Texte intégral
R. Elkrief - Lorsque vous avez quitté le Kosovo, il y a à peu près trois mois, les Kosovars criaient dans les rues : "Vive Kouchner !" Cette semaine, les sages-femmes criaient : "Femmes au bord de la crise de Kouchner." Ce n'est pas trop dur à vivre ?
- "C'est assez dur à vivre, c'est un peu injuste. Mais je pense que c'est le témoignage d'une crise, d'un malaise, d'une recherche d'identité pour les sages-femmes qui disent très clairement être une profession médicale - ce qui est vrai - mais qui ne vivent pas et ne travaillent pas comme si elles étaient vraiment une profession médicale. Depuis 1943, elles sont inscrites dans le code de la santé publique ; maintenant, il faut passer à l'acte et il faut travailler avec elles pour qu'elles soient vraiment une profession particulière. Je crois que nous avons fait des propositions pour les études, pour l'accès à l'université, pour l'augmentation du nombre de sages-femmes."
Apparemment, cela ne suffit pas. Elles annoncent une nouvelle manifestation le 27 avril.
- "J'en suis désolé. Nous avons fait des propositions très fortes et très solides en matière de revalorisation des salaires. Il faut travailler avec les sages-femmes du secteur public - nous pouvons le faire - et avec le secteur privé - nous avons fait un effort considérable : 1,2 milliard pour le secteur privé dont 100 millions pour l'obstétrique. Je pense que c'est en négociant avec les patrons, et non pas avec l'Etat, qu'elles vont obtenir des augmentations. Il y a aussi des propositions très fortes de revalorisation avec des nouveaux projets, notamment ces fameuses maisons de naissance, où elles pourront s'occuper de leurs patients jusqu'au bout, mais il y a aussi d'autres problèmes."
On ne va pas tous les égrainer ce matin.
- "Justement, c'est très compliqué. Les coordinations s'entendent mal avec les syndicats. Ce sont les syndicats de la fonction publique qui englobent les sages-femmes qui ont signé pour 800 000 personnes des augmentations substantielles. Les sages-femmes doivent absolument parler avec ces syndicats."
Avant de revenir du Kosovo, vous disiez que les titres en France ne vous donnaient pas très envie de revenir. Vous êtes maintenant ministre délégué à la Santé. Est-ce que vous avez le sentiment de faire entendre cette voix forte qu'a annoncée L. Jospin sur la santé, la protection sanitaire ?
- "'Je fais ce que je peux. Je pense que nous avons fait des progrès énormes en matière de santé publique qui était le parent pauvre puisqu'on parlait du soin mais jamais de la santé publique. Il y a des plans de dépistages et de prise en charge du cancer qui sont très nouveaux dans ce pays ; il y aura bientôt cette loi sur la modernisation du système de santé - une meilleure prise en charge des patients, une meilleure représentation des patients, accès au dossier, amélioration également pour les professionnel ; et puis il y a cette loi sur l'aléa thérapeutique."
Une protection finalement du citoyen vis-à-vis des médecins ?
- "De vous et moi, lorsqu'il y a de ennuis sans faute des médecins. C'est un très gros sujet. Il y a beaucoup de choses qui se passent. Cela ne va quand même pas mal, arrêtons de nous plaindre tout le temps, surtout lorsqu'on connaît un peu les autres systèmes de santé dans le monde et même très près de nous. Cela marche très bien en France. Même si c'est inégalement réparti, même s'il y a des gens qui protestent, le système, globalement, prend les Français en charge de manière exceptionnelle."
Un mot sur L. Jospin : ce soir il est à France 2. Il a fait des propositions il y a quelques jours et elles ont été assez mal accueillies par les Verts et par les communistes. Vous, comme ministre, comme proche de L. Jospin, qu'attendez-vous ce soir pour qu'il dissipe ce scepticisme ?
- "Qu'il explique les propositions du Gouvernement qui fusaient de partout lors de la dernière réunion des ministres qui, je vous rappelle, n'était pas un séminaire supplémentaire : on se voit tous les 15 jours en déjeunant, qu'il dise dans quelle direction nous allons durant les longs mois qui demeurent devant nous. Aujourd'hui, il y a une nouvelle proposition d'E. Guigou pour prendre en charge nos aînés, les plus vieux, qui remplace la prestation dépendance."
La prestation personnalisée d'autonomie.
- "L'APA va porter sur 800 000 personnes et va multiplier par deux, par trois ou par quatre les prestations. Ce n'est pas mal ! Il y a en effet un problème avec les personnes âgées qui doivent pouvoir rester chez elles lorsqu'elles le souhaitent et doivent pouvoir être assistées. Ce pays est formidable."
"La vie est belle "dit B. Kouchner ?
