Texte intégral
M. Biraben, C. Roux & L. Mercadet M. Biraben : La toute nouvelle secrétaire d'Etat à la Prospective et à l'Economie numérique, N. Kosciusko-Morizet, est notre invitée, Caroline.
C. Roux : Les associations écolos ont unanimement regretté son départ du ministère de l'Ecologie, ce qui n'est sans doute pas le cas dans sa famille politique où celle qui avait dénoncé le « concours de lâcheté » sur les OGM ne s'est pas fait que des amis. Certains ont dû fêter son départ avant le débat sur le Grenelle 2. Elle assure que ce changement n'est pas une sanction, se débarrasse de son ministre de tutelle et veut montrer qu'elle sait faire autre chose que porter le dossier de l'écologie. Bonjour.
Bonjour.
M. Biraben : N. Kosciusko-Morizet, bonne année d'abord.
Merci, vous aussi.
M. Biraben : Et bienvenue. Qu'est-ce qu'il faut vous souhaiter ? Des pixels, des pixels ! En tout cas, pour l'instant, personne n'est nommé pour vous succéder au secrétariat d'Etat à l'Ecologie. Est-ce que ça veut dire que ce secrétariat d'Etat ne sert à rien ?
Ah non, ça, on ne peut pas dire ça ! Non, ça veut dire qu'il y a plusieurs façons de s'organiser et je pense que le choix n'est pas fait de savoir qu'elle est l'organisation. Vous savez, dans ce grand ministère il y a trois autres secrétaires d'Etat, et il y a beaucoup, beaucoup de sujets. Il y a par exemple des sujets qui étaient sans secrétaire d'Etat, l'énergie. On peut aussi s'organiser autrement.
C. Roux : Mais vous trouvez normal que votre poste soit vacant ?
Je pense que ça vaut le coup en tout cas de prendre la réflexion. Pourquoi ? Parce qu'avec un groupe de quatre secrétaires d'Etat, il y a plein de manières de s'organiser. Et moi, dans ce que je faisais, il y avait des choses très variées : il y avait à la fois beaucoup de parlementaires, beaucoup d'international. Parlementaires au sens du passage des projets de loi, tout ça, et puis des sujets de société comme la santé environnementale, la consommation environnementale. Je veux dire, le Grenelle c'est ce que vous voyez, vous, mais il y a aussi beaucoup d'autres choses derrière et on peut s'organiser de façon différente. Ca dépend aussi un peu de ce que J.-L. Borloo veut faire, sur quoi il veut se réinvestir et qu'est-ce qu'il veut reprendre en compte.
C. Roux : Cela veut dire que vous ne trouveriez pas choquant qu'il n'y ait plus de secrétaire d'Etat à l'Ecologie en termes de signe et d'affichage politique, ça ne vous choquerait pas.
Non, ça veut dire que par exemple on peut très bien imaginer que J.-L. Borloo s'occupe moins d'énergie, qu'il a en propre actuellement, et plus d'écologie. Cela veut dire qu'il peut s'organiser différemment, mais ça nécessite de s'organiser différemment, en revanche, parce qu'il y a beaucoup de travail.
C. Roux : Alors, il y a des noms de prétendants pour vous remplacer, qui ont fuité dans la presse. On parle de F. Keller, exmaire de Strasbourg, M. Fontenoy, la navigatrice, ou C. Jouanno, présidente de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Vous avez une préférence ?
Ecoutez, ce n'est vraiment pas à moi de m'exprimer là-dessus parce que ce n'est pas mon choix.
C. Roux : Mais vous connaissez très bien votre dossier, tout le monde le sait, et vous connaissez très bien ces femmes-là.
Je les connais très bien toutes les trois, et vous voyez, rien qu'avec la façon dont... rien qu'avec ces trois noms, vous démontrez vous-mêmes la complexité de la chose, c'est que c'est trois profils très très différents, et donc c'est trois choix d'organisation. Quelqu'un comme F. Keller, c'est quelqu'un qui pourrait formidablement faire le travail du passage du Grenelle de l'environnement ; quelqu'un comme M. Fontenoy, elle est plutôt sur le côté beaucoup plus people ; quelqu'un comme C. Jouanno, elle est technicienne, on a beaucoup travaillé pendant la campagne présidentielle ensemble sur les questions d'environnement. C'est des chouettes profils.
