Entretien de M. Bruno Le Maire, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, dans "Le Monde" du 19 mai 2009, sur les élections européennes.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral


Q - Pourquoi un tel désintérêt des électeurs pour le scrutin européen du 7 juin ?
R - Je crois qu'on paie un certain nombre d'erreurs du passé. On n'a pas assez expliqué l'Europe. On lui a reproché toute sorte de choses. On le paie aujourd'hui. Et une campagne, c'est un débat. J'ai le sentiment, comme membre de la majorité présidentielle, que nous sommes parfois un peu seuls sur le ring à présenter des propositions concrètes alors que, dans les autres formations politiques, j'entends beaucoup d'attaques personnelles contre le chef de l'Etat.
Q - Craignez-vous un vote sanction ?
R - Non, car nous avons apporté la preuve, avec le président de la République, que nous savions conduire l'Europe dans la bonne direction.
Q - Qui est aujourd'hui votre principal adversaire ? Le PS, le MoDem ?
R - L'abstention. Si elle est forte, cela voudra dire que les députés français élus au Parlement souffriront d'une légitimité amoindrie.
Q - Partagez-vous l'irritation de Daniel Cohn-Bendit, qui accuse François Bayrou de détourner les européennes au profit de la future présidentielle ?
R - Sur ce sujet précis, Daniel Cohn-Bendit parle d'or. François Bayrou confond deux élections et deux moments. Il ne parle que de lui, de son destin et de l'élection présidentielle, alors que l'enjeu est de savoir si l'Europe est capable de se saisir de son destin, au moment où l'histoire s'accélère sous nos yeux.
Q - Mais à quoi cela sert-il de voter aux élections européennes ? On a l'impression que les jeux sont faits, que le président de la Commission européenne, M. Barroso, sera reconduit.
R - Le Parti populaire européen s'est effectivement exprimé sur le sujet, mais c'est le Parlement qui décidera. Le Parlement a un vrai pouvoir sur la nomination de la Commission et de son président. Et le Parlement européen a une culture du compromis, de l'intérêt général européen, qui, si elle pouvait se développer en France, serait une très bonne chose.
Q - La gravité de la crise économique n'étouffe-t-elle pas le débat ?
R - La crise a bon dos ! Les citoyens qui souffrent de la crise réclament au contraire des explications sur l'Europe et des solutions par l'Europe. Des fonds européens ont été mis en place pour aider les salariés licenciés. La banque européenne d'investissement a prêté 7 milliards d'euros aux constructeurs automobiles européens. Mais qui le dit ?
Q - L'Europe ne s'est-elle pas diluée en s'élargissant ?
R - L'élargissement a été le grand accomplissement européen des dix dernières années. Il a permis, après la chute du mur de Berlin en 1989, de faire de l'Europe un continent de la liberté et de la démocratie. Mais aujourd'hui si nous voulons une Europe politique forte, il faut lui donner des frontières et dire qu'après les Balkans on arrête l'élargissement. La majorité présidentielle est la seule formation politique à le dire aussi clairement.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 mai 2009