Texte intégral
Conseil national de la vie lycéenne
jeudi 29 mai 2008
Allocution de M. DARCOS
Bonjour. Je ferai une présentation assez brève de nos travaux car je dois partir rapidement. En effet, il y a un conseil des ministres. Habituellement, c'est le mercredi. Aujourd'hui, il a lieu le jeudi car le Président était hier en Pologne. Je dois partir dans 10 minutes mais je reviendrai à la fin du Conseil, vers midi, pour faire les conclusions d'une part et, d'autre part, pour déjeuner ensemble.
Bienvenue à tous.
Je suis heureux de recevoir tous les conseillers nationaux du Conseil national de la vie lycéenne (CNVL). Nous commençons à nous connaître, car j'ai déjà vu plusieurs d'entre vous avec qui j'ai parlé, et je suis aussi heureux d'être entouré par la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) puisque nous allons aborder des sujets qui vous concernent et relèvent essentiellement de ses missions. Vous avez aussi aujourd'hui près de nous, le recteur d'Aix-Marseille, non pas en tant que recteur, car - c'est un secret de polichinelle même si ce n'est pas officiel - il aura à piloter la mission que je viens de créer pour la réforme du lycée. Il sera votre interlocuteur sur ces questions de fond que nous allons bientôt ouvrir.
Vous avez aussi près de moi des représentants de l'inspection générale bien évidemment et des chefs d'établissement et des diverses structures qui concourent à faire collaborer les questions de jeunesse et de lycée.
Je remercie les conseillers nationaux, d'autant que vous êtes peut-être pour plusieurs d'entre vous en pleine révision de vos examens, du moins je l'espère. Je vous souhaite bonne chance. Ne prenez pas cet air catastrophé : généralement, on arrive à avoir le bac si l'on fait un petit effort. Certainement, si vous avez été élus par vos camarades, c'est que vous êtes des élèves brillants et que vous vous êtes fait remarquer.
Comme vous le savez le sujet qui nous préoccupe maintenant est l'avenir du lycée.
Nous avons ouvert de nombreux chantiers cette année. Nous nous sommes surtout consacrés à l'enseignement primaire et, malgré les protestations des uns et des autres, nous avons fait ce que nous devions, à savoir recentrer l'école primaire sur les fondamentaux, sur ce dont les élèves ont besoin pour structurer la suite de leur carrière. Maîtriser les outils fondamentaux du langage, des mathématiques, avoir des repères clairs et simples pour les petits enfants de 6 ans à 10 ans, de sorte que leur départ vers leur collège se passe bien. Nous instaurons également à la rentrée prochaine des dispositifs de remédiation pour ceux qui se trouvent en échec précoce, car il faut savoir qu'aujourd'hui un élève qui, par exemple, redouble le CP n'a jamais son bac. Pas d'exception, les chiffres sont formels. Il est très important de ne pas rater le départ. Nous nous sommes beaucoup concentrés sur le premier degré en créant cet accompagnement éducatif, ces stages de remédiation pour ceux en difficulté en CM1 et CM2.
Les programmes du collège sont en voie de se réformer. Je n'y touche pas trop car le collège est déjà en pleine mutation et il est inutile de précipiter les choses.
En revanche, le lycée est le sujet de l'année qui vient ou des années qui viennent car ce sera une très longue tâche.
Je suis content que vous puissiez commencer à en parler, aujourd'hui notamment.
J'ai rencontré plusieurs d'entre vous, y compris dans une période où j'étais accueilli aussi avec des cornes de brume, mais c'était très sympathique. J'ai rencontré une partie du CAVL de Strasbourg le 21 avril. Les personnes de Strasbourg sont-elles présentes ? Oui. M. Laamach était là et avait dit ensuite que je ne les avais ni écoutés, ni compris. Est-ce vrai, est-ce ce que vous l'avez dit ?
M. A. LAAMACH.- J'ai dit que je n'étais pas d'accord avec vous.
M. DARCOS, ministre.- Vous avez tout à fait raison de le dire et c'est pour cela que nous nous parlons, sinon cela ne présente pas d'intérêt. Vous avez bien fait de dire ce que vous pensiez.
