Déclaration de M. Hervé Morin, président du Nouveau Centre, sur la stratégie du Nouveau Centre pour la préparation des élections européennes et sur ses propositions de création d'un fonds européen socio-économique et d'une communauté européenne de l'énergie, Versailles le 7 mars 2009.

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Circonstance : Convention du Nouveau Centre sur l'Europe, à Versailles (Yvelines), le 7 mars 2009

Texte intégral

Mes Chers amis,
Le compte à rebours des élections européennes a commencé.
Nous sommes à trois mois, jour pour jour, du scrutin du 7 juin prochain. Ces élections, elles nous engagent.
Pour nous, l'Europe n'est pas seulement une construction, c'est un socle de valeurs communes. Des valeurs communes que notre famille politique a portées à travers l'Histoire: la liberté, l'humanisme, les solidarités, le désir et la volonté de paix.
Ce sont les valeurs forgées par les pères fondateurs issus de nos rangs: Jean Monnet, Robert Schuman, Alcide de Gasperi et après eux Valéry Giscard d'Estaing, Simone Veil et les grandes figures de l'UDF. Ces valeurs, nous les porterons haut et fort pendant cette campagne en réaffirmant l'Europe que nous voulons. Nous devons penser l'Europe d'aujourd'hui, sans jamais oublier ce qu'elle a été hier et ce que nous voulons qu'elle soit demain: une Europe politique. Une Europe puissance capable de porter un projet politique sur la planète.
Voilà 30 ans cette année que les députés européens sont élus directement par les citoyens. Le Parlement européen, c'est le seul exemple au monde d'une assemblée transnationale qui ait le pouvoir de fabriquer des lois contraignantes. Cela devrait faire des élections européennes un rendez-vous démocratique majeur. Elle restent pourtant un rendez-vous manqué.
A chaque scrutin, le taux de participation baisse inexorablement. C'est vrai en France; c'est vrai partout dans l'Union.
Faut-il voir dans cette abstention massive un désintérêt pour l'Europe ? Je préfère y voir le symptôme d'une Europe qui, malgré ses succès, peine encore à conquérir le coeur des citoyens.
Car les électeurs ont le sentiment que leur vote ne change rien aux destinées de l'Europe.
- Qu'ils souhaitent une Europe plus sociale, plus libérale ou plus conservatrice,
- Qu'ils préférèrent consacrer plus d'argent à la recherche, à l'environnement ou à la défense,
Quels que soient les résultats des élections, ils se disent que la politique menée à Bruxelles sera toujours la même. Dans ces conditions à quoi bon voter ?
Nous voulons donner un enjeu aux élections européennes. Un enjeu politique qui permette aux citoyens de savoir qui, selon leur vote, sera Président de la Commission européenne. Cela suppose un vrai débat démocratique sur les choix stratégiques de l'Union.

