Interview de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche et tête de liste Ile-de-France aux élections européennes, sur "Itélé" le 8 avril 2009, sur son tandem avec Rachida Dati, et le début de campagne électorale de son parti.

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Média : Itélé

Texte intégral

L. Bazin.- Notre invité politique ce matin c'est M. Barnier, bonjour ! Remonté comme un coucou, m'avez-vous dit, prêt à en démordre dans cette campagne européenne. Vous êtes ministre de l'Agriculture et de la Pêche pour encore quatre semaines, et tête de liste Ile-de-France aux européennes. Vous dites ce matin : je suis consterné, c'est dans Libération par un PS qui court après l'extrême gauche et qui n'est pas digne d'être un parti de Gouvernement. Ce n'est pas aux Français d'en juger ça, plutôt ?


Je fais partie des Français comme vous, et je suis un homme politique, donc je suis participant à un débat que j'observe avec quelquefois de la consternation. Cela fait plusieurs mois que je trouve que le PS n'est pas à la hauteur. Il n'est pas à la hauteur d'un parti de Gouvernement, d'un parti d'alternance. Et d'ailleurs même au sein du Parti socialiste, il y a des gens qui le disent. Je trouve que c'est un parti qui pratique trop le sectarisme. Regardez M. Valls, député socialiste, invite pour un débat public E. Besson et il se fait taper dessus par ses propres amis. Moi je pense que le sectarisme du Parti socialiste est une preuve de faiblesse, c'est des gens qui ne sont pas sûrs de leurs idées. Et je dis, ce n'est pas la première fois, pendant la Présidence française de l'Union européenne, on ne les a pas entendus, ils n'ont parlé que d'eux-mêmes, de leurs querelles, de leur cuisine ; pas un mot intelligent, fort, sur la présidence de la France, de l'Union européenne en pleine crise. Dans la question des...

Vous, vous auriez voulu qu'ils dressent des couronnes de laurier à N. Sarkozy, cela aurait pu ?

Non pas du tout... oui cela aurait pu, cela peut arriver d'ailleurs, des gens comme Cohn-Bendit ou d'autres ont dit que nous avions assumé une bonne présidence, parce que c'est la vérité, c'est la vérité, c'est juste. Tout le monde, y compris les dirigeants socialistes du reste de l'Europe l'ont dit. La question des institutions, ce qui allait dans leur sens, on renforce les pouvoirs du Parlement, le contrôle du Parlement, ils votent contre. Même dans la crise, je trouve qu'ils ne sont pas à la hauteur. Et puis je ne parle pas des élucubrations de Madame Royal, qui va, au nom de la France... Mais enfin, de quel droit elle parle au nom des Français.

...Dans la crise, les socialistes ne sont pas à la hauteur. Après tout, ils vous disent des choses assez claires. Ils ne sont pas à la hauteur parce qu'ils ne sont pas d'accord avec vous finalement ?

Moi je trouve que dans cette crise, on n'a pas besoin de polémiques. On a besoin d'être ensemble, on a besoin de trouver des solutions ensemble, on n'a pas besoin d'attiser les animosités et les polémiques, voilà ce que je pense moi.

C'est votre adversaire, c'est le Parti socialiste donc pour cette campagne, ce n'est pas F. Bayrou qui par exemple dénonce la connivence entre l'UMP et le Parti socialiste et demande le départ de J.M. Barroso ?

Mon adversaire c'est l'abstention, c'est l'indifférence. Cette élection elle est trop importante, elle n'a jamais été aussi importante. Le rôle du député européen il est au moins aussi important que celui du député français aujourd'hui. Je peux citer des tas de textes...

Oui, d'accord, M. Barnier, mais il faudrait pour ça que les hommes politiques français aient la même idée que vous. Vous, vous avez été commissaire européen, vous connaissez l'importance du Parlement européen et des institutions européennes. Pardon, mais souvent ce que l'on voit, et Madame Dati en est un exemple, ce sont des candidats malgré eux ou parce qu'ils n'ont pas été élus ailleurs.

Non, mais attendez avant de dire que Madame Dati, Rachida avec qui je fais tandem, et d'autres sont malgré eux... Jugez-les dans la campagne qui va commencer. La campagne d'ailleurs pour moi elle a déjà commencé. Peut-être pas dans les médias et c'est peut-être votre problème et les médias c'est aussi vous. Rachida et moi, on est là, on répond...

Eh bien vous êtes là.

Elle a commencé dans le parti, moi je n'ai jamais vu le mouvement auquel j'appartiens, le Mouvement populaire sous l'impulsion de X. Bertrand s'engager aussi tôt dans une campagne européenne, cela ne s'est jamais produit. Et nous rencontrons les parlementaires, la semaine dernière le Sénat, l'Assemblée nationale.

