Déclaration de Mme Nathalie Arthaud, porte-parole de LO, sur le sens de la participation de LO aux élections européennes, Paris le 14 mai 2009.

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Circonstance : Meeting à Paris le 14 mai 2009

Texte intégral

Travailleuses, travailleurs, camarades,
L'offensive de la bourgeoisie contre les travailleurs se déroule à l'échelle internationale. Ce n'est pas seulement parce que la crise elle-même est mondiale. C'est aussi parce que la classe capitaliste a partout la même avidité, la même volonté féroce de se battre pour maintenir ses profits, quitte à semer la misère et la mort.
Et ce n'est pas une image. Comment ne pas se souvenir que la crise actuelle, qui se traduit aujourd'hui en Europe par une explosion du chômage, s'est manifestée à ses débuts par une crise alimentaire due principalement à la spéculation sur les matières premières en général et, plus encore, sur le blé, le riz ou le maïs !
Les financiers qui, en spéculant sur le blé ou le riz, faisaient en quelques secondes s'envoler les prix, condamnaient froidement du même coup à la famine et à la mort des centaines de milliers de personnes en Afrique ou en Inde. Ce sont de véritables tueurs en série qui tuent du haut de leurs bureaux insonorisés et climatisés des centres d'affaires de New York, Londres ou Paris, et ils tuent à l'échelle industrielle.
Ce sont ceux-là qui gouvernent en France, ce sont ceux-là qui gouvernent en Europe, ce sont ceux-là qui gouvernent le monde.
La situation que vient de décrire mon camarade, ici, en France, se reproduit partout en Europe, et pour les mêmes raisons.
Les licenciements se multiplient partout. Le chômage s'envole aussi partout. Même selon Eurostat, l'officine de statistiques de l'Union européenne, qui ne récapitule que les données officielles, bien en dessous de la réalité, le nombre de chômeurs à l'échelle de l'Union européenne dans son ensemble dépasse les 20 millions de femmes et d'hommes.
Vingt millions ! La population de la Suisse, de l'Irlande et de la Belgique réunies. C'est comme si trois pays entiers étaient retirés de force de la vie économique, transformés en déserts industriels et commerciaux avec une population condamnée à végéter dans la misère !
Le chômage est une catastrophe sociale qui n'a rien de naturel. Ce n'est pas une fatalité. Il est une des conséquences dramatiques du fonctionnement de l'économie capitaliste.
Vingt millions de personnes condamnées au chômage, dans la réalité probablement le double, c'est autant de familles condamnées à survivre avec des allocations insuffisantes dans la partie la plus riche de l'Europe et dérisoires, voire inexistantes, dans la partie la plus pauvre. Pourtant l'Europe, plus précisément sa partie occidentale, est une des régions les plus riches du monde, riche du travail passé et présent accumulé par ses classes laborieuses, mais riche aussi du pillage du reste du monde.
Et malgré les annonces périodiques des charlatans qui prédisent le bout du tunnel pour 2010 ou 2011, la situation continuera à s'aggraver.
L'OCDE, l'organisation économique des pays industrialisés, annonce que d'ici 2010, ces pays compteront 25 millions de chômeurs de plus et que le taux de chômage officiel y dépassera les 10 % en moyenne. Et c'est une moyenne. En Espagne, le nombre officiel de chômeurs a déjà dépassé les quatre millions, plus de 17 % de la population active. Dans certains pays baltes, vantés il y a peu pour leur essor fulgurant depuis leur intégration dans le marché capitaliste, le taux de chômage talonne les 20 %. Et d'un bout à l'autre du continent, c'est le même spectacle d'usines qui réduisent leur activité ou qui ferment et qui licencient. Un peu partout, on réduit les salaires, parfois directement, parfois par le biais du chômage partiel.
Le capitalisme en crise est en train d'unifier le sort des travailleurs d'Europe mais en l'alignant par le bas.
Alors, si nous nous présentons dans ces élections européennes, c'est en premier lieu pour dénoncer le système économique qui conduit à de telles catastrophes.
