Texte intégral
E. Delvaux.- Le conflit social en Guadeloupe dure depuis quatre semaines, d'une rare ampleur contre la vie chère, et la question se pose d'une contagion, d'abord Outre-mer, et puis pourquoi pas en Métropole. Vous dites ce matin dans Le Parisien : "ça suffit, la Guadeloupe ne peut plus attendre". Mais au-delà de l'incantation, que comptezvous faire pour lever ces barrages Outre-mer et en Guadeloupe, Martinique, notamment ?
Il y avait en Guadeloupe 132 demandes, j'y ai passé une semaine, elles ne font plus grief. Il en reste une : c'est une demande salariale. Sur ce sujet, nous faisons deux choses : d'abord, nous avons mis en place, le Gouvernement, par la voix de F. Fillon, a mis en place deux médiateurs pour essayer de faire que les parties se parlent, ce qui n'est pas simple dans un territoire où le dialogue social n'est pas à l'ordre du jour très souvent.
Deux médiateurs aussitôt récusés !
Oui, enfin, ils se parlent, même s'ils sont sur le devant de la scène récusés, il y a quand même, je peux vous le dire, des contacts qui ont lieu. Mais enfin, ce n'est pas simple. Et puis la deuxième chose que nous avons faite, c'est de voir comment on peut, dans le cadre de la loi de développement économique de l'Outre-mer, soutenir l'économie, parce que l'économie de la Guadeloupe traverse deux crises : à la fois, la crise économique mondiale qui frappe nos territoires d'Outre-mer comme le reste de la planète, et puis cette crise sociale. Donc, nous révisons actuellement les paramètres de cette loi pour apporter aux entreprises les plus fragiles le meilleur soutien, non pas comme je l'ai entendu souvent pour déterminer le montant des salaires, moi je n'ai jamais déterminé le montant des salaires, je me suis ...
Non, mais vous compensez fiscalement...
...Pas pour "compenser" non plus, on ne dit à une entreprise : tu augmentes de 2 euros, je te donne 2 euros. Mais pour soutenir l'économie fragile, et pour donner de bonnes conditions à l'économie pour qu'elle puisse négocier dans de bonnes conditions. Ça, c'est le travail que nous faisons depuis que je suis rentré, c'est un travail important qui ne concerne d'ailleurs pas que la Guadeloupe, qui concerne tous les départements d'Outre-mer, donc on le fait en concertation avec tous les acteurs des départements d'Outre-mer. Pour en sortir, comment faire ? Une fois que l'Etat a posé sur la table, à la fois les solutions sociales - c'est les 131 mesures -, et puis à la fois, les conditions pour que l'entreprise se porte bien, c'est de faire que les 12 personnes qui négocient, les six patrons, d'un côté, les six syndicats, de l'autre, arrivent à être à la hauteur de ce que tout le monde attend.
Vous dites que sur les 132, il reste une proposition. Domota, à la tête de l'UGTG, l'Union Générale des Travailleurs Guadeloupéens, n'a pas le même décompte que vous sur les propositions.
Oui, parce qu'on n'a pas signé sur les 131 autres, mais on est tous convenu que les 131 premières ne faisaient plus grief. Celle qui fait grief c'est les salaires.
D'accord. Alors, quelques commerçants guadeloupéens disent à mots couverts qu'ils subissent des intimidations pour qu'ils baissent leurs rideaux. Qu'en savez-vous, monsieur le ministre, de ces éventuelles "intimidations", et si vous le confirmez, quelle réponse vous pouvez apporter ?
C'est vrai, c'est intolérable, et nous avons mis en place les moyens de la République pour, non pas faire de la répression, non pas faire de la brutalité, mais garantir que l'Etat de droit sera respecté. Je crois que nous sommes dans un pays où le droit de grève est parfaitement respecté, où la liberté de manifester est respectée, mais où la liberté de travailler doit être aussi assurée. Il n'est pas normal qu'un commando de huit ou dix personnes cagoulées terrorise un commerçant ou une entreprise, qui n'est pas en grève, pour l'obliger à fermer. Il y a des pratiques, là, qui sont des pratiques d'une autre époque. Donc, nous mettrons en place les moyens, et nous avons mis en place les moyens pour faire en sorte que l'Etat de droit soit respecté. Il ne s'agit pas agressif, il s'agit simplement...
