Texte intégral
V. Parizot.- Bonjour, J.-C. Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, je le disais, à l'instant, vous étiez en grande discussion avec B. Hortefeux, le ministre du Travail, qui était l'invité de J.- M. Aphatie. On peut savoir ce que vous vous disiez ?
Oui, j'ai simplement dit au ministre que c'était trop court, qu'il n'y a pas de réponse. Et j'ai pris un exemple, je disais une de nos revendications, ce n'est pas la seule, c'est d'augmenter le SMIC, et pour le moment on n'a pas de réponse. Ca fait un des points qu'on discutait actuellement.
Alors, il l'a dit, B. Hortefeux, il a confirmé ce que disait aussi F. Fillon, hier soir : pas de nouveau plan de relance, pas de nouvelles aides. Vous, vous disiez que le Gouvernement ferait preuve d'irresponsabilité s'il campait sur ses positions. Donc, vous estimez que le Gouvernement est irresponsable ?
Il fait preuve d'irresponsabilité. Il faut bien comprendre quelle est la situation ? On est dans une crise profonde. D'habitude, quand il y a une crise de ce type, non, puisqu'elle est quand même internationale, il y avait longtemps que ça n'avait pas eu lieu, le première réflexe des salariés c'est un réflexe de se protéger. En gros, on dit : « on baisse la tête, on espère qu'on ne va pas aller au chômage ». Or, ce n'est pas le cas actuellement.
Mais...
... ah oui, non mais, attendez, ça veut dire une première journée le 29 janvier très forte, une deuxième journée, hier, encore plus forte en nombre de manifestants. Ca veut dire une vraie détermination.
Même s'il souligne au passage qu'il y avait moins de grévistes ?
Oui, un petit peu moins de grévistes mais beaucoup plus de manifestants, attendez, même le Gouvernement le reconnaît. Si on prend les chiffres du Gouvernement, ça fait 20 % de plus. Donc, il y avait plus de manifestants et beaucoup plus de manifestants hier. Dans une période de crise, ça montre quoi ? Ca montre : 1) qu'il y a une vraie détermination, qu'il y a de vraies attentes de la part des salariés, qu'il y a un énorme besoin - et ça le ministre l'a cité, je l'ai entendu, qu'il y a un énorme besoin - de justice sociale parce qu'il y a un très fort constat d'injustices sociales. Et donc, le Gouvernement ne peut pas dire « on va attendre et on va jouer le calendrier », d'une certaine manière. S'il y a eu le 19 mars c'est parce que les réponses le 18 février ont été insuffisantes, comme nous l'avons dit. Je vais prendre trois exemples : j'évoquais le Smic par exemple. Le Smic, il faut bien comprendre, et d'ailleurs c'est une demande de l'ensemble des syndicats européens qu'on augmente les salaires, ce n'est pas une question de principe, c'est aussi pour éviter que demain on passe d'une récession à la déflation et à la dépression. C'est une déclaration de la Confédération européenne des syndicats. Il y a un aspect économique. Deuxième exemple, arrêtons de nous dire « on va se fâcher si les banquiers ne se comportent pas bien ». Qu'on prenne une disposition législative.
Non mais, il l'a dit, là, B. Hortefeux, ce matin, il a dit...
... non, non, mais pas simplement sur les bonus, c'est un élément ça, une entreprise qui ne fait pas de bons résultats, il doit pas y avoir de bonus.
Il a dit qu'il allait légiférer si...
... si le patronat refusait. Oui, mais, nous on veut aller plus loin, c'est-à-dire à chaque fois qu'il y a une aide publique à une entreprise, il faut qu'il y ait un engagement précis de l'entreprise, notamment en termes d'emploi. L'entreprise le refuse, eh bien il n'y a pas d'aide. Il faut que les choses soient claires : pas d'aide sans contrepartie. Et ça, il faut une disposition législative. Troisième élément, je prends trois exemples : il faut lever le pied sur les services publics et les suppressions de postes. Vous savez, quand vous supprimez 30 000 postes dans la fonction publique, ça veut dire que c'est 30 000 jeunes qui ne trouvent pas du boulot. Et ça, ce sont des mesures urgentes tout ça.
