Interview de M. Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à Europe 1 le 22 janvier 2009, notamment sur la mise en place de la réforme constitutionnelle pour un meilleur fonctionnement du Parlement.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

J.-P. Elkabbach.- J.-F. Copé bonjour. A l'Assemblée, on entend des vertes et des pas mûres ; les socialistes, M. Aubry en tête, accusent le Gouvernement et vous la majorité, de bâillonner, de museler l'opposition. Et, comme le dit J.-M. Ayrault en langage de poète : « Vous vous êtes foutus de leur gueule » ce n'est pas bien ça !
 
Bon, ce n'est pas tout à fait ça, surtout. Vous savez, juste pour que chacun comprenne, quel est le problème de notre Assemblée aujourd'hui ? Il y a un verrou que le président de la République a supprimé, qui permettait au Gouvernement d'empêcher le Parlement de discuter, cela s'appelle le 49-3. Il est supprimé, sauf une fois par an. En contrepartie, il faut que l'on change notre règlement intérieur, sinon, concrètement, raisonnons par l'absurde, les socialistes pourraient, comme cela se fait depuis des années, la droite l'a fait avant : déposer sur chaque texte 6 ou 7.000 amendements, tous plus inutiles et ridicules les uns que les autres et bloquer toute réforme...
 
N'oubliez pas qu'un jour, vous pourriez être à nouveau l'opposition.
 
Je vais vous dire une chose, c'est ce que je pense - d'ailleurs c'est ce que j'ai dit dans le petit clip que nous avons diffusé sur ce sujet - c'est que ce qui avait été fait hier par la droite dans l'opposition n'est pas tellement plus glorieux, changeons ça. Et donc, ce qu'on propose c'est tout simple, c'est que désormais pour compenser le fait qu'il n'y ait plus de 49-3, on fait un temps global, qui soit comblé pour tout le monde et c'est ça qui change !
 
D'accord, mais vous réduisez la durée des débats, le droit d'amendement de l'opposition, et vous dites : ils font de l'obstruction. Non, non, ce n'est pas ça. Est-ce que vous préférez être en vous ? Par exemple, comme hier, quand le Parti socialiste a boycotté les "Questions au Gouvernement" - c'était une première depuis 35 ans. Apparemment, vous étiez contents. Rester là, comme ça, entre vous.
 
Bien sûr que non. Non seulement, on n'était pas content, mais c'était même dramatique. D'ailleurs que l'image que tout cela donnait pour toute personne qui aime la démocratie, c'est la honte absolue. C'est pour ça qu'il faut évidemment en sortir. Je veux simplement vous dire une chose, pour que cela soit bien clair pour tout le monde : ce que nous faisons ce n'est rien d'autre que ce qui se pratique dans tous les grands parlements du monde, à commencer par le Parlement européen. Il s'agit juste de dire que le droit d'amendement, cela permet de discuter sur les grands sujets. Pas d'égrainer des centaines, voire des milliers d'amendements idiots pour faire durer et faire croire aux gens que c'est ça la belle démocratie.
 
Vous avez entendu J. Lang, il disait tout à l'heure, à Marc-Olivier que l'opposition n'est pas respectée, qu'elle doit l'être. Respectez au moins l'opposition pour faire plaisir à J. Lang.
 
Mais bien sûr. Oui, même bien au-delà de J. Lang, on est bien tous dans cet esprit. J'ai d'ailleurs juste regretté que J. Lang, qui le pense profondément, comme d'ailleurs J.-M. Ayrault, qui, quand il était dans la majorité, il y a dix ans l'avait dénoncé lui-même, en disant : "l'obstruction - pour parler de ça - disait-il, dans une tribune à l'époque où il était dans la majorité, n'est pas liée à la démocratie parlementaire, il est né, la maladie infantile". Donc vous voyez comment tout cela change. Je dis juste une chose, c'est qu'en réalité, ce qu'il nous faut maintenant c'est bien avoir en tête les droits de l'opposition, ils sont renforcés dans cette réforme, et moi j'ai proposé...
 
Oui, mais il faut que ce soit eux qui disent que leurs droits sont renforcés, pas vous qui êtes la majorité.
 
Vous avez raison, mais enfin, attendez ! C'est pour ça que depuis plusieurs semaines, on a proposé beaucoup de choses. J'ai proposé que juste, désormais il y ait le même nombre de questions d'actualité pour la droite et pour la gauche. Cela avait été supprimé par la gauche en 81. J'ai proposé que l'on soit ensemble pour contrôler les politiques gouvernementales. Donc, il y a beaucoup de choses qui ont avancé.
 