Sans être agressif, ça peut être un détonateur et puis donc une explosion...
Et alors, il faut laisser faire des commandos ? Je crois que personne ne pourrait accepter cette idée-là. C'est une ligne d'équilibre que nous tenons : le dialogue, la main ouverte pour apporter des vrais solutions à la fois sociale et à la fois au monde de l'économie. Et puis, parallèlement, l'Etat de droit. L'Etat, c'est toujours cet équilibre.
Le dossier de l'Outre-mer sera sur la table-ronde du sommet social de mercredi, a dit N. Sarkozy, pour aborder les répartitions des richesses. Est-ce qu'il y aura une annonce mercredi sur l'Outremer ?
Le président de la République suit ce dossier, le Premier ministre est en liaison directe avec moi, je crois que nous avons souci d'apporter des réponses. Il y a deux types de réponse : il y a des réponses conjoncturelles, que j'évoquais en début d'interview, et puis il y a des réponses structurelles. Il y a un problème de monopole, il y a un problème d'organisation de l'économie, il y a un problème d'une économie insulaire qui est l'héritière des comptoirs, de l'époque de la colonisation, et qui fait qu'effectivement il y a quelques entreprises qui "dominent", au sens plein du terme, le marché de ces îles. J'ai vu dès samedi en rentrant le président de l'Autorité de la concurrence ; j'avais lancé il y a quelques semaines une mission d'enquête sur le pétrole ; il faut que nous arrivions à casser le système monopolistique, à refonder l'économie, et puis peut-être aussi à refonder le social. Quand on voit les difficultés qu'ont les partenaires à dialoguer. Et que cette crise soit aussi l'occasion de bâtir un nouveau modèle. Nous sommes dans un modèle qui a vieilli, qui est le modèle de l'après-guerre, qui est le modèle de la départementalisation, qui était fait plus de rentes et de transferts que de développement économique endogène. Nous voulons avec les outils qui sont les nôtres, la loi de développement économique, avec une volonté politique que j'ai affirmée, même si ça a secoué beaucoup... Quand vous dites "je vais casser les monopoles", et quand vous dites "il y a des exagérations auxquelles il faut mettre fin", parce que une partie des revendications de ceux qui sont dans la rue sont fondées sur une économie qui est mal structurée, vous ne vous faites pas que des amis. Mais il faut le courage, non seulement de le dire et de le faire. Et sortir d'une logique politique qui pendant des années était celle de l'achat de la paix sociale. Alors, on alignait quelques centaines de millions d'euros pour faire plaisir, on sortait de la crise, on n'avait rien réglé.
C'est la fin de l'Etat providence que vous défendez ?
Non, ce n'est pas ça, c'est la fin d'un Etat passif vis-à-vis de la déstructuration de l'économie. Et au-delà de la crise, les problèmes restent entiers. Donc, il faut un travail de fond et un travail de remise à plat. Ce ne veut pas dire qu'il ne faut pas des réponses sociales. Quand j'apporte le RSA, c'est pour 25.000 Guadeloupéens qui travaillent, en moyenne 200 euros de plus par mois de revenus. C'est le RSA.
Il sera mis en place plus tôt que prévu.
Cela s'applique d'ailleurs partout, mais il faut aussi avoir le courage de casser la structure qui est à l'origine de cette colère.
L'Outre-mer a longtemps fonctionné avec des réseaux chiraquiens. En Guadeloupe, c'est L. Michaux-Chevry. Aujourd'hui on a le sentiment que le Gouvernement manque de relais sur place. Vous ne vous sentez pas un peu seul quand vous allez en Guadeloupe ?
