Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et président du Parti radical, à France Info le 14 décembre 2008, sur la mise en place de quotas payants sur les émissions de gaz carbonique et sur le congrès du parti radical.

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Média : France Info

Texte intégral

JOURNALISTE - Une nouvelle étape contre le réchauffement climatique : l'accord conclu vendredi à Bruxelles et approuvé, hier, par les Députés européens. Nous en parlons aujourd'hui avec notre invité : Jean-Louis Borloo, le Ministre du Développement durable. Bonjour.
JEAN-LOUIS BORLOO - Oui, bonjour !
JOURNALISTE - J'aimerais qu'on soit le plus concret possible, Monsieur le Ministre. Qu'est-ce qui va changer d'ici 2020 ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Ecoutez, les 27 pays ont pris des engagements sur tous les secteurs d'activités. Ces engagements sont précis, pays par pays, année par année et secteur par secteur et ils sont contraignants. Alors de quoi s'agit-il ? Pour les transports, en matière d'aviation, il y a des quotas payants sur les émissions de CO2. En ce qui concerne les voitures, actuellement l'ensemble des constructeurs européens construit des voitures en gros à 160 grammes de CO2, beaucoup plus en circulation, ce sera 95 grammes de manière obligatoire avec des pénalités, de façon à ce que les constructeurs fassent cela. Troisièmement : l'énergie. Toute l'énergie produite en Europe paiera ses émissions de CO2 par des quotas payants. Alors il y a une période de transition pour les pays qui sont les plus charbonneux comme la Pologne. La Pologne mettra 8 ans pour passer de 30 % de quotas à 100 % de quotas. L'ensemble de ces fonds qui sont gigantesques permettront la transition énergétique de l'Europe. Enfin, les Etats s'engagent indépendamment de cette partie-là à réduire leurs émissions de CO2 au moins de 20 % entre 2012 et 2020, au moins 20 % ce qui est une modification en profondeur. Pour l'instant, l'ensemble du monde continue à augmenter ses productions de CO2, ces émissions de CO2 et puis c'est une première étape puisqu'il y a une négociation à Copenhague dans un an où l'Europe a dit clairement : « S'il y a un accord mondial à Copenhague avec les Américains, les Canadiens, les Chinois, etc. eh bien nous irons plus loin, nous passerons de 20 à 30 % ».
JOURNALISTE - Vous entendez les critiques d'une partie des écologistes. « Aucun engagement nouveau » dit José Bové.
JEAN-LOUIS BORLOO - C'est absolument faux quand on regarde...
JOURNALISTE - Mais qu'est-ce qui a changé depuis 2007 et les promesses de 2007 ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Eh bien tous les mécanismes. Le fait d'avoir en place des quotas d'émissions payantes pour l'énergie, par exemple, qui est absolument considérable. Est-ce que vous savez que l'ensemble de ce dispositif, si on estime la tonne de CO2 à une trentaine d'euros, cela représente près de 500 milliards sur l'économie européenne qui vont servir à la transition énergétique et qui vont permettre, je l'espère par ailleurs, d'aider au financement de programmes aussi à l'extérieur de l'Europe pour permettre à un certain nombre de pays de faire cette mutation là. Aucun pays au monde, aucune organisation au monde n'a mis en place un système aussi puissant contrôlable, évaluable et sanctionnable. Alors on peut toujours dire, en claquant dans les doigts : « On aurait dû l'imposer à la Pologne tout de suite, dès la première année, ils sont à 30 %, ils mettent 8 ans pour passer à 100 % sur les énergies ». Il y a 180 000 mineurs en Pologne, il faut bien qu'il y ait le temps de transition, il faut bien trouver des énergies renouvelables de substitution, cela ne se fait pas en une journée. Il faut bien comprendre que ce paquet, il est extrêmement... il pèse considérablement sur l'économie européenne. Moi je suis convaincu qu'en réalité c'est une chance pour l'économie européenne. Je pense que c'est une vraie stratégie énergétique et industrielle très puissante...
JOURNALISTE - Vous pensez que ce sera payant économiquement à quelle échéance ? Pour l'instant, cela coûte de l'argent.
