Interview de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, à La Chaîne Info le 19 mai 2009, noamment sur la crise chez les producteurs de lait, le travail du dimanche, les investissements dans les collectivités locales et dans les PME et les frais de représentation dans les ministères.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Crise et colère chez les producteurs de lait, un accord avait pourtant été trouvé en novembre sur une baisse encadrée des prix. Est-ce que le Gouvernement a manqué de vigilance, manque de vigilance à l'égard des grandes surfaces ?
 
Non. Je crois d'abord que c'est un problème européen et qu'on a besoin de plus d'Europe. C'est-à-dire un système qui permette de réguler les cours, parce que il y a une spéculation aussi, il y a une très forte spéculation sur le lait. Et ça fait des variations de prix du lait qui sont subies évidemment par les producteurs.
 
Problème franco-français cette fois-ci, le travail du dimanche. La proposition de loi a été déposée hier. Les grandes surfaces alimentaires sont exclues des dérogations. Pourquoi ? Il y a du travail, c'est le dimanche qu'on achète des gâteaux et qu'on se nourrit ?
 
Les gâteaux, il n'y a pas de problème, il y a plein de petits commerces qui vendent des gâteaux, ne vous inquiétez pas si vous voulez en acheter.
 
Mais ce n'est pas eux qui créeront les emplois. Est-ce que vous ne vous tirez pas une balle dans le pied ?
 
Je crois que les grandes surfaces, par rapport aux petits commerces et par rapport à la dévitalisation des centres-villes, jouent un rôle néfaste de ce point de vue-là.
 
Est-ce que vous avez une idée du nombre d'emplois...
 
Je suis content de la mesure d'ouverture du dimanche, parce que c'est une vraie mesure de relance.
 
Combien d'emplois ?
 
Combien ça va créer ? Quelques milliers. Cela va surtout en protéger, parce que comme vous le savez, il y a déjà 3,5 millions de personnes qui travaillent le dimanche, et en même temps, ils sont dans une situation juridique instable. Et parfois on voit par des mesures de justice qui sont rendues en application de la loi, bien que des magasins soient ouverts depuis des années, ils sont contraints de fermer. C'est une absurdité. Dans les zones touristiques, on se prive des recettes qui sont données par les touristes. C'est quand même... Par exemple, à Lille, les gens vont faire leurs courses en Belgique parce que là c'est ouvert le dimanche. On n'est quand même pas obligés de se créer des chômeurs de cette manière.
 
Des référendums dans les entreprises où il y aurait des contestations sur la dérogation sur le travail du dimanche, c'est une bonne idée ?
 
Le débat parlementaire le dira. Mais en tous les cas, il faut des garanties pour les salariés qui ne veulent pas travailler le dimanche.
 
18.700 collectivités locales vont investir 19 milliards de plus qu'en année usuelle. Est-ce que les communes...
 
18.000...
 
18.000 collectivités locales, 19 milliards. Est-ce que les communes ne sont pas en train de faire le travail de l'Etat, la relance à la place de l'Etat ?
 
Mais la relance, ce n'est pas seulement l'affaire de l'Etat, c'est l'affaire de tout le monde, c'est une mobilisation générale. J'essaye, je tente, de mobiliser l'ensemble du pays contre la crise, et ça marche plutôt bien. Je suis content des collectivités locales, toutes, gauche, droite confondues, se sont mobilisées pour ça, pour créer de l'emploi, 70 % de l'investissement public vient des collectivités locales, il ne faut pas l'oublier.
 
Une idée francilienne pour développer les transports en commun, c'est vert, c'est de la relance : faire payer plus cher le stationnement, plus cher les amendes, peut-être faire un péage urbain. Ca, c'est ce que propose le Conseil économique et social francilien. Vous êtes élu de cette région, vous approuvez ?
 
Je ne suis pas favorable à une mesure qui accroît les coûts de transport des Franciliens.
 
Ca va dans le transport en commun, ils n'ont qu'à prendre le train...
 
