Interview de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, au Talk Orange-Le Figaro le 2 décembre 2008, sur les élections prud'homales, le syndicalisme et la proposition de loi sur le travail dominical.

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Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral


ANNE FULDA
Bonsoir, bienvenue au Talk Orange Le Figaro, nous sommes heureux de recevoir ce soir, pour la centième édition de cette émission, et pour l'occasion nous recevons Xavier BERTRAND, ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité. Bonsoir Xavier BERTRAND.
XAVIER BERTRAND
Bonsoir. Merci de m'inviter, très heureux d'être là pour la centième.
ANNE FULDA
Nous sommes ravis. Alors demain, nous avons des élections prud'homales qui se déroulent en France, plus de dix-neuf millions d'électeurs appelés à voter pour élire leurs conseillers prud'homaux. Et vous, vous faites campagne pour qu'il y ait une mobilisation pour ces élections qui en général n'attirent guère les foules. Pourquoi cette mobilisation ?
XAVIER BERTRAND
Parce que c'est l'occasion de montrer que les élections prud'homales c'est important. C'est le Prud'hommes c'est important. Quand il y a un problème lié à l'application du droit du travail, une clause de non concurrence, pour la faire respecter c'est aux Prud'hommes que ça se passe. Et puis c'est l'occasion d'envoyer un message. Nous tenons à ce que les syndicats puissent se renforcer. Les partenaires sociaux doivent se renforcer. C'est vrai pour les employeurs, c'est vrai pour les salariés et je pense que c'est l'occasion d'envoyer un message, le dialogue social a sa place et les syndicats - même si ce sont des partenaires sociaux exigeants - eh bien je préfère qu'ils soient puissants.
ANNE FULDA
Les syndicats sont des partenaires sociaux exigeants comme vous dites. Alors certains râlent un petit peu, notamment à la CGT. Bernard THIBAULT. Vous allez me dire que c'est normal. Mais sur le déroulement de ces élections.
XAVIER BERTRAND
Vous faites les questions et les réponses, alors.
ANNE FULDA
Voilà. Alors sur le déroulement de ces élections il a dénoncé vendredi l'absence de transparence et même du côté du patronat, la présidente du MEDEF, Laurence PARISOT, a elle affirmé que les employeurs n'avaient pas été traités avec équité. Donc, tout le monde est mécontent en fait.
XAVIER BERTRAND
Tout le monde, ça n'en fait que deux.
ANNE FULDA
Les deux extrêmes, quoi.
XAVIER BERTRAND
Bon. Sérieusement, qu'est-ce qui s'est passé sur Laurence PARISOT. Elle nous dit qu'il n'y aurait pas le même traitement pour les employeurs et les salariés. Bon. Il y a cinq cent vingt mille employeurs, il y a plus de dix neuf millions de salariés. Il ne faut pas s'étonner que les organisations représentatives de salariés bénéficient d'un financement totalement transparent mais qui, proportionnellement, ça a une cohérence qu'on mette plus de moyens pour organiser ces élections. Et d'ailleurs je tiens à dire que c'était la même chose la fois précédente, que ça soit en 2002, eh bien c'était la même répartition que celle qui existe aujourd'hui. Je crois que ce qui est important c'est que pour les Prud'homales, on a besoin d'un maximum de participation et d'un minimum de polémique, même pas d'un début de polémique. Et qu'en plus, quand on parle des élections Prud'homales il ne faut pas oublier que c'est un travail qui a été construit par la direction générale du travail avec tous les partenaires sociaux, CGT comprise, le MEDEF compris et que depuis des mois et des mois tous ces gens-là travaillent en essayant de faire de leur mieux. Concernant Bernard THIBAULT, c'est sur une question très précise ; on a expérimenté pour la première fois le vote par Internet sur Paris. D'ailleurs, un véritable succès : soixante dix-huit mille six cent cinquante quatre participants à ce vote. Mais il y avait des questions justement, à un moment donné, et Bernard THIBAULT a eu toutes les réponses auxquelles il pouvait justement prétendre, qu'il voulait obtenir et tout a été fait sous un contrôle de la CNIL et des responsables des bureaux de vote, dans la plus totale transparence. Ca a beau être Internet, les urnes étaient transparentes.
