Interview de M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale à RMC le 11 décembre 2008, sur la réforme de la classe de seconde et les mouvements de grève dans les lycées.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


 
J.-J. Bourdin.- Vous étiez contre le CPE ?
Contre le CPE ?
Est-ce que vous étiez contre le CPE ?
En tous les cas, c'était une mesure qui ne pouvait pas être comprise au moment où elle a été proposée, parce que les jeunes avaient le sentiment...
C'était une mauvaise mesure ?
...les gens avaient le sentiment, les jeunes avaient le sentiment que c'était une manière de les préparer trop vite à entrer dans une vie professionnelle préfabriquée, et donc, c'est une mesure qui ne pouvait passer, pas à ce moment-là.
Vous pensez que N. Sarkozy ait pu téléphoner à B. Julliard pour lui dire : "moi, je suis contre le CPE, je vous soutiens", il était ministre de l'Intérieur à l'époque de D. de Villepin...
Il était ministre de l'Intérieur et donc j'imagine bien qu'il a dû prendre contact avec B. Julliard, qui était secrétaire général...
Est-ce qu'il a pu lui dire : "j'étais contre le CPE" ?
Ecoutez, c'est la parole du président de la République contre celle de quelqu'un qui est essentiellement un apparatchik du Parti socialiste, donc je préfère croire ce que dit N. Sarkozy.
Donc, il ment B. Julliard ?
Je crois à ce que dit le président de la République.
Donc, il ment ?
En tous les cas, je le répète...
À vos yeux, il ment ?
...La parole de M. Julliard est la parole d'un apparatchik du Parti socialiste, et c'est tout à fait normal qu'il essaye de mettre en difficulté le président de la République.
Pourquoi ne dites-vous pas : "je pense que c'est un menteur" ?
Parce que je ne veux pas insulter les personnes. Je dis simplement que je fais confiance au président de la République.
Vous avez remarqué qu'il y a quand même quelques mouvements un peu partout, d'ailleurs un peu différents. Il y a, à la fois, les lycées, où c'est vrai que c'est assez violent, on va y revenir ; hier, j'avais le patron des proviseurs de lycées qui s'inquiétait. Et puis, il y a aussi des mouvements dans l'école, en général, avec des parents d'élèves qui occupent des écoles, pas trop de grèves d'ailleurs d'enseignants, les enseignants ne font pas grève. D'ailleurs, pourquoi ne font-ils pas grève les enseignants.
Ils disent eux-mêmes que cette façon d'agir est un peu démodée, que de surcroît ça finit par leur coûter cher, puisque, comme vous le savez, désormais nous retirons une journée lorsqu'ils ne travaillent pas. Et puis, tout simplement, parce que...
Ça ne se faisait pas avant ?
Ça ne se fait que depuis quelques années, depuis assez récemment. Et puis, aussi, tout simplement, parce que la mobilisation fonctionnait moins bien, on l'a bien vu. Donc, ils cherchent d'autres manières. Mais je vais vous dire, qu'il y ait des mouvements...
Vous dites ce sont des mouvements presque habituels, que ça ne m'inquiète pas. Ça vous inquiète, sincèrement ?
Écoutez, "presque habituels", je ne dis pas cela...
C'est ce que vous avez dit.
Je ne dis pas ça parce que je l'invente, je dis ça parce que je connais quand même bien l'histoire de cette maison. On peut me faire beaucoup de reproches mais ne pas avoir la mémoire de l'Éducation nationale ! Nous avons eu quand même 33 grèves depuis l'an 2000, les mouvements...
"Culture de la grève dans l'Éducation nationale", vous l'avez dit.
