des pays amis venant de plus loin. Nos amis marocains, nos amis algériens et bien entendu l'ensemble des membres de l'alliance. Dans ce travail en coopération, en coalition, nous apprenons les uns les autres, nous nous perfectionnons, nous nouons aussi des relations de confiance que nous n'avions pas parfois. Bien sur on a des différences, on a parfois des divergences sur les méthodes, des divergences sur les conceptions d'actions militaires mais le commandement de la KFOR, là aussi, chemin faisant grâce à l'expérience à pu surmonter ses difficultés et ses risques. Et par rapport à bien d'autres situations que j'ai pu observer, là-aussi le fonctionnement collectif de la KFOR est quelque chose qui je crois peut nous inspirer de la satisfaction et nous en retirerons des enseignements et du savoir-faire pour d'autres opérations que nous pourrons avoir à mener. Donc pour toutes ces raisons, je veux vous rendre hommage pour le professionnalisme et la capacité de maîtrise de situations difficiles et la persévérance dont vous faites preuve, le Président de la République et le Gouvernement vous disent toute la confiance que nous vous faisons, tout l'encouragement que nous vous apportons pour la suite de votre mission, les Français sont fiers de ce que vous faites. Bien entendu le Kosovo aujourd'hui n'est plus à la une de l'actualité, sauf épisodiquement lorsqu'un incident, lorsqu'une difficulté survient ça c'est la loi inévitable de l'actualité, mais lorsqu'on interroge les Français, lorsqu'on les consulte par des enquêtes pour leur demander leur vision de ce qu'à été notre action au Kosovo, de ce qu'ils en pensent maintenant, il y a une profonde adhésion au choix de prises de responsabilité qu'à été le nôtre et c'est certainement une des situations qui conduit au niveau très élevé de soutien et de confiance qui a été exprimé par nos concitoyens envers les forces armées. Vous travaillez ici en interarmées, il y a des représentants de l'ensemble de l'institution militaire, vous savez travailler au coude à coude, donc pour tout cela je tiens à vous rendre hommage, à vous souhaiter bon courage pour la suite et je suis particulièrement heureux de pouvoir passer cette soirée de façon conviviale et chaleureuse avec vous. Merci beaucoup.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 13 avril 2001)