Vous avez pris les transports en commun en banlieue ? Ils sont surchargés, ils sont bondés, ils marchent très mal. Si les gens prennent leur voiture, c'est parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Alors vous voulez encore leur mettre sur le dos d'autres inconvénients ! C'est déjà très difficile de se déplacer quand on habite en banlieue, à Paris on est très bien servis par les transports en commun, mais quand on est en banlieue, et surtout en banlieue éloignée, c'est d'ailleurs les gens les moins favorisés qui habitent le plus loin, qui ont les plus longs déplacements de travail, et vous allez encore les pénaliser ? Franchement, ce n'est pas juste.
 
Faut-il une prime à la casse pour les poids lourds, comme le réclament les professionnels du transport ?
 
Je ne le crois pas. D'abord, parce qu'il n'y a pas énormément de production à espérer de ce côté-là, il n'y a pas énormément de production française à espérer de ce côté-là. Et ensuite, c'est une mesure peu lisible et qui aura une faible incitation sur le marché.
 
Mesure très lisible, une proposition du Conseil d'orientation de l'emploi : suspendre les plans sociaux, obliger les entreprises soutenues par votre plan de relance à embaucher des jeunes. Vous approuvez cette méthode dure ?
 
Non, je n'approuve pas cette méthode dure parce que les entreprises sont les meilleures juges de leur adaptation à l'emploi...
 
Il y a de l'effet d'aubaine, on prend argent de la relance et on n'embauche personne, on le sait...
 
Ce n'est pas vrai. D'abord, on embauche les gens quand on a besoin. Je prends une mesure, par exemple, comme zéro charges pour les très petites entreprises. Nous sommes à plus de 150.000 embauches sur l'année 2009. Donc ce n'est pas un effet d'aubaine.
 
Les très petites entreprises et les PME, 60 % d'entre elles justement, d'après la Sofres pour La Tribune, considèrent que le plan de relance ne fonctionne pas, est en retard. C'est vrai ?
 
Non, ce n'est pas vrai. Mais elles attendent d'en avoir plus d'effet. Si je prends l'automobile par exemple, le plan de relance a eu beaucoup d'effet sur l'automobile puisque la vente d'automobiles sur le premier trimestre 2009 a à peu près augmenté de 20 %, ce qui est important. Dans les très petites et les moyennes entreprises, on n'a pas un effet aussi important. Mais ça vient, et ça va venir, notamment avec le développement des chantiers. On a ouvert déjà 350 chantiers d'Etat mais à cela, vont s'ajouter tous les chantiers des collectivités locales, les fameux 19 milliards dont vous avez parlé, qui s'ajoutent d'ailleurs à l'investissement normal, c'est-à-dire que ça va faire 53 milliards par les collectivités locales en tout, d'investis sur l'année 2009, qui s'ajoutent à toutes les mesures qui ont été prises en faveur des PME, à ce que font aussi les entreprises publiques, toutes les entreprises publiques - La Poste par exemple, ouvre plus de 1.000 chantiers de rénovation ; EDF même chose. Donc cela s'ajoute à ça. Et puis, les entreprises privées sont en train, elles aussi, de se mettre au plan de relance.
 
Les contrats aidés ont l'air, eux, en panne. Les collectivités, les associations se plaignent, ça ne va pas assez vite.
 
C'est vrai, c'est plus difficile les contrats aidés.
 
Pourquoi ?
 
Parce que les collectivités locales, ça leur fait des charges supplémentaires, même si l'Etat en prend une grande partie en charge, et elles hésitent. Mais nous avons un important travail de mobilisation à faire là.
 
Où est passé le groupe de Dubaï, intéressé par Continental, le groupe MAG, que vous aviez accueilli avec ostentation ?
 
Je ne l'ai pas accueilli avec ostentation, je l'ai accueilli tout simplement. On lui refusait les portes et il y avait un seul repreneur, et on ne voulait même pas le recevoir !
 
Et où est-il ce groupe ?
 
Il est en train de faire sa proposition ; il a rencontré les syndicats, il a rencontré les dirigeants de Continental, et il est train de faire une proposition. J'espère que ça marchera.
 
Relèverez-vous le montant des travaux nécessitant enquête publique, ou accepterez-vous les craintes des écologistes qui disent que si on ne peut pas faire d'enquête publique en dessous d'un certain niveau, on va faire n'importe quoi dans le pays ?
 
