Texte intégral
C. Barbier.- Vif incident hier soir sur France 2 entre F. Bayrou et D. Cohn- Bendit, le premier reprochant au second d'anciens écrits sur la sexualité des enfants, ayant soulevé à l'époque une polémique sur le laxisme envers la pédophilie. De quel côté êtes-vous : Bayrou ou Cohn-Bendit ?
Je suis du côté du débat européen. Je n'ai pas vu cet incident parce que nous étions près de 5.000 personnes à la Porte de Versailles, avec R. Dati et puis tous nos colistiers, tous nos coéquipiers, pour un dernier grand meeting national. J'ai trouvé ça, parce que j'en ai vu, assez misérable, que Bayrou attaque Cohn-Bendit de cette manière-là. Donc misérable. Mais franchement, je n'ai pas envie de parler de ça, j'ai envie de parler du discours d'Obama hier au Caire, j'ai envie de parler des Journées de l'environnement, j'ai envie de parler de la crise et comment on s'en sort en étant européen et patriote en même temps. C'est cela qui m'intéresse, ce n'est pas ce type de...
On va en parler, mais globalement, la campagne de Bayrou dans ces européennes, comment la jugez-vous ?
Il n'a pas vraiment parlé des européennes, il s'est trompé d'élection, enfin, plus précisément il a voulu faire, trois ans avant, l'élection présidentielle qui est son obsession. Regardez le bouquin qu'il a sorti, c'est une sorte de brûlot contre N. Sarkozy, il n'y a pas de questions européennes dedans. Donc, je pense que c'est ça qui va être sanctionné, c'est qu'on ne peut pas... il faut respecter les gens, il faut respecter les électeurs, c'est un débat européen. On sait bien qu'il est difficile, on sait bien que c'est difficile de parler d'Europe, parce qu'on n'en a pas parlé depuis 30 ans. Donc, c'était l'occasion, c'est l'occasion, encore jusqu'à dimanche, de parler des questions de la France en Europe, de l'Europe dans le monde, il y a des raisons de parler de tout cela.
Vous connaissez bien aussi D. Cohn-Bendit, vous avez longtemps, souvent échangé avec lui. C'est un faux opposant à N. Sarkozy. Il y a une vraie connivence ?
Non, c'est un opposant, il n'a pas les mêmes idées, ça n'empêche pas de se parler. Mais je veux dire qu'à gauche, Cohn-Bendit c'est le seul vrai européen actuellement ; à gauche, c'est le seul qui a parlé de l'Europe, qui a des convictions, qui est crédible, qui en parle intelligemment. Donc les gens de gauche, qui ne voudraient pour nous, parce qu'il y a des gens de gauche qui vont voter pour nous, il y en a même sur nos listes... M. Gallo, elle vient de chez Chevènement, elle est sur ma liste, et j'espère qu'elle sera élue dimanche, et nous sommes sincères sur ce projet. Mais les gens qui veulent voter à gauche dimanche, et qui veulent voter en même temps européen, ils vont voter Cohn-Bendit.
Ca vous arrange, ça fait baisser le PS...
Non, ça me m'arrange pas, c'est ce que je constate parce que, au bout d'un débat de plusieurs mois, on voit bien qui dit quoi, qui fait quoi. J'ai dit "misérable" pour cette polémique parce qu'elle est misérable. Je préfère qu'on parle des vrais sujets. En quoi le discours d'Obama hier nous interpelle ? En quoi il nous oblige à avoir une politique étrangère, une politique de défense ? Voilà une question qui m'intéresse.
Il faut le soutenir sans réserves ce discours d'Obama ?
Non, enfin, on ne va pas soutenir sans réserves, on n'a pas de raison de soutenir sans réserves, il y a des raisons propres aux Etats-Unis de se réconcilier avec le monde musulman et le monde arabe, puisque il y avait eu depuis la guerre en Irak beaucoup de ruptures et d'incompréhension. Donc c'est bien que les Etats-Unis retrouvent leur place de manière positive. Ils nous obligent, nous, Européens, à avoir une vraie politique de défense et une vraie politique étrangère.
Et est-ce qu'ils nous obligent à durcir le ton envers les Israéliens dont le Gouvernement fait la sourde oreille ?
Non, à garder la même ligne, à dire aux Israéliens : cessez les colonisations, reconnaissez que pour votre propre sécurité - nous ne transigerons jamais sur la sécurité d'Israël -, il faut un Etat palestinien. Que le Président américain dise : "la feuille de route est toujours là", c'est ce que nous disons, nous, Européens, et c'est bien qu'on le dise ensemble parce que... Je veux dire "Yes we can", comme disait Obama pendant sa campagne, mais "But not alone". Les Américains ne peuvent pas tout seuls régler les problèmes au monde.
Puisque l'heure est donc à une certaine forme de réconciliation avec le monde musulman, il était donc très importun, très impertinent, de mettre la Turquie au coeur de la campagne de l'UMP, et de dire "non" aux Turcs, c'est-à-dire "non" à un pays musulman ?
