Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "France 2" le 25 février 2009, sur l'indice des prix, la fusion annoncée des caisses d'épargne et des banques populaires.

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Média : France 2

Texte intégral

M. Darmon - Pour compter nos dépenses, lui, se dépense sans compter. Pas facile, en ces temps de crise, de s'occuper à la fois de la consommation et de la communication du gouvernement, car la parole compte double, bonjour L. Chatel !
Bonjour.
Hier, à Bercy, vous avez ressorti la bonne formule classique de la réunion avec les fournisseurs, pour leur dire de baisser les prix. Est-ce que vous avez réussi à leur faire baisser les prix, à répercuter à la baisse, la baisse des matières premières ?
J'ai réuni les industriels parce que nous sommes à quelques jours de la fin des négociations entre distributeurs et industriels, qui sont des discussions annuelles, et qui se passent dans un contexte nouveau puisque nous avons fait voter deux lois en un an, qui sont des nouvelles règles du jeu et qui vont permettre aux industriels et aux distributeurs, de négocier plus librement. Et l'objectif, c'est quoi ? C'est de répercuter au consommateur les baisses de prix.
Ce qui ne se passe pas actuellement, selon les chiffres de l'Insee.
Ce qui se passe dans une grande majorité. Je rappelle que la première bonne nouvelle pour les Français, alors, ils ne le perçoivent pas forcément au quotidien, mais la bonne nouvelle c'est que les prix, depuis trois mois, ont commencé à baisser, nous sommes passés d'une période de forte inflation, on avait retrouvé une inflation de l'ordre de 4 % par an, au cours du premier semestre de l'année 2008, à une période, depuis trois mois, où les prix baissent, en France. L'Insee nous l'a montré la semaine dernière et nous relevons, nous, 100.000 prix de produits de grande consommation, chaque mois...
Alors, quel est le résultat ?
...Eh bien cet indice montre qu'ils baissent depuis trois mois d'environ 0,2 point.
Alors, une réunion au ministère, ça va suffire à remettre en place ce système économique, déréglé ?
La réunion avait pour objectif de bien connaître la nature de la négociation et puis deuxièmement, de vérifier que les industriels, pour leur grande majorité, jouent le jeu de la nouvelle loi, plus transparente, avec plus de concurrence, et qu'ils répercutent la baisse des prix.
Ça veut dire quoi "jouent le jeu" ? Ils baissent les prix ou pas ?
Oui, une grande majorité d'entre eux vont présenter des tarifs, soit stables, soit en diminution, donc en répercutant les baisses des matières premières. Certains ne l'ont pas fait et c'était l'objet aussi de la réunion, c'était de demander aux industriels...
Vous avez tapé du poing sur la table, vous avez froncé les sourcils ?...
Non, mais il ne s'agit pas de taper du poing sur la table, il s'agit de leur demander des explications, en leur disant : "globalement, vous jouez le jeu, mais il y a quelques prix qui continuent à être à la hausse, pourquoi ?". Et les négociations se terminent le 1er mars, à la suite de quoi je réunirai les distributeurs, pour vérifier que les distributeurs, eux, réintègrent bien au consommateur final, les avantages, les promotions qu'ils auront obtenus de la négociation avec les industriels.
Alors, si on parle encore pouvoir d'achat, puisqu'on en parle de moins en moins, mais enfin, quand même, c'est quand même une question. Quand les Français verront-ils vraiment - ceux qui sont concernés par les mesures du sommet social du 18 février - quand verront-ils concrètement les effets et les mesures de ce sommet social ?
Les mesures, elles sont, pour certaines, d'application extrêmement rapide. Je pense à la prime qui va être versée aux jeunes qui sortent d'un contrat sans qualification. Donc on a une application progressive, dans les trois mois, des différentes mesures, qui vont permettre...
Dans les trois mois, donc ?
Oui, globalement, il y a un échelonnement des différentes mesures. Les mesures de chômage partiel : nous attendons, pour ces jours-ci, la signature d'une nouvelle convention cadre de chômage partiel, sachant que pour partie, elle sera rétroactive au début du mois de février. C'est par exemple le cas dans le milieu de l'automobile, où donc il y aura une indemnisation de l'Etat qui sera meilleure et qui sera rétroactive au début du mois de février. Donc, voyez, il y a vraiment une réactivité forte sur ces mesures-là.
Justement, Renault étend les mesures de chômage partiel à ses cadres, est-ce que c'est une bonne nouvelle ? Est-ce que ça ne montre pas que la crise s'étend ?
Non, d'abord, ce n'est pas une bonne nouvelle que l'on soit en chômage partiel. Nous, on préfèrerait que l'industrie automobile redémarre, reparte et qu'elle embauche...
Elle est pour l'instant totalement à l'arrêt ?
Disons qu'elle s'est arrêtée au mois de novembre. Nous avons un bon indicateur concernant la réaction de la prime à la casse : en janvier, le marché automobile français était relativement stable en données comparables par rapport à janvier 2008, alors qu'on est entre moins 17 et moins 27 sur le marché européen. Et dans les chiffres de la consommation qui sont parus hier, c'est quand même une bonne nouvelle, puisque dans un contexte de crise, les Français continuent à consommer, et que l'un des trois moteurs de la croissance, les deux autres ont du mal, l'investissement et le commerce extérieur, eh bien le troisième, la consommation, continue à bien se porter, notamment grâce, en janvier, à la progression des ventes d'automobiles.
