Texte intégral
L. Bazin.- Vous êtes ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Un mot de B. Kouchner d'abord. Visiblement, les socialistes demandent sa peau, sa tête, je ne sais pas comment on dit, en tout cas sa démission. Il est accusé d'avoir facturé ses conseils à des Etats africains auxquels aujourd'hui comme ministre il doit faire face pour représenter la France. Est-ce qu'il doit partir ou pas ?
D'abord je n'ai pas lu le livre qui met B. Kouchner paraît-il en accusation. Donc je ne me prononcerai absolument pas sur ces faits.
Si c'est le cas, est-ce qu'il doit partir ?
Mais attendez, c'est le cas de quoi ? Caractériser moi un peu cette infraction ?
S'il a touché de l'argent de la part de pays africains avec lesquels aujourd'hui il doit discuter, est-ce qu'il doit partir ? Est-ce qu'il y a conflit d'intérêt ? Ce n'est pas une infraction en France le conflit d'intérêt ?
Alors, ça, je suis incapable de vous le dire, je ne suis pas juge pénal. Je pense que B. Kouchner dit que toutes ses activités sont totalement transparentes et connues. Moi, j'ai plutôt tendance à croire B. Kouchner que le Parti socialiste dans cette affaire.
Donc, ça veut dire que le Parti socialiste fait monter les enchères pour se venger ?
Ecoutez, aujourd'hui on voit bien que Madame Aubry est dans une logique d'opposition extrêmement destructrice dans une période où je crois les Français aimeraient beaucoup plus d'union nationale et de solidarité entre la gauche et la droite pour trouver ensemble des solutions aux problèmes des Français.
Les chercheurs vous ont jeté des savates, hier, devant le ministère. C'est une mode qui a pris avec G. Bush, dont vous êtes victime aujourd'hui. Est-ce que vous comprenez cette colère ?
Je crois que le lancer de savates ce n'est pas exactement à la hauteur des enjeux aujourd'hui qui se posent à la recherche française et à l'enseignement supérieur français. Aujourd'hui, les enjeux c'est ceux de réformer l'enseignement supérieur et la recherche dans un monde qui bouge, dans un monde ultra compétitif, ultra concurrentiel, où nous devons attirer les meilleurs vers ces métiers de la transmission du savoir et de la connaissance. C'est la revalorisation des carrières des enseignants chercheurs, c'est l'autonomie des universités, c'est le décloisonnement entre les grandes écoles, les universités et les organismes de recherche.
Donc, on ne change rien, on fera bien malgré eux.
Ah non, c'est pas « on ne change rien », c'est « travaillons ensemble à relever cet immense défi, dialoguons, poursuivons, soyons en mouvement ». La France doit être mouvement.
Mais le décret est écrit, il est prêt, non ?
Non mais, attendez, le décret ça n'est qu'une brique d'un immense édifice qu'on est en train de construire depuis deux ans avec l'autonomie des universités, avec la revalorisation des carrières, avec le plan "Réussir en licence" pour les étudiants. Avec l'opération Campus, on va mettre 5 milliards d'euros pour changer le visage des universités, avec les classes préparatoires aux grandes écoles dans les universités, avec des organismes de recherche auxquels le plan de relance donne des moyens nouveaux pour se développer. Donc, ce qu'il faut dire c'est que, voilà, le mouvement aujourd'hui de la recherche et de l'enseignement supérieur c'est un mouvement qui doit porter l'ensemble du pays, c'est le rebond que le pays attend. Et donc, on va le faire...
... contre des chercheurs qui disent aujourd'hui « il ne faut pas faire ça, on ne peut pas remettre notre sort entre les mains - c'est ça le sujet - des présidents d'université » qui eux-mêmes disent dans La Croix d'ailleurs que la réforme a peut-être été un peu précipitée.
Alors, il y a plein de sujets de préoccupation. La réforme dont parlent les présidents d'université c'est celle du recrutement des professeurs des lycées et des collèges et des écoles à bac +5. C'est une réforme qui se fait dans l'université, ça s'appelle la masterisation de la formation des enseignants. C'est donc les recruter à bac +5 au lieu de les recruter à bac +3. C'est une réforme qui se fait très, très rapidement. Et les présidents d'université soulignent, à juste titre, que notre objectif dans les universités ça doit être d'avoir la meilleure qualité de formation pour nos maîtres. Alors, moi, j'entends bien cette préoccupation sur ce sujet précis, qui est différent des autres, sur ce sujet précis. Normalement, d'ici une semaine, les nouveaux masters de formation des enseignants doivent être remis à mon ministère. Moi, je suis tout à fait prête à ce que dans l'année qui vient, si certaines universités n'ont pas réussi à faire dans un délai, qui était contraint, les nouvelles maquettes, je suis tout à fait prête à ce qu'elles me donnent leur maquette l'année prochaine éventuellement, à ce qu'on puisse améliorer les maquettes tout au long de l'année.
