Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, à Europe 1 le 4 mars 2009, sur le démontage d'antennes-relais dans l'hypothèse d'un danger pour la santé et sur son souhait de ne pas voir les enfants utiliser de téléphone mobile.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- C'est au tour de SFR, après Bouygues Télécom, d'être condamné à démonter une antenne relais, cette fois, pas en zone urbaine. Cette décision intervient au moment même où F. Fillon a demandé au ministère de la Santé de travailler avec vous, avec C. Jouanno, à un Grenelle des antennes. Et on apprend ce matin dans La Tribune, qu'autant le principe de précaution peut s'appliquer en ce concerne les téléphones mobiles. En revanche, je cite, "l'hypothèse d'un risque pour la santé des personnes vivant à proximité des antennes ne peut être tenu en l'état actuel des connaissances scientifiques", dit le Premier ministre. Cette décision de justice, elle est donc à côté de la plaque ?
 
Il sera probablement fait appel. Et on verra si la cour d'appel confirme, comme elle l'avait fait pour l'antenne Bouygues ou infirme. Ce sera intéressant. Mais surtout, le fond du problème, c'est qu'il ne faut pas que ces choses-là se règlent devant les tribunaux. Ça ne va pas, toutes les antennes de France ne vont pas se retrouver devant les tribunaux. Donc il faut éventuellement...
 
Vous craignez un effet boule de neige ?
 
Oui. Et je crois que c'est bon pour personne, parce que cela laisse le citoyen dans une inquiétude et manifestement, l'opérateur dans une incertitude. Alors que nous, on sera très fermes sur les obligations de couverture, je vais être très claire là-dessus. Il y a un bilan qui va être fait au mois d'août. Elles seront les mêmes en fait. Et on a raison de vouloir à la fois des certitudes sanitaires et avoir une bonne couverture en matière téléphonique.
 
Mais aujourd'hui, que sait-on sur la dangerosité des antennes relais ? Pas grand-chose en fait...
 
Aujourd'hui, en fait, et c'est ce qui fonde ce passage que vous citez dans la lettre du Premier ministre, on a des débuts d'éléments d'inquiétude ? De doute, en tout cas, sur l'impact des téléphones eux-mêmes. Et c'est par exemple ce qui m'a motivé pour me battre beaucoup pour que dans la loi Grenelle 2, il y ait des réserves sur l"utilisation des téléphones par les enfants.
 
Donc ça, c'est pour le téléphone, mais pour les antennes relais, puisque c'est ça l'actualité de ce matin ?
 
Pour les antennes, en revanche, il n'y a rien, si vous voulez, qui soit du même ordre.
 
Donc vous, vous n'appelez pas au principe de précaution ce matin ?
 
Moi, je dis que face au couple antenne-téléphone, le principe de précaution doit être appliqué sur le téléphone, notamment vis-à-vis des enfants.
 
Et on fait comment, le principe de précaution sur les téléphones ?
 
Cela veut dire limiter l'usage pour les plus jeunes. Ce que l'on prévoit dans la loi Grenelle 2 par exemple, c'est l'interdiction de publicité mettant en scène des enfants de moins de douze ans et la possibilité d'interdire les équipements spécifiquement destinés aux moins de six ans. Vous savez, maintenant, il y a des équipements qui sont vraiment destinés aux très jeunes ; ça, ça n'a pas de sens pour moi.
 
Et sur les antennes elles-mêmes, vous ne voulez pas lancer une vaste étude française qui détermine les effets de ces antennes ?
 
Sur les antennes elles-mêmes, ce que j'ai proposé au Premier ministre, c'est ce Grenelle des antennes pour mettre tout le monde autour de la table. Parce que, en fait, il n'y a jamais eu véritablement de table ronde sur le sujet. On est resté dans une espèce de polémique impossible, entre les élus et les opérateurs qui décidaient des chartes au niveau national, qui n'étaient jamais appliquées au niveau local - en tout cas, pas toujours -, les associations et les opérateurs ont des relations très polémiques, et finalement, les citoyens qui se retrouvaient devant les tribunaux, et encore une fois, cela n'a pas vocation, forcément, à être réglé devant les tribunaux.
 
Il faut quand même rappeler que les opérateurs assurent qu'ils ont des obligations de couverture du territoire, environ 99 % de la population vis-à-vis de l'Etat. Autrement, ils doivent payer des sanctions financières si jamais ce n'est pas couvert. Donc eux, ils sont un peu entre le marteau et l'enclume.
 
Oui, c'est vrai. C'est pour cela que je veux que l'on trouve une solution. Actuellement, la situation ne peut satisfaire personne. Les citoyens sont inquiets parce qu'il y a une inquiétude...
 
Mais vous, vous n'êtes pas inquiète à vous écouter quand même...
 
Moi, j'ai beaucoup lu toute la littérature sur le sujet, et elle me porte à plus de réticence sur le téléphone lui-même que sur l'antenne. Mais cela ne veut pas dire que je trouve qu'il ne faille pas pouvoir faire écho d'une manière ou d'une autre à l'inquiétude des Français. Ce n'est pas parce que tous les scientifiques vous disent qu'il n'y a pas de problème qu'il ne faut pas pouvoir en parler. Maintenant, c'est vrai que l'étude de toute la littérature sur le sujet porte plutôt à appliquer le principe de précaution sur le téléphone que sur les antennes.
 
L'association "Robin des toits" souhaite quand même qu'un seuil d'exposition des antennes passe de 41 à 61 volts par mètre - ça, c'est ce qui existe aujourd'hui - à 0,6 volt par mètre. Et pour cela, il faudrait augmenter le nombre d'antennes relais, puisqu'elles seraient moins puissantes. Est-ce une bonne piste pour vous ?
 
C'est tout le paradoxe de cette discussion sur les antennes. C'est qu'en fait, moins il y en a, plus celles qui sont là sont puissantes. Et vous avez des personnes qui craignent, qui rejettent les antennes pour des motifs sanitaires. Vous en avez aussi qui n'en veulent pas pour des motifs esthétiques. Et les deux motifs, à l'aune de ce que je viens de dire, vont un peu l'un contre l'autre. Ce que je voudrais, dans le cadre de cette table ronde, ce que j'ai proposé, c'est qu'on fasse un peu de benchmark international...
 
C'est-à-dire ?
 
... Parce qu'en fait, les normes sont différentes suivant les pays européens et il y a aussi des nouvelles technologies, des nouveaux types d'antenne, de nouveaux types d'équipement qui émergent et qui pourraient, pour l'avenir, être des solutions pour nous. Je trouve que l'on pourrait être plus dynamiques par rapport à ce qui s'est fait dans d'autres pays pour aller rechercher des solutions chez des voisins qui ont été confrontés au problème et qui ont su mettre en place des solutions.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 mars 2009