Entretien de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, dans "Aujourd'hui en France" du 22 avril 2009, sur la déclaration finale de Durban II contre le racisme.

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Circonstance : Conférence d'examen de Durban organisée par l'ONU, à Genève du 20 au 24 avril 2009

Média : Aujourd'hui en France

Texte intégral

Q - La déclaration de Durban II contre le racisme a été adoptée hier. Quelles sont ses avancées ?
R - Je suis heureuse de l'adoption de cette déclaration finale car ce n'était pas gagné d'avance. Dans un discours indigne, le président iranien Ahmadinejad a voulu prendre en otage Durban II, mais nous sommes restés vigilants sans nous détourner de l'objectif. Après des mois de discussions, on a réussi à obtenir le vote d'un texte équilibré, dans lequel nous n'avons rien abandonné de nos principes et de nos valeurs : pas de stigmatisation d'Israël, refus du concept de diffamation des religions et pas de remise en cause de la notion de liberté d'expression. C'est donc une victoire sur l'obscurantisme et les provocations à la haine du président iranien.
Q - Pourquoi la France a-t-elle claqué la porte lundi tout en continuant de participer à la conférence ?
R - La délégation française a quitté la salle - conformément aux instructions données à notre ambassadeur - pour ne pas assister passivement au discours intolérable du président iranien. C'était un geste de dégoût et de résistance face aux ennemis des droits de l'Homme. Mais on n'a pas quitté la conférence pour autant. Pourquoi ? Parce que partir, cela aurait été leur laisser l'ONU, dont ils auraient dit qu'ils nous en ont chassés. Ils auraient alors adopté un texte catastrophique, tout seuls, en opposition totale avec la promotion des droits de l'Homme. Il fallait donc rester pour combattre, apporter la contradiction, défendre pied à pied les valeurs universelles auxquelles nous croyons, ne pas donner aux obscurantistes l'occasion de crier victoire. Nous continuerons donc de participer à la conférence jusqu'à vendredi et notre ambassadeur y prendra la parole aujourd'hui.
Q - Désapprouvez-vous les pays qui, comme les Etats-Unis, Israël et plusieurs pays européens, ont boycotté cette conférence ?
R - On les comprend, car ils ont aussi gardé un souvenir amer de Durban I. Et l'ONU n'est pas un club des démocraties parfaites : y parler sereinement de racisme n'est pas simple car le sujet est passionnel et met au jour des tensions culturelles. Mais la France considère qu'il faut garder le canal du dialogue avec les pays arabes et africains. Et que le combat contre le racisme n'est pas terminé. C'est une exigence morale, pas un bras de fer idéologique. Nous sommes dans la défense de l'universalité des droits de l'Homme. La politique de la chaise vide serait une forme de désertion.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 avril 2009