Nous nous présentons pour dénoncer les grands groupes industriels et financiers qui exercent une dictature sur l'économie et sur toute la vie sociale et qui sont, de ce fait, plus puissants que les dirigeants politiques.
Nous nous présentons pour affirmer que mettre fin à cette dictature est une nécessité vitale pour l'écrasante majorité de la population partout en Europe. Il faut réorganiser l'économie afin qu'elle vise à satisfaire les besoins de tous au lieu d'être orientée pour permettre à une petite minorité d'accumuler de plus en plus de profits.
Rien que cette contagion du chômage à l'échelle de l'ensemble de l'Europe ridiculise ceux qui prétendent que l'Union européenne protège de la crise. C'est un mensonge grossier.
La crise se moque des frontières. Pendant que les dirigeants européens continuaient de mentir en prétendant qu'elle resterait cantonnée aux États-Unis, elle traversait déjà l'Atlantique pour atteindre l'Europe !
Un autre mensonge tout aussi grossier mais plus dangereux encore consiste à prétendre qu'il faudrait revenir en arrière, aux frontières nationales et aux protectionnismes nationaux. Les frontières n'arrêtent pas la crise. Et le protectionnisme n'est jamais fait pour protéger les intérêts des travailleurs d'un pays mais toujours pour protéger ceux des capitalistes et des banquiers.
Non, il n'y a rien à attendre de ces institutions de l'Union européenne, pas plus qu'il n'y a à attendre, d'ailleurs, des institutions de la France, parce qu'elles sont, toutes, des institutions de la bourgeoisie.
Ce que les dirigeants politiques de la bourgeoisie appellent la « construction européenne » n'a pas été fait par des idéalistes, inspirés par le désir de mettre fin aux guerres et de fonder les relations intereuropéennes sur l'amitié entre les peuples. Elle est l'oeuvre de banquiers, d'industriels, de marchands obsédés par la concurrence et surtout par la recherche de toujours plus de profit.
Car le morcellement de l'Europe est préjudiciable depuis longtemps pour les groupes industriels et financiers qui dominent l'économie européenne et qui ont besoin d'un marché élargi pour faire bonne figure face aux États-Unis, au Japon, ou face à la Chine ou l'Inde qui, même nettement plus pauvres et sous-développés, pèsent d'un tout autre poids sur la scène mondiale.
Non, la construction européenne n'est pas ce conte de fées humaniste que racontent les hommes politiques les plus pro-européens. C'est une histoire de froids calculs et de sordides marchandages, où l'intérêt des peuples n'est pas entré en ligne de compte et ne faisait même pas partie des préoccupations.
Comment l'Union européenne pourrait-elle représenter davantage l'intérêt des peuples, c'est-à-dire avant tout des classes populaires, que les États qui la composent ? L'Europe est l'Europe du capital pour la bonne raison que la France, l'Allemagne, sont la France et l'Allemagne du capital.
Et ceux qui prétendent que les coups contre les services publics, contre les quelques articles de loi protégeant les travailleurs, viennent de Bruxelles, des institutions européennes ou de tel ou tel traité, visent surtout à dégager la responsabilité de « nos » gouvernements, de notre classe de possédants.
Bruxelles ne prend aucune décision importante qui ne soit pas voulue ou, du moins, avalisée par les gouvernements nationaux, dont le gouvernement français. Et, par-dessus tout, les gouvernements nationaux comme la Commission européenne ne sont que les commis du grand capital.
L'Union européenne est conçue, dans les traités comme Maastricht et Amsterdam, pour accroître les profits des multinationales européennes sur le dos de leurs propres salariés, mais aussi sur la misère des peuples des pays les plus pauvres. Car leur Europe est aussi une machine de guerre pour aider leurs financiers à piller plus efficacement les pays du tiers monde.
L'Union européenne actuelle, l'Europe de la bourgeoisie, n'est ni tout à fait européenne ni une véritable union. Pas tout à fait européenne : car un grand nombre de pays, représentant près de la moitié du continent, n'en font pas partie. Les uns, comme la Norvège ou la Suisse, parce qu'ils ne le veulent pas. Les autres parce qu'on ne veut pas d'eux, de l'Ukraine à la Serbie, de la Moldavie à la Géorgie, sans même parler de la Russie ou de la Turquie.
