Texte intégral
Le Républicain Lorrain : Vous allez présider le premier comité confédéral depuis les élections prud'homales de décembre. Quel est le bulletin de santé actuel de Force Ouvrière ?
Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière : «Aux prud'homales, nous avons, comme tout le monde, pâti de la très faible participation. Mais en tout cas, FO confirme sa troisième place au plan national. Cela dit, la santé d'une organisation syndicale se mesure surtout dans les entreprises. Nous avons contesté la loi sur la représentativité syndicale, qui risque de faire glisser la négociation nationale vers les accords d'entreprise, alors que la négociation au plus haut niveau assure le modèle républicain. Nous regrettons aussi la remise en cause de la désignation des délégués syndicaux, qui constitue un retour en arrière. Tout ça conduit certaines organisations à s'interroger sur leur avenir... mais ça en amène d'autres à rejoindre FO, comme par exemple l'Unsa-Police ou le syndicat des personnels navigants commerciaux.»
Le succès des manifestations du 29 janvier et du 19 mars contribue-t-il à relégitimer les organisations syndicales ?
«Je ne pense pas que le mouvement syndical français en avait besoin ! Le débat sur la faible syndicalisation en France est un mauvais débat, parce que dans notre pays, les salariés ont toujours été habitués à bénéficier des négociations menées en leur nom. Trois Français sur quatre soutenaient le mouvement du 19 mars. C'est formidable : en période de crise, la tendance serait plutôt au repli sur soi ; mais là, les salariés ont relevé la tête. Ils ont exprimé un très fort sentiment d'injustice sociale.»
L'action intersyndicale va-t-elle se maintenir ?
«L'unité d'action est maintenue, ça ne peut pas être autrement. Bien sûr, on s'interroge. Faut-il continuer à jouer à saute-mouton, de manif en manif ? A FO, nous considérons que ce n'est pas obligatoirement la solution, qu'il faut peut-être réunir les salariés, débattre d'autres moyens d'expression... Nous allons examiner cela au cours de notre comité confédéral, et nous porterons nos réponses à l'intersyndicale nationale de lundi prochain.»
Nicolas Sarkozy, mardi soir, a renouvelé son intention de « moraliser le capitalisme ». Quel crédit apportez-vous à cette prise de position ?
« Il faut passer de la morale au droit. Et arrêter de dire aux patrons : « Si vous n'êtes pas sages, on prendra des dispositions... » Il faut passer par la loi pour plafonner ou taxer les dividendes. Et nous proposons que toute aide publique soit assortie de contreparties sociales obligatoires, par contrat. Là aussi, il faut un texte de loi, mais le président de la République nous laisse dans l'attente. Et il doit aussi renoncer à supprimer 30.000 postes de fonctionnaires, alors qu'on peut prévoir qu'il y aura à la fin de l'année 700.000 chômeurs supplémentaires. »
La revalorisation du pouvoir d'achat par la hausse des salaires, telle que la préconise FO, est-elle compatible avec la crise financière ?
« Bien sûr que oui ! Qu'on soutienne l'investissement, d'accord ; mais quand Sarkozy dit qu'il ne sait pas quand va finir la crise, il a raison. Et dans cette incertitude, il faut activer tous les leviers, y compris celui du pouvoir d'achat qui a évidement un effet économique. La vraie question est bien là. »
Propos recueillis par Bernard Mailllard
source http://www.force-ouvriere.fr, le 26 mars 2009