...les mouvements lycéens, vous avez du en connaître à peu près tous les ans dans ces dix dernières années, donc, il y a quelque chose d'un peu endémique. Mais je vais vous dire une chose, qu'il y ait des mouvements, des contestations, des critiques, au fond, je peux m'y habituer, je peux comprendre d'ailleurs que des jeunes soient inquiets. Ce que je ne comprends moins bien, et c'est deux choses : c'est, d'une part qu'on organise une partie de cette agitation à partir de désinformations, pour parler clair. Quand vous voyez des gens par exemple qui défilent en disant "il faut défiler parce que le ministre veut supprimer la maternelle" au moment où je dis exactement l'inverse, que je l'explique et je le développe ! On voit même une enfant de cinq ans et demi citée par l'AFP, en train de défiler parce que je veux supprimer la maternelle, je trouve ça un peu bizarre. Quand je vois les parents, des parents, décrire par exemple dans le 20ème en disant : "nous vous écrivons Monsieur le ministre, parce que nous ne voulons pas que nos enfants puissent bénéficier de deux heures de soutien à l'école", je me dis que dans le pays de J. Ferry, lorsque des parents commencent à demander qu'on n'apporte pas du soutien aux enfants, il y a quelque chose qui ne va pas. Lorsque je vois qu'on me dit qu'au lycée je veux supprimer les mathématiques, l'histoire-géographie, l'Éducation physique et sportive, je m'inquiète un peu. Autrement dit, ce qui m'ennuie le plus ce n'est pas qu'il y ait critique, c'est qu'on invente de gros mensonges, pour parler franchement.
Donc, vous informez mal alors, si j'ai bien compris ?
En tous les cas, il y en a qui désinforment bien ! Et qu'on invente de gros mensonges, on monte des bobards, pour parler clair, et à partir de cela, on organise contre ça, ces fausses informations, des protestations.
Il y a des mouvements violents dans certains lycées...
Oui.
...Hier, justement, je le disais, les proviseurs s'inquiétaient sur la montée des grèves. Est-ce que derrière il y aurait des mouvements déstabilisants, je ne sais pas... ?
Oui, mais bien sûr qu'il y en a, vous le savez bien.
Qui viennent d'où ? De l'extrême-gauche, à vos yeux, d'après ce que vous savez ?
Dans ceux qui critiquent, il y a ceux qui s'inquiètent, ceux-là je les respecte, on va parler avec eux. Il y a ceux qui désinforment, et puis il y a ceux qui cassent. Alors ceux-là, ils viennent souvent de l'extérieur...
Les lycéens sont manipulés ?
Je n'ai pas dit qu'ils soient manipulés, je constate en tous les cas qu'il y a des mouvements qui viennent de l'extérieur, des gens qui arrivent dans les établissements, cagoulés, qui rentrent, qui cassent le matériel informatique, qui font exploser les services de sécurité, qui incendient les poubelles. Et souvent, lorsque ces jeunes viennent chercher l'affrontement avec les forces de police, lorsque quelques-uns de ces jeunes sont arrêtés, on voit qu'ils n'ont généralement aucun rapport avec le lycée dans lequel ils manifestent. Mais je le dis clairement, je le dis aux familles et aux lycéens : méfiez-vous, parce que ce que cherchent évidemment ces mouvements-là, qui sont des mouvements radicaux, incontrôlés, et qu'on connaît maintenant depuis plusieurs années, ce qu'ils cherchent évidemment c'est à provoquer une confusion, un désordre, une anarchie, qui n'a évidemment rien à voir avec l'intérêt des jeunes eux-mêmes, et particulièrement avec la réforme du lycée.
Donc, vous n'avez pas d'inquiétude ?
Bien sûr que si, je suis inquiet lorsqu'il y a un mouvement de cet ordre. Je dis simplement qu'il ne faut pas confondre l'inquiétude de lycéens ou de parents, qui veulent comprendre comment le monde va se réformer, et ces mouvements radicaux incontrôlés qui s'attaquent à nos personnels. D'ailleurs, les lycéens...
Aucun rapport avec ce qui se passe en Grèce, en Italie, en Espagne ?
C'est ce qu'ils voudraient, n'est-ce pas, c'est évidemment ce que voudraient ces mouvements radicaux-là. Mais les lycéens réagissent bien. Je signale par exemple à Brest, on a vu des lycéens venir protéger un proviseur qui était agressé par des gens de l'extérieur. J'ai vu, je veux dire un mot simplement, j'ai vu qu'un des responsables de l'UNL disait que par moment, pour s'exprimer il fallait la violence...
UNL, l'Union Nationale des Lycéens.
