Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur le passage à l'euro concret pour les entreprises , à Nancy, le 2 février 2001.

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Circonstance : Colloque "les entreprises parlent aux entreprises : comment nous sommes passées à l'euro ?", à Nancy le 2 février 2001

Texte intégral

Intervention de M. Laurent Fabius, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie
Colloque " les entreprises parlent aux entreprises : comment nous sommes passées à l'euro ? "
2 FÉVRIER 2001 à Nancy
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui, et heureux que vous soyez venus nombreux. Le passage concret à l'euro, thème de cette réunion, permettra l'installation de chacun de nous dans le nouvel espace monétaire. C'est probablement la plus importante des réformes que je vais préparer ou accompagner cette année. Et nous sommes tous, entrepreneurs, consommateurs, citoyens, les acteurs de cette aventure exceptionnelle.
L'euro est juridiquement notre monnaie depuis plus de 2 ans. Le premier article de notre code monétaire et financier le proclame clairement : " La monnaie de la France est l'euro. Un euro est divisé en cent centimes ". C'est cependant l'étape à venir, celle qui va parachever la mise en place de notre nouvelle monnaie, qui donne son plein sens à ce qui s'est déjà passé. Car l'euro ne remplit pas encore une des fonctions essentielles de la monnaie : être le véhicule d'échange pour les 100 millions de transactions quotidiennes qui s'effectuent en espèces sonnantes et trébuchantes.
L'étape à venir va combler ce manque, il deviendra possible de donner à l'euro sa pleine dimension de monnaie : un lien social dont l'autre nom est la confiance.
Entre-temps, l'institution de l'euro a commencé à produire ses effets positifs. L'euro a supprimé le risque de change pour une quantité importante d'échanges commerciaux, il a évité et évitera des dévaluations intra-européennes et les plans de rigueur qui leur faisaient suite, il assure la stabilité dont les entreprises et les particuliers ont besoin. On ne peut pas séparer nos bons résultats économiques actuels de la création de l'euro au 1er janvier 1999 et de l'anticipation du passage à l'euro pour tous le 31 décembre 2001.
Le 1er janvier prochain, dans moins de 11 mois, nous devrons tous être prêts pour le retrait du franc : il aura lieu le jour même pour les chèques, les cartes de paiement et les autres formes de monnaie scripturale ; il aura lieu sept semaines plus tard, le 18 février pour les pièces et les billets. Etre prêts, cela ne se fait pas en un jour. C'est d'ailleurs pour cela qu'une période transitoire de trois ans a été décidée entre la création de l'euro, le 1er janvier 1999, et la mise en circulation des pièces et des billets en euros. Elle a pour le moment été bien utilisée en ce qui concerne la fabrication des pièces et des billets ainsi que pour la préparation de leur mise en place. De même, pour la préparation des grandes entreprises ou celle des administrations de l'Etat.
En termes psychologiques, beaucoup disent qu'elle aura peut être été trop longue. La mobilisation des opinions à la fin de 1998 et au début de 1999 ne pouvait demeurer aussi forte trois ans durant. Une année en revanche, c'est à peu près le temps qui nous reste -ce n'est pas trop long- pour relancer l'attention, apprendre à chacun le calendrier du passage concret à l'euro, commencer à évoluer dans le nouvel espace monétaire et enfin nous préparer à l'utilisation concrète des nouveaux signes monétaires et au retrait des francs. C'est pourquoi j'ai décidé que nos campagnes d'information devaient commercer dès janvier de cette année, ce qui est le cas. Elles se prolongeront au-delà du retrait des francs, sans doute jusqu'à l'automne 2002, pour accompagner une démarche qui, pour certains, sera plus difficile et durera plus longtemps que pour la plupart.
Il est en revanche un effet paradoxal de cette période transitoire un peu longue, en effet qu'il faut éviter : le retard que les entreprises petites ou moyennes pourraient prendre et qu'elles ne doivent pas prendre dans leur préparation.
Ce point est essentiel. Dans ses grands traits, le bon scénario du passage à l'euro est celui de l'adaptation des entreprises dès maintenant et au cours du premier semestre : il faut que la plupart des relations inter-entreprises passent à l'euro ainsi que les relations avec les banques et les administrations, sociales ou fiscales. Ensuite, au cours du second semestre, au fur et à mesure les comptes bancaires des particuliers seront tenus en euros, et ceux-ci recevront de manière systématique leurs chéquiers en euros tandis que les terminaux de paiement auront été adaptés. Les commerçants et les artisans, directement en contact avec les consommateurs, commenceront à afficher leurs prix en " euro majeur ", c'est-à-dire de manière prédominante en euros, avec une conversion en francs. Cela conduira naturellement, comme à un aboutissement nécessaire, à l'introduction des pièces et des billets nouveaux au début 2002.