JEAN-LOUIS BORLOO - Pour l'instant oui, bien sûr qu'il va y avoir du financement sur l'économie européenne mais ce financement va être réinjecté dans l'économie européenne pour aller vers les énergies renouvelables. Les énergies renouvelables, par exemple, aujourd'hui c'est 8 % des énergies de l'Europe. En 8 ans, de 2012 à 2020, cela sera 20 % des énergies renouvelables et cela sera évalué année après année. Et lorsque vous serez défaillant une année, pour un pays, vous aurez une année complémentaire pour rattraper votre retard après quoi vous aurez des sanctions devant la Cour de Justice européenne si vous ne respectez pas ces engagements. C'est un effort considérable que fait l'Europe. Personne pour l'instant, ni les Etats-Unis, aucun pays au monde pour l'instant, personne, n'a fait un tel effort.
JOURNALISTE - Jean-Louis Borloo, dans quelques instants, vous allez rejoindre vos amis du parti radical que vous présidez, parti associé à l'UMP. Qu'est-ce qui vous distingue aujourd'hui du parti du Président ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Le parti radical, c'est son 109ème congrès, donc il doit avoir des valeurs puissantes pour avoir résisté à toutes les républiques ou à toutes les situations.
JOURNALISTE - Et vous voulez dire « résister aussi à un Président omniprésent, hégémonique, disent certains » ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Non, cela ne se passe pas en ces termes. Raisonnons à l'échelle un peu de l'histoire. Parti radical, quelle est son origine ? L'origine, c'est : pendant la deuxième révolution industrielle, comment accompagner cette révolution en mettant la République au coeur ? Ca a été cela sa fonction.
JOURNALISTE - Mais aujourd'hui Jean-Louis Borloo ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Là c'est la troisième révolution. Ce qui a été fait, le paquet climat-énergie, c'est une révolution industrielle, c'est la troisième, c'est la révolution écologique de la planète, eh bien le parti radical est en train de travailler pour organiser, réfléchir au plan mondial, européen et français à cette mutation-là et à proposer des solutions politiques, à proposer à une République parfaitement adaptée. On est en évolution, vous voyez bien que..
JOURNALISTE - Mais qu'est-ce qui vous distingue de cette UMP ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Nous, on a notre spécificité c'est évidemment la République, c'est le progressisme, c'est la capacité d'accompagnement de ces mutations. Dans un an, on présentera le nouveau manifeste radical pour construire ce nouveau siècle. Il n'aura rien à voir avec le siècle précédent. On y travaille, on sera à mi-mandat, on présentera nos manifestes et on lancera un grand débat. Et puis il y a un autre point extrêmement important, c'est qu'il y a beaucoup d'orphelins de la sociale démocratie aujourd'hui en France.
JOURNALISTE - Et vous voulez, peut-être les accueillir ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Oui, on leur dit : « Venez débattre avec nous, vous n'êtes pas forcés de devenir membres mais ouvrons les fenêtres, débattons ». Je crois que personne ne réalise à quel point ce siècle va être différent et je pense que le rôle de la politique, c'est à un moment donné d'anticiper, d'imaginer, de rêver un siècle nouveau.
JOURNALISTE - Jean-Louis Borloo, rapidement, le Secrétaire d'état chargé de l'Outre mer, Yves Jégo, voudrait vous voir parmi les dirigeants de l'UMP, cela vous intéresse ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Ecoutez, je n'en ai pas parlé avec le Président de la République mais le parti radical est un parti associé, dès lors que les valeurs qui sont défendues sont proches des nôtres et qu'on a notre spécificité, nous sommes aujourd'hui déjà membres associés de l'UMP donc j'aurai cette conversation avec le Président.
JOURNALISTE - Mais cela vous intéresse personnellement, vous le souhaitez ?
JEAN-LOUIS BORLOO - J'en parlerai avec mes amis radicaux. Mais, vous savez, nous sommes dans l'UMP donc pour moi ce ne serait pas quelque chose... D'abord ce serait une marque de confiance de la part du Président mais, une fois de plus, on n'en a pas parlé.
JOURNALISTE - Jean-Louis Borloo, Ministre du Développement durable et Président du parti radical, en direct sur France Info, ce matin.
Source http://www.partiradical.net, le 16 décembre 2008