Un autre théâtre de la crise, la crise sociale cette fois, ce sont les Antilles, la Guadeloupe. Toutes les négociations sont bloquées, on reparle encore peut-être de barrages, de temps forts. Aujourd'hui, 78 % des Français, selon un sondage, pensent que ce conflit est justifié. C'est nouveau, ce n'était pas le cas encore il y a quelques jours. Est-ce que ça vous inquiète, est-ce que le risque de "contagion" - entre guillemets - est présent ?
D'abord, je pense que les Français, ils sont conscients que les Antilles, l'Outre-mer de manière générale, nécessite une réponse particulière, spécifique, du Gouvernement. C'est ce que nous faisons, c'est ce qu'a fait le président de la République en recevant les élus la semaine dernière, le Premier ministre en réunissant un conseil interministériel, et nous allons le faire dans le cadre d'états généraux de l'Outre-mer et puis du projet de loi qui va être débattu à partir du 10 mars au Parlement.
Oui, mais là-bas, c'est bloqué pour l'instant, chaque jour, encore, la crise continue.
Réponse spécifique. Alors, concernant la situation en Guadeloupe, il y aura aujourd'hui de nouvelles propositions, qui seront faites par les médiateurs et par les différents acteurs, qui auront, je pense, sans doute...
A 16 heures, aujourd'hui, heure de Paris...
...Le mérite de la simplicité. C'est vrai qu'aujourd'hui, depuis quelques jours il y a eu beaucoup de propositions des uns et des autres, mises sur la table, qui étaient sans doute un peu complexes et on avait un petit peu du mal à s'y retrouver et à mesurer l'impact réel de ces propositions. Il y aura, sur la table, aujourd'hui, de nouvelles propositions, qui, je pense, auront le mérite de la clarté...
Qui s'approcheront des 200 euros demandés ?
...et j'espère feront avancer les débats et permettront de répondre aux inquiétudes des uns et des autres.
L'actualité est fournie, on va changer de sujet. La fusion Caisse d'épargne-Banques Populaires, bien sûr, fait couler beaucoup d'encre. Tout d'abord, expliquez-nous ce revirement stratégique. L'Etat disait : "on ne rentre pas dans le capital des banques", et là, tout d'un coup, deux et demi, cinq milliards injectés par l'Etat. Changement de pied complet ?
Non, il n'y a aucun revirement stratégique. D'abord, ce que je voudrais dire, c'est que la fusion entre la Banque Populaire et la Caisse d'épargne c'est une bonne nouvelle. C'est une bonne nouvelle pour les Français, je rappelle que la Caisse d'épargne, c'est l'épargne préférée...
Vous êtes monsieur "Bonnes nouvelles", ce matin...
Non. Mais c'est une bonne nouvelle, pourquoi ? Parce que c'est l'épargne préférée des Français le Livret A, et le regroupement de deux banques complémentaires, l'une plutôt pour le particulier, l'autre plutôt pour les entreprises, va constituer le deuxième groupe bancaire français, l'un des leaders européens. Cela va donc conforter l'épargne des Français.
Pourquoi fallait-il faire cette fusion ? Il fallait sauver la Caisse d'épargne en réalité ?
C'est parce que, vous savez, aujourd'hui, dans un contexte financier mondial, bancaire, très difficile, très complexe, je crois que c'est utile que les réseaux bancaires puissent se regrouper, pour être plus forts, plus puissants, et pour résister aussi face à la crise.
Est-ce que vous nous confirmez que cette fusion est annoncée officiellement demain ?
Alors, il y aura aujourd'hui le conseil d'administration des organismes existant, qui délibèrera sur cette question. Et pour répondre à la question que vous m'avez posée, l'Etat ne rentre pas dans le capital directement, l'Etat va procéder à des prêts - des prêts comme il l'a fait d'ailleurs une première fois, à un niveau de deux milliards d'euros - va procéder à des prêts convertibles en actions, c'est-à-dire que ces prêts, à échéance, pourront, si l'Etat le souhaite, se transformer en prise de participation. C'est un moyen aussi, on nous a reproché de ne pas avoir une monnaie d'échange quelque part, eh bien nous avons une monnaie d'échange avec ce dispositif, qui permet de prêter de l'argent et donc de donner un bol d'oxygène aux banques, mais en même temps d'avoir une possibilité, si on le souhaite, d'entrer dans le capital.
Le journal Libération - dernière question -, dit que la Commission de déontologie n'a pas été saisie pour valider la candidature de F. Pérol. Est-ce que vous confirmez cela ?
Ecoutez, le président de la République l'a dit hier : la Commission de déontologie a été saisie par la voix de son président, et ce qu'elle nous indique, c'est que la jurisprudence est très claire : concernant les membres de cabinet, il n'y a pas de problème de déontologie, dans la mesure où ils n'ont pas exercé de contrôle direct de cet organisme. Donc il n'y a pas de problème de déontologie concernant l'éventuelle nomination de monsieur Pérol.
X. Musca sera donc le remplaçant à l'Elysée ?
Ecoutez, vous savez, moi je ne commente pas les éventuelles nominations...
...Selon Le Monde, selon le site Internet du Monde...
...Selon Le Monde, selon X ou Y. Moi, vous savez, il faut rester calme. Ce n'est pas la presse qui fait les nominations ou les remaniements ministériels, malheureusement pour vous M. Darmon.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 25 février 2009