Texte intégral
STEPHANE SOUMIER
Bernard VAN CRAEYNEST le président de la CGC est donc avec nous, bonjour Monsieur VAN CRAEYNEST.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Bonjour.
STEPHANE SOUMIER
C'est intéressant effectivement, d'entendre la voix syndicale sur le G.20 parce qu'on ne l'entend absolument pas ; D'ailleurs ce n'est absolument pas une critique. Je comprends que vous ayez en ce moment bien d'autres préoccupations, de manière immédiate. Mais justement, justement, justement il y a une question, mais vraiment alors, qu'il faut poser au président de la CGC parce que c'est une question qu'on ne pose qu'aux cadres quand même. Il y a derrière l'ensemble de cette dérive, Monsieur VAN CRAEYNEST, des dérives de rémunération, qu'on met de temps en temps en avant et notamment sur le fait que le variable est devenu aujourd'hui dans pas mal de secteur, une clé de la rémunération des cadres. Comment est-ce que vous réfléchissez à cela, et qu'est-ce que vous pouvez me dire là-dessus ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Ca fait très longtemps que nous réfléchissons à cela et ça fait très longtemps que je dénonce l'évolution des systèmes de rémunérations dans un certain nombre d'entreprises. Dans les banques on voit bien que c'est un système complexe et schizophrène, parce que faire davantage d'argent parfois c'est pour améliorer le rendement de l'épargne des particuliers ; ce que, en tant que particuliers nous attendons également. Mais c'est aussi, on l'a vu, entrer dans un monde virtuel et jouer en Bourse de manière totalement déconnectée avec de l'économie réelle et des systèmes de production.
STEPHANE SOUMIER
Oui, mais est-ce que les cadres ne sont pas demandeurs, enfin un certain nombre d'entre eux en tout cas, de davantage d'individualisation ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Ah c'est...
STEPHANE SOUMIER
Quand on est cadre, on n'aime pas être dans un lot commun. Voilà, enfin ce que...
BERNARD VAN CRAEYNEST
Oui, ça fait 20 ans que j'entends cela. 21 ans pour être précis.
STEPHANE SOUMIER
Et vous vous battez contre ça Monsieur VAN CRAEYNEST. C'est ça, l'idée ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Eh bien nous nous battons pour faire en sorte que le système soit juste, cohérent et lisible parce qu'on sait bien qu'un système d'individualisation par définition, qui est-ce qui juge de la performance ? C'est un supérieur hiérarchique. C'est donc un Etre humain et l'Etre humain est faillible. L'Etre humain fait preuve souvent se subjectivité. Donc non seulement il faut qu'il y ait des garde-fous et qu'il y ait des possibilités de recours, qu'il y ait une transparence dans le système, mais il ne faut pas que ce système qui plus est, devienne trop dominant. Chacun a droit quand même à un certain nombre d'assurances, une part fixe majeure dans son système de rémunération parce que, privilégier cela c'est par définition privilégier le court terme, avec les conséquences que l'on mesure, y compris sur le fonctionnement d'une entreprise, voire les risques que cela lui fait prendre.
STEPHANE SOUMIER
Deux éléments, donc vous venez de le dire. L'idée d'une objectivité des critères et une chimère, çà c'est votre expérience, comme vous le dites, 21 ans au coeur des entreprises, c'est une chimère. D'accord, Monsieur VAN CRAEYNEST ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Malheureusement, trop souvent, oui.
STEPHANE SOUMIER
L'autre question et celle-là n'est pas politiquement correcte. Les cadres doivent-ils absolument participer à l'effort commun quand l'entreprise est en difficulté ? En gros tout le monde dit, tout le monde se félicite de l'accord passé chez RENAULT, sauf certains des cadres que je rencontre. Donc, les cadres qui doivent donner certains de leurs jours de RTT, pour aider à une indemnisation totale du chômage partiel.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Vous avez raison, et quand vous dites certains des cadres que vous rencontrez, vous pouvez y ajouter globalement, la CFE CGC ; tout simplement parce qu'il faudrait là aussi être un peu objectif et cohérent. C'est très gentil ce mot de « solidarité » ; On le met à toutes les sauces. Je voudrais simplement rappeler que nos collègues donnent déjà beaucoup et que de ce point de vue-là ça suffit. Les patrons devraient avoir un peu de décence et arrêter de leur demander le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière.
STEPHANE SOUMIER
Bon. Dur à dire quand même en ce moment Monsieur VAN CRAEYNEST. Non. On peut avoir le sentiment quand même qu'il faut tous qu'on se serre les coudes. Et qu'on est quand même, quoi qu'on en dise, nous cadres, un peu privilégiés par rapport aux équipes de production qui sont à l'arrêt, pur et simple.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Vous avez parfaitement raison. Simplement on est prêt à discuter de cela et c'est ce que nous faisons ; nous l'avons fait chez RENAULT et nous le faisons dans d'autres entreprises. Simplement, il faudrait quand même qu'on puisse discuter de tout cela dans un sens comme dans l'autre. Je veux dire par-là que lorsque la situation s'améliore, qu'on arrête de mettre la pression sur l'encadrement au travers de ces forfait / jour pour finalement les faire travailler plus sans les payer davantage. Et j'aimerais également qu'en terme d'équité eh bien nos grands dirigeants, alors encore une fois, quelques-uns de très grands groupes nous fassent la démonstration qu'eux-mêmes contribuent plus largement à la solidarité.
STEPHANE SOUMIER
Oui... voilà... dernière question, forcément une question ... mais alors je vous demande une réponse en dix secondes, parce que votre réponse pourrait dure une heure, donc... forcément, ce qui s'est passé vendredi à la SNCF, est-ce qu'on est à la veille, la question est très simple, d'un big-bang syndical.
BERNARD VAN CRAEYNEST
Ah, ça démontre que la loi du 20 août a des conséquences majeures sur le paysage syndical et le cas de la SNCF est un cas exemplaire et je pense, puisque cette entreprise va revoter dans deux ans, qu'on verra encore dans deux ans, sans doute de nouvelles évolutions. En tout état de cause, il y avait huit organisations, il n'y en a plus que quatre autour de la table, il n'y en aura même peut-être plus que trois dans deux ans.
STEPHANE SOUMIER
Vous vous sentez menacé ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Eh bien je n'attendais pas grand-chose de cette élection...
STEPHANE SOUMIER
Non, non pas à la SNCF, mais derrière on sent bien qu'il y a un mouvement qui s'enclenche. Est-ce qu'il peut vous menacer ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Eh bien écoutez, chacun est menacé à plus ou moins grande échelle ici ou là. C'est en tous les cas pour cette raison entre autres que je propose que nous fassions mouvement pour rassembler les forces, de manière à faire en sorte que l'expression collective puisse continuer à exister dans toutes les négociations, à tous les niveaux.
STEPHANE SOUMIER
Donc vous plaidez à nouveau pour un mariage ?
BERNARD VAN CRAEYNEST
Absolument.
STEPHANE SOUMIER
Merci Monsieur VAN CRAEYNEST. Merci d'avoir été avec nous.
Source http://www.cfecgc.org, le 16 avril 2009