Le Gouvernement a une autre pratique, ce n'est pas celle des réseaux souterrains qui manipulent, c'est celle de la transparence et d'un discours qui se veut un discours de vérité. L'Outre-mer a besoin d'amour, c'est tout à fait réel, mais elle a besoin d'un amour vrai, qui dise la vérité. L'Outre-mer est un atout, j'en suis persuadé, pour notre pays. A l'heure de la mondialisation, à l'heure de défis écologiques, à l'heure de défis maritimes, l'Outre-mer est une chance. Mais il faut aussi qu'on aide les Ultramarins à bâtir un nouveau modèle, non pas à leur imposer - il ne faut pas imposer depuis Paris - les aider à bâtir un nouveau modèle, et puis dire aussi quelques vérités. Par exemple que l'Etat ne peut pas toujours tout compenser et que quand quelqu'un prend une décision quelque part, il ne doit pas se retourner vers l'Etat en disant : je fais ça si vous me le payez !
Au-delà des revendications, du panier de la ménagère j'allais dire, que comprenez-vous des slogans en Guadeloupe - c'est en créole mais je traduis en français : "La Guadeloupe est à nous et pas à vous"... Vous comprenez quoi quand vous entendez ça ?
On peut comprendre deux choses : soit qu'il y a une volonté de se séparer de la Métropole, c'est ce qui viendrait peut-être à l'esprit en premier, moi je ne comprends pas ça.
Sauf que le discours indépendantiste est mis en veilleuse par les syndicats eux-mêmes...
Moi je ne comprends pas ça. Je comprends que les Guadeloupéens qui manifestent, qui disent "la Guadeloupe est à nous", ils appellent à ce qu'il y ait une capacité locale à gérer un certain nombre de problèmes structurels, lorsqu'ils dénoncent des situations d'exagération ou de monopole, à avoir les moyens locaux de les remettre en oeuvre, et qu'on n'ait plus une conception où tout est géré depuis Paris. Je l'ai dit à plusieurs reprises, ce n'est pas normal que ce soit un ministre qui soit obligé de venir sur place, y passer une semaine, pour que les gens se parlent. Il y a quand même un vrai problème. Donc, je crois que c'est un appel aussi à ce que j'évoquais tout à l'heure, une remise à plat peut-être du modèle, un travail en commun, dans le cadre de notre Constitution évidemment, mais un travail en commun pour que les dérives constatées et sur lesquelles personne n'a vraiment agi depuis des années, les dérives économiques par exemple, puissent être travaillées et que les Guadeloupéens puissent avoir leur mot à dire.
Un mot sur la méthode : les syndicats avaient parlé de "mépris" lorsque vous aviez quitté une première fois la Guadeloupe, rappelé par le Premier ministre. Avec le recul, avez-vous compris leur réaction ?
Oui, je l'ai comprise. En huit ou dix jours sur le terrain, j'ai compris beaucoup de choses ; je suis ressorti de ce séjour avec une autre vision, une autre idée, avec l'idée qu'il fallait sans doute être plus audacieux sur la remise en cause d'un certain nombre de schémas, et que l'attente des Guadeloupéens avait duré depuis longtemps, comme des Antillais, comme d'autres territoires, et qu'ils attendaient que l'Etat soit non seulement le partenaire, qu'il amène des moyens, qu'il réponde à la question sociale, mais qu'il les aide, qu'il aide ces territoires à travailler la question sociétale. Et qu'on s'engage avec neutralité pour dire ce qui est mal formaté, ce qui dérive. Eh bien l'Etat va faire en sorte de remettre les choses à plat, c'est ce à quoi je me suis employé depuis que je suis arrivé. Je vais rencontrer tout à l'heure la grande distribution, par exemple, pour avoir un dialogue franc avec la grande distribution. Je crois qu'il faut maintenant montrer qu'on a entendu le discours et qu'au-delà de la réponse sociale, il y a une réponse d'évolution de société sur laquelle le Gouvernement travaille.
Vous êtes aussi sous l'oeil de l'Elysée, vous avez le sentiment en ce moment de jouer votre poste, votre fauteuil au Gouvernement ?
