Interview de M. Bernard van Craeynest, président de la CFE-CGC à I-télé le 19 mars 2009, sur la situation sociale après l'interview de Nicolas Sarkozy sur la crise économique et financière et les mouvements sociaux.

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Média : Itélé

Texte intégral


JEAN-JEROME BERTOLUS
L'invité, aujourd'hui, c'est Bernard VAN CRAEYNEST, bonsoir !
BERNARD VAN CRAEYNEST
Bonsoir !
JEAN-JEROME BERTOLUS
Le président de la Confédération générale des cadres. Vous avez suivi, il y a quelques minutes, l'interview du Premier ministre sur TF1, c'est donc une fin de non-recevoir aux revendications des syndicats ; quelle est votre première réaction ?
BERNARD VAN CRAEYNEST, PRESIDENT DE LA CFE-CGC
Bah, la déception tout simplement parce que nous voyons bien la gravité de la situation, elle risque de se détériorer encore considérablement dans les prochaines semaines, et nous voyons bien qu'il y a des urgences. Je pense en particulier à ce qui se passe actuellement au sein de Pôle Emploi, dans les Caisses d'allocations familiales, certaines d'entre elles sont fermées parce qu'elles n'arrivent plus à gérer l'ensemble des dossiers, et on voit bien, alors qu'on va leur demander de gérer le RSA, par exemple, que ce ne sont pas les 1 700 emplois qui ont été prévus pour gérer ces dossiers qui suffisent. Donc j'ai l'impression que le Premier ministre ne prend pas conscience de l'ensemble de la gravité de la situation. Et puis il y a d'autres urgences aussi, il nous explique en substance qu'on se prépare à une sortie de crise et que ça va repartir, je dirais, presque comme en 40. Il n'empêche que sur le plan industriel nous voyons bien que nous assistons encore à des disparitions d'entreprises, d'établissements, à des destructions massives d'emplois et pour autant le plan de relance est fort peu tourné vers cette industrie qui est pourtant un gage de reprise substantielle de croissance parce que c'est là où on fait les plus forts gains de productivité, ce n'est pas dans les services à la personne. Ce qui me semble dramatique c'est qu'on n'insiste pas davantage sur la préparation de l'avenir, je veux parler des bio, des nanotechnologies...
JEAN-JEROME BERTOLUS
Il n'y a pas de politique industrielle.
BERNARD VAN CRAEYNEST
La technologie de l'information et de la communication, quand on voit le plan américain en la matière, l'Allemagne tombe de très haut, elle va sans doute repartir très vite, nous on va repartir tout doucettement mais après...
JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais alors comment on sort de ce bras de fer entre d'un côté le gouvernement, de l'autre les huit fédérations de salariés, dont vous êtes la CGC, et puis un MEDEF qui semble camper sur ses positions. Comment on sort de ça au terme de cette nouvelle journée d'action ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Eh bien, demain matin, il y a une intersyndicale qui va faire le point sur la situation et bien évidemment...
JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors quoi, ça veut dire, vous, par exemple, Bernard VAN CRAEYNEST, vous êtes favorable à une nouvelle journée d'action, une troisième journée d'action ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
S'il le faut nous le ferons bien entendu parce que vous avez pu constater aujourd'hui d'ailleurs qu'il y a une mobilisation massive du secteur privé, celui qui est le plus impacté par cette crise aujourd'hui, avec du chômage partiel, avec des destructions d'emplois et nous souhaitons peut-être, enfin en tous les cas c'est ce que nous proposerons faire en sorte d'avoir des actions plus près du terrain, dans les bassins d'emplois, dans les territoires où nous assistons malheureusement à ces disparitions d'entreprises, parce que vous savez des CONTINENTAL je crois que malheureusement nous risquons d'en connaître.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Vous êtes au courant d'autres grands plans sociaux à venir ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
J'en vois se profiler, en effet, oui.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Nicolas...
NICOLAS BARRE, DIRECTEUR ADJOINT DE LA REDACTION LES ECHOS
Ce qui est frappant cette crise est mondiale, elle est parfois encore plus violente ailleurs qu'en France et pourtant il n'y a qu'en France qu'on voit ces très grandes manifestations ; comment vous expliquez ça et est-ce qu'on ne se fait pas un petit peu des illusions d'une certaine façon sur ce que le gouvernement peut apporter une réponse ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Sur ce fait que ce soit un peu une spécificité française ce type de mobilisation, ça s'explique très simplement, vous savez. Nous avons malheureusement dans notre pays un dialogue social qui n'est pas mature...
JEAN-JEROME BERTOLUS
Contrairement à ce que dit le Premier ministre, il dit que le dialogue social ne s'est pas arrêté.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Ah bah, évidemment nous nous parlons, mais ça ne suffit pas. Encore faut-il s'entendre sur ce que nous voulons faire ensemble entre partenaires sociaux et avec le gouvernement, tracer des perspectives claires et s'y tenir. Il ne s'agit pas de se réunir tous les quinze jours pour se parler très poliment, mais sans qu'il en sorte grand-chose. C'est ce que nous constatons malheureusement. Et puis surtout il y a quand même des paradoxes, nous avons connu une loi l'an dernier censée renforcer le dialogue social, moderniser au travers d'une meilleure représentativité des organisations syndicales ; qu'est-ce que nous constatons ? Il y a près de 10 millions de salariés dans notre pays qui n'ont pas de possibilité de dialogue social collectif dans leur entreprise parce qu'il n'y a pas d'instance représentative du personnel. Alors quand le gouvernement nous explique que, par exemple, on va suivre l'injection d'argent public auprès de certaines entreprises au travers des CE, encore faut-il qu'ils existent. Vous savez, il y a 38 000 CE en France, il y a 1 200 000 entreprises qui emploient des salariés, cherchez l'erreur, faites la différence et vous voyez qu'il n'y a pas ce dialogue social dans les entreprises et nous représentons les salariés qui souffrent actuellement, nous leur donnons une possibilité de s'exprimer au travers de journées d'actions, telle celle d'aujourd'hui.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Cherchez l'erreur ! Merci beaucoup, Bernard VAN CRAEYNEST, et donc vous n'excluez pas une nouvelle journée d'action.
Source http://www.cfecgc.org, le 26 mars 2009