Interview de Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF à LCI le 23 janvier 2009, sur le projet de convention d'assurance chômage, notamment le refus de la CGT, de FO et de la CGC de signer l'accord, ainsi que sur le climat social.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


 
 
 
C. Barbier.- L. Parisot bonjour.
 
Bonjour.
 
Alors CGT, CGC, Force ouvrière, 3 syndicats déjà s'opposent officiellement et fermement à la nouvelle convention chômage. Reconnaissez-vous cet échec pour le patronat qui soutenait cet accord ?
 
Ce n'est pas un échec pour le patronat, c'est un échec pour les chômeurs, c'est le monde à l'envers. Jamais un texte n'a été aussi favorable aux demandeurs d'emploi, jamais un projet de convention d'assurance chômage n'ouvrait aussi grand les portes du régime. Jamais. Et on a vraiment le sentiment aujourd'hui que les syndicats de salariés pénalisent les chômeurs.
 
Pourtant, cette réforme était pensée pour une période de diminution du chômage, avec baisse des cotisations pour les entreprises et puis le chômage est revenu. Donc, le refus des syndicats est assez logique, cette convention est caduque !
 
Non, cette réforme n'était pas pensée, comme vous le dites, avec une baisse systématique ou mécanique des cotisations employeurs et employés d'ailleurs. Cette réforme était pensée d'une manière tout à fait novatrice. Elle disait : faisons en sorte que ceux qui, par exemple, ont pour le moment peu cotisé puissent avoir accès au régime. Un exemple très important à avoir en tête : avec le projet de texte qui malheureusement est refusé par certaines organisations syndicales, dès que vous aviez travaillé 4 mois, vous pouviez bénéficier du régime d'assurance chômage, ce qui n'est pas le cas dans le régime actuellement en vigueur. Et, par ailleurs, l'autre aspect novateur du texte, le texte dit - et ça c'est philosophiquement mais surtout économiquement fondamental - avec ces nouveaux droits, je dis bien avec ces nouveaux droits, si par le jeu par exemple de la démographie, le régime est financièrement excédentaire, eh bien ! On pourra baisser la cotisation et des salariés et de l'employeur, mais en maintenant les droits. Ce que les syndicats essaient de faire croire au grand public, c'est que baisse des cotisations égale baisse des droits. En réalité, on peut à la fois élargir les droits et baisser la pression qui pèse sur les charges des entreprises.
 
Alors à l'heure actuelle, acceptez-vous de vous remettre autour de la table avec ces syndicats réfractaires pour amender ce projet et le faire signer ?
 
Aujourd'hui, ce matin, au moment où nous nous parlons, la question ne se pose pas ainsi. Nous attendons encore la réponse d'un syndicat, la CGC, le syndicat qui représente les cadres dans notre pays...
 
Ça se présente mal !
 
Oui, mais s'il ne manifeste pas son opposition d'une manière explicite, l'accord peut vivre puisque la CFDT s'est engagée hier après-midi à signer l'accord. Et je crois qu'il faut bien comprendre ce que veut dire une opposition des syndicats, ça veut dire que d'abord l'ancien régime va continuer à fonctionner - et encore une fois, cet ancien régime est moins favorable que le texte qui est sur la table aujourd'hui - deuxièmement, ça peut vouloir dire une nationalisation du système...
 
C'est-à-dire ?
 
Une nationalisation du système ça veut dire que c'est l'Etat, le Gouvernement, qui désormais définirait les paramètres des conditions d'accès à l'indemnisation du chômage. Et regardez sur la question des cadres, dans tous les pays européens, occidentaux, où l'Etat gère le régime d'assurance chômage, l'indemnisation des cadres est bien moins favorable que ce n'est le cas aujourd'hui en France.
 
Que demandez-vous au Gouvernement ? De proroger encore, de février à par exemple juin, l'ancien système pour vous laisser le temps de discuter ? De nationaliser pour montrer aux gens que ça ne marche pas et que donc, il faut revenir au paritarisme ?
 
