Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "RMC" le 8 avril 2009, sur les violences à Strasbourg lors du sommet de l'OTAN, les déclarations de Ségolène Royal, les séquestrations de patrons d'entreprise par les salariés.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Avec nous ce matin L. Chatel, bonjour. Porte parole du Gouvernement, secrétaire d'Etat chargé de l'Industrie et de la Consommation. On va parler téléphonie mobile, automobile mais je voudrais revenir sur les derniers développements de l'actualité. Je ne sais pas si vous avez vu cette déclaration, ce mail envoyé par un policier présent dans l'hôtel Ibis incendié à Strasbourg. Il accuse sa hiérarchie d'avoir mis en danger sa vie et celle de ses collègues en tardant à leur porter secours. Et plusieurs syndicats de policiers demandent l'ouverture d'une enquête.

D'abord je voudrais redire quelle a été la volonté, la stratégie des forces de police à Strasbourg à la fin de la semaine dernière. La première priorité c'était de permettre la tenue du G20 et du sommet de l'OTAN en toute sécurité. Deuxièmement, l'objectif c'était de protéger les populations ; et puis troisièmement, c'était de permettre aux manifestations - nous sommes dans un Etat de droit, dans un pays démocratique où on peut manifester si on n'est pas d'accord - de se dérouler en toute sécurité. Sur ces trois points-là, j'observe que le sommet de l'OTAN s'est tenu dans de bonnes conditions. Il n'y a pas eu comme aux précédents sommets à Gênes, à Genève, un mort, il n'y a pas eu de mort. Deuxièmement nous avons eu des manifestations qui se sont déroulées et qui ont permis l'expression d'une différence. Troisièmement, les populations ont été protégées. Simplement, il y a eu des casseurs...

Mais pas les biens, disent beaucoup de Strasbourgeois.

Oui pas les biens parce qu'il y a eu ce qu'on appelle des voyous, des casseurs qui sont venus de l'Europe entière. Quand on vient à une manifestation dite pacifique avec des haches et des barres de fer, on ne vient pas vraiment pour pacifier. Donc il y a eu un rassemblement de casseurs et de voyous qui ont entraîné les dégradations que nous avons vues sur les écrans. Quant à l'affaire de l'hôtel Ibis, les informations que nous avons des services de police et du ministère de l'Intérieur nous indiquent que la police est intervenue en des temps tout à fait raisonnables à l'hôtel Ibis puisque la zone a été sécurisée.

Donc ce policier dit des bêtises ?

Moi j'ai des informations qui viennent du ministère de l'Intérieur qui me disent qu'en moins de dix minutes, les forces de l'ordre sont intervenues, ont sécurisé l'hôtel Ibis pour permettre aux pompiers d'éteindre l'incendie.

Donc il n'y aura pas d'enquête ?

A ma connaissance, il n'y a pas d'enquête et encore une fois le sommet s'est tenu dans de bonnes conditions, les manifestants ont pu exprimer une différence et si nous en sommes arrivés là, malheureusement, c'est parce qu'il y a eu ce rassemblement de casseurs et de voyous. Et nous souhaitons, le président de la République l'a dit, la ministre de l'Intérieur également, qu'ils soient traités comme tels et qu'ils soient poursuivis, ceux qui ont été arrêtés par les forces de l'ordre.

Autre actualité, les déclarations de S. Royal. « J'ai demandé pardon » - elle s'est expliquée hier en fin d'après midi -, « j'ai demandé pardon à Dakar pour l'ensemble des désordres et des souffrances infligés à l'Afrique ». Ce pardon n'avait jamais été prononcé, maintenant il est prononcé.

Il faut peut-être que vous disiez ou que quelqu'un dise à S. Royal qu'elle n'a pas gagné l'élection présidentielle.

Ce n'est pas à moi, c'est à vous.

