Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, en réponse à des questions posées lors du débat sur la politique étrangère de la France, notamment sur l'engagement de la responsabilité gouvernementale concernant le retour de la France au sein de l'OTAN, à l'Assemblée nationale le 17 mars 2009.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les députés,
Je voudrais d'abord brièvement répondre aux deux contradictions apparentes que monsieur Fabius a relevées dans mon intervention ou plutôt qu'il n'y a pas vues. La première concernerait la décision du président de la République qui serait prise, et donc le débat que nous avons aujourd'hui qui serait inutile. Qui peut penser un seul instant, que le vote de la majorité, contre le projet que je soumets aujourd'hui devant l'Assemblée nationale ne conduirait pas naturellement le président de la République à renoncer à la décision qu'il a prise. Mais je voudrais ajouter mesdames et messieurs les députés, eh oui c'est à la majorité d'en décider.
Je voudrais ajouter mesdames et messieurs les députés que la nouveauté, c'est que l'on débat de cette question. Jamais par le passé aucune décision concernant l'OTAN n'a fait l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale, jamais. Lorsque François Mitterrand décide que la France participera à la renégociation du concept de l'OTAN en 1990, y a-t-il un débat à l'Assemblée nationale ? Non. Lorsqu'en 1993, il décide que le chef d'état major des armées participera pour la première fois au comité militaire de l'OTAN, y a-t-il ne serait ce qu'un débat à l'Assemblée nationale ou une question posée par un parlementaire ? Non.
Lorsque Jacques Chirac lance cette initiative, visible de l'extérieur celle là, visant à réintégrer le commandement de l'OTAN avec les demandes qu'il avait formulées, y a-t-il un débat à l'Assemblée nationale ? Non. Je vais même ajouter plus s'agissant de cette initiative du Président Chirac, elle échoue, mais ça n'empêche pas nos militaires sur ordre du pouvoir politique de rentrer de façon plus importante dans les comités de l'OTAN puisque 100 officiers français vont en 2004 entrer dans l'organisation à Mons et à Norfolk. On peut d'ailleurs se poser la question, d'une position française qui consiste à envoyer de plus en plus de monde dans les comités de l'OTAN, mais sans jamais prendre la responsabilité d'un de ces comités pour assumer le rang et la place qui est celle de notre pays.
La deuxième contradiction,que monsieur Fabius me dit : mais la procédure n'est pas la bonne. Il ne fallait pas engager la responsabilité du gouvernement, il fallait simplement faire une déclaration soumise à un vote. Mais monsieur Fabius, c'est le président du groupe socialiste qui me l'a demandée par une lettre que j'ai reçue, alors reconnaissez le c'est assez difficile de vous contenter. Mais comment est-ce que vous pouvez dire ça ? vous voulez que je vous la montre la lettre ? Comment pouvez vous le dire ? Eh bien vous l'aurez dans le quart d'heure, je vais la faire publier. Elle sera publiée. Il y a des limites à ce qu'on peut faire. Il y a des limites monsieur Fabius. Mais je vais ajouter quelque chose, c'est que je suis d'accord avec monsieur Ayrault et je suis d'accord avec monsieur Ayrault parce que nous ne sommes pas sous la IVème République, parce que je considère que la politique étrangère est conduite par le chef de l'Etat, qui est élu au suffrage universel et qu'elle ne doit pas être négociée avec le Parlement et c'est la raison pour laquelle je vous demande une approbation de cette politique étrangère. Vous êtes pour, vous êtes contre, vous le dites et cela a des conséquences politiques, mais on ne négocie pas à travers des votes à l'Assemblée nationale et au Sénat, la politique étrangère de notre pays. Monsieur Ayrault avait raison de me demander d'engager cette procédure. Ensuite monsieur Fabius me dit, mais les contreparties, mais je n'ai jamais parlé de contreparties, ce n'est pas ma conception de notre politique de défense, de notre indépendance et de notre liberté. Notre retour au comité des plans militaires, monsieur Fabius, ne se fera que dans la mesure où la place de la France sera pleinement reconnue dans l'organisation militaire de l'OTAN. Et ce que nous voulons, c'est prendre toutenotre place là où on discute de l'avenir de l'OTAN, nous ne prétendons pas à des commandements qui nous conduirait à avoir des responsabilités sur des forces militaires américaines, en Europe ou je ne sais où. Et c'est d'ailleurs sans doute la faiblesse de la position de la France lorsque Jacques Chirac avait proposé que nous prenions le commandement de Naples, cela aurait conduit un officier français à prendre le contrôle de forces américaines, ce qui n'est pas souhaitable et ce qui ne sera pas, parce que ce que nous avons demandé aujourd'hui, c'est de participer et sans doute de prendre le contrôle d'un commandement qui d'ailleurs, monsieur Fabius, n'existait pas à l'époque où Jacques Chirac avait engagé ce mouvement qui est le commandement de Norfolk où se décide la transformation de l'alliance.
