Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, à "Itélé" le 16 avril 2009, sur l'indemnisation du chômage partiel et sur les embellies en matière d'emploi dans quelques secteurs (automobile, immobilier, industrie solaire).

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Média : Itélé

Texte intégral

L. Bazin.- Bonjour monsieur le secrétaire d'Etat à l'Emploi, l'un des rares félicités, dit-on, hier, en Conseil des ministres par N. Sarkozy. Ça vous fait sourire, tant mieux, parce que pour le reste, il paraît que vous avez essuyé, tous les ministres, la colère froide du Président. Qu'est-ce qui se passe, on n'a plus le droit d'avoir de l'ambition, c'est ça ?

Non, c'est juste que le Président a rappelé une chose qui est toute simple : on est dans une période de crise, et dans cette période de crise, la seule chose qui compte pour un ministre c'est de faire son travail à son poste. Pour le reste, il y a des institutions. Le Président qui est choisi par le suffrage universel, c'est lui qui choisit ensuite les responsabilités de chaque membre du Gouvernement, conjointement avec le Premier ministre. Et quelque part, ce n'est pas notre travail.

Donc, "Stop, taisez-vous, ça suffit !"

Non, concentrez-vous juste sur votre travail. Si je prends juste mon domaine, bien sûr le domaine de l'emploi c'est très difficile, surtout dans cette période, pour autant je pense que c'est un sujet qu'il faut être capable d'assumer, sur lequel on a besoin d'un travail sur la durée, et je ne pense pas qu'on déserte le bateau dans le tempête.

On vous a mis sur la longue liste des candidats au ministère de l'Agriculture, par exemple. C'est faux ?

Eh ben, je suis très clair : un, c'est le Président de toute façon qui choisit ; et deux, moi, mon souhait c'est de pouvoir rester sur la durée sur le secrétariat d'Etat à l'Emploi. Mais, à la limite, je n'ai même pas à m'occuper de ça, la seule chose qui compte c'est, comme ce qu'on a fait hier, de travailler sur le chômage partiel ; comme ce qu'on fera dans quinze jours, de mettre en place un fonds social avec les partenaires sociaux ; s'occuper d'Heuliez ; essayer de voir comment est-ce qu'on s'occupe des salariés du textile. Ca, c'est mon travail.

C'est-à-dire accompagner la crise, L. Wauquiez, parce qu'on sent bien qu'on ne peut pas lutter contre cette vague-là.

C'est une question que je me suis posée dès le début. Quand vous avez une vague de cette ampleur-là, il y a deux attitudes : la première c'est de se mettre la tête dans le sable et de dire « il n'y a rien à faire, quoi qu'en fasse ça ne changera rien » ; la deuxième c'est de gonfler les biscotos et de dire « ne vous inquiétez pas, on va vous protéger, le nuage de Tchernobyl, la France sera totalement protégée ». Et puis, la troisième c'est de se dire « bien sûr, on va souffrir, bien sûr en matière d'emploi on va souffrir, et même sans doute on va souffrir plusieurs mois, mais on va arriver à en sortir. Et pendant cette période, on va tout faire, sur tous les leviers qui sont à notre disposition pour travailler et vous protéger ».

Heuliez c'est un exemple de ça pour vous, ce qui s'est passé hier ?

Prenons l'activité partielle, par exemple le chômage partiel. Le chômage partiel, il y a six mois quelqu'un qui était au chômage partiel n'était compensé qu'à 50 % de son salaire brut. On l'a fait passer à 60 % et grâce à un accord qui a été signé hier, notamment avec l'Assurance chômage, on est à 75 %. Quelles sont les leçons toutes simples ? La première, on a travaillé en lien avec les partenaires sociaux, et on a abouti à faire bouger les choses concrètement. Le deuxième sujet qui est important, c'est historique, c'est la première fois que l'Assurance chômage accepte de dire : « je vais payer et investir avant que la personne soit licenciée, je préfère payer pour que quelqu'un garde son travail en activité partielle dans l'entreprise plutôt que de payer une fois qu'il sera au chômage ». Et puis, le troisième point qui est...