- "Lorsqu'on habite ailleurs, on veut toujours rejoindre la France. Quand on est le "nez dedans" - si je peux me permettre - on trouve que les gens vont moins bien ou on considère que la France n'est pas aussi formidable que je le dis."
Cela va-t-il suffire aux licenciés de Danone, aux licenciés de Marks Spencer ou à d'autres ?
- " Et à ceux qui trouvent du travail, et au 1,5 million d'emplois que nous avons créés, que le gouvernement de gauche a créés, cela va-t-il suffire ? Je suis désolé pour Lu et Marks Spencer mais j'ai trouvé qu'on en faisait un peu trop là-dessus quand même par rapport notamment à la création d'emplois pendant la même semaine et pendant le même mois. Mais enfin, ces choses qui vont bien n'intéressent personne..."
Voulez-vous dire que c'était démagogique de la part de certains ministres, de certaines personnalités ?
- "Je n'ai pas dit "ministre" ni "personnalité." C'était un peu excessif sûrement mais je comprends que pour les personnels ce soit une douleur. Je comprends aussi que Lu ne ressemble pas à Marks Spencer."
Le coup d'arrêt porté à la privatisation de Gaz de France, est-ce un bon signe pour la majorité plurielle ? Est-ce une façon de dire : "On vous écoute" ou alors n'est-ce pas très bon pour la France en général ?
- "Nous avons un service public, comme vous les savez, beaucoup plus fort que dans tout le reste de l'Europe. Nous voulons le défendre. Je pense que lorsqu'on parle des chemins de fer, malgré les grèves, nous sommes contents que ce système marche, contrairement aux pays autour de nous. Il y a un grand débat qui ne pouvait pas être lancé maintenant à propos non seulement des privatisations mais aussi de l'ouverture du capital, de la division, de l'allégement, de l'aération des gros mastodontes."
Vous le regrettez ?
- "Non, je ne le regrette pas pour le moment."
N'avez-vous pas joué un peu les premiers de la classe la semaine dernière en disant que L. Jospin était en pleine forme et que vous pouviez le dire car vous étiez assez qualifié ?
- "Je connais de nombreux Premier ministres parce que je suis peut-être le ministre le plus permanent : après quatre ans au poste le plus difficile de France, où on est nuit et jour harassé, où on doit choisir, s'informer, consulter etc., je trouve L. Jospin, mon Premier ministre, en forme."
Vous lui donnez des conseils pour qu'il garde cette forme ?
- "Hélas, je ne suis plus son médecin."
Parce que les hommes politiques sont aussi des hommes et des femmes comme les autres ?
- "Souvent, vous l'aurez aussi remarqué."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 17 avril 2001)
- "C'est assez dur à vivre, c'est un peu injuste. Mais je pense que c'est le témoignage d'une crise, d'un malaise, d'une recherche d'identité pour les sages-femmes qui disent très clairement être une profession médicale - ce qui est vrai - mais qui ne vivent pas et ne travaillent pas comme si elles étaient vraiment une profession médicale. Depuis 1943, elles sont inscrites dans le code de la santé publique ; maintenant, il faut passer à l'acte et il faut travailler avec elles pour qu'elles soient vraiment une profession particulière. Je crois que nous avons fait des propositions pour les études, pour l'accès à l'université, pour l'augmentation du nombre de sages-femmes."
Apparemment, cela ne suffit pas. Elles annoncent une nouvelle manifestation le 27 avril.
- "J'en suis désolé. Nous avons fait des propositions très fortes et très solides en matière de revalorisation des salaires. Il faut travailler avec les sages-femmes du secteur public - nous pouvons le faire - et avec le secteur privé - nous avons fait un effort considérable : 1,2 milliard pour le secteur privé dont 100 millions pour l'obstétrique. Je pense que c'est en négociant avec les patrons, et non pas avec l'Etat, qu'elles vont obtenir des augmentations. Il y a aussi des propositions très fortes de revalorisation avec des nouveaux projets, notamment ces fameuses maisons de naissance, où elles pourront s'occuper de leurs patients jusqu'au bout, mais il y a aussi d'autres problèmes."
On ne va pas tous les égrainer ce matin.
- "Justement, c'est très compliqué. Les coordinations s'entendent mal avec les syndicats. Ce sont les syndicats de la fonction publique qui englobent les sages-femmes qui ont signé pour 800 000 personnes des augmentations substantielles. Les sages-femmes doivent absolument parler avec ces syndicats."
Avant de revenir du Kosovo, vous disiez que les titres en France ne vous donnaient pas très envie de revenir. Vous êtes maintenant ministre délégué à la Santé. Est-ce que vous avez le sentiment de faire entendre cette voix forte qu'a annoncée L. Jospin sur la santé, la protection sanitaire ?