Non, ça n'a rien à voir, ce n'est pas le sujet. Le sujet c'est : est-ce que l'Europe a des frontières ? J'ai été très marqué par l'échec du référendum il y a quelques années, il y a quatre ans. Et pourquoi ? J'ai écouté les gens qui ont voté "oui" et des autres qui ont voté "non". Il y a d'ailleurs sur ma liste des gens qui ont voté "non" ici en Ile-de-France. Et nous avons dépassé, grâce à N. Sarkozy, ce clivage. Quelle est la raison du vote négatif il y a quatre ans ? Une grande raison, c'est que l'idée des gens c'est que l'Europe n'a pas de frontières, qu'elle n'a pas de limites, c'est une sorte de fuite en avant, on va perdre notre identité, notre âme. Il faut que l'Europe ait des limites, c'est notre projet. L'Europe - Bruxelles -, ne doit pas s'occuper de tout, et il faut qu'elle ait des frontières, les frontières c'est celles du continent européen. Et la Turquie, avec laquelle nous voulons garder un dialogue, qui est engagée depuis 1963, qui pourra accéder à beaucoup de nos politiques, n'accédera pas à nos institutions parce qu'elle n'est pas en Europe, c'est aussi simple que ça.
Et l'Islande, qui frappe à la porte ?
Mais l'Islande, elle est plutôt du côté européen, comme la Norvège pourrait un jour rentrer dans l'Union si elle le souhaitait. Même la Suisse.
Qui a voté plusieurs fois contre.
Oui mais c'est leur affaire, c'est leur affaire souveraine d'entrer dans l'Europe et elles sont les bienvenues.
N. Sarkozy vous a demandé de rester à votre poste pendant cette campagne européenne, votre poste de ministre de l'Agriculture. Le regrettez-vous ?
Non, je ne le regrette pas, et d'ailleurs c'est son choix, et c'est un peu son tempérament. Vous l'avez vu pendant la présidence aller au front, aller au-devant des problèmes pour trouver des solutions, la Géorgie, la crise. Et donc, ce qu'il m'a demandé, c'est de rester à mon poste pour traiter les dossiers, pour trouver des solutions. Il y a eu des crises qu'on pouvait prévoir, comme celle du lait, il y a d'autres difficultés, parce que dans ce ministère il faut gérer beaucoup de crises - climatique, sanitaire, économique - en même temps. Donc il m'a demandé de rester jusqu'au bout. Je ne le regrette pas, et en même temps, quand on est ministre de l'Agriculture et de la Pêche, on est ministre de deux politiques qui sont totalement européennes, donc c'est assez logique.
Le prix du lait, les producteurs ne sont pas contents ; ils vous accusent d'avoir acheté la paix électorale pendant trois jours, avec un vrai faux accord ?
Cela n'a rien à voir. Aujourd'hui même, la paye du mois de mai va arriver. Donc, c'était ça l'échéance, ça n'avait rien à voir avec les élections européennes. Je n'ai rien acheté du tout. J'ai trouvé un accord - enfin je n'ai pas trouvé, j'ai facilité un accord - entre les différentes familles qui ne se parlaient plus : les producteurs, les coopératives, les industriels. C'était beaucoup mieux d'avoir un accord même, s'il n'est pas satisfaisant. On sait bien que tout le monde a fait un effort ; il y en a qui demandaient à payer moins, d'autres qui souhaitaient recevoir plus pour leur travail. On a trouvé un accord qui est un compromis. Et s'il n'y avait pas eu d'accord, qu'est-ce qui se serait passé ? Vous auriez aujourd'hui les éleveurs, les agriculteurs en face, chacun, de leur industriel, dans un dialogue extrêmement dur et difficile. Donc, on a un accord qui donne une lisibilité sur l'année 2009, avec un prix moyen. J'ai apporté, parce qu'il y a beaucoup d'entreprises agricoles, beaucoup d'exploitations qui sont en difficulté, 30 millions d'euros pour aider, sous les formes de charges fiscales, de charges d'emprunts - les banques vont nous aider aussi - des investissements pour les jeunes. Et puis, on va se battre aussi parce qu'il y a une autre dimension du problème de la crise laitière qui va continuer : on va continuer à se battre pour avoir une politique agricole qui tienne le coup, qui ait des régulations, qui maîtrise le marché.
Les quotas, des prix garantis, et tout le monde est content.
Non, ce n'est pas des prix garantis, c'est des quotas pour maîtriser la production, parce qu'on ne peut pas traiter, C. Barbier, l'alimentation, le lait, les fruits et légumes, le porc - les dossiers en crise - comme on traite les ordinateurs ou les voitures. L'alimentation on ne peut pas la laisser à la seule loi du marché, qui est toujours la loi du moins disant.
