Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur le développement et la réforme du crédit impot recherche, Paris le 10 décembre 2008.

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Mesdames et Messieurs,
Le thème de ce colloque est : « Le crédit d'impôt recherche : quels conseils et quels résultats pour les entreprises ? ». Tout au long de cet après-midi, des experts, des praticiens y répondront et vous pourrez y contribuer par votre propre expérience.
La réponse que je voudrais vous apporter en ouverture, c'est celle que j'ai trouvé sur le terrain, à Croissy-Beaubourg chez une PME du secteur de l'hygiène et de la cosmétique, à Issy-les-Moulineaux où s'installe un nouveau centre de R&D du géant mondial Microsoft, à Grenoble où une startup française, Kelkoo, est devenue le centre technologique de Yahoo!.
Le crédit impôt-recherche est plus que jamais d'actualité.
Aussi étrange que cela paraisse, nous devons d'ores et déjà nous préparer pour l'après-crise. Les différents plans de relance déclinés par le gouvernement - pour les banques, pour les PME, pour l'investissement ... - ne doivent pas nous empêcher de poursuivre nos réformes structurelles, pour que la France soit prête le jour où les vents de la croissance mondiale se lèveront de nouveau.
Parmi ces réformes, une de celles dont je suis le plus fière jusqu'à présent est le triplement et la simplification du CIR. Et contrairement à certaines idées reçues, c'est un dispositif qui s'adresse aussi bien aux multinationales qu'aux PME. D'ailleurs, dans le cadre du plan de relance du gouvernement, lorsque nous rembourserons début 2009 l'ensemble des créances de l'État d'un coup, on s'en rendra bien compte.
L'objectif de ce colloque est de s'assurer que les décideurs, les entrepreneurs, les chercheurs connaissent le crédit d'impôt recherche, se l'approprient et en fassent le meilleur usage.
Vous, qui dirigez des entreprises, qui les représentez, qui les conseillez, vous savez qu'il y a encore trop de PME effectuant de la R&D qui se disent : « Le CIR, ce n'est pas pour nous ... ». Trop de dirigeants de grands groupes internationaux qui, une fois qu'on leur a expliqué ce qu'est le CIR, s'exclame : « Je ne connaissais pas, mais c'est formidable ! ».
À nous, collectivement de faire preuve de pédagogie, toujours et encore, pour montrer que le crédit d'impôt recherche est bien destiné à tous et que les récentes modifications le rendent plus avantageux, plus simple, plus accessible.
(I) Un outil au service de la politique publique de l'innovation
À ce stade, il me semble important de replacer le dispositif fiscal du CIR dans le cadre plus large de la politique publique de soutien à l'innovation.
Il n'y a guère un rapport sur la mondialisation - Morand, Védrine, Cohen-Tanugi ... - qui ne conclue sur la nécessité de l'innovation dans l'économie du XXIe siècle, généralement baptisée « économie de la connaissance ».
Mais comme je l'ai souligné hier à l'occasion des Assises de l'Innovation, il ne faudrait pas pour autant cantonner l'innovation au seul domaine de la R&D, aux « blouses blanches ». La mission sur la mesure de l'innovation que j'ai confiée à l'ESCP-EAP et à son directeur général, Pascal Morand, va dans ce sens.
Certes, la R&D est un facteur essentiel, mais il s'agit d'un ingrédient au même titre que le design, le marketing, la création et la créativité, une organisation complexe de gestion des projets, et de nombreux autres facteurs encore.
Dans la préparation de l'après-Lisbonne, c'est cette conception holistique de l'innovation que la France cherche à promouvoir. Dans ce cadre, la R&D est un capital ; aller jusqu'au bout de la démarche d'innovation, c'est faire fructifier ce capital. Le CIR n'est donc pas une fin en soi : ce doit être le début d'un processus pour les entreprises.
Par rapport à d'autres approches employées par le passé, le gouvernement a décidé de privilégier l'outil d'incitation fiscale.
Les aides directes ont traditionnellement pour objectif de stimuler des programmes de R&D que les pouvoirs publics jugent importants pour leurs retombées sur l'ensemble de l'économie. Dans un contexte de concurrence exacerbée et de progrès technologique rapide, le CIR permet aux entreprises de faire elles-mêmes ces choix, dans les domaines qu'elles jugent les plus adaptés à leur marché. Il s'agit bien par ce biais d'augmenter nos forces et nos compétences dans l'industrie et dans les services.
Nous en avons la capacité car la France a de nombreux atouts : un enseignement supérieur de très haut niveau - que réforme courageusement Valérie Pécresse -, un savoir-faire technologique, des infrastructures performantes. Mais parfois, il manque cette petite étincelle qui déclenche les grandes choses.
Le CIR doit jouer ce rôle d'étincelle, en incitant les entreprises à se maintenir dans ce mouvement perpétuel de l'innovation.
