Interview de Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, à Europe 1 le 8 décembre 2008, sur le plan de relance de 26 milliards d'euros et la crise financière et économique.

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Média : Europe 1

Texte intégral


 
M. Grossiord Bonjour L. Parisot.
Bonjour.
Je le disais, vous ne vous êtes pas encore exprimé sur le plan de 26 milliards d'euros pour éloigner le spectre de la récession. Vous avez pris le temps de la réflexion. Alors ce matin, donc, première question : ce plan vous parait t-il à la hauteur de la situation ?
C'est un vrai plan. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ca veut dire qu'il est ambitieux, qu'il ne se contente pas de réagir à la situation présente mais qu'il regarde vers le futur et l'avenir. C'est un plan aussi qui a l'immense mérite à nos yeux de prendre en compte, de tirer les leçons des erreurs passées en matière de plan de relance économique et c'est un plan qui est global, c'est-à-dire qui touche à la fois les enjeux purement financiers de crédit, des enjeux économiques d'investissement, des enjeux sociaux et qui s'interdit pas pour autant des approches sectorielles sur des filières économiques, on le sait tous, en très grande fragilité. Je pense en particulier à l'automobile et au bâtiment.
Justement sur l'automobile, le Gouvernement entend demander aux entreprises des comptes répartis en matière d'emploi. Est-ce que vous êtes prête à ce donnant-donnant pour tous les secteurs aidés par l'Etat ?
Je crois qu'il faut avoir quelques principes. Je ne sais pas si le donnant-donnant est la bonne expression, je préfèrerais le gagnant-gagnant. Je crois qu'il faut se demander pourquoi dans ce secteur comme dans d'autres, il y a des formes d'incitation à délocaliser aujourd'hui. Et à partir du moment où on se pose la question sous cette forme, on trouve la réponse qui est : il faut avoir une politique économique ou une politique fiscale ou une politique sociale qui incite à ne pas délocaliser.
Est-ce que c'est le cas ? Est-ce que vous avez trouvé dans ce plan des mesures de nature justement à renforcer la compétitivité des entreprises ?
D'une manière générale, depuis un an, deux ans, nous faisons beaucoup - le gouvernement et les partenaires sociaux - pour favoriser l'attractivité de la France et la compétitivité des entreprises françaises. Je pense par exemple à cet accord très important que nous avons signé avec les syndicats sur le marché du travail en janvier 2008. Ce n'est pas si vieux que ça mais il faut aller plus loin, ce n'est pas suffisant. Tant que nous aurons le malheur de constater que les prélèvements obligatoires sur les entreprises françaises sont les plus élevés au monde, il y aura toujours finalement une prime à la délocalisation au lieu d'avoir une prime au maintien sur le site France.
Est-ce que vous, vous parlez d'un plan de relance ou de simples mesures de soutien et seront-elles suffisantes pour arrêter la casse de l'emploi ?
Je dis que c'est un vrai plan. Maintenant, se sortir de la situation actuelle ça ne dépend pas que de nous. Il faut bien comprendre que la crise, elle est mondiale. D'ailleurs, ce qui était stupéfiant et tout à fait inédit dans cette crise, c'est qu'elle a été simultanée dans tous les pays avancés comme dans les pays les moins avancés, la crise est arrivée en quelques semaines. C'est dire que sortir de cette crise ne peut que passer par une approche internationale et aujourd'hui tous les actes, tous les gestes, tous les efforts de coopération internationale sont tout à fait décisifs pour la sortie de crise.
Mais insuffisants en Europe ?
Non, moi je crois qu'on a fait beaucoup de choses au niveau européen et l'impulsion du président de la République a été majeure. Maintenant, il faut continuer à avoir des approches à l'intérieur de l'Europe qui, même si elles sont nationales, ne se nuisent pas les unes aux autres.
Alors on l'a vu, le plan oublie la consommation des ménages. Est-ce que ce n'est pas aux entreprises de donner le coup de pouce au pouvoir d'achat qu'attendent aujourd'hui les Français parce que l'économie est aussi stimulée, on le sait par la consommation ?
Le plan ne l'oublie pas. Quand le plan prévoit pour les ménages les plus modestes une prime de solidarité, je vous rappelle que cette prime de 200 euros, ce qui...
Est-ce que ça peut suffire ?
...Rien en soi ne peut suffire, les choses iront bien que quand la croissance repartira. Pour que la croissance reparte, il faut encore une fois stimuler la compétitivité des entreprises et c'est parce que les entreprises seront compétitives qu'elles continueront à embaucher et qu'elles auront des marges de manoeuvre sur les salaires et c'est là que par voie de conséquence, la consommation sera soutenue, voire accélérée. La consommation est une conséquence, ce n'est pas un point de départ.