Et l'Union européenne n'est pas, non plus, une véritable union car, même à l'intérieur, les frontières nationales sont loin d'être devenues de simples limites administratives.
Chacun des États mène sa propre politique dans une multitude de domaines. L'Union européenne est loin de devenir une entité comparable aux États-Unis, et aucune des grandes formations politiques ne propose qu'elle le devienne.
L'Union européenne n'a pas mis fin, non plus, aux relations de dépendance économique des pays de l'Est européen par rapport aux vieilles nations impérialistes d'Europe occidentale. Oh, les causes de ces relations de dépendance ne sont pas dues à l'Union européenne ! Bien avant l'Union européenne et même bien avant l'occupation par l'armée soviétique de ce qu'on a appelé pendant quarante ans les « Démocraties populaires », ce chapelet de pays qui s'égrènent de la Pologne à la Bulgarie avait été livré aux appétits rivaux des puissances impérialistes d'Occident.
Et lorsque, à partir de 1989, à l'approche de la dislocation de l'Union soviétique, tous ces pays ont ouvert leurs frontières et leur économie à l'Occident, les capitaux occidentaux se sont jetés sur eux et se sont appropriés tous les secteurs profitables, des banques aux grandes chaînes de distribution, des entreprises industrielles au secteur hôtelier.
La mainmise des multinationales occidentales sur l'économie de ces pays était un fait accompli avant même que les pays de l'Est aient été intégrés dans l'Union européenne. Et il n'était ni dans les intentions, ni dans les moyens de l'Union européenne de donner à ces pays les moyens de se défendre.
Bien au contraire. Toute la politique des grandes puissances impérialistes co-gérantes de l'Union européenne, l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, principalement, est de priver les pays nouveaux venus dans l'Union des moyens juridiques de peser sur la politique de l'ensemble.
Il restait dans le fonctionnement de l'Union européenne des vestiges de ses débuts, lorsqu'elle était l'association de quelques pays impérialistes seulement. Chacun des pays membres avait alors son droit de veto sur le fonctionnement de l'ensemble. D'où la coutume, consolidée par les traités, que toutes les décisions importantes devaient être prises à l'unanimité. C'est cette coutume qui est devenue inacceptable pour les puissances tutélaires dès lors qu'ont été admises dans l'Union européenne les semi-colonies de l'est de l'Europe.
Oh, même ce droit de veto politique ne pouvait pas préserver les pays de l'Est de la domination économique des grands trusts occidentaux ! Mais c'était déjà trop : ce droit de veto permettait aux petits pays au moins de marchander avec les grands. C'est pour mettre fin à cette situation qu'avait été concoctée cette fameuse « Constitution européenne » qui n'a pu entrer en application parce qu'elle a été rejetée, en 2005, par référendum en France et aux Pays-Bas.
Ce rejet a été ennuyeux pour les dirigeants européens. Mais ils ne mirent pas longtemps pour concocter un autre texte, le traité de Lisbonne, qui reprend l'essentiel du projet de Constitution. Autant dire que l'avis clairement exprimé de la population leur importait peu ! En France, la Constitution, chassée par la porte par référendum, est revenue par la fenêtre, par un vote à l'Assemblée nationale, à la botte du pouvoir.
Mais la procédure d'adoption du traité de Lisbonne n'est pas encore finie, l'Irlande l'ayant soumis à référendum... Et les référendums, c'est bien joli, mais quand on demande son avis à l'ensemble de l'électorat, il est capable de répondre non ! Ce coup-ci encore, l'électorat a répondu non. Et le faire re-voter jusqu'à ce qu'il réponde oui, ça prend du temps. Il en résulte des retards qui agacent les dirigeants politiques d'Europe.
Mais, au fond, tout cela est secondaire pour les grands groupes capitalistes. Ils ont dominé l'Union européenne avant les micmacs constitutionnels, et ils la domineront après. Et, avec ou sans le traité de Lisbonne, ils continuent à piller la partie sous-développée de l'Europe.
