Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, vice-président de l'UMP, à Europe 1 le 12 mai 2009, sur le débat sur le projet de loi concernant la réforme de l'hôpital.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Bonjour monsieur Raffarin. Vous êtes sénateur UMP de la Vienne, ancien Premier ministre, et N. Sarkozy a repris les choses en mains hier sur le projet de loi sur l'hôpital que vous aviez critiqué. Il met en place un directoire collégial à la tête des CHU. Donc, c'est-à-dire que les médecins reprennent la main par rapport aux administratifs. Est-ce que c'est le signe que c'est difficile de réformer en France, comme vous l'avez vous-même éprouvé, monsieur le Premier ministre ?
 
Bien sûr que c'est difficile, et on voit bien que là, on était quelque peu dans une impasse, et le Président a redressé la barre. Le texte qui était sorti de l'Assemblée nationale était déséquilibré, au profit de la logique administrative et au détriment de la fonction médicale. Et le Président a compris que le Sénat avait besoin de son engagement au côté de tout le corps médical, les médecins, les infirmières et les aides-soignantes, pour voter la réforme de l'hôpital.
 
Donc là, elle vous convient, telle qu'elle est présentée aujourd'hui par le président de la République ?
 
Le Président a fait un certain nombre de déclarations qui vont dans le bon sens. Si le Gouvernement accepte les amendements qui ont été préparés au Sénat par le rapporteur A. Milon, il est clair que nous voterons le texte. Encore faut-il que le Gouvernement accepte nos amendements, parce que nous avons profondément modifié le texte qui était sorti de l'Assemblée nationale. Donc, ce texte sera "votable", je dirais, si le Gouvernement accepte ces amendements, c'est-à-dire si le Gouvernement accepte les orientations qui ont naturellement définies par le président de la République, hier.
 
C'est beaucoup d'amendements, on va y venir, mais franchement, J.-P. Raffarin, après un rapide calcul, sur les 900 parlementaires, 920 même, 343 sénateurs et 577 députés - on a fait le compte - 59 ont une profession médicale, 6,4 % des parlementaires. Un vrai lobbying donc pour modifier le texte, non ?
 
Franchement, vous savez, si vous comptez les fonctionnaires, si vous comptez d'autres lobbyings, il y aura de quoi réformer l'ensemble du pays ou de bloquer l'ensemble des réformes. Vous ne pouvez pas penser qu'un parlementaire ne fait que défendre la profession qu'il a...
 
Alors c'était quoi, le problème ?
 
Eh bien, le problème, c'est simplement qu'on veut donner un pouvoir absolu aux directeurs et que finalement la fonction médicale, la logique de la médecine était sous la pression de l'administration, avec un directeur qui était au fond en situation d'un exercice solitaire du pouvoir.
 
Ça, on l'a bien compris, mais est-ce que c'est un désaveu de R. Bachelot ?
 
Non, il est clair que c'est le texte de l'Assemblée nationale que nous avons contesté. Il est clair aussi que nous ne voulons pas un exercice solitaire du pouvoir. Mais c'est probablement pour nous la nécessité quand même de mettre de l'ordre dans la procédure législative pour que le Parlement puisse accomplir sa mission, telle que l'a voulue le Président avec les réformes constitutionnelles. Parce que, franchement, il est dommage que le rapport Marescaux, qui semble être un très rapport n'ait pas pu être étudié par les sénateurs, puisqu'il n'est publié que la veille du débat. Et j'imagine que les députés aussi auraient aimé en discuter avant qu'ils délibèrent de la loi. Ils en seront privés, de cette délibération, puisqu'il n'y aura pas de seconde lecture.
 
Résultat : une réforme pour rien, parce que finalement, cela va être un texte fade, une réforme pour rien !
 
Non ! Non, vous êtes toujours un peu excessif, M.-O. Fogiel. Il ne s'agit pas d'une réforme fade. Il faut aller au bout de cette réforme, mais il est clair que la médecine doit être au coeur de la réforme. Le personnel soignant ne doit pas se sentir démotivé et le lobby de l'administration ne doit pas l'emporter sur la fonction médicale.
 
On l'a bien compris, mais il fait soigner quand même les médecins, qui votent à droite : pour les universités, c'est plutôt les chercheurs qui votent à gauche. Donc là, sur les universités, on ne recule pas !
 
Non, franchement ; il est clair qu'il ne s'agit pas de recul ou de lâcher du lest. Il s'agit simplement de rééquilibrer. On avait dit que la direction de l'hôpital devait être collégiale, équilibré entre l'administration et le médical.
 
Et sur les universités, que préconisez-vous ? En deux mots.
 
Sur les universités, je crois qu'il faut être très fermes sur l'autonomie des universités. C'est une loi qui est votée. Là, nous sommes dans un débat avant la loi. Il faut quand même qu'on respecte les procédures démocratiques. Il y a une majorité qui a été élue. Moi, je parle librement. Quand je ne suis pas d'accord sur un texte, je le dis, mais je le dis avant la loi.
 
Alors, on va parler librement. Vous savez ce que l'on entend : que vous réglez en fait vos comptes avec votre adversaire à la présidence du Sénat, G. Larcher, dont le rapport a largement inspiré le projet de loi hôpital, rapport qui préconisait une refonte de la gouvernance de l'hôpital...
 
Eh bien, ce sont de mauvaises langues !
 
Donc, vous n'êtes pas mauvais perdant ?
 
Monsieur Larcher est un excellent président. J'ai beaucoup de respect pour le travail qu'il mène. Il fait un travail très important pour le Sénat. Moi, je défends...
 
Vous auriez presque voté pour lui ?
 
C'est quelqu'un avec qui j'ai des relations amicales bien avant. On a fait une primaire tout à fait convenable et tout à fait correcte. Je n'ai aucune rancune et aucune vengeance. Nous travaillons régulièrement ; on se voit très facilement. Mais je suis engagé dans les affaires d'hôpitaux depuis très longtemps, parce que je suis un élu de terrain, et que je sais ce qu'est le fonctionnement de l'hôpital ; je sais qu'il y a beaucoup de choses à changer pour que le patient puisse avoir les prestations dont il a besoin. Il faut de l'efficacité ; donc, je suis d'accord pour qu'il y ait une responsabilité qui soit donnée au directeur, qui est une responsabilité finale, mais qu'il puisse, avant, consulter, et de faire en sorte que le pouvoir médical ne soit pas marginalisé dans l'hôpital.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 mai 2009