Les députés socialistes ont blessé hier le président de l'Assemblée, B. Accoyer, en le traitant de : « président partisan, de président UMP » Est-ce qu'il se comporte vraiment comme ça ?
 
D'abord, je vais vous dire une chose : j'ai ressenti la même blessure. Parce que j'ai trouvé que les propos tenus vis-à-vis du président de l'Assemblée nationale étaient profondément choquants, que ce n'est pas comme ça qu'on avance. Et, pour tout vous dire, dans ce contexte, j'ai décidé, bien que je n'étais pas d'accord au départ, parce que je trouvais qu'on avait déjà fait beaucoup d'avancées, de répondre favorablement à la proposition de B. Accoyer d'améliorer les choses pour ce qui concerne l'organisation de notre temps de travail...
 
C'est bien mais pourquoi ne l'avez-vous pas fait hier ?
 
...Alors, après, on va discuter des modalités...
 
Alors qu'hier, vous avez tout de suite dit, que cela ne lui avait pas plu, et que lui vous a répondu : ce n'est pas tel ou tel président de groupe qui dicte au président de l'Assemblée ce qu'il doit faire ?
 
Je vais vous dire, c'est très simple : c'est pare que je suis allé le voir avant de vous voir vous. Parce que j'ai considéré que dans la vie, il était quand même normal de faire les choses dans le bon ordre. Je suis quelqu'un qui est très droit. Et donc c'est la raison pour laquelle je suis allé voir B. Accoyer, avec mon premier vice-président J. Leonetti, hier soir, et que je lui ai indiqué que publiquement, je me prononcerai en faveur de ce consensus avec une idée simple : c'est que nous devons, les uns et les autres, tendre la main, les uns vers les autres, à une condition : c'est que chacun, on ne soit pas dans un bal d'hypocrites. Il faut en finir avec l'obstruction qui donne une image lamentable de notre Parlement et y substituer un Parlement moderne, qui est en situation de faire comme dans les autres démocraties, son travail. On légifère et on contrôle le Gouvernement et on le fait dans le respect de l'opposition et de la majorité.
 
Et N. Sarkozy ne vous a pas appelé pour vous dire : Jean-François, du calme !
 
Ah non, non, pas du tout.
 
Non, il n'est pas nécessaire qu'il monte au front et qu'il impose un cessez-le feu ?
 
Ecoutez, d'abord, il ne l'a pas fait, deuxièmement, je voudrais tout de même vous dire, qu'en ce qui me concerne, avec le temps qui passe, je commence à devenir grand garçon, vous savez. Et que donc, moi, pour ce qui me concerne, j'essaye d'animer notre majorité UMP en essayant d'être juste. Nous avons fait beaucoup d'avancées ces dernières semaines, j'ai regretté que Monsieur Ayrault ne les reconnaisse pas. Mais enfin, après tout, ce qui compte aujourd'hui, c'est qu'on se retrouve sur une idée simple : c'est bien de parler du règlement intérieur, c'est bien de chanter la Marseillaise et d'injurier le président de l'Assemblée nationale, très bien ! Mais enfin, pendant ce temps là, les Français, ils attendent qu'on fasse les lois que nous devons préparer, sur le logement, sur l'hôpital et sur les collectivités locales par exemple.
 
Exactement, ils craignent la crise et ils appuient B. Obama, qui lui, a une politique bi partisane, il a bien commencé B. Obama ?
 
Ecoutez, moi je trouve que ces premières heures ont suscité chez beaucoup d'entre nous une grande émotion. Il a, je trouve, fait tout de suite les gestes symboliques, nous en avons parlé hier à "Génération France" avec le "Hudson Institute" qui est un think tank américain qui suit ça de près, et qui raconte bien, comment de l'intérieur, il est en train d'incarner un gigantesque message de réconciliation de l'Amérique avec elle-même et de l'Amérique avec le monde.
 
De quoi rêver en France !
 
Ce que je viens de dire.
 
P. Devedjian à la même heure...
 
Remarquez ! A la même heure, pendant que certains chantaient la Marseillaise, les autres s'invectivaient. Au moins, là, ça change.
 
P. Devedjian vient de dire que la croissance en France en 2009 tournera autour de 0. Est-ce qu'il n'est pas optimise ?
 
On verra bien, en tout cas ce qui est sûr c'est que c'est au moins, maintenant la mobilisation elle est totale et on vraiment dans l'idée de faire les dépenses nécessaires pour ça.
 