Quant aux contreparties industrielles, franchement, ce n'est pas le sujet, je ne sais pas qui vous a parlé de ce sujet, mais que nous soyons au commandement militaire intégré ou que nous n'y soyons pas, il n'y aura aucune espèce de conséquence sur le côté industriel. Pourquoi ? Parce que c'est la compétition, la règle, nous sommes en compétition avec l'industrie américaine, elle ne nous fait pas de cadeau, elle ne nous en fera pas plus demain qu'aujourd'hui, c'est à nous d'être les meilleurs, et vous verrez que dans les prochains jours, les chiffres que nous publierons sur les contrats qui ont été passés par la France dans le domaine militaire en 2008 et en 2009 sont des contrats en progression extrêmement forte. Enfin vous m'avez interrogé sur notre position sur l'élargissement, sur la réforme de l'OTAN et sur au fond, la compétence géographique de l'OTAN. J'ai répondu monsieur Fabius que l'OTAN était pour moi une alliance de défense, ce n'était pas un glaive occidental agissant partout et pour tout et il se trouve mesdames et messieurs les députés que c'est la France d'aujourd'hui, que c'est le gouvernement que j'ai l'honneur de diriger sous l'autorité du Président de la République française qui pour la première fois s'est opposé à un élargissement, tous les autres élargissements ont eu lieu à l'unanimité puisqu'ils ne peuvent avoir lieu qu'à l'unanimité des pays membres de l'OTAN. Et permettez moi de vous rappeler qu'en 1999, il a été décidé avec l'accord du gouvernement français d'élargir l'OTAN à la République tchèque, à la Hongrie et à la Pologne, et en 2004 à la Bulgarie, à l'Estonie, à la Lituanie, à la Lettonie, à la Roumanie, à la Slovénie et à la Slovaquie, comment pouvez vous aujourd'hui à la fois défendre que la position que nous prenons va réduire l'indépendance de notre pays alors justement que l'année dernière avec le gouvernement de madame Merkel, nous nous sommes pour la première fois opposés à l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie. Enfin monsieur Fabius, reconnaissez qu'il est assez difficile pour vous-mêmes et pour les socialistes de critiquer l'intervention de l'OTAN en Afghanistan, puisqu'on parlait de l'extension géographique de la zone géographique dans laquelle l'OTAN intervient, on peut s'interroger et j'ai dit moi même tout à l'heure les limites que j'entendais apporter à cette action de l'OTAN qui doit s'intégrer dans le droit international, qui doit respecter les décisions qui sont prises par les Nations unies.