Non mais il faut peut-être l'alerter en lui disant : S. Royal vous n'avez pas gagné l'élection présidentielle. Quand je l'entends dire que c'est N. Sarkozy, en tous cas ses propos n'engageraient pas la France, c'est assez surréaliste de la part de quelqu'un qui aspire aux plus hautes fonctions. Lorsque le chef de l'Etat, le président de la République se déplace, oui il représente notre pays. Vous savez madame Royal, actuellement, elle est un petit peu la globe-trotteuse de la démagogie. C'est-à-dire qu'elle est ici ou là, elle va sur les incendies, elle souffle sur les braises et elle utilise la colère, les inquiétudes des Français à mauvais escient. Je l'ai vu sur le dossier Heuliez et je le vois ici sur un dossier qui est très sensible.

Vous voulez dire par là que le dossier Heuliez, elle ne s'en occupe pas ?

J'observe que madame Royal est très présente quand il y a beaucoup de caméras de télévision et quand il y a les médias, elle est moins présente quand il y a des réunions de travail sur le dossier.

Pour en revenir à Dakar et à ce fameux discours de N. Sarkozy, j'ai entendu B. Kouchner dire hier : oui ce discours était maladroit, la déclaration de N. Sarkozy était maladroite.

D'abord, il y a déjà eu... B. Kouchner avait déjà eu l'occasion de s'exprimer il y a quelques mois sur ce sujet. Je crois que ce sujet, ce discours, c'est du passé. Tout le monde a bien compris...

D'accord mais il l'a dit hier B. Kouchner.

Oui, tout le monde a bien compris l'esprit du discours du président de la République. Le but c'était quoi ?

Pas lui, pas B. Kouchner.

Si, si. Ne prenez pas une petite phrase sortie de son contexte ; il a par ailleurs fortement critiqué les propos de S. Royal, qu'il ne comprend pas. Et encore une fois, B. Kouchner s'il n'était pas satisfait avec la politique "Affaires étrangères" du Gouvernement...

Il démissionnerait.

... il ne serait pas au Gouvernement aux côtés de F. Fillon et de N. Sarkozy. Donc ce que N. Sarkozy a toujours voulu dire, c'est que l'Afrique elle avait toute sa place dans le monde, simplement il fallait rompre avec des pratiques du passé et en particulier avec la Françafrique que semble dénoncer aujourd'hui madame Royal. Mais qui a dénoncé le premier et mis en oeuvre une politique différente vis-à-vis de l'Afrique ? C'est bien N. Sarkozy.

Je trouve quand je regarde un peu ces disputes politiques, ces chamailleries politiques, vous détestez S. Royal comme à gauche certains détestent N. Sarkozy. Pourquoi est-ce que ces deux personnages entraînent tant de, pas de haine, le mot est peut-être trop fort, mais de détestation ?

Je vais peut-être vous surprendre mais moi, je ne déteste pas S. Royal. Moi je considère qu'aujourd'hui dans une crise absolument sans précédent, le devoir, l'exigence des responsables politiques c'est de se serrer les coudes et de tout faire pour sortir au plus vite de la crise. Moi j'observe que partout dans les grands pays développés...

Je ne la défends pas, que les choses soient claires.

Non, mais il ne s'agit pas de la défendre ou pas, il s'agit simplement de constater que dans les grands pays développés, vous avez les oppositions dans ces pays qui mettent un petit peu de côté leurs différences vis-à-vis de leur Gouvernement et font front commun vis-à-vis des difficultés que rencontrent les citoyens. Ce qu'on attend aujourd'hui des responsables politiques, à droite comme à gauche, dans toutes les sensibilités, c'est qu'ils se serrent les coudes et qu'ils se mobilisent pour sortir au plus vite de la crise.

Vous transmettrez le message à F. Lefèbvre, par exemple.

F. Lefèbvre il est porte-parole du Gouvernement (sic), il soutient la politique du Gouvernement et il soutient l'action du Gouvernement pour sortir de la crise au plus vite.

