Déclaration de M. Georges Sarre, président délégué et député du Mouvement des citoyens, sur la politique énergétique, à l'Assemblée nationale le 21 janvier 1999.

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Circonstance : Débat parlementaire sur la politique énergétique, à l'Assemblée nationale le 21 janvier 1999

Texte intégral


On s'étonne d'avoir à le rappeler mais la politique publique de l'énergie est au coeur des préoccupations d'une nation libre qui veut garder la maîtrise de son destin. Il faut distinguer trois principes : l'indépendance nationale, l'intérêt général et la sécurité de l'environnement. Notre pays a fait le choix dans les années 70 de se doter d'une filière électro-nucléaire qui demeure une formidable aventure industrielle et un outil d'indépendance nationale inégalée. Les investissements consentis à l'époque nous permettent de disposer aujourd'hui d'une électricité bon marché. Faut-il rappeler que près de 80% de l'électricité produite est d'origine nucléaire et que, par conséquent, la France n'est plus tributaire d'un monde toujours plus instable? Sommes nous vraiment à l'abri d'une remontée du prix du pétrole ? Comment croire que le gaz constituera toujours une solution de rechange crédible et sûre alors que nos deux premiers fournisseurs, la Russie et l'Algérie, sont aux prises avec les difficultés que l'on sait ?
La France conserve dans le domaine nucléaire des atouts uniques au monde : un réseau de centrales sûres, des personnels hautement qualifiés, un cadre législatif et une stratégie industrielle en matière de retraitement des déchets. La diversification des sources d'énergie demeure un objectif mais les perspectives offertes par le sous-sol français en matière d'énergies fossiles comme le gaz et le charbon sont très limitées. Quant à elle, la capacité de croissance de l'énergie d'origine hydraulique est bornée. Les énergies renouvelables constituent évidemment une piste à suivre. Cependant il faut observer qu'elles sont à la mode depuis vingt-cinq ans sans avoir fait la preuve de leur pertinence : par exemple, on ne répond pas avec des éoliennes aux consommations de longue durée, celles qui nécessitent une production de plus de 6000 heures par an, qui forment dans notre pays 85% de la consommation totale. En ce qui concerne les capteurs solaires, il n'échappe sans doute pas aux inconditionnels que la France n'est ni la Sicile ni l'Andalousie.
La politique énergétique ne s'entend que soumise à l'intérêt général. En République, l'intérêt général n'est pas la simple addition des intérêts particuliers. Nous ne laisserons pas la politique énergétique de la France s'effacer devant une régulation par le marché présentée comme inéluctable. La réaffirmation des principes de péréquation nationale et de la mission de service public d'Electricité de France est une façon de résister au lieu commun qui fait de la concurrence un but en soi.
L'intérêt général c'est, par définition, une attention particulière portée à la sécurité de l'environnement/ Le marché soucieux de rentabilité à court terme est myope quant à la question cruciale de la solidarité intergénérationnelle. Le problème se pose en termes crus : l'effet de serre, dû aux énergies "traditionnelles" que sont le gaz, le fuel et le charbon, n'attend pas. En revanche, nous avons du temps pour mettre au point le retraitement et le stockage des déchets radioactifs. Si nous voulons honorer nos engagements pris à la Conférence de Kyoto, notre choix est fait. Dans ce domaine, nous avons réalisé depuis vingt ans des progrès constants et défini en 1991 un cadre législatif adéquat pour la question du retraitement et du stockage des déchets de la fission de l'atome.
Enfin, indépendance national ne signifie pas fermeture et repli sur soi,. Regardons au delà des frontières de l'Union européenne : de grands pays en forte croissance économique et démographique comme l'Inde et la Chine se posent aujourd'hui la question de leurs futures orientations de politique énergétique. Imaginons que ces deux géants du prochain siècle prennent la direction d'un développement entièrement lié au charbon : quelles en seraient les conséquences en termes d'effet de serre ! Quelle serait notre responsabilité à l'égard des générations futures si nous donnions l'exemple à ces pays de l'abandon de la filière nucléaire, tout cela en raison de notre soumission au conformisme européocentriste ? Que dire également de la contradiction qui consiste à se soucier en paroles du sort des pays en développement tout en diabolisant l'énergie nucléaire ? C'est la vocation et la responsabilité de la France que de coopérer avec des pays comme la Russie ou l'Ukraine afin de géarantir la sécurité de leurs installations nucléaires.
(Source http://www.mdc-france.org, le 21 mars 2002)