Texte intégral
M.-O. Fogiel.- Au terme d'une négociation qui a duré 16 heures, la négociation sur l'assurance-chômage s'est achevée, mais on ne peut pas parler d'accord. Les syndicats expriment des réserves, et pourtant, ne le signent pas. Vous êtes le seul syndicat à avoir signé, mais vous prévenez déjà : si les autres ne le font pas, votre accord sera caduc. Vous regrettez déjà ?
Non. Déjà une précision : on n'a pas négocié cette nuit, la négociation est terminée depuis le 24 décembre. Donc maintenant, tout le monde connaît l'accord. Nous, nous avons décidé le 8 janvier et nous avons confirmé hier notre signature pour trois raisons.
Mais cette nuit, tout le monde n'a pas voulu signer cet accord là...
Cette nuit, chacun y réfléchit...
On peut dire ça comme ça, si vous voulez...
Cette nuit, il n'y a pas eu de discussion. Chacun réfléchit. Nous nous avons décidé de signer pour trois raisons. D'une part, cet accord est meilleur que le précédent. Avant, il fallait six mois de travail dans la dernière année pour être indemnisé. Maintenant...
Expliquez bien cela aux auditeurs. Avant, cet accord, un chômeur, pour être indemnisé, devait avoir travaillé six mois durant les 22 mois précédents sa perte d'emploi.
Durant la dernière année.
Le texte prévoir que le chômeur pourra prétendre à une indemnisation au bout de quatre mois seulement maintenant.
Oui, quatre mois dans les 28 derniers mois. C'est-à-dire que tous les jeunes qui sont dans des contrats précaires seront indemnisés.
Oui, mais ce que dénonce les autres syndicats, c'est notamment que lorsqu'un chômeur reperd son emploi, dans cet accord, donc une deuxième fois, ses conditions d'accès à une indemnisation sont durcies. Et le texte prévoit que les cotisations baisseront à la mi- 2009.
Oui, alors sur ce que vous dites, c'était le système avant et puis après, on reviendrait au système de 4 mois. Donc c'est un peu compliqué, je le reconnais. Mais le système est beaucoup plus intéressant pour les précaires, c'est des centaines de milliers en plus qui seront indemnisés ;
Comment expliquez-vous que les autres syndicats, aucun ne signe pour l'instant ?
Ca, c'est leur problème, c'est à eux de l'expliquer. Sur les baisses de cotisations, les baisses de cotisations, elles ne seront décidées que l'Unedic aura un excédent au mois de juin ou à la fin de l'année. Entre nous, vous avez vu le nombre de chômeurs en plus actuellement en France ? Le problème au mois de juin, le problème au mois de décembre, ce ne sera pas un excédent financier à l'Unedic, ce sera un déficit vu le nombre de chômeurs en plus. Il n'y aura pas, dans cette condition, de baisse de cotisation...
Je vous repose la question : vous signez, les autres, pour l'instant, ne le font pas. A votre avis, pourquoi ?
Ce n'est pas à moi de l'expliquez. Les autres ont leur... Pourquoi ? Parce qu'en France, depuis des années, on laisse systématiquement toujours les mêmes syndicats s'engager seuls pour ensuite faire valoir ce qu'ils ont obtenu ou défendre ce qu'ils ont obtenu. Donc, je dis, et la CFDT dit maintenant, cette année, ça suffit. Il y a des règles dans le dialogue social. S'il y a trois syndicats, je dis bien trois syndicats, qui s'opposent formellement par écrit, c'est la règle, à cet accord, il n'y aura plus d'accord. Et ce sera le Gouvernement qui décidera.
Absolument, c'est le Gouvernement qui va trancher.
Nous demandons donc simplement que la démocratie d'applique. Moi, je ne revendique pas que la CFDT ait raison toute seule, je suis un démocrate. Je dis simplement...
Mais ce que vous nous dites entre les lignes ce matin, c'est que vous mettez les autres syndicats au pied du mur, vous dites "attention, si vous n'acceptez pas cela, ça va être pire avec le Gouvernement, c'est ce que vous dites en fait ?
Si les autres syndicats ont envie de faire confiance au Gouvernement sur l'indemnisation des chômeurs, c'est leur droit. Ce que je note, c'est que certains syndicats n'ont jamais signé les indemnisations des chômeurs depuis cinquante ans. Il y en a qui le refuse maintenant depuis plus de dix ans. Donc je crois qu'il faut aller jusqu'au bout. On ne peut pas laisser un seul syndicat s'engager tout seul, et puis ensuite défendre ce qu'il a obtenu.
Les autres syndicats craignent la baisse des cotisations imposées par le Medef. Vous, ce matin, vous nous dites que vous ne la craignez pas cette baisse, vous savez qu'elle n'interviendra pas...
De deux choses l'une : ou il y a des excédents à l'Unedic et à ce moment-là, s'il y a une baisse, ce sera au maximum 0,1 à 0,2 % de cotisation, ce qui veut dire très minime. Ce sera une baisse pour les salariés et les employeurs. Mais je dis que dans la situation économique actuelle, où tous les jours on annonce des chômeurs en plus, les moyens financiers de l'Unedic, la question ne sera...
Donc vous dites que vous ne prenez pas de risque ?
Mais non. Honnêtement, on aura inévitablement un déficit de l'assurance chômage. Et mon inquiétude, c'est plutôt de trouver des moyens pour financer l'assurance chômage que pour baisser les cotisations.
Et la fin du feuilleton, c'est quand ? On saura quand ?
La fin du feuilleton ce sera quand chaque syndicat ce sera positionné. S'il y a trois oppositions, et la CFDT est très claire, notre signature sera caduque et à ce moment-là, c'est le Gouvernement qui décidera.
Et là, vous craignez la décision du Gouvernement ?
A chaque fois, dans le temps, dans tous les pays où ce sont les Gouvernement qui ont pris en main l'assurance chômage, il y a toujours eu, au bout du compte, une baisse des indemnisations. Si les autres syndicats veulent que le système des intermittents du spectacle soit géré par le Gouvernement, s'ils veulent que le système des saisonniers soit géré par le Gouvernement, s'ils veulent que le président de la République soit en plus président de l'Unedic, ils n'ont qu'à décider de s'opposer par écrit. A ce moment-là, c'est la démocratie qui s'installera. Il n'y aura pas d'accord assurance chômage et c'est le Gouvernement qui aura le pouvoir. C'est simple, c'est démocratique. Moi, je prends mes responsabilités avec les responsables de la CFDT, que chacun prenne ses responsabilités, moi j'assumerai les responsabilités des autres aussi.
Vous vous sentez seul ce matin ?
Non, je ne me sens jamais seul. Je me sens avec les jeunes chômeurs, qui, actuellement, lorsqu'ils ont travaillé quatre mois, ne sont pas au chômage et que si cet accord se met en place, ils pourront avoir l'assurance chômage. Je veux bien qu'on parle des banlieues qui ont des difficultés. Je veux bien qu'on parle de l'exclusion. Je veux bien qu'on parle de la précarité, mais lorsqu'on trouve des avantages pour aider ces personnes qui sont dans les banlieues, qui sont en précarité, qui sont jeunes, qui ont des petits boulots, eh bien moi, je m'engage. Aujourd'hui, c'est la crise, chacun doit aider ceux qui sont le plus en difficulté.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 janvier 2009