Quand on est ministre, il y a deux solutions : soit, on reste dans son bureau en ne prenant pas de risques et en regardant si sa cote de popularité va monter, soit on se dit qu'il y a des problèmes lourds, structurels, et qu'il faut aller les régler, et qu'on met en oeuvre sa responsabilité. Oui, j'ai le sens des responsabilités, et j'assumerai toutes mes responsabilités.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 16 février 2009
Il y avait en Guadeloupe 132 demandes, j'y ai passé une semaine, elles ne font plus grief. Il en reste une : c'est une demande salariale. Sur ce sujet, nous faisons deux choses : d'abord, nous avons mis en place, le Gouvernement, par la voix de F. Fillon, a mis en place deux médiateurs pour essayer de faire que les parties se parlent, ce qui n'est pas simple dans un territoire où le dialogue social n'est pas à l'ordre du jour très souvent.
Deux médiateurs aussitôt récusés !
Oui, enfin, ils se parlent, même s'ils sont sur le devant de la scène récusés, il y a quand même, je peux vous le dire, des contacts qui ont lieu. Mais enfin, ce n'est pas simple. Et puis la deuxième chose que nous avons faite, c'est de voir comment on peut, dans le cadre de la loi de développement économique de l'Outre-mer, soutenir l'économie, parce que l'économie de la Guadeloupe traverse deux crises : à la fois, la crise économique mondiale qui frappe nos territoires d'Outre-mer comme le reste de la planète, et puis cette crise sociale. Donc, nous révisons actuellement les paramètres de cette loi pour apporter aux entreprises les plus fragiles le meilleur soutien, non pas comme je l'ai entendu souvent pour déterminer le montant des salaires, moi je n'ai jamais déterminé le montant des salaires, je me suis ...
Non, mais vous compensez fiscalement...
...Pas pour "compenser" non plus, on ne dit à une entreprise : tu augmentes de 2 euros, je te donne 2 euros. Mais pour soutenir l'économie fragile, et pour donner de bonnes conditions à l'économie pour qu'elle puisse négocier dans de bonnes conditions. Ça, c'est le travail que nous faisons depuis que je suis rentré, c'est un travail important qui ne concerne d'ailleurs pas que la Guadeloupe, qui concerne tous les départements d'Outre-mer, donc on le fait en concertation avec tous les acteurs des départements d'Outre-mer. Pour en sortir, comment faire ? Une fois que l'Etat a posé sur la table, à la fois les solutions sociales - c'est les 131 mesures -, et puis à la fois, les conditions pour que l'entreprise se porte bien, c'est de faire que les 12 personnes qui négocient, les six patrons, d'un côté, les six syndicats, de l'autre, arrivent à être à la hauteur de ce que tout le monde attend.
Vous dites que sur les 132, il reste une proposition. Domota, à la tête de l'UGTG, l'Union Générale des Travailleurs Guadeloupéens, n'a pas le même décompte que vous sur les propositions.
Oui, parce qu'on n'a pas signé sur les 131 autres, mais on est tous convenu que les 131 premières ne faisaient plus grief. Celle qui fait grief c'est les salaires.
D'accord. Alors, quelques commerçants guadeloupéens disent à mots couverts qu'ils subissent des intimidations pour qu'ils baissent leurs rideaux. Qu'en savez-vous, monsieur le ministre, de ces éventuelles "intimidations", et si vous le confirmez, quelle réponse vous pouvez apporter ?
C'est vrai, c'est intolérable, et nous avons mis en place les moyens de la République pour, non pas faire de la répression, non pas faire de la brutalité, mais garantir que l'Etat de droit sera respecté. Je crois que nous sommes dans un pays où le droit de grève est parfaitement respecté, où la liberté de manifester est respectée, mais où la liberté de travailler doit être aussi assurée. Il n'est pas normal qu'un commando de huit ou dix personnes cagoulées terrorise un commerçant ou une entreprise, qui n'est pas en grève, pour l'obliger à fermer. Il y a des pratiques, là, qui sont des pratiques d'une autre époque. Donc, nous mettrons en place les moyens, et nous avons mis en place les moyens pour faire en sorte que l'Etat de droit soit respecté. Il ne s'agit pas agressif, il s'agit simplement...