L'euro a été au moins une protection contre un certain type de spéculation monétaire. Le franc français, le deutschemark et quatorze autres monnaies s'étant fondus dans une monnaie unique, il n'y a plus de fluctuations possibles entre elles, ni donc de possibilités de spéculer sur l'une contre une autre. La zone euro, qui n'englobe pas l'intégralité de l'Union, a donc protégé dans une certaine mesure le commerce intra-européen.
Mais c'est une évidence que l'Union européenne n'a pas préservé l'Europe de la crise, et elle ne le pouvait pas. Au contraire : ce qui se passe depuis deux ans, depuis l'éclatement de la crise financière, révèle toutes les fragilités de cette Union, résultat de compromis entre ce qu'ils appellent les « égoïsmes nationaux » mais qui sont les égoïsmes des différentes bourgeoisies nationales.
La crise a accentué avant tout les oppositions et les inégalités entre l'Europe impérialiste et l'Europe dominée à l'Est. Elle a des contrecoups bien plus graves encore dans l'est de l'Europe où le chômage est bien plus élevé, où les monnaies nationales s'effondrent et où, sur la ruine des économies en débandade, se développent des courants politiques nauséabonds, racistes, anti-Roms ou xénophobes contre les minorités issues de nations voisines.
Mais l'alliance économique entre pays impérialistes est elle-même secouée. Tous les commentateurs soulignent, pour le déplorer ou pour s'en réjouir, que l'Union européenne s'est révélée totalement incapable de réagir face à la crise. Le seul point sur lequel se sont entendus les dirigeants des principales puissances impérialistes d'Europe est le « chacun pour soi », c'est-à-dire que chaque État aide sa propre bourgeoisie, quitte à ce que cela compromette l'Union elle-même.
Le gouvernement français a aidé PSA et Renault, celui d'Allemagne s'apprête à le faire pour Volkswagen.
Tous les États de la zone euro sont intervenus dans la crise pour accorder des subventions ou des prêts avantageux à leur bourgeoisie. Partout, cela s'est traduit par une aggravation de la dette publique, qu'évidemment chaque État cherchera à faire payer à toute sa population, soit par des hausses d'impôts, soit par des économies sur les services publics.
Mais évidemment, l'Allemagne et la Grèc, par exemple, ne sont pas dans la même situation. L'une est un État riche et n'a pas de mal à financer ce qu'elle donne à sa bourgeoisie. L'autre est un État pauvre. Mais Union européenne ou pas, il n'est pas question pour l'Allemagne d'aider la Grèce à faire face à son endettement. L'Union n'est certainement pas un mariage, pas même un PACS. Et le « chacun pour soi », aggravé par la crise, soumet l'Union européenne à des tensions susceptibles de la faire éclater.
Quant aux pays de l'Est, qui n'appartiennent pas, à deux exceptions près, à la zone euro, ils sont dans une situation plus difficile encore. Leurs monnaies nationales s'effondrent, d'autant plus qu'elles font l'objet d'une spéculation monétaire intense. Et, fait caractéristique, ce n'est pas l'Union européenne, mais le Fonds Monétaire International qui leur prête de l'argent en contrepartie de plans d'austérité de plus en plus draconiens.
Voilà comment la crise souligne les limites de l'Union elle-même.
Et puis, faut-il le rappeler, alors qu'à l'intérieur l'Union européenne est loin d'avoir transformé les frontières nationales en simples limites administratives, elle les a renforcées à l'extérieur.
L'Europe des bourgeois, c'est une Europe entourée de barbelés. Ceux qui faisaient mine dans le passé de se révolter contre le « rideau de fer » qui entourait naguère l'Union soviétique et son glacis sont en train d'ériger un nouveau rideau, électrifié cette fois-ci, pour empêcher le passage de ceux qui viennent de plus loin à l'est, d'Irak, d'Afghanistan, de Russie, du Sri Lanka, voire de Chine. Et ces nouveaux barbelés de la frontière dite de Schengen partagent parfois en deux un même peuple et séparent en tout cas des peuples voisins.