Vous êtes en train de dire qu'il y a une révolution en cours, autrement dit.

C'est une mini révolution culturelle.

Petite révolution, mais une révolution.

Oui ! C'est-à-dire on passe d'une Assurance chômage qui était passive à un dispositif d'Assurance chômage actif qui accepte de dire : « j'agis avant, avant le licenciement, avant qu'il ne soit trop tard ».

Ça n'empêche pas, mais ça accompagne, c'est ce que je disais tout à l'heure...

Ça fait mieux que ça, parce que derrière, il y a deux contreparties. La première, vous n'avez pas le droit de licencier, donc on évite les licenciements. Et la deuxième, vous avez l'obligation de former. On va prendre un exemple très concret : on a signé il y a quinze jours chez PSA un accord qui est un accord d'activité partielle. Ça va réussir à sauver 3 000 emplois chez Peugeot qui feront l'objet d'une compensation à 100 % de leur salaire, 100 % de leur salaire pour les salariés, pas de licenciement et en plus ils vont être formés sur des vraies formations. Un système qui était stupide avant la crise, parce qu'on s'est battus, parce qu'on a travaillé avec les syndicats, parce que aussi le Président y a mis l'énergie sur les vrais sujets, pas les petites ambitions personnelles mais les vrais sujets, on a pu bouger.

Mais ça veut dire que les chiffres du chômage de mars seront moins graves que ce qu'on attend ?

Non, ça veut juste dire qu'on va continuer exactement comme je vous l'ai dit, c'est-à-dire que oui, dans cette période on souffre mais en même temps on peut réussir à essayer d'amortir le plus possible.

On peut s'attendre pour mars à des chiffres aussi catastrophiques que ceux qu'on a connus en janvier ou en février ?

Vous savez, dès août, e l'ai dit, on va avoir des mois qui vont être des mois longs, dans lesquels il y a une situation de crise de l'emploi très forte, c'est une évidence, personne ne me croirait si je disais autre chose. Mais quand vous faites le chômage partiel, quand vous essayez e protéger les industries du décolletage dans la Vallée de l'Arve, quand on a fait ce sur quoi le Président s'est battu pour l'industrie automobile, quand on change l'Assurance chômage pour mieux protéger les jeunes, on avance. Je ne dis pas qu'on se protège par miracle le la crise, je dis juste : heureusement qu'on se bat là-dessus avec tout le monde, en équipe, pour essayer d'avancer. C'est mieux avec que sans.

B. Hortefeux dit, et c'est dans Le Point, cette semaine : « quelque chose bouge ». Et si on sortait de la crise, en quelque sorte : les ventes automobiles redémarrent en mars, l'immobilier revient petit à petit dans le vert, la bourse reprend des couleurs. Vous y croyez, vous, on sortirait de la crise avant la fin de cette année ?

Il y a deux choses auxquelles je crois. La première, c'est notre pire ennemi, c'est notre propre découragement et notre capacité à tout voir en noir. Et la deuxième, il commence à y avoir quand même quelques coins de ciel bleu à l'horizon. Pour le prendre dans mon secteur, qui est celui de l'emploi, même dans l'emploi, même dans cette période très dure que vous avez rappelée, tout à l'heure je vais faire un déplacement sur l'industrie solaire, tous les panneaux photovoltaïques, 25 000 embauches d'ici 2012. Le secteur du bâtiment, sur toutes les compétences, notamment bâtiment énergétique, développement durable, 300 000 emplois d'ici 2012. Les commerciaux vont embaucher 200 000 emplois sur les quatre ans à venir. Le service à la personne, grâce au plan des services à la personne qu'on a adopté : vraisemblablement entre 90 000 à 100 000 embauches dans la période.

Donc, quelque chose bouge !

Donc, on sent des signes qui bougent, y compris sur le front de l'emploi quelques signes positifs. Cela étant, il faut rester très calme, très vigilant, ce qui reste devant nous reste long, dur mais il faut aussi être capable d'identifier ces quelques signes positifs.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 avril 2009