Mais pour que ce débat existe, pour remettre de la politique en Europe, il faut avoir le courage de renoncer à un consensus qui paralyse la démocratie. L'Europe a besoin de clivage. Elle a besoin d'une majorité et d'une opposition comme cela existe au niveau national. Elle a besoin d'une vie politique au niveau européen.
Reconnaissez que nous sommes aujourd'hui loin du compte: nous n'avons pas une élection européenne mais 27 élections nationales !
Portons une idée d'avance ! Portons l'idée que les élections européennes soient organisées le même jour dans le cadre de listes véritablement européennes avec des programmes élaborés en commun par les partis politiques européens.
Je salue l'initiative de François Sauvadet et de Giuseppe Pizza. La conférence européenne des Centres, lancée à Paris le 20 janvier dernier, doit nous permettre d'avoir une expression du centre européen pour peser davantage dans le débat européen.
Mes Chers amis,
La crise économique donne un nouveau relief aux élections européennes, tant elle souligne l'immense besoin d'Europe.
La présidence française de l'Union a montré au grand jour que l'Europe n'était pas condamnée à l'impuissance. En faisant primer l'action politique, elle a donné une image positive de l'Union à nos concitoyens.
- Ce ne sont pas les Américains, mais les Européens, qui par leur action concertée, ont permis d'éviter, de justesse, l'arrêt cardiaque du système financier international.
- Ce sont les Européens qui ont obtenu la convocation d'un sommet du G 20 pour fonder une nouvelle gouvernance mondiale.
- C'est l'euro qui nous sert de bouclier anti-crise. Il n'y a qu'à regarder la situation de la Livre sterling ou la faillite de l'Islande, qui était encore il y a quelques mois l'un des pays les plus riches de la planète !
L'intégration monétaire nous protège. Mais elle a aussi valeur de test pour la solidarité européenne. Vingt ans après la chute du rideau de fer, la situation critique des pays d'Europe centrale et orientale ne doit pas récréer, à un titre ou à un autre, le rideau de l'argent.
Ce que révèle aussi la crise, c'est que l'intégration monétaire doit impérativement s'accompagner d'une meilleure coordination de nos politiques économiques. Et cela devrait commencer par une représentation unique des pays de la zone euro dans les grandes organisations internationales.
Cela suppose également de mettre en place des dispositifs de gouvernance européenne dans différents domaines: la régulation des marchés financiers, le contrôle des agences de notation, la lutte contre les paradis fiscaux, et cela commence chez nous.
Car l'Europe doit aussi porter l'idée de la morale et de l'éthique. Aux Européens d'établir leur propre liste noire des paradis fiscaux comme ils l'ont fait pour les organisations terroristes. Aucune banque ayant une activité dans un paradis fiscal ne devrait recevoir de fonds publics provenant d'un pays de l'Union.
Mes Chers amis,
Le monde change avec la crise. La crise doit aussi faire changer l'Europe. Nous devons porter cette idée que l'Union doit cesser d'ériger la concurrence en dogme voire en idéologie.
Il faut adapter les règles de la concurrence qui permettent à la fois la production de services publics et la constitution de grands groupes européens. C'est valable pour les deux: pour le postier comme pour les grands secteurs industriels.
Il y en assez de la main invisible du marché, de la concurrence pure et parfaite qui ne l'est jamais et de la porte ouverte à tous excès.
- Oui à de véritables services publics européens,
- Oui à une Europe qui refuse d'importer des fruits et légumes arrosés de pesticides dont on interdit l'utilisation à nos producteurs.
- Oui à une Europe qui se donne les moyens de constituer des grands groupes à l'échelle mondiale,
Aider l'industrie, c'est aussi protéger les emplois et les salariés. Qui comprendrait que l'Europe reste inactive devant des plans sociaux dévastateurs à l'échelle européenne ? Grâce aux fonds structurels géographiques, l'Europe a permis à des Etats de rattraper leur retard économique de façon spectaculaire. Ce qui a si bien fonctionné pour les pays, l'Europe doit aujourd'hui le transposer pour les populations.
Je vous propose ainsi la création d'un fond socio-économique dont l'objectif serait de venir en aide directement aux salariés et au secteurs économiques les plus fragilisées par la crise. Car ce que les Européens attendent, plus qu'une Europe qui les protège, c'est une Europe qui répare ce que la crise est en train de détruire.
Une Europe qui répare les secteurs en crise, qui les soutient, qui leur permet de repartir d'un bon pied. C'est la raison pour laquelle je vous propose la création de ce fonds européen socio-économique.
Autre sujet que l'Europe doit s'approprier : le secteur de l'énergie.
Alors que le cours des matières premières est plus instable que jamais, alors que la guerre du gaz est à nos portes et que le respect de l'environnement exige de nouvelles sources d'énergies propres, il est vital de créer une communauté européenne de l'énergie.
Cette CECA des temps modernes, elle pourrait reposer sur les piliers suivants :
- Le respect de la subsidiarité qui signifie que les Etats restent libres de leur choix énergétiques mais que ces choix convergent vers la création d'un bouquet énergétique européen
- La diversification de nos sources d'énergies, avec un effort particulier de recherche et développement en faveur des énergies renouvelables.
- La sécurisation des approvisionnements, ce qui suppose de diversifier nos sources et de définir le cadre politique et juridique des relations que nous entretenons avec les pays fournisseurs. Je pense bien sûr à la Russie, pays avec lequel nous devons absolument instaurer une partenariat de confiance.
- Enfin, la solidarité entre les pays signataires qui suppose la définition d'un mécanisme d'assistance mutuelle en cas de rupture d'approvisionnement.
Cette Communauté de l'énergie, on ne pourra la lancer à 27, de même qu'on ne fera pas l'Europe des 50 prochaines années comme nous l'avons faite depuis un demi-siècle. Il ne s'agit pas de renier les pères fondateurs de l'Europe, mais de faire preuve de pragmatisme pour franchir une nouvelle étape de l'intégration européenne.
Chacun sait qu'il n'existe pas d'ambition fédérale à 27. Nous devons inventer de nouvelles formes de coopérations pour surmonter les blocages et les lenteurs d'une Union élargie. C'est dans esprit que nous proposons toute une série d'actions avancées, dans des domaines aussi divers que la mobilité, l'éducation, la culture, la défense et bien d'autres sujets encore. Mais il faudra prendre garde à éviter que certains ne rejoignent ces coopérations renforcées afin pour seule idée de les bloquer de l'intérieur.
Ma conviction, c'est que tôt au tard, les Etats qui en ont la volonté politique devront conclure entre eux un nouveau traité pour construire une Europe politique et porter notre modèle européen dans le monde.
Car l'Europe ne doit pas seulement protéger; elle ne doit pas seulement réparer; elle doit aussi se projeter et s'occuper des grands sujets qui intéressent la planète: la politique étrangère, la sécurité collective, l'environnement.