Sans être agressif, ça peut être un détonateur et puis donc une explosion...
Et alors, il faut laisser faire des commandos ? Je crois que personne ne pourrait accepter cette idée-là. C'est une ligne d'équilibre que nous tenons : le dialogue, la main ouverte pour apporter des vrais solutions à la fois sociale et à la fois au monde de l'économie. Et puis, parallèlement, l'Etat de droit. L'Etat, c'est toujours cet équilibre.
Le dossier de l'Outre-mer sera sur la table-ronde du sommet social de mercredi, a dit N. Sarkozy, pour aborder les répartitions des richesses. Est-ce qu'il y aura une annonce mercredi sur l'Outremer ?
Le président de la République suit ce dossier, le Premier ministre est en liaison directe avec moi, je crois que nous avons souci d'apporter des réponses. Il y a deux types de réponse : il y a des réponses conjoncturelles, que j'évoquais en début d'interview, et puis il y a des réponses structurelles. Il y a un problème de monopole, il y a un problème d'organisation de l'économie, il y a un problème d'une économie insulaire qui est l'héritière des comptoirs, de l'époque de la colonisation, et qui fait qu'effectivement il y a quelques entreprises qui "dominent", au sens plein du terme, le marché de ces îles. J'ai vu dès samedi en rentrant le président de l'Autorité de la concurrence ; j'avais lancé il y a quelques semaines une mission d'enquête sur le pétrole ; il faut que nous arrivions à casser le système monopolistique, à refonder l'économie, et puis peut-être aussi à refonder le social. Quand on voit les difficultés qu'ont les partenaires à dialoguer. Et que cette crise soit aussi l'occasion de bâtir un nouveau modèle. Nous sommes dans un modèle qui a vieilli, qui est le modèle de l'après-guerre, qui est le modèle de la départementalisation, qui était fait plus de rentes et de transferts que de développement économique endogène. Nous voulons avec les outils qui sont les nôtres, la loi de développement économique, avec une volonté politique que j'ai affirmée, même si ça a secoué beaucoup... Quand vous dites "je vais casser les monopoles", et quand vous dites "il y a des exagérations auxquelles il faut mettre fin", parce que une partie des revendications de ceux qui sont dans la rue sont fondées sur une économie qui est mal structurée, vous ne vous faites pas que des amis. Mais il faut le courage, non seulement de le dire et de le faire. Et sortir d'une logique politique qui pendant des années était celle de l'achat de la paix sociale. Alors, on alignait quelques centaines de millions d'euros pour faire plaisir, on sortait de la crise, on n'avait rien réglé.
C'est la fin de l'Etat providence que vous défendez ?
Non, ce n'est pas ça, c'est la fin d'un Etat passif vis-à-vis de la déstructuration de l'économie. Et au-delà de la crise, les problèmes restent entiers. Donc, il faut un travail de fond et un travail de remise à plat. Ce ne veut pas dire qu'il ne faut pas des réponses sociales. Quand j'apporte le RSA, c'est pour 25.000 Guadeloupéens qui travaillent, en moyenne 200 euros de plus par mois de revenus. C'est le RSA.
Il sera mis en place plus tôt que prévu.
Cela s'applique d'ailleurs partout, mais il faut aussi avoir le courage de casser la structure qui est à l'origine de cette colère.
L'Outre-mer a longtemps fonctionné avec des réseaux chiraquiens. En Guadeloupe, c'est L. Michaux-Chevry. Aujourd'hui on a le sentiment que le Gouvernement manque de relais sur place. Vous ne vous sentez pas un peu seul quand vous allez en Guadeloupe ?
