Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, en réponse à une question sur la situation en Guadeloupe, les violences et l'envoi de médiateurs, au Sénat le 19 février 2009.

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Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Monsieur le sénateur,
La crise sociale grave que traverse la Guadeloupe, vous venez de le rappeler, est une crise ancienne, une crise qui tire ses origines dans l'organisation de l'économie, non seulement de la Guadeloupe, mais on pourrait dire des départements d'Outre-mer dans leur ensemble. Et cette crise est aggravée par la crise mondiale, mais seulement aggravée par cette crise mondiale.
Depuis quelques jours, nous avons vu la violence se déchaîner sur l'île de la Guadeloupe. Un homme est mort, et c'est un meurtre qui a eu lieu, que je veux naturellement condamner devant vous, en indiquant que les responsables de ce meurtre seront poursuivis, seront jugés, car rien ne justifie, rien ne justifie que l'on tire sur un homme, qui, par ailleurs, exerçait une fonction de syndicaliste dans des conditions qui étaient des conditions parfaitement légales. Ce mouvement, d'ailleurs, s'est déroulé pendant plusieurs semaines de façon tout à fait pacifique, en utilisant les moyens d'expression qui sont ceux que reconnaît la Constitution, la grève, la manifestation. C'est naturellement à partir du moment où ont eu lieu des barrages, des attaques contre des commerces, contre des entreprises, que la violence s'est déchaînée.
Cette crise, depuis le premier jour, l'Etat cherche à la résoudre. Le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer s'est rendu, comme vous le savez, en Guadeloupe, et a réussi à négocier avec le Collectif, 131 réponses sur les 132 questions qui étaient posées par les Guadeloupéens. Je veux indiquer devant vous que parmi ces réponses, il y en a qui sont évidemment très importantes, y compris sur le plan financier. Je pense à la question du prix de l'essence. Je ne suis pas sûr que tout le monde, dans cet Hémicycle, sache que désormais, grâce aux mesures qui ont été prises, l'essence est moins chère en Guadeloupe qu'en métropole. Il y a eu des décisions très importantes qui ont été prises, s'agissant de la mise en oeuvre anticipée du RSA, qui était prévue en 2011 par le vote, et qui désormais, sera appliquée dès 2009. Ou d'autres mesures pour venir en aide aux familles ou pour geler les loyers pour les familles les plus modestes.
Mais c'est vrai que nous avons buté, depuis plusieurs semaines, sur une question qui est la question des salaires. Le Collectif réclame une augmentation des salaires dans le secteur privé. Nous avons indiqué que nous étions prêts, naturellement, à relayer leur demande, à aider à ce qu'une médiation se mette en place, mais qu'en aucun cas, l'Etat ne pouvait se substituer aux entreprises et payer à leur place l'augmentation salariale qui était demandée. Qui peut raisonnablement réclamer que l'Etat assure intégralement la compensation des augmentations de salaires dans les entreprises privées ? Personne ! Personne ! Et réclamer cela, ce n'est pas faire preuve de responsabilité.
Depuis plusieurs jours, les médiateurs que nous avons envoyés sur place, travaillant d'un côté avec le patronat et de l'autre côté avec le Collectif, ont réussi à mettre sur pied une proposition qui, à 15 heures, à l'instant même, vient d'être mise sur la table des négociations. Pourquoi a-t-il fallu des médiateurs ? Simplement parce que, vous le savez mieux que quiconque, nous sommes dans une île où il est assez rare que le patronat et les organisations syndicales parlent ensemble ou, en tout cas, autrement que par la violence, l'affrontement. Il n'y a pas une tradition de dialogue social et nous avons voulu favoriser ce dialogue social.
La proposition qui est faite est une proposition nouvelle, qui se solde, pour une part, par une augmentation, très significative des salaires et en particulier des bas salaires, à la charge du patronat, à la charge des entreprises. Et je reconnais qu'il a fallu un certain temps pour réussir à obtenir cet accord. Mais de l'autre côté, nous avons proposé que ces augmentations soient accompagnées d'un calcul différent du revenu de solidarité active, non seulement en Guadeloupe, mais évidemment, dans l'ensemble des départements d'Outre-mer, qui permettra de compenser ce que vous avez indiqué, en attendant que nous soyons capables - et ce sera l'objet de la réunion qui aura lieu ce soir sous la présidence du président de la République - d'engager tous ensemble une réflexion profonde pour donner aux départements d'Outre-mer des structures économiques, et peut-être aussi des structures institutionnelles, qui permettent d'éviter ce que vous avez justement dénoncées, et dont vous conviendrez tous avec moi que cela ne fait pas seulement quelques mois que cette situation existe.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 20 février 2009