Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, Lille le 14 novembre 2008.

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Circonstance : Réunion informelle des ministres européens en charge de l'égalité entre les femmes er les hommes à Lille le 14 novembre 2008

Texte intégral

Monsieur le Commissaire, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mes chers collègues,
La conférence qui s'est tenue ces deux jours et la réunion informelle qui nous rassemble cet après-midi démontrent que l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est aujourd'hui un vrai sujet de préoccupation en Europe, un vrai sujet de mobilisation, un enjeu de société. Et pour cause : les 27 Etats membres de l'Union sont tous confrontés à deux défis communs : le vieillissement de la population et la démographie dans le monde du travail. Pour faire face à ces défis, nous avons besoin de la contribution de tous, hommes et femmes. Plus que jamais, nous devons renforcer les politiques axées sur la participation des femmes à l'emploi. Car sans qualité des emplois pour tous, sans égalité professionnelle, ne nous voilons pas la face : les entreprises ne trouveront pas, demain, toutes les compétences dont elles auront besoin.
Ce message est européen mais il est aussi universel. Il a été au coeur des débats qui se sont tenus à l'occasion de la première réunion des ministres en charge du travail et de l'emploi de l'Union pour la méditerranée, à Marrakech, le 10 novembre dernier.
Le principe d'égalité entre les femmes et les hommes est l'un des piliers du modèle social européen, d'ailleurs inscrit, depuis 1957, dans les traités qui fondent l'Union européenne. Je ne cacherai pas qu'en France, le principe d'égalité salariale entre les hommes et les femmes est inscrit dans la loi depuis 1972. C'est pourquoi il était très important que nous puissions aujourd'hui nous engager à renforcer la traduction concrète de ce principe, à prendre des décisions montrant notre volonté de le traduire dans les faits. Enfin !
Je souhaiterais conclure la réunion qui s'est tenue aujourd'hui en vous adressant deux messages clefs.
Premier message : l'égalité salariale entre les hommes et les femmes est un objectif à atteindre ensemble. Aujourd'hui, en Europe, la rémunération des femmes est encore inférieure de 15 % à celle des hommes. Pourquoi ? Qui peut donner une explication satisfaisante ? Il n'en existe pas. Cet écart de rémunération qui persiste constitue le noyau dur des inégalités professionnelles entre hommes et femmes. Il doit impérativement être résorbé, comme nous y a invité la Commission dans la communication qu'elle a publiée le 18 juillet 2007.
Cela suppose d'agir sur les facteurs structurels qui sont à l'origine de des écarts salariaux entre les sexes : la formation initiale, qui joue un rôle essentiel dans la construction des parcours professionnels, et la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, qui détermine largement la progression des carrières.
Cette action, c'est l'affaire de tous. En Europe, les partenaires sociaux se sont engagés, dès le 1er mars 2005, à élaborer une stratégie d'action en la matière. Beaucoup d'autres pays européens ont également déployé des mesures, lancé des actions concrètes, renforcé leurs partenariats pour agir sur ces écarts de rémunération. Pour notre part, avec Valérie LETARD, lors d'une conférence sociale tripartite, le 26 novembre 2007, nous avons élaboré avec les partenaires sociaux un plan d'action, pour les entreprises comme pour les branches professionnelles, afin qu'elles déterminent des objectifs et prennent des mesures de résorption des écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2009. Celles qui ne l'auront pas fait seront sanctionnées financièrement.
Ces actions conduites dans le cadre national doivent bien sûr être encouragées. Mais nous savons tous qu'elles ne sont qu'un point de départ. Pour faire le chemin qui nous reste à parcourir, j'ai la conviction que l'Europe peut nous aider, nous aider à résorber ces écarts salariaux. Les discussions que nous avons eues aujourd'hui montrent qu'un certain nombre d'entre nous sont prêts à se fixer un objectif commun, au plan européen, de réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, et à définir ensemble les moyens de l'atteindre. Un plus grand nombre encore sont prêts à se doter d'un objectif de ce type dans le cadre national.
De tels objectifs, qui nous engageraient tous, seraient un signe fort de notre volonté commune de mettre fin aux discriminations salariales. Ils seraient le début d'un processus d'évaluation qui ne peut que nous aider tous à avancer plus vite et plus loin. Cela tombe bien car il y a urgence à supprimer ces écarts salariaux entre les hommes et les femmes que rien ne justifie. Urgence pour notre potentiel économique. Urgence pour la cohésion de nos sociétés.