C. Roux : Mais, c'est curieux, parce que quand Maïtena vous pose la question, « si on ne remplace pas N. Kosciusko-Morizet ça veut dire que le secrétariat d'Etat à l'Environnement ne servait à rien », vous dites, « ah non, pas du tout ! », et en même temps vous dites : « bon, ce n'est pas grave si on ne remplace pas poste pour poste ».
Non, je ne vous dis pas ça, je vous dis on a beaucoup travaillé ensemble sur le Grenelle de l'environnement. Maintenant, on arrive dans une deuxième étape, le Grenelle de l'environnement il est très largement lancé. Ce qu'il faut c'est s'occuper de discuter les textes à l'Assemblée, donc ça c'est un peu une technique, et on est dans la mise en oeuvre. On peut avoir une organisation différente.
C. Roux : D'accord.
Cela nécessiterait simplement que J.-L. Borloo décale ses centres d'intérêt aussi, je vous dis, par exemple, fasse moins d'énergie, plus d'écologie. C'est son choix !
C. Roux : Ca sera le choix de J.-L. Borloo.
Et celui du président de la République et du Premier ministre. J'ai pas... vous comprenez... moi, je n'ai pas non plus à m'exprimer là-dessus.
M. Biraben : Cela a vous touchée qu'on vous regrette, que les associations écolos disent unanimement regretter votre départ ?
Cela m'a touchée parce que d'une certaine manière, je veux dire... comprenez, je participe de cette émotion-là. Moi, je suis une militante de l'écologie, je l'ai toujours été et je le resterai. Je reste convaincue, je ne me renie pas, que l'écologie est le grand enjeu du 21e siècle. Et en même temps, je crois qu'on arrivait à la fin d'un cycle au sens où on a lancé ensemble le Grenelle de l'environnement et maintenant d'autres aussi pouvaient faire. Pour moi, c'était important d'élargir un peu mes sujets, mais pas forcément... Je n'ai pas tant changé d'ailleurs, parce que pour moi c'est un élargissement. En faisant de l'écologie depuis dix ans dans mon parti politique, à une époque où ça n'intéressait pas forcément grand monde, j'avais déjà l'impression de faire de la prospective. Et puis, c'est vrai que j'avais envie de prendre un peu d'autonomie, je ne l'ai pas caché.
M. Biraben : Bien joué !
C. Roux : Est-ce que, on va poser la question directement, est-ce que vous êtes contente de ne plus travailler directement avec J.-L. Borloo ?
Je suis contente de prendre de l'autonomie, je l'ai dit, je ne l'ai pas caché.
C. Roux Il y avait un problème avec votre ministre de tutelle, ça arrive dans la vraie vie de tous les jours. Est-ce que c'est quelque chose qu'on a le droit de dire quand on est secrétaire d'Etat, qu'on a un problème avec son ministre de tutelle et qu'on a envie de reprendre un peu d'autonomie, que c'était trop compliqué décidément ?
Attendez, je ne sais pas si on a le droit de le dire, mais moi j'ai dit très clairement que c'est vrai que j'avais envie d'autonomie et c'est vrai que mon caractère ne s'accommodait pas forcément de la position de secrétaire d'Etat. En même temps, et là je suis encore secrétaire d'Etat mais auprès du Premier ministre, c'est une position différente, c'est une personnalité différente aussi.
C. Roux : Votre caractère ne s'accommodait pas avec J.-L. Borloo. M. Biraben : Va-t-il s'accommoder de F. Fillon ?
En même temps - attendez, laissez-moi finir- en même temps, avec J.-L. Borloo on a fait des grandes choses. Le Grenelle de l'environnement en août 2007 et le passage à la quasi unanimité de la première loi Grenelle à l'automne 2008, on l'a fait ensemble, et j'en suis très fière, avec lui. Donc, vraiment c'est... enfin, j'en suis fière. Mais, ça ne veut pas dire qu'à un moment il ne faut pas bouger.