Alors ça y est, J.-F. Copé il est né, le contre plan de relance du Parti socialiste contre la crise. Il vous a convaincu ?
 
Enfin, vous n'attendez pas non plus que je vous montre un enthousiasme excessif, parce que très franchement, moi j'ai trouvé que c'était quand même 50 milliards très cher payés pour proposer des solutions qui n'ont jamais marché avant quand même. Donc qu'est-ce qu'on regarde dans le plan des socialistes ? Premièrement, moi je pensais qu'ils allaient rompre avec l'assistanat. Non, on commence par annoncer un chèque de 500 euros. C'est magnifique mais je veux quand même rappeler qu'on n'aura pas les moyens, éternellement de le faire. Donc c'est une fois dans la vie, pour voir. Ensuite, j'avais pensé qu'il renoncerait à l'idéologie. Non, on nous reparle des licenciements boursiers, comme du bon temps des communistes. Et puis enfin j'avais pensé qu'ils étaient un peu attentifs sur les finances publiques, ils n'arrêtent pas de nous reprocher de dépenser trop et ils proposent un plan qui dépense deux fois plus. Reconnaissez avec moi que sur ce sujet quand même, on ne croule pas sous l'innovation.
 
D'accord... Je ne reconnais pas avec vous, le citoyen ne veut pas reconnaître - vous me dites ce que vous voulez - le citoyen, il se demande pourquoi le Parti socialiste peut injecter en urgence 40 ou 50 milliards d'euros, là où vous proposez la moitié, 26 milliards ?
 
D'abord ils n'injectent pas, c'est tout le problème. C'est que quand on est dans l'opposition, on dit qu'on ferait si on y était. Reconnaissez avec moi que ça rend moins responsable quand même. Deuxièmement, soyons justes, moi je veux bien tout entendre, mais enfin, ils proposent des choses, les socialistes qu'ils avaient proposées en 81 et qui ont gravement planté tous nos comptes. Et qui n'ont pas permis de résoudre le problème, puisque vous savez que deux ans après, on revenait à la rigueur de toute urgence. Donc, quand même, essayons d'avoir la mémoire longue. Moi je pense que les périodes de crise c'est aussi pour tester l'aptitude à proposer des solutions nouvelles.
 
Donc celles-là ne vous convainquent pas ?
 
Non, je ne peux pas dire qu'elles soient en tout cas, ni très originales, ni très courageuses.
 
Vous ne pouvez pas leur demander ou leur reprocher de creuser des déficits. E. Woerth, votre successeur au Budget, pourrait dire : les records de déficit, nous n'avons besoin de personne, nous les battons nous-mêmes.
 
Oui, ça c'est vrai, mais enfin, écoutez, en même temps, disons les choses jusqu'au bout. Ce n'est pas pour ça, désormais que les socialistes qui proposent de dépenser deux fois plus que nous, vont nous donner demain des leçons dans ce domaine. Et enfin, bien sûr que je vois avec inquiétude les déficits, et bien sûr que l'un des grands rendez-vous des années à venir, ce sera un rendez-vous sur la question de la dette et de la dépense publique. Une fois qu'on aura absorbé le premier choc de la crise, cela doit rester notre chantier prioritaire.
 
Le socialiste D. Migaud sera l'invité dimanche du "Grand Rendezvous". Après demain, samedi, on connaîtra la nouvelle organisation de l'UMP décidée par le président de la République. Hier le journal Les Echos présentait avec humour, je cite : « L'étrange trio nourri d'inimitiés et de rivalités qui va prendre les commandes : Hortefeux, l'ami du président, X. Bertrand, le clone, J.-F. Copé, le casse-pieds ». Est-ce que le portrait vous convient ?
 
Non, non, parce que ce n'est pas mon but dans la vie, en tout cas, moi je parle pour moi. Mon but dans la vie, il n'est pas là. Il est, qu'on réussisse ensemble, mais surtout que cela se fasse avec l'idée qu'on est quand même dans une démocratie moderne et que N. Sarkozy encourage chacun à dire ce qu'il pense. Eh bien je le pratique.
 
Mais il paraît que le casse-pieds a de la résistance. Vous dites, je vous cite : "je ne suis pas flagorneur, moi, comme d'autres.". Qui, qui, on a envie de savoir qui. "Et je ne ris pas aux blagues du Président quand elles ne sont pas drôles". Vous voulez dire que le Président n'est pas toujours drôle ?
 
Non, cela veut dire que je ris, vraiment et sincèrement, quand elles le sont, c'est-à-dire très souvent.
 
Bonne journée, quel zèle, quel zèle !
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 janvier 2009