Nous avons, au cours du mois de mai, consulté l'ensemble des CAVL et eu une petite journée de rencontre. Ensuite, j'ai reçu le 14 mai dernier quelques-uns d'entre vous pour identifier les points de convergence. Nous avons élaboré un document qui s'intitule « Points de convergence » - je ne sais plus très exactement - qui commence à voir ce sur quoi tout le monde s'accorderait. Ce sera plus compliqué ensuite de transformer cela en propositions, mais les constats, ce que les élèves, les professeurs, les chefs d'établissement, les pédagogues, les cadres disent du lycée, constituent une première étape. Qu'est-ce qui semble ne pas fonctionner ? Repérons déjà cela, puis nous verrons comment passer à la deuxième phase qui est la réforme elle-même.
Juste pour introduire le débat (excusez-moi de parler seul et rapidement, mais compte tenu du fait que j'ai peu de temps, je reviendrai ensuite pour voir comment vous avez réagi), quatre séries de questions peuvent être posées. Je vous donne mon sentiment et vous me direz à la fin de la matinée si vous me rejoignez.
- Tout d'abord, sur ce qui se passe une fois que l'on a obtenu son bac. Comment se fait-il que les lycées français préparent si mal à la poursuite d'études ? Nous sommes le seul pays au monde à avoir pratiquement un élève sur deux qui a obtenu son bac et qui ne parvient pas à acquérir un diplôme du supérieur au bout de trois ans. C'est un chiffre considérable. Nous perdons 150 000 élèves en cours de formation sur la montée vers le bac, en particulier dès que l'on arrive à l'âge de seize ans : nous larguons on ne sait où 150 000 élèves, disparus sans qualification. Mais ce n'est pas tout.
Ensuite, ceux qui arrivent jusqu'au baccalauréat, qui le passent et même ceux qui le passent dans de bonnes conditions, quand on les retrouve trois ans après, la moitié d'entre eux n'a rien. Se pose tout de même un problème d'adaptation du lycée.
Peut-être la terminale est-elle trop tournée vers le passé - une sorte de bilan de ce que l'on a acquis petit à petit - et peut-être faudrait-il se poser la question pour savoir comment elle se connecte si mal avec la poursuite d'études dans le supérieur ...
- Deuxième remarque : je fais des constats. Après, nous verrons comment y répondre. Au lycée, globalement, 15 % des élèves redoublent au moins une fois sur trois ans (je crois que le chiffre est à 18 % au collège). Si vous prenez la totalité collèges et lycées vous êtes à 18 ou 19 %. C'est considérable. Un élève sur cinq a redoublé au moins une fois au lycée, et si on cumule ce chiffre avec les élèves du premier degré qui sont aussi à 15 ou 20 % de redoublants, finalement, 1/5ème de nos élèves redoublent au moins une fois.
C'est parfois très utile. Pour certains c'est bien, cela permet de se retrouver, de « réamorcer la pompe » et de repartir sur de bonnes bases, mais c'est considérable et, là aussi, c'est un chiffre que personne ne connaît. Il n'y a pas un autre pays développé au monde qui fasse perdre un an de scolarité à un élève sur cinq.
Si le redoublement avait une efficacité sur le parcours scolaire ... « Après tout, un sur cinq, c'est très bien car cela leur permet de réussir », mais ce n'est pas le cas ou parfois le cas, très rarement. On ne constate pas de corrélation réelle, régulière et systématique entre le fait de redoubler et d'avoir un parcours scolaire meilleur. C'est une question qu'il faut que nous nous posions. Comment éviter les redoublements ? Comment peut-on, quand un élève commence à montrer des signes de faiblesse, créer pour lui un accompagnement particulier, des cours complémentaires, un travail différent, quitte à ce qu'il ne soit pas tout à fait au niveau pour passer dans la classe supérieure et, si on le fait passer quand même, comment l'accueillir dans la classe supérieure pour l'accompagner dans la discipline où il ne va pas bien, plutôt que dans son échec ?
- Troisième remarque : l'orientation.
S'il y a tant de sorties sans qualification, c'est sans aucun doute que nous orientons mal. J'ai encore vu hier une série d'articles et des papiers sur ce sujet. Le système d'orientation ne fonctionne pas bien. Vous l'aviez par ailleurs dit dans l'un de vos rapports précédents. Vous avez raison. Nous ne savons pas très bien qui le fait. Ceux qui le font sont peu nombreux ou pas forcément qualifiés. Il existe des systèmes d'orientation très nombreux. Certains sont faits par les régions, ou d'autres partenaires institutionnels ... Comment faire pour que cette orientation aille mieux et, en particulier, que ce qui a été mis en place, la pré inscription en terminale, soit efficace ? « Je ne sais pas si c'est efficace » me direz-vous « car cela vient juste de commencer ».