Alors que la refondation du capitalisme est en marche, voilà une occasion inespérée pour l'Europe de promouvoir son modèle et ses valeurs.
L'Europe, c'est le plus beau contrat collectif au monde. Notre projet est différent de celui des Etats-Unis, comme il est bien entendu différent du modèle chinois, indien ou brésilien ; à mon sens, il est le meilleur pour l'homme. Nous sommes porteurs d'une vision solidaire et coopérative de l'organisation du monde qui nous place à l'avant-garde sur de nombreux fronts : la lutte contre le changement climatique - avec une diplomatie environnementale qui a déjà permis de faire bouger les lignes -, la promotion de la diversité culturelle et linguistique, la reconnaissance de normes sociales internationales, le dialogue des cultures et des civilisations. Pour remporter ces combats, les Européens doivent se donner les moyens de leur influence. Mais ils ne seront audibles qu'à la condition d'être unis.
Le temps est révolu où l'Europe assistait en spectatrice à la marche du monde. Le temps est désormais venu de prendre nos responsabilités, toutes nos responsabilités. L'Europe doit imprimer de sa marque et de son code de valeurs les futures règles de gouvernance mondiale qui seront débattues lors du G 20 de Londres.
Dans un monde fini - c'est-à-dire avec des limites connues et de nouvelles frontières - le modèle de la compétition entre les Etats doit s'effacer au profit d'un modèle coopératif reposant sur le respect de la norme et du droit. Ce n'est pas une question de bon sens, c'est une question d'existence. Une question existentielle, car il en va de la survie de l'humanité sur le long terme.
Mes Chers amis,
Au terme de notre Convention, je veux bien sûr vous parler de notre feuille de route pour la campagne qui s'engage.
Je connais votre impatience à partir au combat électoral. Je sais que certains voudraient y aller dans le cadre de listes autonomes.
Les élections européennes sont une étape sur le chemin qui doit nous conduire à 2012. Des combats électoraux, nous avons beaucoup d'autres devant nous !
Nous sommes encore un parti politique jeune, qui n'a que 18 mois d'existence. Je vous l'ai dit, je ne veux pas risquer sur un coup de dès ce que nous sommes en train de construire ensemble, et de réussir.
Notre objectif n'est pas de faire cavaliers seuls, notre objectif c'est de rassembler,
- rassembler notre famille politique,
- rassembler tous ceux qui partagent nos idées,
- rassembler ceux qui se reconnaissent dans notre projet de société.
Nous avons débattu ensemble de notre stratégie pour ces élections, et j'ai tenu à consulter les représentants de chacune des circonscriptions électorales. A l'issue de cette consultation, le Bureau politique du Nouveau Centre m'a confié le mandat d'engager des négociations avec l'UMP.
Les négociations se poursuivent, mais ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est que nous aurons au moins trois candidats en position éligible sur les listes d'union, et un quatrième en situation charnière. Et parmi nos candidats éligibles, il y aura au moins un jeune centriste !
Je vous annonce également que le Nouveau Centre sera représenté à hauteur de 20% sur les listes de la majorité.
En Outre-Mer, nous présenterons une liste d'autonome avec l'ambition d'avoir un élu dans la zone Pacifique.
S'engager sur des listes d'union, ce n'est pas renier notre identité. Nous partons en campagne sur des liste d'union, mais nous y allons avec notre propre projet pour mener notre propre campagne. Parce que pour nous, au Nouveau Centre, la solidarité et l'esprit collectif se conjuguent toujours avec la liberté.
Alors oui, nous partons en campagne avec enthousiasme,
Oui, nous voulons mobiliser les électeurs avec conviction.
Car cette campagne doit nous aider à faire vivre dans la majorité cette famille du Centre et du Centre droit. Elle doit être pour nous l'occasion de faire entendre notre voix, une voix nouvelle pour porter les idées d'une famille politique qui a toujours existé en Europe et qui a porté la première l'idéal européen.
Je vous remercie.
Source http://www.le-nouveaucentre.org, le 9 mars 2009