Le plus révoltant peut-être est le rideau de fer que l'on est en train d'élever en plein milieu de la Méditerranée. Les barrières électrifiées autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla et les navires de guerre qui font la chasse aux « boat people » pour empêcher des femmes et des hommes venant du Maghreb ou d'Afrique noire de passer sur l'autre rive symbolisent bien plus « leur » Europe que toutes les déclarations officielles sur les droits de l'homme.
Toute l'histoire lie pourtant les peuples des rives nord et sud de la Méditerranée, l'Europe à l'Afrique. L'histoire, mais aussi le présent. Car, sur les chaînes de production des usines d'automobiles, les travailleurs nés en France côtoient des travailleurs nés de l'autre côté de la Méditerranée plus souvent que des travailleurs originaires d'autres pays d'Europe.
Cette Europe des marchands, si sourcilleuse sur la question de la « concurrence non faussée », si prompte à réglementer à tort et à travers quand il s'agit de la circulation des marchandises, ne se soucie pas du tout, en revanche, des êtres humains. Si le marché est plus ou moins harmonisé, les droits sociaux ne le sont pas.
Et, même pour un droit aussi élémentaire que le droit des femmes à l'interruption volontaire de grossesse, l'Union européenne s'accommode parfaitement que la Pologne, l'Irlande, Chypre et Malte le refusent. Quant à Malte, elle interdit même le divorce.
Nous sommes tout à fait d'accord avec les associations qui, comme celle initiée par Gisèle Halimi, revendique « la clause de l'Européenne la plus favorisée ». Cette clause impliquerait qu'en matière de divorce, d'interruption volontaire de grossesse, mais aussi de durée du congé maternité, de protection contre les violences, la législation du pays où elle est la plus favorable pour les femmes s'applique à l'échelle de l'Europe.
Finalement, ce qui est le plus riche d'espoir dans la construction européenne du point de vue des travailleurs et de l'avenir de la société, c'est que l'Union européenne réunit dans un même ensemble géographique et économique plus de 210 millions de salariés, en activité ou au chômage. Pour le moment, ces 210 millions de prolétaires ne sont unis que dans la même inquiétude devant les licenciements et devant le chômage.
Eh bien, ils finiront par se rendre compte que, d'une extrémité de l'Europe à l'autre, on retrouve parmi nos exploiteurs les mêmes groupes industriels et financiers !
Le groupe Peugeot-Citroën n'exploite pas seulement ses travailleurs d'Aulnay, de Rennes ou de Sochaux, ici en France, mais aussi ceux de Kolin en Tchéquie, ceux de Trnava en Slovaquie ou, plus près, ceux de Vigo au Portugal, ceux de Madrid en Espagne, sans parler des usines en partenariat avec d'autres constructeurs d'automobiles en Italie ou en Russie.
Les stations-service portent les marques de la même demi-douzaine de trusts du pétrole présents partout dans le monde, comme sont présents partout les guichets des mêmes banques. Au-delà de ce qui est visible, les mêmes grands capitaux sont derrière une multitude d'entreprises industrielles ou d'enseignes commerciales qui parsèment tout le territoire de l'Union européenne.
Eh bien, ce que nous espérons, c'est que demain les travailleurs, les chômeurs de l'Union européenne soient unis par la conscience qu'ils ont les mêmes intérêts et qu'ensemble ils constituent une force capable d'imposer leur droit à une existence digne !
Alors, ce que nous avons à dire de l'Union européenne elle-même est lié, non pas à ce qu'elle est aujourd'hui, mais aux perspectives qu'elle offre aux travailleurs dans l'avenir.
Même pour se défendre face à la bourgeoisie, il faut que les travailleurs soient conscients que ceux des autres pays ne sont pas des adversaires. Ils sont plus que nos alliés. Ils sont une partie de nous-mêmes.
Le prolétariat ne pourra pas s'émanciper à l'échelle d'un seul pays d'Europe mais seulement, au minimum, à l'échelle de l'ensemble de ce continent.