Et en même temps, avec le plan de relance, le déficit public aura doublé cette année, et F. Fillon le rappelait.
Mais, attendez ! F. Fillon disait il y a deux ans « la France est en faillite ». Comment on est aujourd'hui si on a doublé le déficit ? Attendez, il n'y a pas qu'en France que le déficit augmente. Je ne dis pas qu'il faut faire du déficit pour du déficit, mais partout il augmente le déficit. Et ça montre bien d'ailleurs que les Etats ont un rôle, quand ça ne va plus tout le monde fait appel à l'Etat. Donc, l'Etat doit prendre ses responsabilités. Il ne faudrait surtout pas qu'à la fin de la crise qu'on soit dans les meilleures conditions qu'avant sur le plan économique. Il faut que les règles changent. Alors, il y aura le G20, etc., mais y compris dans notre pays, il faut qu'il y ait des règles qui changent, et ça le Gouvernement on a l'impression qu'il est attentiste. On attend, on va voir. Je dis attention, si vous attendez trop longtemps, eh ben il sera trop tard.
De l'attentisme.
Oui !
Donc, vous ne pensez pas qu'il y a de l'arrogance ?
J'ai trouvé le ministre un peu moins arrogant que le Premier ministre, pour être clair.
Et du coté du patronat ?
Du côté du patronat, en ce moment c'est... on a l'impression qu'ils n'ont pas compris qu'il y avait une crise, hein. Ils n'ont pas compris qu'il y avait une crise, on a des discussions très dures sur les retraites complémentaires. Quand Madame Parisot dit : « une journée de grève et de manifestation, ça plombe l'économie », je lui réponds, écoutez, c'est la politique que vous avez soutenue depuis des années qui a plombé l'économie partout dans le monde.
C'est étonnant, parce que vous reprenez l'expression de F. Fillon qui est, je le cite, « n'ont pas l'air de comprendre la gravité de la crise », je le cite, hier soir, et qui exhorte les patrons à renoncer à leurs salaires astronomiques. On sait que aux Etats-Unis, B. Obama a plafonné les salaires.
A plafonné à 500 000, oui. Ben, c'est une bonne idée, mais bien entendu.
Vous demandez ça en France ?
Mais bien sûr qu'il y ait un plafonnement, mais regardez, on va discuter deux mois, peut-être plusieurs mois, pour savoir comment on répartit la valeur ajoutée. On perd du temps. Le Gouvernement pourrait très bien décider de limiter les dividendes à un certain niveau. Comment on les limite ? Eh bien, au-dessus, on les taxe beaucoup plus fortement, et puis ça fait de la redistribution immédiate. C'est des choses comme ça qu'il faut faire. Ca veut dire qu'il... Monsieur Juppé, hier, je l'ai entendu, disait : « dans une crise comme ça, il faut de la confiance », quand on veut de la confiance il faut du respect. Ben, pour avoir du respect, il faut effectivement réduire les injustices et répondre à des revendications.
En un mot, prochaine étape, J.-C. Mailly ?
Ecoutez, on va en discuter ce matin. Il y a une détermination de l'ensemble des syndicats à maintenir la pression parce qu'on est déterminés et l'objectif c'est de gagner.
Vous voulez profiter du 1er mai ?
Ca peut être une des pistes, on en discutera. Les instances... le parlement de FO se réunit la semaine prochaine pour faire le point parce que nous sommes conscients que nous sommes dans une situation grave.
Merci J.-C. Mailly.
Merci à vous.
Secrétaire général de Force ouvrière, d'être venu ici, sur RTL, réagir après évidemment la journée de mobilisation d'hier et l'intervention tout à l'heure du ministre du Travail.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 mars 2009