Mais ça veut dire que les ministres sarkozystes ne reculent jamais !
Non, non, on dialogue, on écoute...
On prend son temps, éventuellement, mais on ne recule jamais.
C'est ça, c'est qu'on dialogue, on écoute, on est attentif à toutes les préoccupations et on essaie de trouver les voies, j'allais dire du consensus ou en tout cas j'allais dire de la compréhension mutuelle.
Vous ne craigniez pas que la rue vous force au recul ?
Mais, je crois que...
... jeudi.
Mais je crois que ce n'est pas comme ça qu'il faut envisager les choses. Je pense qu'il y a toute une série...
... ça s'est passé avec X. Darcos qui tenait votre discours jusqu'au moment où avec un coup de fil de l'Elysée, la réforme a été retirée.
Non, je pense que les choses sont un peu différentes parce que la réforme du lycée c'est un bloc, c'est oui ou c'est non. La réforme de l'autonomie des universités elle est déjà rentrée en vigueur puisqu'il y a vingt universités autonomes. Simplement, il y a toute une série d'autres petites étapes, d'autres petites marches à gravir, et ces marches il faut les gravir une par une et il faut à chaque fois prendre le temps du dialogue, de la concertation, de l'explication et aussi, j'allais dire des gestes qui rassurent. Moi, j'ai dans le décret 84, tout le mois de janvier nous avons mis des dispositions pour rassurer, pour faire disparaître les peurs.
Mais ça ne suffit pas, ça se voit !
Bah, ça a quand même permis de rassurer un certain nombre de personnes, les doyens de droit...
Je comprends ! Est-ce que vous considérez que c'est votre projet qui est encore à améliorer ou vous êtes victime d'un anti-sarkorzysme général, d'un climat, disons social difficile ?
Non, je crois que le climat social a tendu les choses, je crois que le climat social est aujourd'hui - et le climat politique - est aujourd'hui beaucoup plus rude qu'il y a six mois. Mais dans ce contexte, je crois vraiment au dialogue et je crois vraiment au dialogue direct. Je crois à toutes les garanties qu'on peut donner pour rassurer. C'est pour ça que je vais voir les présidents d'université cet après-midi, que nous allons travailler ensemble à comment élaborer une charte de bonnes pratiques dans les universités autonomes parce que c'est ça qui fait peur. Ce qui fait peur aujourd'hui c'est de dire quel, j'allais dire quel usage les présidents d'université vont faire de ce nouveau décret qui leur permet de nommer les enseignants chercheurs. Alors, dans le décret, on a mis des garanties...
... de nommer, de donner plus ou moins d'heures, etc.
Oui, mais on a mis des garanties. On a mis des garanties, c'est une évaluation nationale. On a mis une autre garantie, c'est la transparence, c'est la motivation des décisions. Aujourd'hui, vous savez, la situation elle n'est pas si enviable que ça, il y a 50 % des promotions qui se font à la voie locale, sans évaluation, sans motivation, sans instance de recours, par les instances locales seules, par les universités seules.
Finalement, vous introduisez le mérite à l'université.
J'introduis la transparence, j'introduis des critères clairs d'évaluation.
Le mérite, on ne dit plus le mérite ? C'est devenu un gros mot ?
Mais, je crois que les professeurs, les anciens chercheurs d'une manière générale sont exceptionnels en France. Je sais que l'université c'est d'abord des enseignants chercheurs.
Mais ça ne marche pas, leur a dit N. Sarkozy il n' y a pas si longtemps que ça, il y a quinze jours.
Non !
« Soyez meilleurs, on n'est pas bons ».
Ah ben, il leur a dit : « c'est chez vous que se fera le rebond, la compétition mondiale c'est à l'université que ça se gagnera, dans les organismes de recherche », il faut toujours être meilleur. Il faut... aujourd'hui, nous sommes un très grand pays de recherche mais nous ne sommes pas suffisamment un pays d'innovation. Nous ne déposons pas assez de brevets. Donc, il faut décloisonner tout ça, il faut faire davantage travailler la recherche fondamentale avec la recherche privée. Mais ça ne veut pas dire sacrifier la recherche fondamentale. Donc, ne faisons pas de faux procès au président de la République. Ce qu'il veut c'est que nous soyons meilleurs, et s'il ne voulait pas ça, il n'investirait pas cinq milliards d'euros dans les campus universitaires, il n'investirait pas un milliard d'euros dans la revalorisation des salaires des enseignants et de la communauté universitaire, dont 252 millions pour accélérer les promotions, pour faire des primes jusqu'à 15 000 euros. Vous savez que les maîtres de conf. cette année, les jeunes maîtres de conférence ils vont être recrutés avec des salaires qui sont entre 12 et 25 % supérieurs à l'année dernière. 12 à 25 % ! Il n'y a pas beaucoup...
