Texte intégral
Monsieur le président de l'Association des directeurs d'hôpital, cher Jean-Luc Chassaniol,
Mesdames et Messieurs,
La loi « Hôpital, patients, santé, territoires » vient d'être votée solennellement hier, à l'Assemblée nationale, avant son examen prochain par le Sénat.
Le coeur de cette réforme, c'est la modernisation des hôpitaux, qui vous donne à vous, directeurs d'hôpital, une place majeure, à la mesure des responsabilités qui vous incombent.
Parce que vous êtes, au même titre que l'ensemble des professionnels de santé, directement concernés par les mesures adoptées, il est bien naturel que vous vous interrogiez sur l'avenir de votre métier, et je vous remercie de m'associer à ces échanges.
Une nouvelle fois, vous manifestez votre désir de vous approprier ces questions décisives, comme vous l'avez fait durant la préparation du projet de loi, à laquelle je vous sais gré d'avoir participé.
Le sujet de la gouvernance de l'hôpital a été un point de débat important lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale.
Avant d'entrer dans le détail, je tiens à souligner d'emblée que le statut public de l'hôpital a été confirmé.
Dans les établissements publics de santé, le conseil de surveillance remplacera le conseil d'administration.
Plus restreint, celui-ci sera recentré sur ses missions d'orientation stratégique et de contrôle. Un directoire à majorité médicale remplacera le conseil exécutif. Ce sera désormais le directeur qui déterminera l'état des prévisions de recettes et de dépenses, et qui prendra les décisions de gestion, après avoir consulté le directoire.
Il appartiendra au chef d'établissement, assisté du président de la commission médicale d'établissement, vice-président du directoire, de conduire le projet d'établissement, en s'appuyant sur les membres de l'équipe de direction, au premier rang desquels les directeurs adjoints et le directeur des soins.
La réforme de l'hôpital renforce les pouvoirs des directeurs. Voyez-y le témoignage de notre confiance, mais prenez bien conscience, aussi, des devoirs que ce rôle accru implique.
Ne nous y trompons pas : votre tâche n'en sera pas plus facile, ni vos prérogatives illimitées.
A vous de prendre toute la mesure de vos responsabilités, puisque ce sont avant tout celles-ci qui désormais sont accrues, vis-à-vis de vos trois types d'interlocuteurs naturels que sont les élus, les personnels hospitaliers et les patients.
Je commencerai par les élus, parce que leur vision globale des besoins de la population sur leur territoire les implique pleinement dans l'élaboration des politiques de santé sur un territoire.
Cinq élus siègeront au conseil de surveillance : ils seront pour vous des interlocuteurs incontournables, présents dans la durée, et témoins à la fois des problématiques de santé et de l'effectivité des politiques menées.
Ne les ignorez pas : leur connaissance concrète des réalités du terrain vous sera plus que jamais nécessaire pour tourner vos établissements vers l'extérieur, développer des liens avec les médecins libéraux, les établissements privés, le secteur médico-social, et vous inscrire dans des dynamiques de réseaux de santé.
Des personnalités qualifiées, issues de la société civile, feront également partie du conseil de surveillance. Par leur expérience et leur expertise dans le domaine de la santé, elles participeront à l'élaboration de la stratégie.
Les responsabilités qui vous sont confiées appellent légitimement un approfondissement de la mission de contrôle du conseil de surveillance. « Pouvoirs étendus » ne signifie pas, en effet, « pouvoirs non contrôlés ».
Ainsi, le texte prévoit que vous lui remettiez chaque année un rapport d'activité, ainsi qu'un rapport budgétaire et financier.
C'est d'ailleurs cette logique de responsabilité qui m'a amenée à proposer que le directeur de l'agence régionale de santé propose au Centre national de gestion (CNG) le nom du candidat qu'il souhaite nommer. J'ai entendu sur ce point vos inquiétudes. Je voudrais vous rassurer en rappelant que c'est au CNG que revient la responsabilité d'établir la courte liste, en fonction des profils des postes à pourvoir. Cela limite grandement les risques de nomination arbitraire.