Alors, tout en nous opposant à l'Union européenne et à ses institutions parce qu'elles sont toutes des instruments de la bourgeoisie, nous avons la conviction que l'unification de l'Europe est une bonne chose.
Parce que la transformation des frontières en simples limites administratives, la libre circulation des hommes et des produits, une monnaie unique pour un territoire de 493 millions de personnes, cela pourrait être un progrès. L'époque où les nations se sont construites dans le sang et la violence, où les frontières ont été établies au hasard des guerres, serait enfin vraiment révolue.
Et ce n'est nullement contradictoire avec le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et à gérer leurs propres affaires. Les frontières d'aujourd'hui morcellent bien des peuples ; et les États nationaux, sur lesquels ne s'exerce pas un véritable contrôle démocratique, réduisent souvent des minorités nationales au silence quand ils ne leur mènent pas la guerre.
Nous nous opposons à ceux, et ils ne sont pas seulement à droite et à l'extrême droite, qui jouent sur la démagogie nationaliste en tentant de faire croire que les travailleurs de ce pays auraient quelque chose à craindre des travailleurs d'au-delà des frontières et qu'ils auraient des intérêts communs avec le patronat de leur pays.
La classe ouvrière de France, comme celle d'Europe, est formée de travailleurs de toutes origines. Eux ou leurs familles ne viennent pas seulement de différentes régions de l'hexagone, mais également d'Italie, d'Espagne, du Portugal, de toute l'Europe, et aussi du Maghreb, de toute l'Afrique, d'Asie ou des Antilles. Dans les usines, dans les bureaux ou sur les chantiers, ils produisent tous pour la même économie et ils sont exploités par les mêmes capitalistes, quelles que soient leur langue ou la couleur de leur peau. La minorité de parasites qui exploitent les travailleurs, voilà les seuls étrangers au monde du travail !
Alors, unir l'Europe ? Oui, car les frontières, les drapeaux, les patries ne servent qu'à diviser les peuples et les rivalités économiques sont surtout un prétexte aux salaires bloqués et aux profits élevés.
Oui, l'unité de l'Europe, c'est l'avenir !
Il y a un siècle déjà, le mouvement communiste parlait de la nécessité des États-Unis socialistes d'Europe. Aujourd'hui, avec la multiplication encore plus grande des liens économiques, culturels, humains, entre les différents peuples d'Europe, l'Europe serait trop étriquée si elle se repliait sur elle-même.
Nous, les communistes révolutionnaires, nous sommes même les seuls à souhaiter l'unification complète de l'Europe, d'un bout à l'autre du continent, sans exclusive. Nous sommes pour que disparaissent les douanes, les barbelés qui séparent les peuples, que disparaissent ces drapeaux que les dirigeants brandissent pour jeter les peuples les uns contre les autres.
Nous sommes pour que les frontières deviennent de simples limites administratives tant que les peuples éprouveront le besoin de se démarquer d'autres peuples. Mais elles finiront par disparaître complètement.
L'avenir n'est pas aux isolements même à l'échelle européenne. Il est à l'entente fraternelle entre les peuples pour gérer enfin en commun cette planète qui est la seule patrie de l'humanité.
Venons-en aux revendications immédiates que nous reprenons à notre compte dans cette campagne électorale.
On nous parle de l'« Europe sociale ». Mais il n'y en a pas ! Quant à le revendiquer, c'est ridicule. Le « capitalisme social » n'a pas plus de sens à l'échelle de l'Europe qu'à l'échelle de la France. Le Parlement se vante, par exemple, de sa directive sur la durée maximum de travail hebdomadaire, fixée à 48 heures. Il n'y a pas de quoi ! 48 heures n'étant qu'une moyenne sur 12 semaines, cela autorise des semaines de 50, 60 heures, sans parler des dérogations.
Un autre fait d'arme du Parlement européen en matière sociale et de droits des femmes est... d'avoir voté l'autorisation du travail de nuit pour les femmes dans l'industrie !