Le scénario fonctionnera mieux encore si les salariés commencent à recevoir leur salaire en euros avant la fin de l'année. Vous savez que, pour les agents de l'Etat, ils seront payés en euros dès juillet 2001. Disposant de moyens de paiement qu'on appelle scripturaux en euros, recevant pour certains leurs salaires en euros, nos concitoyens pourront sans attendre la fin de l'année commencer à penser et à parler en euros.
C'est au cours du second semestre que la plupart des très petites entreprises, notamment les commerçants et artisans que je citais, devraient être prêtes pour l'euro afin que l'enchaînement que j'ai décrit se déroule sans trop de tensions.
Nous disposons de chiffres très récents, ils m'ont été communiqués hier. Ils sont clairement insuffisants. 42 % des entreprises de 1 à 50 salariés disent ne pas avoir commencé à préparer leur passage à l'euro, 20 % d'entre celles qui ont entre 10 et 50 salariés, et environ de 15 % de celles qui ont plus de 50 salariés : c'est beaucoup trop ! Je dis donc aux entreprises : il faut préparer dès maintenant le passage à l'euro.
Je m'adresse ici à des femmes et des hommes d'entreprise, c'est le cas de la plupart d'entre vous. Vous prenez tous les jours des décisions qui engagent l'avenir, et qui l'engagent de belle manière : je fais allusion par exemple à la création l'an dernier du plus grand nombre d'emplois depuis un siècle ou au million de chômeurs en moins que nous avons depuis 3 ans. Je n'entends nullement me substituer à qui que ce soit pour donner des conseils de bonne gestion mais je crois que c'est bien de bonne gestion qu'il s'agit, que tenir ses comptes, faire ses prix ou ses devis et payer ses salariés dans la monnaie de son pays relève d'une bonne gestion. Vous mêmes n'entendez certainement pas non plus que le ministre se substitue à vous, comme en témoigne le titre même de notre manifestation (" les entreprises parlent aux entreprises "). Mais je dois rappeler que le changement de monnaie simultanément par douze pays, qui abandonnent chacun la leur pour faire ensemble mouvement vers une monnaie nouvelle pour tous, cela n'a pas de précédent. Le retard des uns créerait la gène, l'encombrement ou la désorganisation des autres.
On ne peut dans ce domaine se fier ni à sa propre expérience ni à son intuition pour décider qu'on aura toujours le temps de s'en occuper plus tard. Il faut au moins avoir procédé au diagnostic de ses besoins et avoir dressé la liste des tâches à accomplir.
Lorsque, disposant de cela, un responsable d'entreprise, en se donnant la marge de sécurité qu'il faut, définit un calendrier pour la préparation de son passage définitif et complet à l'euro, j'ai pleine confiance dans la qualité de sa décision. Mais il faut au moins avoir déjà accompli cela.
Par définition, l'expérience personnelle de celui qui n'est pas encore passé à l'euro n'est pas bonne conseillère pour organiser ce passage. En revanche, des témoignages et des échanges comme ceux auxquels vous allez assister et participer sont essentiels. Je ne pourrai pour ma part assister qu'au premier d'entre eux, mais j'ai pu constater en lisant les dossiers la richesse des sujets qui seront abordés depuis les relations avec la clientèle (y compris l'harmonisation des prix ou le re-conditionnement de certains produits pour s'adapter à la nouvelle monnaie) jusqu'à la transformation du capital social.
Sur ce dernier point, je signale qu'un texte est en préparation qui a notamment pour objet de supprimer toute obligation de publication et donc les coûts en résultant, pour les conversions du capital social à 1 T près. On considérera juridiquement qu'il n'y a pas dans ce cas là de modification du capital social, ce qui est ce que le bon sens conçoit.
Mesdames et Messieurs, les entreprises sont essentielles dans ce changement mais elles ne sont pas seules dans cette affaire. On retrouve parmi les organisateurs et les partenaires de cette manifestation, que je salue, tous ceux qui accompagnent les entreprises dans leur passage à l'euro : experts-comptables, banques, chambres consulaires, administrations, ou fédérations professionnelles*.
*Organisateurs :
- Trésor Public de Meurthe-et-Moselle : Georges RIERA, Trésorier-Payeur Général, Président du Comite des Chefs des services financiers ;- Ordre des Experts-Comptables de Lorraine : Richard RENAUDIN, Président ;- Comité des Banques de Nancy : Jean-Pierre HUBERT, Président

Partenaires :
Banque de France - Chambre de Commerce et d'Industrie - Chambre des Métiers - Chambre d'Agriculture - MEDEF - CGPME - AIDE Lorraine.
Je n'oublie pas, avant de passer la parole à M. Taribo, le rôle des médias. Ils joueront un rôle de premier plan et la qualité des papiers que je lis dans la presse régionale et nationale sur les différents aspects du passage concret à l'euro montre qu'ils jouent déjà ce rôle.
Voilà ce que je tenais à vous dire en introduction du débat qui va suivre, en insistant en particulier sur un appel aux entreprises pour qu'elles préparent dès maintenant le passage à l'euro. Merci de m'accueillir à Nancy. Je serais heureux que nous commencions maintenant nos échanges.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 5 février 2001)