C. Roux : Est-ce que vous abandonnez la cause ? Est-ce que vous serez à ses côtés pour le Grenelle 2, à votre manière ou est-ce que vous le laissez se débrouiller avec la majorité ?
Pas du tout, je n'abandonne rien du tout, ni la cause, ni le projet. Je le disais, moi, j'ai été une militante de l'écologie depuis longtemps et je le reste. Je suis convaincue que là se noue une part de l'avenir du monde. Je compte d'ailleurs continuer à avoir un regard sur ces sujets, et quand Jean-louis m'a dit : « mais il va y avoir la discussion, la loi Grenelle 2 » - la loi Grenelle 2 c'est trois semaines à l'Assemblée, par exemple, et on peut entre ministres se donner des coups de main - j'ai dit : « mais moi, je suis là si tu as besoin ». C'est un peu mon bébé aussi ce Grenelle-là et je continue à regarder, bien sûr.
C. Roux : Alors, votre nouveau bébé c'est l'économie numérique. Est-ce que d'ores et déjà vous avez des priorités, des dossiers prioritaires ?
Oui, j'ai plusieurs dossiers prioritaires. A l'intérieur de l'économie numérique, j'ai trois grands sujets. Il y en a un qui peut paraître assez technique, mais c'est le développement d'outils. Il y a beaucoup de choses à faire sur l'outil parce qu'il y a beaucoup de technologies qui se développent en ce moment, des bornes de fréquences, c'est un peu technique, mais bon. Le deuxième, c'est comment utiliser au mieux cet outil dans cette période économique compliquée et par exemple dans le plan de relance pour pouvoir en bénéficier au maximum ? Vous savez, l'économie numérique c'est 25 à 30 % de la croissance mondiale et c'est de la compétitivité qui peut diffuser dans toute l'économie, et on n'en tire pas le meilleur parti en France. On pourrait en tirer un bien meilleur parti, en fait. Comment on fait ?
C. Roux : C'est E. Besson qui n'avait pas bien fait le job ou... ?
Je pense qu'E. Besson a fait beaucoup de travail, et il n'a pas forcément été très très visible sur ce sujet parce que c'était son choix et sa manière, mais je pense qu'il a fait beaucoup de travail. Et la troisième chose, c'est les usages, comment faire en sorte que ce soit plus de convivialité ? Pourquoi ? Parce que un outil ce n'est pas bon ou mauvais en soi, c'est la manière dont on l'utilise. En fait, on est très largement responsable de ce qu'on fait de l'outil, si vous voulez. Une technologie n'est pas... une technologie n'a pas d'éthique par exemple. Donc, la question des usages, et là aussi je crois qu'on peut aller beaucoup plus loin.
C. Roux : Alors, il y a de choses très concrètes, c'est ce que coûte l'outil, comme vous dites, les sénateurs ont voté l'augmentation de la redevance et ils ont aussi soumis les propriétaires d'ordinateur au paiement de cette redevance dans la limite d'une redevance par foyer. Alors ?
Mais alors là, ce n'est justement pas du tout ce que coûte l'outil, ça c'est comment on finance les contenus. L'outil c'est le tuyau à travers lequel vous diffusez des contenus, et comment on finance les...
C. Roux : ... est-ce que vous êtes favorable à l'idée d'une taxe sur les ordinateurs pour financer la redevance ?
Je suis favorable à ce que ces nouveaux outils qui se développent puissent financer une partie de leurs contenus. C'est-à-dire que ce n'est pas normal que vous puissez accéder à plein de choses sur le téléphone, sur l'ordinateur, sans financer à aucun moment la création. Maintenant, il y a plusieurs façons de le faire et il y avait une proposition qui était cette taxe pour compenser la fin de la publicité sur les chaînes publiques qui était une bonne manière.
M. Biraben : Une question de spectateur pour vous, avec Léon, tout de suite.
L. Mercadet : Eh oui, Ischam vous pose la question familiale : « Vous êtes passée au secrétariat d'Etat chargé du numérique alors que votre frère est un éminent patron dans ce secteur d'activité. Y a-t-il un risque de conflit d'intérêt ? ». Je précise aux téléspectateurs que votre frère dirige priceminister.com. Vous, vous êtes numérique minister, ça fait un peu famille minister, y a t-il un risque de conflit d'intérêt ?