- Le quatrième sujet est celui que vous évoquez généralement en premier, et vous avez raison : les jeunes d'aujourd'hui, lycéens entre 16 et 19 ans, voire 16 et 20 ans pour certains d'entre eux dans les lycées professionnels, ne ressemblent nullement aux lycéens de 16 ans à 20 ans tels qu'ils étaient quand le lycée a été conçu. Vous êtes très différents de ceux de ma génération et beaucoup plus autonomes. Vous avez d'autres moyens d'acquérir le savoir. Vous utilisez de l'information par l'électronique, par Internet. Vous avez une maturité sur des sujets politiques ou sociaux sans comparaison avec celle que pouvaient avoir les générations précédentes. Bien souvent, vous êtes déjà un peu autonomisés par rapport à vos familles.
Le lycée a été conçu il y a deux siècles et même le lycée de l'après-guerre n'avait pas été prévu pour cela. Ont été mis en place progressivement des systèmes destinés à enregistrer les réactions du public. Par exemple, le fait de reconnaître la démocratie citoyenne. Par ailleurs, on a organisé des dispositifs du type de celui que vous représentez, pour faire en sorte que cette maturité, cette transition vers la vie adulte, soient prises en compte.
Je crois que nous avons beaucoup à faire pour réfléchir à ce que l'on peut répondre aux 16-18 ans, ceux que j'appelle le corps préélectoral, ceux qui dans deux ans seront tous des électeurs ou le sont quasiment déjà.
Peut-être le lycée doit-il y contribuer ?
Je termine en disant (je reviendrai tout à l'heure. Excusez-moi, mais je suis pressé) que ces quatre constats ne me disent pas ce qu'il faut que je fasse.
Je fais des constats, je n'en tire pas des conclusions. Je ne sais pas encore. Je n'ai pas d'idée préconçue sur le lycée. J'ai mes idées, et nous en avons tous. Jean-Paul de Gaudemar, et je présume que Jean-Louis Nembrini et d'autres également, mais pas de solutions. Nous n'avons pas un projet clé en main et, de ce fait, le débat que je veux avoir avec vous sur la vie au lycée est un débat de bonne foi.
Je voudrais que nous tentions de construire ensemble des pistes. Ensuite, nous verrons et nous prendrons nos responsabilités. Ce sont des décisions politiques. Nous verrons les réformes que nous considérons comme essentielles. Je n'en parlerai pas qu'avec vous, mais avec les professeurs bien évidemment, les chefs d'établissement, les adultes concernés, tout le monde : c'est un débat et un sujet véritablement ouverts.
La preuve en est que nous avons eu une première réunion l'autre jour avec Jean- Paul Gaudemar, que je connais depuis longtemps, et avec le Directeur général de l'enseignement scolaire ; nous étions plusieurs, mais n'étions pas tous d'accord. Même entre nous, nous ne maîtrisons pas encore ce que nous voulons donner. C'est un débat de bonne foi, ce qui prouve que nous avons besoin de vous. Personne mieux que les lycéens ne peut dire ce qui se passe au lycée. Voilà ce que je crois. Il s'agit non pas de nous dire ce que nous devons faire forcément, mais dans tous les cas, ce que vous ressentez, ce que vous percevez et ce qu'il est possible de faire.
Je vous demande de vous engager dans cette réflexion sur la réforme du lycée. Je pense aussi que ce matin vous allez parler du fonctionnement de la démocratie lycéenne. Nous avons vu dans cette période un peu animée à quel point nous avions besoin d'interlocuteurs. La démocratie lycéenne est bénéfique pour vous, évidemment, et c'est ce que nous souhaitons, mais aussi pour les responsables politiques que nous sommes actuellement. Elle le sera pour mes successeurs aussi, car cela permet d'avoir un interlocuteur en cas de difficulté. Quand il y a eu les mouvements de lycées sur les postes, le fait d'avoir des interlocuteurs a ainsi été très utile. Nous avons besoin de la démocratie lycéenne.
Vous avez beaucoup d'honneur car c'est la première fois que Jean-Paul de Gaudemar intervient en tant que chargé de mission sur la réforme du lycée. Il vous donnera la primeur de la manière dont il conçoit sa mission. Est-ce tout Monsieur Parisot ? A tout à l'heure et bon courage.