Bien, L. Chatel. Au-delà des postures - nous sommes à deux mois des élections européennes - au-delà des postures, je voudrais vous poser une autre question d'actualité sur la Turquie avec les dernières déclarations de B. Obama, qui répond à N. Sarkozy : « C'est vrai que je ne suis pas dans l'Union européenne, les Etats-Unis ne sont pas dans l'Union européenne mais ça ne m'empêche pas d'avoir une opinion ». Voilà ce qu'a rétorqué B. Obama. Alors pourquoi, je vous pose une question directe, est-ce qu'on dit non à la Turquie parce que la Turquie est peuplée de Musulmans ?

Absolument pas. On dit non à la Turquie tout simplement parce que, excusez-moi mais je pense que comme moi dans les livres de géographie, vous avez appris que la Turquie ce n'était pas l'Europe. Et nous pensons que la Turquie a une vraie place de choix, place particulière, de coopération avec l'Europe, de partenaire privilégié, mais la Turquie ce n'est pas l'Europe et donc N. Sarkozy a toujours été clair sur ce sujet. Il a été clair dans sa façon de voir l'Europe. Nous souhaitons une relation privilégiée avec la Turquie mais l'Europe elle doit avoir des frontières qui sont des frontières géographiques, qui sont des frontières historiques et si nous commençons à aller au-delà, ce n'est plus le coeur de l'Europe.

C'est donc un non définitif ?

Oui ça a toujours été la position de N. Sarkozy.

C'est donc un non définitif : donc la Turquie ne sera jamais dans l'Union européenne ?

C'est en tous cas la position que défend la France et j'observe qu'elle est partagée par de nombreux autres pays européens.

Mais pas par toute l'Union européenne.

Non pas par toute mais il y a des débats et c'est légitime.

Qui a dit : quand on manifeste, quand on recourt à la violence ce n'est jamais pour se distraire, ce n'est jamais pour nuire à autrui, c'est parce qu'on est désespéré, c'est parce qu'on n'a plus de recours et qu'on se sent condamné à la mort économique et à la mort sociale ?

Vous devez évoquer peut-être un discours de N. Sarkozy candidat à l'élection présidentielle ? Oui. Oui mais je pense qu'il faisait référence aux inquiétudes, aux difficultés que connaissaient certaines catégories socioprofessionnelles dans des situations données. En même temps...

Vous tiendriez le même discours avec les salariés de Caterpillar par exemple ?

Je tiens le même discours et N. Sarkozy a d'ailleurs tenu hier le même discours en disant qu'il pouvait comprendre les inquiétudes, la colère, la révolte parfois de situations. Si vous voulez quand vous êtes dans une entreprise depuis 25 ans et que du jour au lendemain tout s'arrête, c'est votre vie qui s'écroule. Donc on peut comprendre qu'il y ait cette réaction.

Surtout que les salariés de Caterpillar sont prêts à partir, mais demandent simplement à pouvoir partir avec un peu d'argent pour reconstruire leur vie.

Mais en même temps - je vais reprendre sur Caterpillar - mais en même temps, rien ne doit pour autant justifier une séquestration, une prise en otage. Nous sommes dans un Etat de droit et il existe - et c'est aussi pour ça que nous sommes très attachés et que le Gouvernement se mobilise énormément dans le cadre des relations sociales - nous sommes très attachés aux relations avec les partenaires sociaux pour qu'il y ait un dialogue social dans notre pays et que dans les difficultés majeures qu'on connaît aujourd'hui, vous savez moi aujourd'hui au secrétariat d'Etat à l'Industrie, j'ai à gérer les restructurations industrielles, tous ces dossiers difficiles où on voit des entreprises soit qui annoncent des plans de licenciement ou des fermetures d'usines. On doit le faire dans un cadre de dialogue social qui soit le plus apaisé possible.

Bien, L. Chatel, on va parler d'Heuliez juste après la pub. On va parler de téléphonie mobile. On va parler de sujets de consommation. (...).

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 avril 2009