Non, il n'y a pas de risque de conflit d'intérêt.
L. Mercadet : Pourquoi ?
Parce que mon frère, mon petit frère, je le précise, j'ai vu quelque part qu'on disait que c'était mon grand frère, je précise que c'est mon petit frère, n'est pas un développeur de réseau. Mon petit frère est un des nombreux utilisateurs d'Internet. Alors, il se trouve qu'il est grand utilisateur d'Internet, mais...
C. Roux : ... enfin, il est patron de l'Association pour le commerce en ligne.
Oui, mais il est utilisateur d'un outil que je suis chargée de développer. Il n'est pas lui-même... ce n'est pas lui qui vend la fibre optique, ou, vous voyez, ce genre de chose-là. Il ne faut pas voir le conflit d'intérêt là où il n'y en pas, ou alors on m'explique où il y a un conflit d'intérêt parce que, finalement, tout le monde fait traîner cette idée-là, elle traîne aussi sur Internet, et puis à aucun moment on explique concrètement où il y aurait un conflit d'intérêt. L'Etat ne participe pas de l'entreprise de mon frère, à laquelle je ne participe pas non plus d'ailleurs. C'est une activité privée.
L. Mercadet : La question n'est pas « y a-t-il déjà un conflit d'intérêt » mais « y a-t-il un risque potentiellement ? ». M. Biraben : C'est « y aura-t-il ? »
Non, je ne crois pas. Je ne vois pas comment, vraiment il me semble pas.
M. Biraben : On va passer au j'aime/j'aime pas, maintenant. On va rester dans votre domaine avec la suspension des DRM dans l'industrie du disque pour le internautes honnêtes. Alors, il faut le rappeler, c'est cet espèce de verrou quand vous téléchargez, vous téléchargez sur votre ordinateur, si vous essayez de le mettre sur un autre support vous ne pouvez pas lire la musique vous avez téléchargée. Donc, ça été abandonné par les majors. Vous en pensez quoi ? Vous aimez, vous n'aimez pas ?
Ah ben, j'aime ! C'est la contrepartie normale, si vous voulez, d'un système qu'on essaie de faire évoluer vers de plus en plus de téléchargement légal, mais pour qu'il y ait de plus en plus de téléchargement légal, il faut que ce soit intéressant de télécharger légalement, il faut qu'on puisse derrière utiliser plus facilement la musique, avoir une souplesse, en fait, d'utilisation de ce qu'on a téléchargé légalement. Quand on a payé, on a envie de pouvoir... voilà.
C. Roux : J'aime/j'aime pas V. Pécresse tête de liste UMP aux régionales, parce que certains membres du Gouvernement ont pris position pour elle ?
Cela ne vous a pas échappé que comme secrétaire générale adjointe, je suis chargée d'organiser la bonne entente et l'équité dans ces élections, donc je ne vais pas aller rajouter de l'huile sur le feu en me prononçant pour l'une ou pour l'autre.
C. Roux : Donc, ce n'était pas bien que R. Dati soutienne V. Pécresse, qu'elle le fasse aussi clairement ?
Je ne sais pas si c'est aussi clair que ça.
C. Roux : Ah bon ?
Non, enfin je ne sais pas si c'est aussi clair que ça. Il y a eu un petit débat là-dessus. Moi, ce que j'aime en tout cas c'est les primaires. Vous savez pourquoi ? Parce que tout le monde dit, « oh la la, il y a beaucoup de tension, et tout ». Oui, enfin, écoutez, au moins il y a un débat et le débat en plus est tranché par le militant. Et je vous assure qu'ils apprécient. Quand vous allez dans une réunion UMP et vous dites : « vous savez, maintenant la carte elle vaut droit de vote, vous pourrez voter pour choisir qui vous soutiendrez aux élections », ça plaît et ils ont raison. C'est contemporain, c'est moderne, c'est bien.
M. Biraben : Nous savons quoi vous souhaitez maintenant. Entendez-vous bien le mieux possible avec le Premier ministre à qui vous êtes rattachée ?