Alors, plutôt que se gargariser de l'expression creuse d'« Europe sociale », il faut revendiquer des mesures concrètes comme l'alignement du temps de travail sur le pays où il est le moins élevé ; ou celui de l'âge de la retraite sur celui où il est le plus bas. Il faut aussi revendiquer l'harmonisation de la législation sociale par le haut, de façon à ce que les quelques protections sociales qui existent dans les pays où la situation des travailleurs est la moins défavorable, soient imposées partout.
Quant aux salaires, leur inégalité au sein de l'Union européenne est révoltante. Le Smic, par exemple, est d'un rapport de 1 à 17, de 92 euros mensuels en Bulgarie à 1570 euros au Luxembourg. Mais, dans sept pays d'Europe, il n'existe même pas.
Pourtant, avec l'intégration dans l'Union européenne, les prix ont tendance à augmenter. La vie n'est guère moins chère dans les grandes villes de l'est de l'Europe que dans celles de l'ouest, et c'est ce qui pousse les travailleurs de ces pays à des luttes pour des augmentations de salaire.
Les travailleurs de France ont toutes les raisons d'être solidaires des travailleurs qui, comme ceux de Dacia en Roumanie, luttent pour des hausses de salaire.
Ils ont intérêt à l'harmonisation par le haut de leurs conditions d'existence. C'est la meilleure façon de combattre les délocalisations, en tout cas à l'intérieur de l'Europe, sans parler de cet avantage moral, mais ô combien important, que plus les conditions d'existence des travailleurs convergent, plus s'impose l'idée que par-delà les frontières nous sommes une seule et même classe ouvrière.
Il faudra aussi que les travailleurs imposent des droits politiques égaux dans toute l'Europe, à commencer par le droit de vote pour tous ceux qui travaillent et vivent sur son sol.
Les capitalistes peuvent bien, eux, quelle que soit leur nationalité, acheter librement dans toute l'Europe des journaux ou des chaînes de télévision et peser ainsi sur la politique bien plus qu'un bulletin de vote.
Il faut supprimer toutes les lois discriminatoires à l'égard des travailleurs en fonction de leurs origines ! Et il faut partout régulariser les sans-papiers.
Mon camarade a développé tout à l'heure les exigences de survie indispensables à imposer non seulement ici, en France, mais partout dans l'Union européenne où les travailleurs sont poussés vers la misère. Pour imposer ces exigences de survie, il faudra des luttes importantes. Et nous avons la conviction que, lorsque ces luttes importantes s'engageront, elles ne s'engageront pas seulement à l'échelle d'un pays mais à l'échelle internationale, ou, en tout cas, à l'échelle de l'Europe ou d'un grand nombre de pays d'Europe.
Nous avons cette conviction qui est en même temps une perspective parce que, partout en Europe, la classe capitaliste mène la même offensive. Mais aussi parce que l'histoire nous le montre. Lorsque, se relevant de l'abattement causé par la grande crise de 1929, la classe ouvrière a relevé la tête de 1934 à 1936, ce ne fut pas qu'en France mais aussi en Espagne et, à des degrés divers, dans plusieurs pays d'Europe et du monde.
Et lorsque la classe ouvrière s'ébranlera et engagera la lutte pour se défendre, avec tous les sacrifices qu'exigent les grèves, les manifestations, les mouvements sociaux de grande ampleur, il faudra alors qu'elle mette en avant des revendications qui modifient réellement son rapport de force avec la bourgeoisie.
Il faudra alors que la classe ouvrière reprenne à son compte des objectifs qui lui permettent de contester la dictature des groupes capitalistes sur l'économie.
Même les partisans les plus acharnés de l'économie capitaliste dénoncent aujourd'hui l'absence de contrôle qui a permis d'abord que des quantités croissantes de capitaux soient orientées vers la spéculation au lieu d'être investies dans la production utile, puis que cette spéculation prenne des formes de plus en plus dangereuses avant de conduire au cataclysme. Mais ce contrôle doit être exercé par les travailleurs eux-mêmes.