Une nomination par l'ARS est aussi une question de bon sens : qui mieux que le directeur de l'ARS pourra apprécier la complexité du poste, son environnement, les enjeux qui s'y rattachent ? Il ne faut pas, cher Jean-Luc Chassaniol, percevoir cela comme une mise au pas, mais bien comme une amélioration de la gestion nationale du corps des directeurs.
Certes, la tutelle des établissements de santé se trouve complétée par le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », mais j'ai souhaité accepter des amendements prenant en compte vos propositions. Ainsi, l'avis de la commission administrative paritaire sera requis en cas de mise en recherche d'affectation d'un membre de l'équipe de direction, sauf pour le chef d'établissement.
De même, j'ai considéré que la mise sous administration provisoire n'était pas la réponse appropriée aux difficultés que pouvaient rencontrer les hôpitaux en matière de qualité et de sécurité des soins.
Bien entendu, vous rendrez également compte à l'agence régionale de santé, qui sera, pour vous, un interlocuteur majeur.
Ses compétences seront renforcées en matière d'organisation des soins par rapport aux actuelles agences régionales de l'hospitalisation, en particulier sur deux points.
L'ARS exercera d'abord un contrôle plus étroit sur les établissements, puisque les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens seront désormais enrichis et porteront, au-delà des critères d'activité, plus directement sur la performance médico-économique des établissements.
L'ARS aura ensuite un rôle essentiel d'impulsion sur la coordination entre établissements de santé, et sur l'articulation entre l'hôpital, la médecine de ville et le secteur médico-social. J'y reviendrai.
Vos interlocuteurs quotidiens, mesdames et messieurs les directeurs, resteront bien évidemment les personnels hospitaliers. Pour une gouvernance plus efficace, j'ai voulu une gouvernance plus resserrée. C'est la raison pour laquelle l'équipe de direction n'est pas présente au sein du directoire, afin de ne pas multiplier les sièges dans les différentes instances.
Pour autant, loin de moi l'idée d'écarter les directeurs adjoints de la gouvernance. Ils sont, soyez-en assurés, des interlocuteurs clé et, en tant que tels, ils seront entendus. Ainsi, le président du directoire pourra être assisté de ses directeurs adjoints, en tant que de besoin, sans qu'ils soient membres du directoire.
Je m'arrêterai un instant sur les médecins, et en particulier les membres de la commission médicale d'établissement, puisque leurs prérogatives, de même que les vôtres, se trouvent renforcées.
Le président de la commission médicale d'établissement devient vice-président du directoire : vos décisions ne devront jamais ignorer la dimension médicale.
De toute évidence, la loi officialise un mode de fonctionnement que vous avez d'ores et déjà depuis longtemps adopté. Je sais que partout, vous avez constitué des binômes avec vos présidents de CME, comprenant qu'on ne peut pas opposer soin et administration de l'hôpital.
Le chef d'établissement et le président de la CME sont bel et bien complémentaires. Ils mènent une action conjointe et cohérente, même si leur place et leur rôle doivent rester clairement définis.
Ainsi, le président de la CME, élu par ses pairs, ne saurait être codécideur des nominations ni cosignataire des décisions de gestion. En revanche, c'est à lui qu'incombe la responsabilité d'élaborer le projet médical que vous devrez mettre en oeuvre. Sous votre autorité, il coordonne la politique médicale de l'établissement.
Le pendant de cette autorité, néanmoins, ne saurait être l'obéissance : c'est bien plutôt l'engagement de la communauté médicale que vous aurez à recueillir. C'est cet engagement, ne l'oublions pas, qui fait la qualité d'un établissement.
A vous de parvenir à associer comme il se doit les personnels médicaux. La concertation et l'échange avec la communauté médicale sont plus que jamais indispensables. J'attends que vous y soyez attentifs.
Enfin, les cadres hospitaliers feront vivre la réforme. Nous mesurons tous l'importance des cadres à l'hôpital, qu'ils soient soignants, administratifs ou techniques, pour une bonne organisation et une bonne mise en oeuvre du projet d'établissement.
C'est pourquoi j'ai confié à Chantal de Singly, directrice de l'Institut du management à l'EHESP, une mission sur les cadres hospitaliers, afin de clarifier leur rôle en nous inspirant des expériences réussies en matière de gouvernance et de management.
