Interview de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, à France 2 le 22 janvier 2009, sur le plan de relance par l'investissement et la comparaison avec les plans allemand, britannique et américain.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- Avant de parler de cette relance, je voudrais qu'on revienne sur ce bonus auquel les chefs d'entreprise, des banques et de l'automobile, ont renoncé parce que leurs entreprises bénéficieront d'argent public. Vous, vous proposez d'aller beaucoup plus loin, vous proposez un malus pour ceux qui auraient échoué.
 
Oui, c'est comme pour l'automobile.
 
On n'y est pas habitués en France...
 
Quand vous avez été un bon conducteur, vous avez un bonus, quand vous avez été un mauvais conducteur, vous avez un malus. Donc le bonus du chef d'entreprise qui a bien géré son entreprise, et qui touche une prime parce qu'il a bien géré, c'est normal. Mais l'année suivante, qui a été une mauvaise année, où il y a eu peut-être même des erreurs de gestion, il devrait avoir un malus qui affecterait les résultats du bonus. On pourrait par exemple geler pendant cinq ans le bonus et y affecter des pertes qui viendraient indiquer un malus. C'est ce qu'on fait pour l'automobile, ce n'est pas très difficile.
 
C'est une proposition qui pourrait intervenir quand ?
 
Je dis dans le débat, c'est une proposition. Mais je pense que ces choses-là d'abord, c'est au chef d'entreprise d'établir une déontologie, c'est un peu le rôle du patronat, d'établir une déontologie de la gouvernance qui force le respect des gens, alors que aujourd'hui ça suscite la critique.
 
Le plan de relance, c'est 26 milliards ; les socialistes hier proposaient un plan de 50 milliards, avec notamment des aides à la consommation...
 
Ce qui m'étonne c'est qu'ils n'aient pas proposé 100 milliards, parce que de toute façon leur plan, personne ne le mettra jamais en vigueur ! Vous savez, le plus sévère...
 
On peut imaginer une alternance un jour ?
 
Oui, mais enfin là, la question du plan de relance, elle sera réglée quand même, on peut l'espérer quand arriveront des échéances. Je vous le rappelle, c'est quand même 2012, et j'espère qu'à ce moment-là, la crise sera derrière nous. On peut quand même l'espérer. Ce que je veux dire, c'est que le plus sévère dans cette affaire, ça a été monsieur Rebsamen, qui soutient S. Royal, ce sont les partisans de S. Royal. Je n'ai pas grand-chose à dire sur le plan socialiste. Monsieur Rebsamen a expliqué que c'était "un plan qui ne comportait aucune grande idée novatrice" - il a raison, c'est bien vrai - et que c'était "un plan purement virtuel". Donc, c'est pour ça, ils disent 50 milliards, ils auraient pu dire 200, ils pouvaient dire n'importe quoi, ils ne le feront jamais.
 
Il y a quand même cette idée d'un chèque de 500 euros pour les plus démunis". Est-ce que le soutien de la consommation, ça n'a pas été un petit peu négligé dans le plan du Gouvernement ?
 
Je ne le crois pas. D'abord, je vous rappelle deux choses sur, vraiment, la consommation. Premièrement, nous mettons en place le RSA au 1er juillet et ce RSA comporte 1,7 milliard de plus que n'en comportait le RMI, donc c'est bien un soutien à la consommation, ce n'est pas dans le plan de relance mais c'est bien du soutien à la consommation. 1,7 milliard de plus donc, sur le public qui était RMI. Et nous, nous allons distribuer dès le 1er avril une prime qui représente 760 millions d'euros à chacune des personnes qui est éligible au RSA, avant même qu'il ne soit en vigueur.
 
Donc, le soutien à la consommation c'est aussi une priorité pour le Gouvernement ?
 
Toutes les mesures de logement, les 100.000 logements que nous allons construire dans le plan de relance, et notamment les 30.000 logements sociaux, ce sont aussi des mesures de soutien à la consommation. Mais ce qui est vrai c'est que comme tous les pays européens, à l'exception de la Grande-Bretagne, et même comme les Etats-Unis, nous avons choisi de centrer l'effort principal, même s'il y a une partie sur la consommation, l'effort principal sur l'investissement, parce que l'investissement ça reste. Et ensuite, l'investissement, c'est aussi de la consommation. L'investissement c'est quoi ? C'est des infrastructures que vous créez, c'est des travaux qui ont lieu, et quand vous faites des travaux, vous donnez du travail, et quand vous donnez du travail, vous donnez des salaires. Et donc, ça joue aussi sur la consommation.
 
Vous parliez des autres plans dans les pays européens. Les Allemands, par exemple, c'est 60 milliards, beaucoup plus que nous. Est-ce que notre plan n'est pas un peu insuffisant par rapport à l'ampleur de la crise ?
 