C. Roux : Ben oui ! M. Biraben : C'est ce que vous nous souhaitons, ainsi qu'une excellente journée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 janvier 2009
C. Roux : Les associations écolos ont unanimement regretté son départ du ministère de l'Ecologie, ce qui n'est sans doute pas le cas dans sa famille politique où celle qui avait dénoncé le « concours de lâcheté » sur les OGM ne s'est pas fait que des amis. Certains ont dû fêter son départ avant le débat sur le Grenelle 2. Elle assure que ce changement n'est pas une sanction, se débarrasse de son ministre de tutelle et veut montrer qu'elle sait faire autre chose que porter le dossier de l'écologie. Bonjour.
Bonjour.
M. Biraben : N. Kosciusko-Morizet, bonne année d'abord.
Merci, vous aussi.
M. Biraben : Et bienvenue. Qu'est-ce qu'il faut vous souhaiter ? Des pixels, des pixels ! En tout cas, pour l'instant, personne n'est nommé pour vous succéder au secrétariat d'Etat à l'Ecologie. Est-ce que ça veut dire que ce secrétariat d'Etat ne sert à rien ?
Ah non, ça, on ne peut pas dire ça ! Non, ça veut dire qu'il y a plusieurs façons de s'organiser et je pense que le choix n'est pas fait de savoir qu'elle est l'organisation. Vous savez, dans ce grand ministère il y a trois autres secrétaires d'Etat, et il y a beaucoup, beaucoup de sujets. Il y a par exemple des sujets qui étaient sans secrétaire d'Etat, l'énergie. On peut aussi s'organiser autrement.
C. Roux : Mais vous trouvez normal que votre poste soit vacant ?
Je pense que ça vaut le coup en tout cas de prendre la réflexion. Pourquoi ? Parce qu'avec un groupe de quatre secrétaires d'Etat, il y a plein de manières de s'organiser. Et moi, dans ce que je faisais, il y avait des choses très variées : il y avait à la fois beaucoup de parlementaires, beaucoup d'international. Parlementaires au sens du passage des projets de loi, tout ça, et puis des sujets de société comme la santé environnementale, la consommation environnementale. Je veux dire, le Grenelle c'est ce que vous voyez, vous, mais il y a aussi beaucoup d'autres choses derrière et on peut s'organiser de façon différente. Ca dépend aussi un peu de ce que J.-L. Borloo veut faire, sur quoi il veut se réinvestir et qu'est-ce qu'il veut reprendre en compte.
C. Roux : Cela veut dire que vous ne trouveriez pas choquant qu'il n'y ait plus de secrétaire d'Etat à l'Ecologie en termes de signe et d'affichage politique, ça ne vous choquerait pas.
Non, ça veut dire que par exemple on peut très bien imaginer que J.-L. Borloo s'occupe moins d'énergie, qu'il a en propre actuellement, et plus d'écologie. Cela veut dire qu'il peut s'organiser différemment, mais ça nécessite de s'organiser différemment, en revanche, parce qu'il y a beaucoup de travail.
C. Roux : Alors, il y a des noms de prétendants pour vous remplacer, qui ont fuité dans la presse. On parle de F. Keller, exmaire de Strasbourg, M. Fontenoy, la navigatrice, ou C. Jouanno, présidente de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Vous avez une préférence ?
Ecoutez, ce n'est vraiment pas à moi de m'exprimer là-dessus parce que ce n'est pas mon choix.
C. Roux : Mais vous connaissez très bien votre dossier, tout le monde le sait, et vous connaissez très bien ces femmes-là.
Je les connais très bien toutes les trois, et vous voyez, rien qu'avec la façon dont... rien qu'avec ces trois noms, vous démontrez vous-mêmes la complexité de la chose, c'est que c'est trois profils très très différents, et donc c'est trois choix d'organisation. Quelqu'un comme F. Keller, c'est quelqu'un qui pourrait formidablement faire le travail du passage du Grenelle de l'environnement ; quelqu'un comme M. Fontenoy, elle est plutôt sur le côté beaucoup plus people ; quelqu'un comme C. Jouanno, elle est technicienne, on a beaucoup travaillé pendant la campagne présidentielle ensemble sur les questions d'environnement. C'est des chouettes profils.