Il se trouve que s'agissant de l'Afghanistan, c'est une décision que nous avons prise ensemble et qui a fait, comme vous l'avez rappelé vous-même l'objet d'un vote presque consensuel de l'Assemblée nationale. Tous les arguments, mesdames et messieurs les députés sont respectables, sauf lorsqu'ils sont faux. Et il y en a un auquel je ne peux pas ne pas répondre, c'est celui qui consiste à dire si nous avions été au comité des plans militaires nous aurions été obligés d'aller en Irak lors de la deuxième guerre d'Irak. C'est une contre vérité absolue, d'ailleurs monsieur Fabius a reconnu lui même que juridiquement ça n'avait aucun sens, mais surtout c'est une véritable insulte au gouvernement de monsieur Schröder qui a pris le premier, avant la France, la responsabilité de dire "non" à cette intervention américaine en Irak sans parler de la Turquie, dont chacun sait qu'il s'agit d'un allié très proche des Etats-Unis et qui n'a pas accepté que son territoire soit utilisé comme base arrière pour l'intervention irakienne.
Enfin s'agissant de la défense européenne tout le monde a reconnu qu'elle avançait lentement, trop lentement, chacun sait bien que si la défense européenne avance trop lentement, c'est d'abord pour des raisons qui sont liées à nos institutions européennes et à la difficulté d'avoir une vraie politique étrangère et un véritable leadership politique en Europe, mais c'est aussi parce que nous n'avons jamais réussi à convaincre, il faut le reconnaître les uns comme les autres depuis 20 ans, les autres européens que nous pouvions proposer une alternative crédible à la protection que leur apportait l'OTAN. Voilà le sujet et donc ou bien on continue comme cela, et on continue à accepter cette idée que la défense européenne, c'est un sujet de colloque, c'est un sujet de discours, c'est un sujet de voeu, on va faire des petits pas, des petites avancées ou alors on essaie de débloquer la situation en démontrant aux européens qu'on peut faire la défense européenne tout en construisant la solidarité atlantique. Il y a 23 pays membres de l'Union européenne qui sont aussi membres de l'OTAN, aucun d'entre eux n'entend substituer la défense européenne de l'OTAN. Et d'ailleurs vous devriez, j'imagine que vous le faites, parler de ces sujets avec vos camarades socialistes en Europe. Dans tous les pays européens où les socialistes sont au pouvoir, cette question, la participation de la France au commandement intégré, la pleine participation de la France, est saluée. Je ne prendrai que l'exemple de la tribune signée il y a quelques jours par Felipe Gonzalez, ou encore par le soutien de José Luis Zapatero. Enfin, s'agissant de la défense européenne, le principal blocage venait en réalité des Etats-Unis, qui comme plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, se sont toujours opposés à la construction d'une véritable défense européenne indépendante.
La première fois qu'un Président américain a, dans un discours, indiqué que la défense européenne était nécessaire et qu'elle n'était pas un obstacle à la solidarité Atlantique, pardon de le dire, le premier qui l'a fait, ce n'est pas le Président Clinton, c'est le Président Bush lors du sommet de l'OTAN à Bucarest. Eh bien, moi je vous dis, nous serons très attentifs aux engagements que prendra le Président Obama sur ce sujet, je vous dis même qu'ils conditionneront le mouvement de la France, qui ne sera pas un mouvement immédiat, décidé en un jour, qui sera un mouvement proportionnel, qui sera un mouvement qui nous fera tenir compte des décisions qui seront prises par nos alliés dans le sens que nous souhaitons. Alors monsieur Fabius, oui, le Général de Gaulle en 1958 hissa les couleurs, vous avez combattu chacune de ses initiatives, comme vous combattez aujourd'hui celles que nous prenons, c'est un fait. Si la gauche avait été entendue, on n'aurait jamais quitté le commandement intégré de l'Alliance, si la gauche avait été entendue, nous n'aurions pas d'armes de dissuasion nucléaire, si la gauche avait été entendue, nous n'aurions surtout pas les institutions politiques qui donnent à la voix de la France aujourd'hui, dans le monde, la force qui est la sienne. Alors mesdames et messieurs les députés, le gouvernement ne craint pas que le Parlement évalue chaque année, comme d'ailleurs c'est son devoir, les conséquences de la décision que nous allons prendre, mais en attendant, monsieur Fabius, la France continuera à hisser les couleurs sur tous les continents pour défendre notre message universel de liberté, d'égalité et de fraternité.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 23 mars 2009