Deuxième message : nous ne partons pas d'une page blanche, mais nous devons davantage valoriser, au niveau européen, les entreprises qui s'engagent en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Les entreprises ont tout à gagner à offrir aux femmes des perspectives aussi intéressantes que celles données aux hommes. C'est en s'engageant pour l'égalité entre les hommes et les femmes qu'elles fidéliseront leur main d'oeuvre et qu'elles mobiliseront plus efficacement les jeunes générations. C'est aussi en s'engageant pour l'égalité entre les hommes et les femmes qu'elles gagneront en performance économique, notamment dans les secteurs en tension. Pour les entreprises qui s'engagent, le retour sur investissement est immédiat : l'accès de toutes et tous à tous les niveaux de responsabilité de l'entreprise, un meilleur équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle, pour les femmes comme pour les hommes, cela signifie moins d'absentéisme, moins de stress, un meilleur climat social et une plus grande productivité. De nombreuses entreprises l'ont bien compris et se sont d'ores et engagées pour la promotion de l'égalité entre les sexes. Certaines ne sont notamment engagées, en France, en signant la charte de la parentalité. Cette charte, élaborée à l'initiative de la société L'Oréal et de l'association SOS Préma, engage les entreprises à sensibiliser les responsables de ressources humaines à la prise en compte de la parentalité dans l'entreprise, à changer les comportements et les modes d'organisation du travail dans ce sens. Nous devons davantage mettre en valeur les entreprises qui s'engagent dans des actions de ce type, pour créer une dynamique positive. Car cela relève aussi de la responsabilité sociale des entreprises. Beaucoup d'Etats membres se sont lancés, à l'échelle nationale, dans des démarches visant à créer ce type d'effet d'entraînement. En France, le label égalité professionnelle, lancé en juin 2004, permet par exemple aux entreprises les plus innovantes en matière d'égalité entre les sexes de valoriser leurs actions. Les entreprises qui ont testé le label nous disent qu'il est devenu pour elles une véritable feuille de route, un plan d'action avec des objectifs à atteindre et des moyens à mobiliser. Prochainement, le 20 novembre, pour accompagner les progrès et les efforts de chacun, un observatoire de la parentalité sera mis en place. Ce type de dispositif existe aussi en Allemagne, en Espagne, en Autriche, en Slovénie, en Belgique et en Italie. Alors, pourquoi n'utiliserions-nous pas, dans ce domaine également, le levier européen ? Sans remettre en cause les dispositifs mis en place à l'échelle nationale, dont je viens de vous dire qu'ils donnaient des résultats très positifs. Mais nous pourrions valoriser les entreprises distinguées dans le cadre national, et les encourager à échanger dans une enceinte transnationale, en les réunissant dans un réseau européen. Pour elles, ce serait le moyen d'échanger sur leurs pratiques, sur leurs difficultés, sur leurs avancées. Elles pourraient, comme les entreprises labellisées françaises, se réunir dans un club, à intervalles réguliers, et contribuer ainsi à faire progresser l'égalité professionnelle entre les sexes.
Je sais que vous avez discuté de cette idée aujourd'hui, et qu'elle a reçu le soutien de la Commission, du Parlement européen, et des Etats membres.
Je pense donc que nous pourrions nous engager à mettre ce réseau en place d'ici 2010. Par ailleurs, je demanderai très prochainement au Président du Conseil d'administration de l'Institut de l'égalité entre les hommes et les femmes, qui va se mettre en place en 2009 à Vilnius, de créer un portail internet pour ce réseau européen des entreprises à la pointe de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Enfin, je voulais vous dire que j'ai saisi le Président du Comité économique et social européen, Mario SEPI, pour lui demander de bien vouloir réunir chaque année les entreprises membres de ce réseau européen. Il a accueilli cette demande favorablement, et je l'en remercie. Car je pense que cette initiative sera un appui très précieux, qui permettra d'associer les partenaires sociaux et les Etats membres aux échanges qui se noueront au sein de ce réseau.
Mesdames, Messieurs, j'ai le sentiment qu'avec les deux engagements pris aujourd'hui, la réunion informelle qui s'achève est un vrai progrès pour l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Je tiens à vous en remercier tous.
Je sais pouvoir compter sur les futures Présidences tchèque et suédoise pour continuer le travail. Car l'égalité entre les sexes ne se fait pas en un après-midi, ni en six mois. Elle exige un soutien continu, elle suppose un véritable travail d'équipe.
La déclaration du deuxième Trio présidentiel, que ma collègue Valérie LÉTARD vous a présentée à l'instant, témoigne de la convergence de vues qui existe au sein du trio sur la question de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Je sais que cette convergence de vues existe aussi au niveau de l'Union européenne, que l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est l'une des valeurs qui constitue le socle de l'Europe sociale, ainsi que nous l'avions rappelé ensemble à Chantilly, le 11 juillet dernier. L'année 2008 doit être celle du redémarrage de l'Europe sociale, y compris en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Cela a commencé aujourd'hui.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 26 novembre 2008