C'est très simple, le chiffre date de 19...les enquêtes publiques quand il y a des travaux publics, le seuil est à 1,9 million euros. Ce chiffre date de 1985. Je propose simplement qu'on tienne compte de l'inflation et qu'on le rajuste...
 
A combien ?
 
Ça fait 4,9 millions à peu près.
C. Allègre, ministre de l'Innovation, ministre d'un MITI, ce serait un allié pour vous ou un rival au Gouvernement ?
 
C'est un homme qui a du talent, je ne vois d'ailleurs pas un Gouvernement en forme de rivalités.
 
Il serait le bienvenu pour donner un coup de main ?
 
Oui, bien sûr, on a besoin de tout le monde.
 
Créer une tranche supérieure d'impôts sur le revenu, c'est-à-dire, 45 % d'impôts sur le revenu pour ceux...
 
Décidément, les charges vous aimez ça !
 
...pour ceux qui gagnent plus de 200.000 euros par an, ce n'est pas ma revendication, c'est une idée de F. Hollande.
 
Oui, c'est la même chose, c'est toujours plus d'impôts, c'est le système socialiste.
 
C'est parce que le bouclier fiscal a favorisé les riches et qu'on peut leur demander un petit effort en ce moment, non ?
 
Le bouclier fiscal n'a pas favorisé les riches, il a permis à la France de ne pas perdre son argent qui fiche le camp à l'étranger. Le bouclier fiscal a un objectif, et un seul en réalité, le plus important, c'est que notre argent reste en France au lieu d'aller dans tous les paradis fiscaux qui nous entourent : le Luxembourg, la Suisse, la Belgique, Monaco. Je préfère que l'argent soit investi en France plutôt qu'ailleurs.
 
Pour que l'argent de l'ISF soit investi en France, il y a une déduction, jusqu'à 50.000 euros, on peut investir dans les PME. Ça va monter à 100.000 euros, vous le garantissez ?
 
En tous les cas, ça a bien marché l'année dernière, puisqu'on a eu près d'un milliard investi dans les PME par ce système, et je pense que cette année, ça va être plus fort.
 
Le député socialiste R. Dosière veut inspecter le train de vie des ministres. 50 millions d'euros de communication pour 20 ministères, 20.000 euros mensuels de frais de représentation en moyenne par ministre alors que les salaires de ministres avaient été revalorisés il y a quelques temps, après les fonds secrets pour financer ces frais de représentation.
 
Les salaires des ministres n'ont pas été revalorisés...
 
2002, l'action de J.-F. Copé auprès de J. Chirac, on remis avait à hauteur pour éponger les fonds secrets !
 
Pas du tout ! On a blanchi, il n'y a pas eu d'augmentation. Ce qui était payé en liquide a été payé officiellement et imposé, et fiscalisé.
 
Et il y a encore 20.000 euros mensuels en moyenne par ministre. Vous reconnaissez quelques abus dans les ministères sur les frais ?
 
Que le Parlement contrôle, c'est normal, il est à sa place et il doit le faire.
 
R. Dosière est le bienvenu ?
 
Bien sûr, il faut que le Parlement contrôle, il n'y a pas de doute à ce sujet. Mais je ne crois qu'il y ait d'abus.
 
Le PS conteste un clip pour les élections européennes. Ce clip fait la part belle à N. Sarkozy, à son action, donc à l'UMP dit le PS, qui veut le retrait de ce clip. Etes-vous d'accord avec ce retrait pour apaiser les esprits ?
 
Non, je ne suis pas d'accord. On ne peut pas enlever le bilan de N. Sarkozy.
 
C'est de la pub pour l'UMP aux européennes...
 
Pourquoi est-ce de la pub pour l'UMP ? C'est le bilan de la France, il était président de l'Union européenne, et c'est le bilan de l'Europe. Quand on est intervenu en Georgie, et qu'on a permis la paix avec la Russie, ça ne compte, on n'a pas le droit d'en parler parce que cela ferait de la peine au PS ? Lorsque N. Sarkozy, président de l'Union européenne intervient sur la scène internationale pour lutter contre la crise, le premier avec G. Brown, on n'a pas le droit d'en parler parce que cela fait de la peine au PS ? C'est idiot !
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 mai 2009