Non. D'abord, notre plan à nous, il est antérieur, nous avons été rapides dans la réaction. Ensuite, dans les mesures allemandes, sans vouloir les critiquer, il y a beaucoup de mesures qui avaient déjà été décidées et c'est parfois une manière de présenter des mesures qui n'ont pas constitué à proprement parler un véritable plan de relance, c'était des mesures ponctuelles mises bout à bout. Nous aussi on pourrait faite ça ! Les 17 milliards supplémentaires de transferts sociaux qui sont dans le budget 2009, je pourrais les mettre dans le plan de relance, et puis je dirais : "voyez, il y a en plus 17 milliards pour la consommation", ce ne serait que l'habillage. Donc, dans un certain nombre de plans de relance, il y a cette manière d'agir. Mais dans notre plan de relance, la force de notre plan de relance, c'est qu'il est rapide et massif. C'est-à-dire que ce que nous voulons, c'est créer de l'emploi là où la crise le détruit.
 
Alors, justement, vous parlez emploi, vous parlez croissance. La croissance, qu'est-ce que ce sera en 2009 ? La France est-elle entrée en récession ?
 
Je ne fais pas de prévisions, naturellement, nous ne savons pas quelle va être l'évolution de la crise...
 
Mais est-on entré en récession ?
 
Je n'en sais rien. Mais en tous les cas, on est autour de zéro.
 
C'est ce que disent les experts...
 
Non, mais on est autour de zéro. Je ne vais pas m'amuser à faire de la prévision parce que de toute façon elle n'est pas très porteuse la conjoncture, c'est sûr. Mais ce n'est pas la peine de broyer du noir comme ça. Ce qui m'intéresse, c'est l'action.
 
Et en terme de chômage, ça se traduira comment cette baisse de la croissance ?
 
On a vu les chiffres du mois dernier qui n'étaient pas bons, et il est probable que nous n'aurons pas non plus de bons chiffres dans les mois à venir, donc le chômage augmente. C'est pour ça qu'on fait ce plan de relance, c'est d'abord contre le chômage, c'est un plan contre le chômage, pour créer du travail, et c'est l'investissement qui crée du travail, ce n'est pas la consommation.
 
Vous parliez de B. Obama : lui aussi va mettre en place un plan de relance. Est-ce que les Etats-Unis peuvent aider le monde à sortir de la crise ?
 
Bien sûr, on espère que ça aura un effet. Ce qu'il faut, c'est que tous les plans de relance, finalement, tirent dans le même sens. Et j'observe qu'ils font tous... Par exemple, le plan américain, les deux tiers sont sur l'investissement et un tiers, ce sont des mesures fiscales, de réductions fiscales. Ça ne doit pas plaire aux socialistes d'ailleurs de réduire les impôts, ils n'aiment pas ça d'habitude. Mais tout le monde, sauf la Grande-Bretagne, a décidé de mettre l'effort sur l'investissement. Donc tout ça mis bout à bout, ça s'additionne puisque nous vivons dans un monde où les pays se connectent les uns aux autres. Donc ça devrait quand même avoir de l'effet.
 
Sur un sujet tout à fait différent, je voudrais revenir sur les incidents qui se sont produits à l'Assemblée nationale. Vous êtes l'ancien patron de l'UMP. Les socialistes disent que les droits du Parlement sont bafoués, il y a même des divergences au sein de l'UMP entre B. Accoyer, le président de l'Assemblée, et J.-F. Copé. Est-ce que l'UMP n'a pas été un petit peu maladroite dans cette affaire ?
 
Franchement, ce sont les socialistes qui ont dépassé les bornes. Premièrement, 7.000 amendements qui n'ont ni queue ni tête, qui sont juste destinés à faire de l'obstruction...
 
L'UMP le faisait quand elle était dans l'opposition...
 
Oui, c'est vrai, vous avez raison ! Eh bien, il faut que ça cesse ce genre de chose, parce que ça ne grandit pas le Parlement. En Angleterre, là, le pays du Parlement, c'est totalement interdit ce genre de pratiques. Mais ce qu'on a vu, qui est beaucoup plus grave, c'est que les socialistes se sont rués à l'assaut de la tribune - à l'assaut de la tribune ! -, scandant "Accoyer démission !", ce qui est quand même grotesque...
 
Ils chantaient aussi la Marseillaise...
 
Oui, d'accord... Enfin, ça ne justifie pas les intimidations, les invectives et les violences. La dernière fois qu'on avait vu un incident comme ça à l'Assemblée nationale, c'était le Front national qui s'était livré à ça ! Ce n'est pas glorieux pour les socialistes.
 
Et les divisions à l'intérieur de l'UMP sur ce sujet ?
 
Il n'y a pas de divisions, il y a des débats, ce qui est assez normal. L'UMP, c'est très simple : quand il n'y a pas de débat, vous dites qu'on est des godillots, et quand il y a des débats, vous dites que c'est souvent des divisions. On n'a pas beaucoup d'espoir de trouver grâce à vos yeux.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 janvier 2009