Dans cette perspective, après une phase d'audition en mars-avril, des forums seront organisés dans les centres hospitalo-universitaires au mois de mai. Je compte sur vous tous, directeurs d'hôpitaux, pour faire remonter les innovations et les bonnes pratiques qui pourraient être diffusées et généralisées.
Je terminerai par eux, car c'est pour eux que vous et l'ensemble du personnel hospitalier agissez : les patients.
La simplification des procédures et la gouvernance renouvelée de l'hôpital ne visent qu'un seul et même but : améliorer les soins.
L'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, de fait, est notre priorité la plus constante.
Pour y parvenir, les établissements de santé seront plus libres de leur organisation. Mais vous devrez, en contrepartie, afficher davantage de transparence vis-à-vis des patients.
Cela passe, en particulier, par le recueil d'indicateurs de qualité, que je veux développer.
Les usagers doivent également avoir une meilleure visibilité de la politique de qualité menée à l'hôpital, d'où la présence des représentants des usagers dans le conseil de surveillance.
Améliorer les soins, c'est aussi, bien sûr, améliorer les filières de soins, au plus grand bénéfice des patients.
L'organisation en pôles répondait déjà à cet objectif. J'attends désormais que l'hôpital s'ouvre sur l'extérieur et s'inscrive encore plus concrètement dans une logique de coopérations et de réseaux de santé.
Les coopérations entre établissements de santé sont à faciliter pour apporter une meilleure réponse aux besoins de santé sur un territoire.
C'est dans cette optique que je conçois les communautés hospitalières de territoire, qui permettent l'élaboration d'un projet médical commun.
Nous devrons réfléchir ensemble à un juste équilibre entre proximité et économies d'échelle. Les CHT devront être suffisamment grandes pour répondre aux besoins de santé de la population, sans pour autant être de trop vastes ensembles, difficiles à gérer.
C'est dans cette optique, aussi, que doivent s'entendre les coopérations avec les établissements privés : les groupements de coopération sanitaire s'inscrivent dans une logique de proximité, proximité recherchée par les patients.
L'hôpital doit aussi devenir un interlocuteur accessible pour les médecins libéraux, et notamment développer une politique de programmation des hospitalisations sans passer par les urgences.
Pour améliorer la qualité des soins en facilitant la coordination et les échanges d'information entre les professionnels de santé, le Dossier médical personnel est un outil incontournable. Or, il ne pourra y avoir de DMP sans une participation active des hôpitaux. La production systématique de comptes-rendus d'hospitalisation et leur communication par voie électronique sera une priorité dans les prochains mois.
Vous l'aurez compris : le dialogue avec la médecine de ville et le secteur médico-social doit impérativement être renforcé. Les ARS, je vous le disais, vous y aideront.
Ces évolutions décisives de la fonction de directeur d'hôpital doivent s'accompagner d'une évolution du statut lui-même.
Le statut de 2005 a déjà permis de moderniser les fonctions de direction, en adaptant le régime indemnitaire aux postes occupés, et en rénovant le dispositif d'évaluation.
Ce mouvement de modernisation, que d'autres fonctions publiques nous envient, doit se poursuivre. Ainsi, l'ouverture du corps des directeurs, que j'appelle de mes voeux, doit être entendue comme le signe du dynamisme et de l'attractivité de votre profession. Le centre national de gestion y travaille.
Cette ouverture restera bien entendu limitée, conformément à l'esprit du protocole d'accord de 2004.
Vous le voyez, je ne vous ai pas - encore - parlé d'économie : l'équilibre financier n'est pas un but en soi. Il ne résulte que d'une bonne gestion dans tous les domaines : une comptabilité analytique, venant en appui d'une gestion stratégique, une organisation médicale autour d'un projet cohérent qui répond aux besoins de la population, une gestion des ressources humaines dynamique...
Vous êtes tout à la fois professionnels de la gestion et professionnels de la santé publique.
Ces caractéristiques font de vous une profession à part, que le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires » reconnaît pleinement.
Il vous offre les outils qui vous aideront à moderniser la gestion des établissements de santé. Je ne doute pas que vous saurez vous en saisir.
C'est une belle preuve, s'il en était besoin, de la confiance que je vous porte, et que je vous renouvelle.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 24 mars 2009