ANNE FULDA
Si vous incitez à un tel point les salariés à voter c'est parce que, en fait, vous savez que la période qui s'ouvre va être extrêmement difficile et leur situation plus précaire que jamais, c'est ça ?
XAVIER BERTRAND
C'est surtout qu'on a un taux de syndicalisation en France qui est certainement l'un des plus bas d'Europe. Ce n'est pas une bonne chose. Je préfère avoir des syndicats qui soient forts avec davantage de participation pour ces Prud'homales. Ce ne sont pas les Prud'homales qui déterminent la représentativité syndicale dans les entreprises, c'est une autre logique les élections d'entreprises. Mais je crois quand même que dans les années qui viennent on aura besoin en permanence de s'appuyer sur le dialogue social. Et pour ça il faut des syndicats plus puissants encore. Voilà la logique. Que nous traversions aujourd'hui une situation économique difficile c'est une chose, mais que ça soit en situation économique difficile ou pas, oui je préfère avoir des syndicats puissants.
ANNE FULDA
Parmi les sujets qui inquiètent et qui accroissent cette impression, comme ça, de précarité, il y a notamment et c'est une question d'un Internaute qui s'appelle Yule, qui vous demande : « trouvez-vous normal de toujours rogner sur les retraites du privé ? Et les retraites des ministres ?
XAVIER BERTRAND
Bon, déjà, un ministre n'a pas de retraite. Parce que ça fait partie un peu des idées reçues ou parfois des fantasmes. Il n'y a pas de retraite. Il y a tout simplement le fait quand on n'est plus ministre, on a six mois de traitement garanti si on ne reprend pas une autre activité. Ca c'est fait. Bon. On ne rogne pas les retraites du privé. Parce que quand on décide justement d'augmenter la durée de cotisations, de passer de 40 à 41 ans c'est pour maintenir justement le niveau des retraites. Et nous avons même mis dans le cadre de la loi, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui a été voté, un minimum de pension pour ceux qui ont fait leur carrière au Smic, de 85 % du Smic. Donc je sais qu'il y a beaucoup d'idées reçues mais la vérité c'est qu'on veut maintenir le niveau de vie des retraités.
ANNE FULDA
Il y a en tout cas un sujet qui en ce moment fait débat et qui inquiète beaucoup de Français et qui fait beaucoup parler. C'est le travail le dimanche. Il y a un sondage IPSOS qui est paru aujourd'hui et qui montre que, en fait 64% des Français ne seraient pas d'accord pour travailler régulièrement le dimanche.
XAVIER BERTRAND
Moi non plus.
ANNE FULDA
Vous non plus.
XAVIER BERTRAND
Je fais partie des 64% alors.
ANNE FULDA
Alors pourquoi vous voulez arriver à imposer cette proposition de loi sur le travail le dimanche, et comment allez-vous arriver à mettre tout le monde d'accord ?
XAVIER BERTRAND
Tout simplement parce qu'il faut voir ce texte tel qu'il est. Que dit ce texte ? C'est que le repos dominical c'est le principe, le dimanche n'est pas un jour comme les autres. Mais que par contre nous devons avant tout protéger les salariés qui aujourd'hui travaillent le dimanche dans certaines zones. A Plan de Campagne ou en Ile de France dans le Val d'Oise, vous avez des salariés qui sont aujourd'hui menacés dans leur emploi le dimanche, parce que les enseignes en ont marre de payer les astreintes à n'en plus finir. Les enseignes de bricolage voilà dix jours ont dit : cent mille euros pour ouvrir un dimanche c'est fini. Et les salariés en question, eux, risquent de perdre leur boulot, ça veut dire perdre 20% de leur salaire. Que ce soit en ce moment ou à un autre moment il est impossible de leur faire perdre leur boulot. Un étudiant qui fait le choix du dimanche, plutôt que de travailler tous les soirs de la semaine, est-ce qu'on va lui interdire de travailler ? Bien sûr que non. Donc nous voulons faire en sorte que ce texte s'applique dans des zones touristiques où on a besoin de clarifier les choses et dans ces grandes zones d'attractivité commerciale : Paris, Lyon, Marseille et Lille ; rien de plus. Il ne s'agit pas de faire travailler tous les Français tous les dimanches. Et en plus on va apporter des garanties, des garanties solides. Il faudra le feu vert du Maire dans ces zones ; le feu vert du président de l'Intercommunalité. Le zonage sera fait par le Préfet. Et le volontariat et le paiement double. Donc vous voyez, on fait très attention à maintenir un équilibre et la proposition de loi de Richard MALLIEZ aujourd'hui apporte cet équilibre.