Source http://www.vie-lyceenne.education.fr, le 3 décembre 2008
jeudi 29 mai 2008
Allocution de M. DARCOS
Bonjour. Je ferai une présentation assez brève de nos travaux car je dois partir rapidement. En effet, il y a un conseil des ministres. Habituellement, c'est le mercredi. Aujourd'hui, il a lieu le jeudi car le Président était hier en Pologne. Je dois partir dans 10 minutes mais je reviendrai à la fin du Conseil, vers midi, pour faire les conclusions d'une part et, d'autre part, pour déjeuner ensemble.
Bienvenue à tous.
Je suis heureux de recevoir tous les conseillers nationaux du Conseil national de la vie lycéenne (CNVL). Nous commençons à nous connaître, car j'ai déjà vu plusieurs d'entre vous avec qui j'ai parlé, et je suis aussi heureux d'être entouré par la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) puisque nous allons aborder des sujets qui vous concernent et relèvent essentiellement de ses missions. Vous avez aussi aujourd'hui près de nous, le recteur d'Aix-Marseille, non pas en tant que recteur, car - c'est un secret de polichinelle même si ce n'est pas officiel - il aura à piloter la mission que je viens de créer pour la réforme du lycée. Il sera votre interlocuteur sur ces questions de fond que nous allons bientôt ouvrir.
Vous avez aussi près de moi des représentants de l'inspection générale bien évidemment et des chefs d'établissement et des diverses structures qui concourent à faire collaborer les questions de jeunesse et de lycée.
Je remercie les conseillers nationaux, d'autant que vous êtes peut-être pour plusieurs d'entre vous en pleine révision de vos examens, du moins je l'espère. Je vous souhaite bonne chance. Ne prenez pas cet air catastrophé : généralement, on arrive à avoir le bac si l'on fait un petit effort. Certainement, si vous avez été élus par vos camarades, c'est que vous êtes des élèves brillants et que vous vous êtes fait remarquer.
Comme vous le savez le sujet qui nous préoccupe maintenant est l'avenir du lycée.
Nous avons ouvert de nombreux chantiers cette année. Nous nous sommes surtout consacrés à l'enseignement primaire et, malgré les protestations des uns et des autres, nous avons fait ce que nous devions, à savoir recentrer l'école primaire sur les fondamentaux, sur ce dont les élèves ont besoin pour structurer la suite de leur carrière. Maîtriser les outils fondamentaux du langage, des mathématiques, avoir des repères clairs et simples pour les petits enfants de 6 ans à 10 ans, de sorte que leur départ vers leur collège se passe bien. Nous instaurons également à la rentrée prochaine des dispositifs de remédiation pour ceux qui se trouvent en échec précoce, car il faut savoir qu'aujourd'hui un élève qui, par exemple, redouble le CP n'a jamais son bac. Pas d'exception, les chiffres sont formels. Il est très important de ne pas rater le départ. Nous nous sommes beaucoup concentrés sur le premier degré en créant cet accompagnement éducatif, ces stages de remédiation pour ceux en difficulté en CM1 et CM2.
Les programmes du collège sont en voie de se réformer. Je n'y touche pas trop car le collège est déjà en pleine mutation et il est inutile de précipiter les choses.
En revanche, le lycée est le sujet de l'année qui vient ou des années qui viennent car ce sera une très longue tâche.
Je suis content que vous puissiez commencer à en parler, aujourd'hui notamment.
J'ai rencontré plusieurs d'entre vous, y compris dans une période où j'étais accueilli aussi avec des cornes de brume, mais c'était très sympathique. J'ai rencontré une partie du CAVL de Strasbourg le 21 avril. Les personnes de Strasbourg sont-elles présentes ? Oui. M. Laamach était là et avait dit ensuite que je ne les avais ni écoutés, ni compris. Est-ce vrai, est-ce ce que vous l'avez dit ?
M. A. LAAMACH.- J'ai dit que je n'étais pas d'accord avec vous.
M. DARCOS, ministre.- Vous avez tout à fait raison de le dire et c'est pour cela que nous nous parlons, sinon cela ne présente pas d'intérêt. Vous avez bien fait de dire ce que vous pensiez.