- "'Je fais ce que je peux. Je pense que nous avons fait des progrès énormes en matière de santé publique qui était le parent pauvre puisqu'on parlait du soin mais jamais de la santé publique. Il y a des plans de dépistages et de prise en charge du cancer qui sont très nouveaux dans ce pays ; il y aura bientôt cette loi sur la modernisation du système de santé - une meilleure prise en charge des patients, une meilleure représentation des patients, accès au dossier, amélioration également pour les professionnel ; et puis il y a cette loi sur l'aléa thérapeutique."
Une protection finalement du citoyen vis-à-vis des médecins ?
- "De vous et moi, lorsqu'il y a de ennuis sans faute des médecins. C'est un très gros sujet. Il y a beaucoup de choses qui se passent. Cela ne va quand même pas mal, arrêtons de nous plaindre tout le temps, surtout lorsqu'on connaît un peu les autres systèmes de santé dans le monde et même très près de nous. Cela marche très bien en France. Même si c'est inégalement réparti, même s'il y a des gens qui protestent, le système, globalement, prend les Français en charge de manière exceptionnelle."
Un mot sur L. Jospin : ce soir il est à France 2. Il a fait des propositions il y a quelques jours et elles ont été assez mal accueillies par les Verts et par les communistes. Vous, comme ministre, comme proche de L. Jospin, qu'attendez-vous ce soir pour qu'il dissipe ce scepticisme ?
- "Qu'il explique les propositions du Gouvernement qui fusaient de partout lors de la dernière réunion des ministres qui, je vous rappelle, n'était pas un séminaire supplémentaire : on se voit tous les 15 jours en déjeunant, qu'il dise dans quelle direction nous allons durant les longs mois qui demeurent devant nous. Aujourd'hui, il y a une nouvelle proposition d'E. Guigou pour prendre en charge nos aînés, les plus vieux, qui remplace la prestation dépendance."
La prestation personnalisée d'autonomie.
- "L'APA va porter sur 800 000 personnes et va multiplier par deux, par trois ou par quatre les prestations. Ce n'est pas mal ! Il y a en effet un problème avec les personnes âgées qui doivent pouvoir rester chez elles lorsqu'elles le souhaitent et doivent pouvoir être assistées. Ce pays est formidable."
"La vie est belle "dit B. Kouchner ?
- "Lorsqu'on habite ailleurs, on veut toujours rejoindre la France. Quand on est le "nez dedans" - si je peux me permettre - on trouve que les gens vont moins bien ou on considère que la France n'est pas aussi formidable que je le dis."
Cela va-t-il suffire aux licenciés de Danone, aux licenciés de Marks Spencer ou à d'autres ?
- " Et à ceux qui trouvent du travail, et au 1,5 million d'emplois que nous avons créés, que le gouvernement de gauche a créés, cela va-t-il suffire ? Je suis désolé pour Lu et Marks Spencer mais j'ai trouvé qu'on en faisait un peu trop là-dessus quand même par rapport notamment à la création d'emplois pendant la même semaine et pendant le même mois. Mais enfin, ces choses qui vont bien n'intéressent personne..."
Voulez-vous dire que c'était démagogique de la part de certains ministres, de certaines personnalités ?
- "Je n'ai pas dit "ministre" ni "personnalité." C'était un peu excessif sûrement mais je comprends que pour les personnels ce soit une douleur. Je comprends aussi que Lu ne ressemble pas à Marks Spencer."
Le coup d'arrêt porté à la privatisation de Gaz de France, est-ce un bon signe pour la majorité plurielle ? Est-ce une façon de dire : "On vous écoute" ou alors n'est-ce pas très bon pour la France en général ?
- "Nous avons un service public, comme vous les savez, beaucoup plus fort que dans tout le reste de l'Europe. Nous voulons le défendre. Je pense que lorsqu'on parle des chemins de fer, malgré les grèves, nous sommes contents que ce système marche, contrairement aux pays autour de nous. Il y a un grand débat qui ne pouvait pas être lancé maintenant à propos non seulement des privatisations mais aussi de l'ouverture du capital, de la division, de l'allégement, de l'aération des gros mastodontes."
Vous le regrettez ?
- "Non, je ne le regrette pas pour le moment."
N'avez-vous pas joué un peu les premiers de la classe la semaine dernière en disant que L. Jospin était en pleine forme et que vous pouviez le dire car vous étiez assez qualifié ?
- "Je connais de nombreux Premier ministres parce que je suis peut-être le ministre le plus permanent : après quatre ans au poste le plus difficile de France, où on est nuit et jour harassé, où on doit choisir, s'informer, consulter etc., je trouve L. Jospin, mon Premier ministre, en forme."
Vous lui donnez des conseils pour qu'il garde cette forme ?
- "Hélas, je ne suis plus son médecin."
Parce que les hommes politiques sont aussi des hommes et des femmes comme les autres ?
- "Souvent, vous l'aurez aussi remarqué."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 17 avril 2001)