(II) Le CIR pour aider les PME innovantes
S'il est des entreprises pour lesquelles l'étincelle peut parfois produire de beaux feux d'artifice, ce sont bien les jeunes entreprises innovantes, les startups - peu importe le nom ... En rendant le CIR plus avantageux, plus simple, plus accessible, le but est bien de permettre à plus de PME à faire ce petit surcroît de R&D qui, instillé dans leur savoir faire industriel et commercial, leur fera franchir un cap significatif.
Il me semble qu'il faut être simple : 30 % de crédit d'impôt, cela permet à une entreprise, avec le budget destiné à deux chercheurs, de constituer une équipe de trois.
Et je vous rappelle que la première année d'utilisation, le taux est porté à 50 %, puis à 40 % la deuxième année.
Il me semble que le dispositif permet aussi de jeter davantage de ponts entre les entreprises et le monde de la recherche universitaire. Il ne s'agit pas seulement de pousser les organismes publics à se tourner vers les entreprises. Il s'agit aussi d'éveiller l'intérêt des entreprises pour la qualité et la valeur économique latente des travaux menés dans les laboratoires publics.
Les grandes entreprises savent faire, en finançant des travaux de recherche, en passant des partenariats, en créant des chaires d'enseignement. Pour une PME, c'est plus compliqué. Son objectif est d'abord à avoir des travaux de R&D qui lui sont utiles.
Et bien le CIR lui permet d'être remboursée à hauteur de 60 % des dépenses sous-traitées à des laboratoires de recherche publique.
L'acte de recrutement est toujours un pari, souvent plus risqué pour une PME. Là aussi, le crédit d'impôt recherche en tient compte puisque les salaires des jeunes docteurs comptent double pendant une période de deux ans. Ainsi pour une entreprise embauchant un jeune docteur, le salaire sera remboursé à hauteur de 60 %, auxquels s'ajoute la prise en charge forfaitaire des frais de fonctionnement.
Pour cette disposition aussi, qui ne me semble pas assez connue, je compte sur vous pour relayer le message auprès des PME.
(III) Le CIR pour rendre le territoire plus attractif
L'impératif de l'attractivité du territoire a également guidé nos choix sur la réforme du CIR. Le nouveau CIR permet non seulement de maintenir mais aussi d'attirer en France des centres de recherche de grands groupes français et étrangers.
Je vous rappelle qu'en matière d'investissements directs, la France est la troisième destination au monde (158 Md $ en 2008). Il y a un véritable enjeu à « enrichir » ces flux financiers en sachant attirer ceux créant sur notre territoire des activités à forte valeur ajoutée.
Les experts que vous êtes ont sans doute bien en tête la récente étude de l'un de vos collègues (cabinet Booz).
Elle montre que les dépenses de R&D des entreprises françaises s'élevaient en 2007 à 19,7 Md $, à comparer à des dépenses de R&D réalisées en France (par des entreprises françaises et étrangères) d'un montant de 19,8 Md $. Cette position est plutôt bonne, par exemple par rapport aux États-Unis (qui ont un « flux de R&D » déficitaire de près 40 Md $) ou l'Allemagne (avec un flux déficitaire de 2,5 Md $ par rapport aux 31 Md $ de R&D faite par des entreprises allemandes). Mais d'autres pays font mieux que nous, comme le Royaume-Uni (23 Md $ de R&D au Royaume-Uni pour une dépense de R&D de 18 Md $ des entreprises britanniques).
Surtout ce que je retiens de cette étude, c'est que les investissements en R&D des groupes internationaux se décident maintenant avec une mappemonde.
Avec notre nouveau CIR, l'un des systèmes le plus avantageux au monde, nous renforçons la position de la France dans cette compétition. Je suis convaincue que nous continuerons à voir de nouvelles décisions d'implantation de centres de R&D dans les prochains mois.
Pourquoi est-ce important ? Parce que l'implantation d'un centre de R&D d'un grand groupe, c'est un peu comme lorsqu'on plante un arbre. Très vite, se développe autour toute une faune et une flore, dans un échange symbiotique qui bénéficie à tous les acteurs - un écosystème disent les spécialistes.
Mesdames, messieurs, notre politique d'innovation ne se limite bien sûr pas au CIR.
Je pense aux pôles de compétitivité, aux aides à l'innovation, plus largement au mouvement de modernisation de notre économie. Mais le CIR en constitue un axe majeur.
Avant de laisser place aux différents intervenants pour cet après-midi, qui sera conclu par ma collègue Valérie Pécresse, il me semblait important de vous rappeler dans quel cadre global se situe cet instrument. Nous en attendons beaucoup pour la dynamisation de nos entreprises.
J'espère aussi avoir pu tordre le cou à quelques idées reçues. Voilà une dernière idée reçue à laquelle j'aimerais faire un sort : « Le CIR, cela coûte tellement cher que le gouvernement va revenir dessus ». Je citerai le discours d'hier du président de la République : « Le CIR, cela ne coûte pas cher, cela marche ».
source http://www.minefe.gouv.fr, le 16 décembre 2008