Eh bien ! Moi, je suis par nature plutôt optimiste, donc je veux d'abord attendre la réponse de la CGC. Si celle-ci aujourd'hui ne dit pas « je m'oppose », eh bien ! Je demanderai au Gouvernement d'agréer l'accord pour qu'il rentre le plus rapidement possible en vigueur.
 
Ça s'appelle un passage en force !
 
Non. Si la CGC ne s'oppose pas, ça veut dire que vous avez une organisation syndicale très importante dans notre pays, la CFDT, qui elle a l'honnêteté intellectuelle de dire « oui, ce texte est favorable aux chômeurs comme jamais », encore une fois comme jamais.
 
Est-ce qu'il y a du règlement de compte chez les syndicats ? CGT, FO veulent se venger de la CFDT ?
 
Eh bien ! On peut se poser la question des véritables motivations des positions qui ont été prises par certaines organisations syndicales. Encore une fois, ce sont les syndicats, je le dis clairement, qui pénalisent les chômeurs. Alors est-ce qu'il n'y a pas des arrière-pensées, est-ce qu'il n'y a pas des considérations tactiques liées à une compétition entre les syndicats ou à d'autres considérations ? On peut légitimement se poser la question.
 
Il y a aussi un climat social extrêmement tendu, manifestations et grèves massives attendues pour jeudi prochain, est-ce que c'est le sentiment aussi qui remonte des entreprises privées, un durcissement des conflits, beaucoup de grèves jeudi ?
 
Non, pas du tout. Dans toutes les entreprises, les négociations de fin d'année, notamment sur les salaires, se sont vraiment très bien passées. Et nous voyons plutôt un sens de responsabilité, je dirais collectif, dans les entreprises face à la situation tout à fait inquiétante dans laquelle nous nous trouvons tous. Alors que les syndicats aient la capacité de mobiliser, c'est fort possible, mais je crois que ce serait tout à fait exagérer d'en tirer des conclusions sur le climat interne dans les entreprises.
 
Les syndicats réclament du Gouvernement l'abandon du projet de loi sur le travail du dimanche. Est-ce que ça ne serait pas une bonne chose en ce moment, vu le contexte social et puis le manque d'activité de toute façon ?
 
Mais vous savez, l'activité se crée par l'activité et, dans beaucoup de secteurs, de régions françaises - on le sait par exemple à Plan de Campagne à Marseille - l'ouverture du dimanche crée des emplois, encourage la consommation, stimule l'économie locale d'une manière générale. Pourquoi se priver de tous les stimuli alors que c'est bien de ça dont on a besoin aujourd'hui, c'est de toutes les incitations à favoriser l'activité économique. Je crois que peut-être que les choses ont été mal engagées, alors que vous voyez, il y avait des textes sur lesquels pouvait s'asseoir une forme de consensus sur le travail du dimanche. Il ne faut pas abandonner l'esprit de réforme parce qu'il y a la crise, il faut au contraire - et là je crois que le président de la République a mille fois raison - il faut continuer pour favoriser l'adaptation de notre pays.
 
L'esprit de réforme, est-ce aussi durcir la loi sur le service minimum pour éviter les détournements type grève de 59 minutes ?
 
Moi, je préfèrerais que l'esprit de réforme vienne des acteurs eux-mêmes. Vous savez, le discours de B. Obama le jour de son investiture était tout à fait magnifique et notamment quand il a dit : la situation actuelle mondiale que nous connaissons était due à la cupidité, il a raison, était due à l'irresponsabilité, il a raison. Il a dit aussi que c'était par un manque de responsabilité collective en faveur des réformes que nous nous retrouvions dans cette situation-là. Moi, j'appelle tous les acteurs économiques et sociaux français aujourd'hui, donc les syndicalistes en particulier, à avoir cet esprit de responsabilité.
 