ANNE FULDA
La proposition de loi qui sera d'ailleurs discutée le 11 décembre ne satisfait pas tout le monde, y compris au sein de la majorité. Vous allez avoir une réunion tout à l'heure en sortant de cette émission. Comment allez-vous réussir à convaincre ces élus de votre propre majorité qui sont réticents ?
XAVIER BERTRAND
C'est très simple. Ils ont des convictions, ils ont des convictions fortes qu'il faut aussi respecter. Ils disent « il ne faut pas généraliser le travail du dimanche ». Tant mieux. La proposition de loi MALLIEZ ne prévoit pas la généralisation du travail le dimanche. Et ce que nous avons bien voulu montrer c'est qu'il y avait beaucoup d'idées reçues sur ce texte et que la réalité c'est une réalité qui est limitée à ce que je vous ai dit tout à l'heure. Mais seulement nous protégeons à la fois les salariés qui sont dans ces zones, qui ont envie de continuer à travailler le dimanche, mais on ne perturbe pas ni le commerce, ni l'activité, ni les habitudes dans beaucoup d'autres endroits et nous avons bien veillé, c'est un travail que nous avons mené avec Luc CHATEL, avec Jean-François COPE, à faire en sorte que toutes les clarifications soient apportées et qu'il y ait aussi un maximum de garanties pour les salariés. Et je peux vous dire que je suis confiant quant à l'adoption de ce texte parce que parmi les signataires de cette tribune, ils ont bien vu ce qu'il y avait dans cette proposition de loi.
ANNE FULDA
Nicolas SARKOZY présente jeudi à Douai son plan de soutien à l'économie. Est-ce que vous avez participé à la préparation de ce plan et est-ce que vous pouvez nous en parler.
XAVIER BERTRAND
Vous en parler...
ANNE FULDA
Enfin, nous donner les grandes lignes.
XAVIER BERTRAND
Vous ne vous attendiez pas à un scoop, hein, très franchement.
ANNE FULDA
Mais si, si...
XAVIER BERTRAND
N'ayez pas trop d'impatience, c'est jeudi matin. Quelle est la logique ?
ANNE FULDA
C'est uniquement le soutien à l'investissement des entreprises0
XAVIER BERTRAND
Attendez jeudi matin mais l'idée est la suivante. Depuis le début, le président de la République, le gouvernement, la majorité n'ont pas voulu rester les bras croisés par rapport à ce qui se passait. Il a déjà fallu éteindre l'incendie en matière de situation financière ; bien veiller justement à ce que cet incendie puisse être éteint. Ensuite veiller à ce que l'économie ne subisse pas trop les conséquences de ce ralentissement. Mais disons les choses clairement. Si vous avez une récession aux Etats-Unis, on ne refera pas le coup du nuage de Tchernobyl, on ne fera pas croire que ça va s'arrêter au milieu de l'Atlantique. Donc nous devons veiller en permanence à prendre de nouvelles initiatives, à investir, à mettre du carburant dans le moteur de l'économie parce que c'est ça aujourd'hui qui est important. Mais je sais une chose, si vous me permettez un peu une image : si vous êtes en pleine mer et en pleine tempête, ce n'est pas le moment de jeter l'ancre. Vous devez protéger l'équipage - les Français - protéger le bateau - la France - mais vous devez absolument tenir le cap ; tenir le cap des initiatives, tenir le cap du changement, et en même temps tenir le cap de la cohésion sociale parce que dans une période difficile vous devez aussi penser aux plus fragiles.