...oui, il ne faut pas dire des choses pareilles ! Il ne faut pas dire aux lycéens - nous ne sommes pas quand même dans une situation de guerre civile -, il ne faut pas dire aux lycéens que les enjeux qui sont les nôtres aujourd'hui, qui sont ceux de la réforme du lycée et de leur avenir, méritent de susciter des mouvements de violence.
On va être concrets sur les réformes. J'ai des questions très concrètes. La maternelle, l'école va continuer à accueillir les 2-3 ans ?
La maternelle à la rentrée prochaine sera la même qu'aujourd'hui.
La même ?
C'est-à-dire nous accueillerons tous les enfants de 3 ans sans exception, et là où c'est possible, nous accueillerons des enfants plus jeunes. Là où c'est possible ou nécessaire, parce qu'il y a des familles qui ne trouvent pas parfois dans leur commune ou dans leur environnement de quoi faire accueillir un enfant de 2 ans et demi ou 2 ans et demi 3 ans, et donc, il est accueilli à l'école maternelle. Il n'y aura aucune différence. Je n'ai cessé...
Vous ne changez rien, alors ?
Mais je ne cesse de le dire depuis plusieurs mois !
Bon, répétez-le, vous le répétez une fois de plus, allez !
Vous allez avoir demain, quelqu'un qui va dire : ah s'il dit ça, c'est qu'en fait il pense le contraire. Et donc continue à mobiliser.
Le service minimum d'accueil, vous avez reculé, pour les petites communes ?
Nous n'avons pas reculé parce que la loi ne sera pas retouchée, nous avons simplement constaté qu'il y avait deux types de communes : il y a celles qui délibéraient en disant : "quoiqu'il arrive, je n'appliquerai pas la loi", qui faisaient une conférence de presse, avec délibération du conseil municipal, celles-là se mettent hors-la-loi et nous continuerons à les poursuivre. Et puis, il y a celles qui disent : "écoutez, je vais vous montrer que moi, petite commune, ce n'est pas possible, j'ai des grandes difficultés, donc je n'ai pas pu le faire, ne me cherchez pas de noises, aidez-moi plutôt pour la prochaine fois à trouver des solutions", c'est ce que nous faisons. Donc, nous avons trouvé un accord avec l'Association des maires de France, comme le souhaitait le président de la République, qui devrait être de nature à sauvegarder le service minimum d'accueil qui a marché, et à ne pas mettre en difficulté les maires qui sont de bonne foi.
Les RASED, 3.000 postes supprimés, toujours ?
Les RASED, alors je rappelle, il y a 380.000 professeurs dans le premier degré, qui, tous, font deux heures de soutien par semaine, ça veut dire que la difficulté scolaire on la traite. 380.000 professeurs qui font deux heures ! Au milieu de ces 380.000, il y en a un peu plus de 11.000 qui sont dans les RASED, des Réseaux d'Aide et de Soutien aux Elèves en Difficulté. Pour ceux qui sont en éducation prioritaire, pour ceux qui sont...
Des enfants qui ont besoin de plus de deux heures ?
Qui ont besoin d'une autre approche, on va dire.
Personnalisée ? Qui ont besoin d'enseignants très spécialisés, ces enfants-là ?
C'est-à-dire, ce sont des enfants, le RASED vient, on sort l'élève de la classe pendant que la classe continue, on s'occupe de lui, pendant un petit moment et on travaille sur les problèmes qu'a cet enfant. Alors, ces RASED-là sur les 11.000, ceux qui sont en éducation prioritaire, ceux qui sont dans les réseaux ruraux, resteront en réseaux. Mais 3.000 d'entre eux, nous les ciblons dans des endroits où nous avons une concentration des difficultés scolaires, nous les sédentarisons là où nous avons vraiment besoin d'eux parce qu'ils n'ont pas besoin de circuler, donc...
Donc, vous ne supprimez aucun poste ?
Nous ne supprimons pas des RASED, nous sédentarisons 3.000 d'entre eux, et 3.000 seulement. Ils sont...
Aucun poste de RASED n'est supprimé ?
Il n'y a pas de suppressions de postes de RASED, il y a la sédentarisation de 3.000 d'entre eux. [...]
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 décembre 2008