Cupidité, les banquiers ont abandonné leurs bonus, est-ce que vous demandez aux patrons des grands secteurs aidés par l'Etat, notamment l'automobile, de faire de même ?
 
Tous les chefs d'entreprise qui méritent ce titre de patron, de chef d'entreprise ont un sens de la solidarité. Et tous ceux... Vous hésitez mais écoutez moi...
 
Oui, il y en a quand même beaucoup qui en profitent pour s'enrichir quand même.
 
Oh ! Il y a des excès dans tous les milieux. Dans toutes les catégories professionnelles, il y a des abus et vous savez très bien que je suis la première à les condamner, même parfois très violemment.
 
Combien de patrons ont signé votre charte de l'éthique ?
 
119 entreprises sur les 120 cotées aux SBF 120, 119 sur 120.
 
Vous êtes pour un malus ? P. Devedjian propose de sanctionner sur leurs rémunérations les patrons qui ont de mauvais résultats ?
 
Ecoutez, moi je crois qu'il faut arrêter avec les coups de bâton, il faut arrêter avec la désignation de boucs émissaires. Nous sommes dans un moment où il faut être unis, où il faut être encore une fois - et je suis confuse de me répéter - responsable collectivement. Ce n'est pas en fabriquant du clivage qu'on fabrique de l'espoir. Là aussi, regardons ce qu'a fait B. Obama, il a délivré un message d'espoir. Nous, en ce moment, c'est une fabrique du désespoir que nous sommes en train d'organiser, il faut arrêter ça.
 
Clivage aussi au sein du Medef, vous vous êtes séparée de certains collaborateurs. Il y a un problème de gouvernance, de maintenance, il y a une crise ?
 
Ah ! Mais pas du tout et surtout pas de clivage au sein du Medef. La force du Medef, c'est de rassembler toutes les entreprises de la plus petite à la plus grande, tous les secteurs d'activité. Par exemple, nous mettons ensemble autour de la table les chefs d'entreprise et les banquiers, pour qu'ensemble ils essaient d'atténuer les divergences qu'il peut y avoir. Maintenant, l'oeuvre qu'avec mon équipe nous essayons d'accomplir, c'est une oeuvre de modernisation, c'est une oeuvre qui va vers une gouvernance plus efficace, plus entrepreneuriale de notre organisation et également parfaitement éthique, parfaitement irréprochable...
 
Vous êtes critiquée sur ce point. Votre conseillère, R. Lapresle par exemple, est-elle rémunérée 300.000 euros TTC comme l'a révélé L'Express ?
 
Vous savez, quand vous êtes responsable d'une organisation ou en tout cas, quand vous avez des responsabilités importantes, heureusement, heureusement que vous pouvez faire appel à des consultants, à des sociétés de conseils, comme celle dont vous parlez...
 
Même payée si cher ?
 
Non. Vous savez, vous prenez un auditeur chez Pricewaterhouse, il va coûter au moins une fois et demi plus cher. Ce qui compte en plus, c'est de ne pas avoir un seul conseil, c'est d'avoir plusieurs sociétés de conseils, c'est très stimulant intellectuellement. Je regardais... B. Obama disait qu'il a très peur d'être coupé de l'extérieur et a toujours besoin de son BlackBerry. Je suis comme lui, j'ai besoin du BlackBerry et nous avons aussi besoin de conseillers.
 
Et vous serez candidate à un nouveau mandat à l'année prochaine ?
 
Je l'ai déjà dit, je pense que nous avançons, nous progressons et qu'il y a encore beaucoup, beaucoup de choses à faire. Vous savez, ça faisait des décennies, des décennies que le patronat n'avait pas fait l'effort de renouvellement qu'il osait demander aux autres. Eh bien ! C'est ça que je compte continuer.
 
L. Parisot merci, bonne journée.
 
Merci à vous.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 janvier 2009