Alors un mot sur le travail le dimanche justement. Le texte législatif en débat est moins ambitieux qu'au départ, est-ce que vous acceptez l'idée d'un droit de refus des salariés comme prévu dans la toute dernière formule ?
La réponse est claire, non. Je ne comprends pas cette approche. Il s'agissait non pas de réfléchir sur le travail ou la législation sur le travail du dimanche, ça fait des années, des décennies qu'en France, ponctuellement dans certains secteurs on travaille le dimanche. Que je sache, les antennes d'Europe 1 ne sont pas fermées le dimanche. Ca veut dire qu'il y a des gens à Europe 1 qui travaillent le dimanche. Il s'agissait de quoi ? Il s'agissait de favoriser l'activité du commerce le dimanche dans certaines zones qui sont des zones à forte densité de population ou à forte attractivité touristique. Que de cette tentation de créer un petit peu plus d'activités commerciales, tout d'un coup on débouche sur ce qui serait une rigidité de plus dans le droit du travail, ce serait tout à fait malheureux.
Pour vous c'est une régression finalement, au bout du compte ?
Sans aucun doute. Nous avons besoin aujourd'hui plus que jamais, compte tenu de la crise, de souplesse, de possibilité d'ajustement. Je crois que là cette approche ne va pas dans le bon sens.
Alors on a parlé du pouvoir d'achat, des revendications fortes en terme de salaire. Est-ce qu'il y aurait deux poids, deux mesures ? Faut-il, comme le suggère le sénateur P. Marini, que les actionnaires ayant subi des pertes à la Bourse puissent les déduire de leurs impôts ? Est-ce une bonne ou une très mauvaise idée pour vous ?
Je ne comprends absolument pas cette approche. Je crois qu'on aurait besoin d'en savoir plus pour comprendre l'objectif. En tous cas, il me semble que... Le marché boursier est ce qu'il est. Il y a des bonnes années, des moins bonnes années. Tout le monde sait que c'est quelque chose qui se passe sur la durée et je ne vois pas pourquoi il faudrait envisager un dispositif spécial et avantageux pour ceux qui ont pris certaines formes de position sur le marché boursier cette année.
Les actionnaires doivent assumer les risques ?
C'est évident.
Très bien. Le Medef qui poursuit ses négociations avec les syndicats sur un certain nombre de sujets. Un mot sur l'assurance chômage. Est-ce que vous confirmez que le patronat veut réduire la durée d'indemnisation ?
Ce que nous voulons absolument et principalement, c'est envisager une baisse des cotisations parce que nous avons aujourd'hui un taux de cotisation sociale quasiment insupportable pour les entreprises.
Mais la durée d'indemnisation pour les chômeurs de plus en plus nombreux ?
Je crois qu'on peut simplifier les filières et peut-être du coup modifier certaines durées. Mais ce n'est pas l'enjeu numéro un de cette négociation. L'enjeu numéro un de cette négociation c'est de baisser les cotisations, que ce soit pour l'employeur ou pour le salarié.
Autre négociation, aujourd'hui même, la formation professionnelle. L'enjeu c'est d'en faire un outil performant au service de l'emploi. Est-ce qu'il faudra que l'Etat prenne ses responsabilités comme le promet N. Sarkozy en l'absence d'accord d'ici le 1er janvier ?
Cet après-midi même, nous avons une séance très importante sur la négociation formation professionnelle. Je crois que là il est temps que nous tous, c'est-à-dire organisations syndicales et organisations patronales, nous prenions vraiment nos responsabilités. Il faut qu'on ait une approche forte et simple sur la formation professionnelle et notamment qu'on pense un peu au contenu et le contenu de la formation professionnelle, ce doit être un socle de compétences, principalement fondé sur la maîtrise de l'anglais, la maîtrise des nouveaux outils technologiques et informatiques et la capacité à travailler en équipe. Parlons contenu et arrêtons de parler des mécanismes de financement de la formation professionnelle.
Dernière question, vous saluez toujours l'arrivée d'une femme à des postes en vue, notamment en politique. Votre jugement sur M. Aubry à la tête du PS ? On l'a entendue dire qu'il fallait trouver un nouveau modèle face au libéralisme. Est-ce que vous la suivez sur ce terrain ?
Je trouve très important la façon dont les choses se sont passées au Parti socialiste et il a été de bon ton de critiquer certains évènements. Mais ils ont eu le mérite d'avoir une approche démocratique. De la même façon, moi je dis qu'il est très important pour la France que, et ça c'est être démocrate, que le Parti socialiste soit un parti ouvert, moderne, qu'il s'engage vers la social-démocratie et s'il peut apporter au débat d'idées, il est le bienvenu.
Un parti paritaire respecté par M. Aubry dans les instances. Merci L. Parisot d'être venue ce matin à Europe 1.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 décembre 2008