Pour lutter contre le chômage et la baisse du pouvoir d'achat, il faut éclairer, rendre public tout ce qui se passe dans les finances des grandes entreprises. Il faut savoir où va l'argent quand elles spéculent au lieu d'investir. Quand elles achètent d'autres entreprises ici ou à l'étranger, il faut que l'on sache pour quoi faire et comment elles vont les utiliser.
Il faut connaître les relations entre les grandes entreprises et leurs sous-traitants, comme entre les petits producteurs et les grandes chaînes commerciales. Qui empoche les marges ? Quels sont les dessous-de-table ? Qui étrangle qui ? Pour cela, il est impératif de supprimer le secret des affaires. Et on verrait que les licenciements collectifs ne sont jamais une nécessité mais toujours un choix pour plus de profits.
Il faut que la presse, y compris la presse syndicale, ait la liberté de publier les comptes des entreprises et des banques afin que tout le monde puisse savoir quelle est la part des profits, celle des salaires, ce qui est payé et à qui.
Imposer un contrôle sur les finances des entreprises est le seul moyen d'empêcher que l'argent qu'elles accumulent soit détourné vers la spéculation financière.
Aujourd'hui, les serviteurs patentés de la bourgeoisie, à la tête des ministères, parmi les députés ou dans les médias, ne cessent de répéter qu'il fallait débloquer des centaines de milliards d'euros en faveur des banques, que c'était nécessaire pour tout le monde car il fallait sauver les banques sous peine d'une catastrophe économique bien plus grave encore. Mais sauver les banques ne signifie pas sauver les banquiers, leurs fortunes, leurs sinécures, leur mainmise sur l'économie mondiale, alors qu'ils viennent de montrer leur irresponsabilité totale !
Le programme que nous défendons par rapport à la crise financière, c'est l'expropriation de toutes les banques, leur réunification en une banque centrale unique, soumise au contrôle de ses employés mais aussi de tous les usagers des classes populaires, de tous les petits déposants.
Bien sûr, tout ce programme que je viens d'évoquer n'est pas un programme électoral. Aucune élection, aucune majorité électorale sortie des urnes, ne peut imposer des objectifs qui ne peuvent se réaliser que par la lutte de classe, menée contre la dictature des groupes industriels et financiers par une classe ouvrière puissamment mobilisée et pleinement consciente de son rôle et de ses intérêts politiques.
L'actuelle crise économique charrie d'innombrables drames individuels et collectifs. Elle a au moins l'avantage cependant de rendre plus clairs les rapports de classe au sein de la société et elle pose de façon plus visible la question : qui gouverne la société ?
Le programme dont je viens de parler, nous le défendons depuis bien des années, et pas seulement à l'occasion des élections. Mais un programme, ce ne sont que des idées qui ne deviennent une force -pour reprendre l'expression de Marx- que si les masses laborieuses s'en emparent. Eh bien, la crise peut devenir un accélérateur pour une prise de conscience du monde du travail.
Lutte Ouvrière présente des listes non pas pour changer l'Europe ni pour la rendre plus sociale car ce n'est pas à la portée du Parlement européen. Nous présentons des listes pour populariser des objectifs qui permettront aux travailleurs en lutte demain de changer le rapport de force.
Alors, j'appelle à voter Lutte Ouvrière.
Dénoncez avec nous une organisation économique et sociale injuste et porteuse de catastrophes pour la société ;
Affirmez votre conviction que l'économie doit être réorganisée sur une tout autre base que la propriété privée des usines et des banques, le marché, la concurrence et le profit ;
Marquez votre opposition radicale au gouvernement actuel, servile devant les riches et ennemi ouvert des classes populaires. Ce vote vous démarquera aussi de ceux qui veulent le remplacer car tous gouvernent au service exclusif des plus riches ;
Affirmez votre conviction qu'il faut supprimer le secret bancaire, le secret des affaires et soumettre les groupes industriels et financiers au contrôle de la population ;
Prononcez-vous pour une Europe unie d'un bout à l'autre du continent, ouverte sur le monde mais débarrassée des exploiteurs.
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 15 mai 2009