R. Dati par exemple est une colistière fair play, vous diriez cela à l'heure où l'on parle, même plus ?

Bien sûr qu'elle est plus que fair play. On se voit régulièrement, on travaille ensemble.

Vous avez fait une réunion d'appartement, c'est ça, hier, j'ai regardé votre agenda commun.

Non, mais ce n'est pas le problème de mon agenda commun.

Eh bien quand même !

Tout n'est pas publié. Hier nous étions... par exemple dans notre agenda commun, vous n'avez pas observé que nous étions à l'assemblée générale des maires de France, de l'Ile-de-France hier, ensemble. Donc, on fait des manifestations communes, elle a son propre agenda, j'ai le mien. Aujourd'hui, je suis avec J.-F. Copé et les présidents de groupe de toute l'Europe qui se réunissent pour créer un débat public européen. La campagne, elle commence aussi sur Internet, ça aussi ; il y a vous, il y a la télévision, il y a les journaux mais il y a aussi ce nouveau lieu de débat public et de démocratie qui est Internet.

Pardon, M. Barnier, je vous parle de R. Dati, vous me parlez d'Europe. Quand on parle à R. Dati de R. Dati, elle parle de R. Dati - Le Parisien, M. Dumas -, elle parle de sa carrière d'après, pas de sa carrière du moment.

Eh bien, elle répond aux questions qu'on lui pose. Ecoutez, invitez là, parlez lui d'Europe.

Oui, on lui posera la question, mais c'est important politiquement, ce sont des signes forts. Quand N. Sarkozy, F. Hollande, F. Bayrou sont élus au Parlement européen et qu'ils démissionnent avant même pour certains d'avoir siégé - c'était le cas du chef de l'Etat quand il était député-maire - cela a un sens pour les français, non ?

Oui, je pense qu'il faut que les députés qui s'engagent, enfin les candidats qui s'engagent, dès l'instant qu'ils sont élus s'engagent pour l'action européenne, pour la durée de leur mandat.

Donc cela vaut pour vous et pour R. Dati ?

Cela vaut pour moi en tout cas et pour R. Dati et pour tous les candidats qui seront avec nous. Si vous voulez interroger R. Dati, invitez-la. Moi, vous m'invitez ce matin, je vous dis pourquoi cette élection est importante. Je préfère utiliser les quelques minutes que vous me donnez pour parler de l'importance du député européen, de son rôle. Vous savez qu'il y a plus de lois votées par le Parlement européen, parce que nous avons décidé de voter ces lois avec les autres. Le prix des SMS, la sécurité dans les avions, les normes environnementales, la qualité sanitaire des produits que l'on mange. Tout ça ce sont des sujets européens que l'on traite avec les autres, c'est le Parlement européen.

Et puis le vin rosé, coupage de vin blanc et de vin rouge...

Oui, contre lequel nous nous battons, parce que je ne veux pas d'une alimentation aseptisée, qui n'ait plus de goût, de couleur, de saveur. Je me bats pour préserver les vraies traditions.

Que pèsera la France - et là, c'est à la fois une question au ministre de l'Agriculture et au candidat - que pèsera la France qui est toute seule sur ce dossier par exemple ?

Quand vous êtes dans un marché unique et que vous êtes Vingt-sept, il y a des chances et des contraintes et là, il se trouve que ce n'est pas le Parlement européen qui est en cause, c'est le Conseil de ministres où nous sommes assez isolés. Mais nous nous battons.

Le vote a été reporté à après les élections, c'est un cadeau que vous a fait Monsieur Barroso, d'une certaine manière.

Ce n'est pas un cadeau, ils ont pris le temps de discuter avec nous et de maintenir le dialogue, c'est ce que je souhaitais, avec les Américains aussi. Mais il n'y a pas de combats perdus quand on ne les mène pas. Le poulet chloré par exemple, le nettoyage ou la « déchloration » des poulets comme cela se passe aux Etats-Unis, nous n'en n'avons pas voulu en France, pas plus que du boeuf aux hormones et on a gagné. Finalement, la Commission voulait l'autoriser, j'ai obtenu qu'on l'interdise.

Donc c'est une bagarre l'Europe, c'est une bagarre à mener, voilà ce que vous êtes en train de dire ce matin.

L'influence française, elle ne se décrète pas, elle se construit, avec des idées, avec de l'attention aux autres, avec du temps passé. Il faut être à l'heure aux réunions, il faut écouter les autres, il faut les convaincre qu'il faut avoir des idées. Et voilà pourquoi je pense que cela vaut le coup de s'engager. Cela vaut le coup de dire aux Français que les élections européennes sont très importantes. Et puis il y a plein de sujets, vous ne m'avez pas posé la question de la crise.

Cela va venir, ce n'est pas fini... On va marquer une pause pour le rappel des titres et je vous poserai, oui, M. Barnier, la question de la crise. [...]

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 avril 2009