... il vous reste à convaincre apparemment un prof chercheur sur deux. On va marquer une pause et puis on va continuer à discuter.
Je vais essayer.
Oui, on vous fait confiance pour ça, pour essayer en tout cas. On verra ce que ça va donner. Le rappel des titres tout de suite et puis on continue à discuter, de l'UMP notamment. (Rappel des titres). Voilà, on continue à discuter avec V. Pécresse, ce matin. Le cas Kouchner est beaucoup revenu sur les autres antennes. Vous nous avez dit tout à l'heure qu'il ne fallait pas le condamner par avance...
... ah mais, bien sûr !
... et que vous aviez plutôt tendance à le croire, lui.
Ah ben, je le crois. Je n'ai pas « plutôt tendance ». Je crois plutôt B. Kouchner que la gauche qui a toutes les raisons de vouloir l'attaquer.
C'est rangs serrés au Gouvernement, ce matin, autour de B. Kouchner... Au Gouvernement et dans la majorité. J.-F. Copé d'abord, le patron du groupe UMP. (Extrait). Comme J. Dray en ce moment, on peut le dire aussi...
Mais, moi je crois qu'il faut vraiment laisser ces affaires à ceux qu'elles concernent, je veux dire ce n'est pas l'opinion qui doit faire le procès des hommes politiques, c'est vraiment s'il y a des faits, s'il y a des faits à reprocher à quelqu'un, ça n'est pas à l'opinion d'être juge. Et vraiment, là, c'est vraiment quelque chose d'important, et J.-F. Copé l'a très bien dit, il ne faut pas que l'honneur d'un homme soit jugé par l'opinion publique sur des rumeurs, sur des faits qui sont allégués. Laissons B. Kouchner se défendre, je suis sûre qu'il le fera très bien.
Dans Le Nouvel Observateur ce matin - c'est à lire - E. Besson, votre collègue qui vient de la gauche, qui connaît bien B. Kouchner, dit ce qu'il en pense. (Extrait Europe 1).... Et B. Accoyer, le président de l'Assemblée nationale, estime qu'il faut attendre qu'il s'exprime, ne pas polémiquer sans savoir ce qui s'est vraiment passé. Vous avez eu un mot d'ordre ?
Non...
... ou vous êtes d'accord instinctivement ?
Je vais vous dire, on n'a eu aucun mot d'ordre mais ça veut dire qu'on réagit tous de la même façon, et on se dit tous : laissons d'abord B. Kouchner parler.
Hier, vous étiez au Raincy, salle Thierry Le Luron.
Oui.
R. Karoutchi et vous, c'était la première primaire avant les régionales d'un climat qui était très, très tendu. Je crois que c'était écharpes vertes contre toques bleues. Et écharpes vertes, c'était vos supporters. Ça a été difficile, et est-ce que vous vous en sortez en vous disant : « il vaudrait mieux qu'on s'allie avant cette primaire parce que ça va mal tourner » ?
Non, mais je crois que c'était très important ce premier débat parce que c'est un débat projet contre projet, ça a permis de mettre sur la table ce que chacun souhaitait, nos différences, nos...
... la fougue pour vous - c'est ce que vous avez dit -, la compétence pour lui, c'est ce qu'il a dit.
Non, non.
Pas sympa !
Non, non, non.
« La jeunesse et la fougue », vous avez dit.
J'ai dit « la jeunesse et la fougue », et j'ai dit l'expérience politique, l'expérience d'une réforme...
... il a dit l'expérience et la compétence.
J'ai dit l'expérience d'une réforme qui est extrêmement difficile, l'expérience de l'accompagnement du changement, et vous le voyez, dans l'université c'est une réforme qui n'est pas simple, et ça prépare, je crois, à des responsabilités plus...
... ça prépare bien à la présidence du Conseil régional d'Ile de France, voilà ce que vous dites.
Ça prépare à de vraies responsabilités parce que la dialogue, l'accompagnement du changement, convaincre, rassurer, je crois que c'est ça qu'on attend d'un homme politique aujourd'hui.