Nous avons, au cours du mois de mai, consulté l'ensemble des CAVL et eu une petite journée de rencontre. Ensuite, j'ai reçu le 14 mai dernier quelques-uns d'entre vous pour identifier les points de convergence. Nous avons élaboré un document qui s'intitule « Points de convergence » - je ne sais plus très exactement - qui commence à voir ce sur quoi tout le monde s'accorderait. Ce sera plus compliqué ensuite de transformer cela en propositions, mais les constats, ce que les élèves, les professeurs, les chefs d'établissement, les pédagogues, les cadres disent du lycée, constituent une première étape. Qu'est-ce qui semble ne pas fonctionner ? Repérons déjà cela, puis nous verrons comment passer à la deuxième phase qui est la réforme elle-même.
Juste pour introduire le débat (excusez-moi de parler seul et rapidement, mais compte tenu du fait que j'ai peu de temps, je reviendrai ensuite pour voir comment vous avez réagi), quatre séries de questions peuvent être posées. Je vous donne mon sentiment et vous me direz à la fin de la matinée si vous me rejoignez.
- Tout d'abord, sur ce qui se passe une fois que l'on a obtenu son bac. Comment se fait-il que les lycées français préparent si mal à la poursuite d'études ? Nous sommes le seul pays au monde à avoir pratiquement un élève sur deux qui a obtenu son bac et qui ne parvient pas à acquérir un diplôme du supérieur au bout de trois ans. C'est un chiffre considérable. Nous perdons 150 000 élèves en cours de formation sur la montée vers le bac, en particulier dès que l'on arrive à l'âge de seize ans : nous larguons on ne sait où 150 000 élèves, disparus sans qualification. Mais ce n'est pas tout.
Ensuite, ceux qui arrivent jusqu'au baccalauréat, qui le passent et même ceux qui le passent dans de bonnes conditions, quand on les retrouve trois ans après, la moitié d'entre eux n'a rien. Se pose tout de même un problème d'adaptation du lycée.
Peut-être la terminale est-elle trop tournée vers le passé - une sorte de bilan de ce que l'on a acquis petit à petit - et peut-être faudrait-il se poser la question pour savoir comment elle se connecte si mal avec la poursuite d'études dans le supérieur ...
- Deuxième remarque : je fais des constats. Après, nous verrons comment y répondre. Au lycée, globalement, 15 % des élèves redoublent au moins une fois sur trois ans (je crois que le chiffre est à 18 % au collège). Si vous prenez la totalité collèges et lycées vous êtes à 18 ou 19 %. C'est considérable. Un élève sur cinq a redoublé au moins une fois au lycée, et si on cumule ce chiffre avec les élèves du premier degré qui sont aussi à 15 ou 20 % de redoublants, finalement, 1/5ème de nos élèves redoublent au moins une fois.
C'est parfois très utile. Pour certains c'est bien, cela permet de se retrouver, de « réamorcer la pompe » et de repartir sur de bonnes bases, mais c'est considérable et, là aussi, c'est un chiffre que personne ne connaît. Il n'y a pas un autre pays développé au monde qui fasse perdre un an de scolarité à un élève sur cinq.
Si le redoublement avait une efficacité sur le parcours scolaire ... « Après tout, un sur cinq, c'est très bien car cela leur permet de réussir », mais ce n'est pas le cas ou parfois le cas, très rarement. On ne constate pas de corrélation réelle, régulière et systématique entre le fait de redoubler et d'avoir un parcours scolaire meilleur. C'est une question qu'il faut que nous nous posions. Comment éviter les redoublements ? Comment peut-on, quand un élève commence à montrer des signes de faiblesse, créer pour lui un accompagnement particulier, des cours complémentaires, un travail différent, quitte à ce qu'il ne soit pas tout à fait au niveau pour passer dans la classe supérieure et, si on le fait passer quand même, comment l'accueillir dans la classe supérieure pour l'accompagner dans la discipline où il ne va pas bien, plutôt que dans son échec ?
- Troisième remarque : l'orientation.
S'il y a tant de sorties sans qualification, c'est sans aucun doute que nous orientons mal. J'ai encore vu hier une série d'articles et des papiers sur ce sujet. Le système d'orientation ne fonctionne pas bien. Vous l'aviez par ailleurs dit dans l'un de vos rapports précédents. Vous avez raison. Nous ne savons pas très bien qui le fait. Ceux qui le font sont peu nombreux ou pas forcément qualifiés. Il existe des systèmes d'orientation très nombreux. Certains sont faits par les régions, ou d'autres partenaires institutionnels ... Comment faire pour que cette orientation aille mieux et, en particulier, que ce qui a été mis en place, la pré inscription en terminale, soit efficace ? « Je ne sais pas si c'est efficace » me direz-vous « car cela vient juste de commencer ».