C. Roux : Mais, c'est curieux, parce que quand Maïtena vous pose la question, « si on ne remplace pas N. Kosciusko-Morizet ça veut dire que le secrétariat d'Etat à l'Environnement ne servait à rien », vous dites, « ah non, pas du tout ! », et en même temps vous dites : « bon, ce n'est pas grave si on ne remplace pas poste pour poste ».
Non, je ne vous dis pas ça, je vous dis on a beaucoup travaillé ensemble sur le Grenelle de l'environnement. Maintenant, on arrive dans une deuxième étape, le Grenelle de l'environnement il est très largement lancé. Ce qu'il faut c'est s'occuper de discuter les textes à l'Assemblée, donc ça c'est un peu une technique, et on est dans la mise en oeuvre. On peut avoir une organisation différente.
C. Roux : D'accord.
Cela nécessiterait simplement que J.-L. Borloo décale ses centres d'intérêt aussi, je vous dis, par exemple, fasse moins d'énergie, plus d'écologie. C'est son choix !
C. Roux : Ca sera le choix de J.-L. Borloo.
Et celui du président de la République et du Premier ministre. J'ai pas... vous comprenez... moi, je n'ai pas non plus à m'exprimer là-dessus.
M. Biraben : Cela a vous touchée qu'on vous regrette, que les associations écolos disent unanimement regretter votre départ ?
Cela m'a touchée parce que d'une certaine manière, je veux dire... comprenez, je participe de cette émotion-là. Moi, je suis une militante de l'écologie, je l'ai toujours été et je le resterai. Je reste convaincue, je ne me renie pas, que l'écologie est le grand enjeu du 21e siècle. Et en même temps, je crois qu'on arrivait à la fin d'un cycle au sens où on a lancé ensemble le Grenelle de l'environnement et maintenant d'autres aussi pouvaient faire. Pour moi, c'était important d'élargir un peu mes sujets, mais pas forcément... Je n'ai pas tant changé d'ailleurs, parce que pour moi c'est un élargissement. En faisant de l'écologie depuis dix ans dans mon parti politique, à une époque où ça n'intéressait pas forcément grand monde, j'avais déjà l'impression de faire de la prospective. Et puis, c'est vrai que j'avais envie de prendre un peu d'autonomie, je ne l'ai pas caché.
M. Biraben : Bien joué !
C. Roux : Est-ce que, on va poser la question directement, est-ce que vous êtes contente de ne plus travailler directement avec J.-L. Borloo ?
Je suis contente de prendre de l'autonomie, je l'ai dit, je ne l'ai pas caché.
C. Roux Il y avait un problème avec votre ministre de tutelle, ça arrive dans la vraie vie de tous les jours. Est-ce que c'est quelque chose qu'on a le droit de dire quand on est secrétaire d'Etat, qu'on a un problème avec son ministre de tutelle et qu'on a envie de reprendre un peu d'autonomie, que c'était trop compliqué décidément ?
Attendez, je ne sais pas si on a le droit de le dire, mais moi j'ai dit très clairement que c'est vrai que j'avais envie d'autonomie et c'est vrai que mon caractère ne s'accommodait pas forcément de la position de secrétaire d'Etat. En même temps, et là je suis encore secrétaire d'Etat mais auprès du Premier ministre, c'est une position différente, c'est une personnalité différente aussi.
C. Roux : Votre caractère ne s'accommodait pas avec J.-L. Borloo. M. Biraben : Va-t-il s'accommoder de F. Fillon ?
En même temps - attendez, laissez-moi finir- en même temps, avec J.-L. Borloo on a fait des grandes choses. Le Grenelle de l'environnement en août 2007 et le passage à la quasi unanimité de la première loi Grenelle à l'automne 2008, on l'a fait ensemble, et j'en suis très fière, avec lui. Donc, vraiment c'est... enfin, j'en suis fière. Mais, ça ne veut pas dire qu'à un moment il ne faut pas bouger.
C. Roux : Est-ce que vous abandonnez la cause ? Est-ce que vous serez à ses côtés pour le Grenelle 2, à votre manière ou est-ce que vous le laissez se débrouiller avec la majorité ?