Le Gouvernement a une autre pratique, ce n'est pas celle des réseaux souterrains qui manipulent, c'est celle de la transparence et d'un discours qui se veut un discours de vérité. L'Outre-mer a besoin d'amour, c'est tout à fait réel, mais elle a besoin d'un amour vrai, qui dise la vérité. L'Outre-mer est un atout, j'en suis persuadé, pour notre pays. A l'heure de la mondialisation, à l'heure de défis écologiques, à l'heure de défis maritimes, l'Outre-mer est une chance. Mais il faut aussi qu'on aide les Ultramarins à bâtir un nouveau modèle, non pas à leur imposer - il ne faut pas imposer depuis Paris - les aider à bâtir un nouveau modèle, et puis dire aussi quelques vérités. Par exemple que l'Etat ne peut pas toujours tout compenser et que quand quelqu'un prend une décision quelque part, il ne doit pas se retourner vers l'Etat en disant : je fais ça si vous me le payez !
Au-delà des revendications, du panier de la ménagère j'allais dire, que comprenez-vous des slogans en Guadeloupe - c'est en créole mais je traduis en français : "La Guadeloupe est à nous et pas à vous"... Vous comprenez quoi quand vous entendez ça ?
On peut comprendre deux choses : soit qu'il y a une volonté de se séparer de la Métropole, c'est ce qui viendrait peut-être à l'esprit en premier, moi je ne comprends pas ça.
Sauf que le discours indépendantiste est mis en veilleuse par les syndicats eux-mêmes...
Moi je ne comprends pas ça. Je comprends que les Guadeloupéens qui manifestent, qui disent "la Guadeloupe est à nous", ils appellent à ce qu'il y ait une capacité locale à gérer un certain nombre de problèmes structurels, lorsqu'ils dénoncent des situations d'exagération ou de monopole, à avoir les moyens locaux de les remettre en oeuvre, et qu'on n'ait plus une conception où tout est géré depuis Paris. Je l'ai dit à plusieurs reprises, ce n'est pas normal que ce soit un ministre qui soit obligé de venir sur place, y passer une semaine, pour que les gens se parlent. Il y a quand même un vrai problème. Donc, je crois que c'est un appel aussi à ce que j'évoquais tout à l'heure, une remise à plat peut-être du modèle, un travail en commun, dans le cadre de notre Constitution évidemment, mais un travail en commun pour que les dérives constatées et sur lesquelles personne n'a vraiment agi depuis des années, les dérives économiques par exemple, puissent être travaillées et que les Guadeloupéens puissent avoir leur mot à dire.
Un mot sur la méthode : les syndicats avaient parlé de "mépris" lorsque vous aviez quitté une première fois la Guadeloupe, rappelé par le Premier ministre. Avec le recul, avez-vous compris leur réaction ?
Oui, je l'ai comprise. En huit ou dix jours sur le terrain, j'ai compris beaucoup de choses ; je suis ressorti de ce séjour avec une autre vision, une autre idée, avec l'idée qu'il fallait sans doute être plus audacieux sur la remise en cause d'un certain nombre de schémas, et que l'attente des Guadeloupéens avait duré depuis longtemps, comme des Antillais, comme d'autres territoires, et qu'ils attendaient que l'Etat soit non seulement le partenaire, qu'il amène des moyens, qu'il réponde à la question sociale, mais qu'il les aide, qu'il aide ces territoires à travailler la question sociétale. Et qu'on s'engage avec neutralité pour dire ce qui est mal formaté, ce qui dérive. Eh bien l'Etat va faire en sorte de remettre les choses à plat, c'est ce à quoi je me suis employé depuis que je suis arrivé. Je vais rencontrer tout à l'heure la grande distribution, par exemple, pour avoir un dialogue franc avec la grande distribution. Je crois qu'il faut maintenant montrer qu'on a entendu le discours et qu'au-delà de la réponse sociale, il y a une réponse d'évolution de société sur laquelle le Gouvernement travaille.
Vous êtes aussi sous l'oeil de l'Elysée, vous avez le sentiment en ce moment de jouer votre poste, votre fauteuil au Gouvernement ?
Quand on est ministre, il y a deux solutions : soit, on reste dans son bureau en ne prenant pas de risques et en regardant si sa cote de popularité va monter, soit on se dit qu'il y a des problèmes lourds, structurels, et qu'il faut aller les régler, et qu'on met en oeuvre sa responsabilité. Oui, j'ai le sens des responsabilités, et j'assumerai toutes mes responsabilités.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 16 février 2009