ANNE FULDA
Alors justement, est-ce que ça n'implique pas, pour tenir le cap de faire comme le réclame Jean-Claude MAILLY qui est le secrétaire générale de Force Ouvrière, de lancer aussi un plan qui concerne la demande et la consommation des ménages.
XAVIER BERTRAND
Mais moi vous savez, tous les débats...
ANNE FULDA
Est-ce que ça ne concernera que l'investissement des entreprises, ou pas ?
XAVIER BERTRAND
La demande, l'offre... je vais vous dire une chose...
ANNE FULDA
C'est sûr... c'est ce qu'a dit Madame LAGARDE mais ça n'est pas vraiment ça...
XAVIER BERTRAND
Comment on s'en sortira de cette crise ? On s'en sortira par le travail et par l'esprit d'entreprise. Mais en même temps vous devez penser à celles et ceux qui sont éloignés du travail et pour ça on n'a pas attendu. Quand nous décidons par exemple d'augmenter le minimum vieillesse, d'augmenter les pensions de reversions, de ne pas attendre pour verser une prime de Noël de 152 euros, mais de verser une allocation de 220 euros dès le mois de novembre, c'est aussi pour soutenir et aide ceux qui sont loin de l'emploi. Donc vous voyez la logique c'est par le travail qu'on s'en sortira mais en même temps il faut tenir le cap de la solidarité. Les deux en même temps.
ANNE FULDA
Bon, eh bien on attendra jeudi. Alors dernière question plus politique. On a compris que Patrick DEVEDJIAN allait quitter ses fonctions à l'UMP ...
XAVIER BERTRAND
Où avez-vous entendu dire cela ?
ANNE FULDA
C'était assez clair dans une interview au Figaro, on a compris qu'il dressait un peu déjà un bilan...
XAVIER BERTRAND
En disant sa mission accomplie, il n'a pas dit terminée.
ANNE FULDA
Oui, bon d'accord...
XAVIER BERTRAND
Et je ne joue pas sur les mots...
ANNE FULDA
Enfin un petit peu quand même. Lorsque vous entendez que Nadine MORANO est tout à fait prête à rendre service à tous les échelons, ça ne vous énerve pas un peu ?
XAVIER BERTRAND
Pourquoi ça devrait m'énerver ?
ANNE FULDA
Eh bien parce que vos n'êtes pas candidat du tout à un poste, à de hautes fonctions à l'UMP ?
XAVIER BERTRAND
Ecoutez, je suis secrétaire général adjoint de l'UMP...
ANNE FULDA
Oui mais plus hautes fonctions encore...
XAVIER BERTRAND
C'est très bien comme cela...
ANNE FULDA
Ca vous suffit.
XAVIER BERTRAND
C'est très bien comme cela...
ANNE FULDA
Parce qu'on vous dit très ambitieux.
XAVIER BERTRAND
Oui, j'entends dire ça, j'assume mon ambition...
ANNE FULDA
Donc alors votre ambition pour l'UMP c'est quoi ?
XAVIER BERTRAND
Je vais vous dire, moi aujourd'hui...
ANNE FULDA
Vous êtes bien comme ça...
XAVIER BERTRAND
Vous avez un secrétaire général adjoint de l'UMP qui peut assumer ses fonctions en totale liberté et dans un travail d'équipe avec Patrick DEVEDJIAN notamment. Et puis le ministre du travail a du travail ; en ce moment en cette fin d'année, moi mes priorités c'est notamment d'être concentré sur mes dossiers. Vous avez parlé du travail le dimanche. Il y a aussi la présidence de l'Union avec des rendez-vous très importants sur des directives attendues. Eh bien je peux vous dire que, aujourd'hui, en ce qui me concerne, je ne me pose pas d'autres questions. Et je vais vous faire une confidence : à chaque fois que je me déplace auprès des militants, ils ne me posent pas la question non plus.
ANNE FULDA
Oui, ça ne les intéresse pas, d'accord. Très bien. Merci Xavier BERTRAND, merci d'avoir participé à cette centième édition du Talk Orange Le Figaro et à demain pour la cent unième. Merci, au revoir.
XAVIER BERTRAND
Merci à vous.
Source http://www.u-m-p.org, le 3 décembre 2008