- Le quatrième sujet est celui que vous évoquez généralement en premier, et vous avez raison : les jeunes d'aujourd'hui, lycéens entre 16 et 19 ans, voire 16 et 20 ans pour certains d'entre eux dans les lycées professionnels, ne ressemblent nullement aux lycéens de 16 ans à 20 ans tels qu'ils étaient quand le lycée a été conçu. Vous êtes très différents de ceux de ma génération et beaucoup plus autonomes. Vous avez d'autres moyens d'acquérir le savoir. Vous utilisez de l'information par l'électronique, par Internet. Vous avez une maturité sur des sujets politiques ou sociaux sans comparaison avec celle que pouvaient avoir les générations précédentes. Bien souvent, vous êtes déjà un peu autonomisés par rapport à vos familles.
Le lycée a été conçu il y a deux siècles et même le lycée de l'après-guerre n'avait pas été prévu pour cela. Ont été mis en place progressivement des systèmes destinés à enregistrer les réactions du public. Par exemple, le fait de reconnaître la démocratie citoyenne. Par ailleurs, on a organisé des dispositifs du type de celui que vous représentez, pour faire en sorte que cette maturité, cette transition vers la vie adulte, soient prises en compte.
Je crois que nous avons beaucoup à faire pour réfléchir à ce que l'on peut répondre aux 16-18 ans, ceux que j'appelle le corps préélectoral, ceux qui dans deux ans seront tous des électeurs ou le sont quasiment déjà.
Peut-être le lycée doit-il y contribuer ?
Je termine en disant (je reviendrai tout à l'heure. Excusez-moi, mais je suis pressé) que ces quatre constats ne me disent pas ce qu'il faut que je fasse.
Je fais des constats, je n'en tire pas des conclusions. Je ne sais pas encore. Je n'ai pas d'idée préconçue sur le lycée. J'ai mes idées, et nous en avons tous. Jean-Paul de Gaudemar, et je présume que Jean-Louis Nembrini et d'autres également, mais pas de solutions. Nous n'avons pas un projet clé en main et, de ce fait, le débat que je veux avoir avec vous sur la vie au lycée est un débat de bonne foi.
Je voudrais que nous tentions de construire ensemble des pistes. Ensuite, nous verrons et nous prendrons nos responsabilités. Ce sont des décisions politiques. Nous verrons les réformes que nous considérons comme essentielles. Je n'en parlerai pas qu'avec vous, mais avec les professeurs bien évidemment, les chefs d'établissement, les adultes concernés, tout le monde : c'est un débat et un sujet véritablement ouverts.
La preuve en est que nous avons eu une première réunion l'autre jour avec Jean- Paul Gaudemar, que je connais depuis longtemps, et avec le Directeur général de l'enseignement scolaire ; nous étions plusieurs, mais n'étions pas tous d'accord. Même entre nous, nous ne maîtrisons pas encore ce que nous voulons donner. C'est un débat de bonne foi, ce qui prouve que nous avons besoin de vous. Personne mieux que les lycéens ne peut dire ce qui se passe au lycée. Voilà ce que je crois. Il s'agit non pas de nous dire ce que nous devons faire forcément, mais dans tous les cas, ce que vous ressentez, ce que vous percevez et ce qu'il est possible de faire.
Je vous demande de vous engager dans cette réflexion sur la réforme du lycée. Je pense aussi que ce matin vous allez parler du fonctionnement de la démocratie lycéenne. Nous avons vu dans cette période un peu animée à quel point nous avions besoin d'interlocuteurs. La démocratie lycéenne est bénéfique pour vous, évidemment, et c'est ce que nous souhaitons, mais aussi pour les responsables politiques que nous sommes actuellement. Elle le sera pour mes successeurs aussi, car cela permet d'avoir un interlocuteur en cas de difficulté. Quand il y a eu les mouvements de lycées sur les postes, le fait d'avoir des interlocuteurs a ainsi été très utile. Nous avons besoin de la démocratie lycéenne.
Vous avez beaucoup d'honneur car c'est la première fois que Jean-Paul de Gaudemar intervient en tant que chargé de mission sur la réforme du lycée. Il vous donnera la primeur de la manière dont il conçoit sa mission. Est-ce tout Monsieur Parisot ? A tout à l'heure et bon courage.
Source http://www.vie-lyceenne.education.fr, le 3 décembre 2008