Pas du tout, je n'abandonne rien du tout, ni la cause, ni le projet. Je le disais, moi, j'ai été une militante de l'écologie depuis longtemps et je le reste. Je suis convaincue que là se noue une part de l'avenir du monde. Je compte d'ailleurs continuer à avoir un regard sur ces sujets, et quand Jean-louis m'a dit : « mais il va y avoir la discussion, la loi Grenelle 2 » - la loi Grenelle 2 c'est trois semaines à l'Assemblée, par exemple, et on peut entre ministres se donner des coups de main - j'ai dit : « mais moi, je suis là si tu as besoin ». C'est un peu mon bébé aussi ce Grenelle-là et je continue à regarder, bien sûr.
C. Roux : Alors, votre nouveau bébé c'est l'économie numérique. Est-ce que d'ores et déjà vous avez des priorités, des dossiers prioritaires ?
Oui, j'ai plusieurs dossiers prioritaires. A l'intérieur de l'économie numérique, j'ai trois grands sujets. Il y en a un qui peut paraître assez technique, mais c'est le développement d'outils. Il y a beaucoup de choses à faire sur l'outil parce qu'il y a beaucoup de technologies qui se développent en ce moment, des bornes de fréquences, c'est un peu technique, mais bon. Le deuxième, c'est comment utiliser au mieux cet outil dans cette période économique compliquée et par exemple dans le plan de relance pour pouvoir en bénéficier au maximum ? Vous savez, l'économie numérique c'est 25 à 30 % de la croissance mondiale et c'est de la compétitivité qui peut diffuser dans toute l'économie, et on n'en tire pas le meilleur parti en France. On pourrait en tirer un bien meilleur parti, en fait. Comment on fait ?
C. Roux : C'est E. Besson qui n'avait pas bien fait le job ou... ?
Je pense qu'E. Besson a fait beaucoup de travail, et il n'a pas forcément été très très visible sur ce sujet parce que c'était son choix et sa manière, mais je pense qu'il a fait beaucoup de travail. Et la troisième chose, c'est les usages, comment faire en sorte que ce soit plus de convivialité ? Pourquoi ? Parce que un outil ce n'est pas bon ou mauvais en soi, c'est la manière dont on l'utilise. En fait, on est très largement responsable de ce qu'on fait de l'outil, si vous voulez. Une technologie n'est pas... une technologie n'a pas d'éthique par exemple. Donc, la question des usages, et là aussi je crois qu'on peut aller beaucoup plus loin.
C. Roux : Alors, il y a de choses très concrètes, c'est ce que coûte l'outil, comme vous dites, les sénateurs ont voté l'augmentation de la redevance et ils ont aussi soumis les propriétaires d'ordinateur au paiement de cette redevance dans la limite d'une redevance par foyer. Alors ?
Mais alors là, ce n'est justement pas du tout ce que coûte l'outil, ça c'est comment on finance les contenus. L'outil c'est le tuyau à travers lequel vous diffusez des contenus, et comment on finance les...
C. Roux : ... est-ce que vous êtes favorable à l'idée d'une taxe sur les ordinateurs pour financer la redevance ?
Je suis favorable à ce que ces nouveaux outils qui se développent puissent financer une partie de leurs contenus. C'est-à-dire que ce n'est pas normal que vous puissez accéder à plein de choses sur le téléphone, sur l'ordinateur, sans financer à aucun moment la création. Maintenant, il y a plusieurs façons de le faire et il y avait une proposition qui était cette taxe pour compenser la fin de la publicité sur les chaînes publiques qui était une bonne manière.
M. Biraben : Une question de spectateur pour vous, avec Léon, tout de suite.
L. Mercadet : Eh oui, Ischam vous pose la question familiale : « Vous êtes passée au secrétariat d'Etat chargé du numérique alors que votre frère est un éminent patron dans ce secteur d'activité. Y a-t-il un risque de conflit d'intérêt ? ». Je précise aux téléspectateurs que votre frère dirige priceminister.com. Vous, vous êtes numérique minister, ça fait un peu famille minister, y a t-il un risque de conflit d'intérêt ?