On lui a posé la question à lui après son coming out, comme on dit : est-ce qu'il était pour le mariage homosexuel, est-ce qu'il est pour l'adoption par les homosexuels ? Je vous pose donc la question à vous, est-ce que pour le mariage homosexuel, est-ce que vous êtes pour l'adoption pour les homosexuels ?
Alors, moi, mes positions sont connues depuis longtemps puisque vous savez que j'étais rapporteur...
... oui, je vous la repose.
... de la mission famille. Moi, je suis pour, j'étais pour l'amélioration du PACS, et je suis même favorable depuis toujours à la signature du PACS en mairie, mais je pense que la mariage c'est une question de filiation et que sur ces questions de filiation, il faut garder le principe selon lequel on a un père et une mère...
... le mariage est hétérosexuel.
Et sur l'adoption, c'est moi qui suis à l'origine, vous le savez, de tous les projets de l'UMP, et notamment du projet présidentiel sur le statut du beau parent, y compris le statut du beau parent homosexuel.
Vous pensez qu'il a tort de ne pas se prononcer, R. Karoutchi, sur ces sujets ?
Ecoutez, c'est ses opinions, et c'est les miennes. On est dans une confrontation de projets, on n'est pas dans un combat.
N. Hulot, ce matin, sur RTL, il est très inquiet de voir que l'écologie est devenue la dernière roue du carrosse en cette période de crise. (Extrait RTL). Oui, est-ce qu'on a sacrifié l'écologie ?
Absolument pas ! Non seulement on ne l'a pas sacrifiée, mais en plus C. Jouanno, la nouvelle secrétaire d'Etat à l'Ecologie...
... elle n'a pas punie N. Kosciusko-Morizet, au numérique ?
Non, elle va dans une nouvelle responsabilité où elle sera sous la tutelle directe du Premier ministre. Donc, pour elle c'est un nouveau challenge et je crois qu'elle le vit comme ça. En revanche, C. Jouanno qui lui succède est une jeune femme extraordinairement compétente sur les sujets d'écologie et je crois que pas qu'on puisse dire qu'en la nommant, le Président de la République a sacrifié l'écologie.
Et donc, pas une fessée ? Je vous parle de la fessée parce que B. Accoyer en a parlé ce matin, contre l'interdiction de la fessée, c'est un des grands sujets en ce moment. Ecoutez-le. (Extrait Canal+). Voilà, pour ou contre ?
Moi, je suis contre les châtiments corporels aux enfants et malheureusement il y avait une tradition de châtiment corporel très dur dans un certain nombre de pays d'Europe...
... plus en Grande-Bretagne qu'en France.
Exactement, c'est ce que j'allais vous dire, dans un certain nombre de pays d'Europe qui les a conduits, eux, à être extrêmement radicaux dans leur législation.
Une campagne de l'Union européenne, en l'occurrence...
Oui, exactement ! Et c'est pour ça que ces pays-là qui avaient une tradition de châtiment corporel aux enfants ont eux été très extrémistes sur l'interdiction de la fessée. En France, je crois qu'on est un pays qui aime ses enfants, qui les élève bien, je crois qu'il y a beaucoup...
... vous mettez des fessées vous ?
Ecoutez, moi j'ai des fils et je mets au défi toutes les mamans qui ont plusieurs garçons de ne jamais perdre leur calme et de ne jamais avoir un geste.
C'est un oui, hein !
C'est un oui. Mais, en revanche... je reconnais, je n'en suis pas fière et à chaque fois que je perds mon calme, je n'en suis pas fière. Simplement, ce que je veux dire, c'est que pour les enfants c'est beaucoup plus dur, il y a des châtiments beaucoup plus dures qu'un geste d'humeur parce qu'ils savent que ce geste d'humeur ne traduit pas forcément un désamour. En revanche, il peut y avoir des humiliations, il peut y avoir vraiment des choses qui verbalement sont beaucoup plus humiliantes et beaucoup plus douloureuses pour un enfant, à vivre, et je crois que c'est le manque d'amour et c'est le manque d'affection qui sont d'abord la première souffrance des enfants.
Un peu comme en politique ! Il paraît que N. Sarkozy et R. Yade sont réconciliés.
Ecoutez, j'en suis contente parce que moi je crois beaucoup en Rama et je pense qu'elle a un potentiel politique formidable.
Merci d'avoir été notre invitée ce matin. Une bonne journée à vous, bonne discussion avec les présidentes d'université et aussi avec les chercheurs, les enseignants chercheurs, qui vous cherchent des noises en ce moment, c'est le moins qu'on puisse dire.
Ma porte est toujours ouverte.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 février 2009