Non, il n'y a pas de risque de conflit d'intérêt.
L. Mercadet : Pourquoi ?
Parce que mon frère, mon petit frère, je le précise, j'ai vu quelque part qu'on disait que c'était mon grand frère, je précise que c'est mon petit frère, n'est pas un développeur de réseau. Mon petit frère est un des nombreux utilisateurs d'Internet. Alors, il se trouve qu'il est grand utilisateur d'Internet, mais...
C. Roux : ... enfin, il est patron de l'Association pour le commerce en ligne.
Oui, mais il est utilisateur d'un outil que je suis chargée de développer. Il n'est pas lui-même... ce n'est pas lui qui vend la fibre optique, ou, vous voyez, ce genre de chose-là. Il ne faut pas voir le conflit d'intérêt là où il n'y en pas, ou alors on m'explique où il y a un conflit d'intérêt parce que, finalement, tout le monde fait traîner cette idée-là, elle traîne aussi sur Internet, et puis à aucun moment on explique concrètement où il y aurait un conflit d'intérêt. L'Etat ne participe pas de l'entreprise de mon frère, à laquelle je ne participe pas non plus d'ailleurs. C'est une activité privée.
L. Mercadet : La question n'est pas « y a-t-il déjà un conflit d'intérêt » mais « y a-t-il un risque potentiellement ? ». M. Biraben : C'est « y aura-t-il ? »
Non, je ne crois pas. Je ne vois pas comment, vraiment il me semble pas.
M. Biraben : On va passer au j'aime/j'aime pas, maintenant. On va rester dans votre domaine avec la suspension des DRM dans l'industrie du disque pour le internautes honnêtes. Alors, il faut le rappeler, c'est cet espèce de verrou quand vous téléchargez, vous téléchargez sur votre ordinateur, si vous essayez de le mettre sur un autre support vous ne pouvez pas lire la musique vous avez téléchargée. Donc, ça été abandonné par les majors. Vous en pensez quoi ? Vous aimez, vous n'aimez pas ?
Ah ben, j'aime ! C'est la contrepartie normale, si vous voulez, d'un système qu'on essaie de faire évoluer vers de plus en plus de téléchargement légal, mais pour qu'il y ait de plus en plus de téléchargement légal, il faut que ce soit intéressant de télécharger légalement, il faut qu'on puisse derrière utiliser plus facilement la musique, avoir une souplesse, en fait, d'utilisation de ce qu'on a téléchargé légalement. Quand on a payé, on a envie de pouvoir... voilà.
C. Roux : J'aime/j'aime pas V. Pécresse tête de liste UMP aux régionales, parce que certains membres du Gouvernement ont pris position pour elle ?
Cela ne vous a pas échappé que comme secrétaire générale adjointe, je suis chargée d'organiser la bonne entente et l'équité dans ces élections, donc je ne vais pas aller rajouter de l'huile sur le feu en me prononçant pour l'une ou pour l'autre.
C. Roux : Donc, ce n'était pas bien que R. Dati soutienne V. Pécresse, qu'elle le fasse aussi clairement ?
Je ne sais pas si c'est aussi clair que ça.
C. Roux : Ah bon ?
Non, enfin je ne sais pas si c'est aussi clair que ça. Il y a eu un petit débat là-dessus. Moi, ce que j'aime en tout cas c'est les primaires. Vous savez pourquoi ? Parce que tout le monde dit, « oh la la, il y a beaucoup de tension, et tout ». Oui, enfin, écoutez, au moins il y a un débat et le débat en plus est tranché par le militant. Et je vous assure qu'ils apprécient. Quand vous allez dans une réunion UMP et vous dites : « vous savez, maintenant la carte elle vaut droit de vote, vous pourrez voter pour choisir qui vous soutiendrez aux élections », ça plaît et ils ont raison. C'est contemporain, c'est moderne, c'est bien.
M. Biraben : Nous savons quoi vous souhaitez maintenant. Entendez-vous bien le mieux possible avec le Premier ministre à qui vous êtes rattachée ?
C. Roux : Ben oui ! M. Biraben : C'est ce que vous nous souhaitons, ainsi qu'une excellente journée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 janvier 2009