Vous êtes sûr d'être élu dimanche au Parlement européen de Strasbourg. Quand quitterez-vous le Gouvernement ? Lundi matin ou cinq minutes avant d'aller siéger début juillet ?
Il y a quelques semaines de délai au moment où il faut choisir. Naturellement, ça ne prendra pas du temps. Je comprends votre impatience. Moi aussi j'ai la patience d'être totalement dans le débat européen. C'est le président de la République qui va fixer le moment où le Gouvernement sera remanié ; il l'a dit, ce sera dans les jours qui suivront l'élection européenne.
Est-ce que X. Bertrand n'a pas capté, n'a pas confisqué, le leadership de cette campagne alors que ça devait être vous, en politisant la campagne ?
Mais non, X. Bertrand est le responsable du mouvement, il est secrétaire général, c'est lui qui avait le leadership de cette campagne. Depuis le début, les rôles sont clairs : il est le chef d'équipe, il est le secrétaire général du principal parti de la majorité présidentielle, et nous avons toujours été en confiance. J'étais à ses côtés en charge d'élaborer ce projet. Ce projet ce sont trente propositions, parce qu'on a pris cette élection au sérieux, très au sérieux, les électeurs au sérieux ; on a fait trente propositions qui peuvent être consultées sur notre site ump2009.eu, qui sont en débat, qui sont notre feuille de route pour les cinq ans qui viennent. C'était mon rôle, avec la formidable équipe de l'Ile-de-France et les formidables équipes qu'on a dans les sept autres régions y compris en métropole et Outre-mer.
Malgré R. Dati et les critiques sur sa motivation réelle à être candidate ?
Et pourquoi "malgré" ? Avec elle, parce qu'elle apporte une vraie valeur ajoutée, sa personnalité. Moi je l'ai vue tout au long de cette campagne, on a fait des dizaines de réunions avec Rachida, qui ont été formidables. C'est d'ailleurs l'une des raisons de la confiance que nous feront les Franciliens, je pense.
Dimanche soir, à quel niveau estimez-vous que l'UMP aura vraiment gagné ? 20 % ou 25 % comme dit J.-F. Copé ?
Je peux dire simplement que nous espérons être en tête. Après, c'est le plus de voix, le plus de confiance possible, le plus d'élus possible, mais franchement, c'est trop tôt ou trop tard pour faire des pronostics.
C'est l'abstention qui va gagner dimanche soir ?
C'est un vrai problème qui m'interpelle. Je crois que le premier combat qu'on a essayé de mener, peut-être imparfaitement, c'était de faire reculer l'abstention, et tout point qu'on gagnera sur l'abstention sera des points gagnés pour la démocratie européenne.
Et vous faites campagne pour J.M. Barroso ? C'est votre candidat pour la Commission européenne ? C'est le candidat du PPE, de la droite ?
Je fais campagne pour que le PPE soit en tête, en France et en Europe. Ce n'est pas une formalité, l'élection. Respectons ce temps-là, et on verra ensuite si JM. Barroso veut ou non être candidat. Moi je pense que c'était un bon président. Maintenant, la ligne de la future Commission devra être forcément différente, parce qu'il va falloir tirer les leçons de la crise, et mettre en place des régulations, une gouvernance européenne qui n'existait pas forcément jusqu'à maintenant.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 juin 2009
Je suis du côté du débat européen. Je n'ai pas vu cet incident parce que nous étions près de 5.000 personnes à la Porte de Versailles, avec R. Dati et puis tous nos colistiers, tous nos coéquipiers, pour un dernier grand meeting national. J'ai trouvé ça, parce que j'en ai vu, assez misérable, que Bayrou attaque Cohn-Bendit de cette manière-là. Donc misérable. Mais franchement, je n'ai pas envie de parler de ça, j'ai envie de parler du discours d'Obama hier au Caire, j'ai envie de parler des Journées de l'environnement, j'ai envie de parler de la crise et comment on s'en sort en étant européen et patriote en même temps. C'est cela qui m'intéresse, ce n'est pas ce type de...
On va en parler, mais globalement, la campagne de Bayrou dans ces européennes, comment la jugez-vous ?
Il n'a pas vraiment parlé des européennes, il s'est trompé d'élection, enfin, plus précisément il a voulu faire, trois ans avant, l'élection présidentielle qui est son obsession. Regardez le bouquin qu'il a sorti, c'est une sorte de brûlot contre N. Sarkozy, il n'y a pas de questions européennes dedans. Donc, je pense que c'est ça qui va être sanctionné, c'est qu'on ne peut pas... il faut respecter les gens, il faut respecter les électeurs, c'est un débat européen. On sait bien qu'il est difficile, on sait bien que c'est difficile de parler d'Europe, parce qu'on n'en a pas parlé depuis 30 ans. Donc, c'était l'occasion, c'est l'occasion, encore jusqu'à dimanche, de parler des questions de la France en Europe, de l'Europe dans le monde, il y a des raisons de parler de tout cela.
Vous connaissez bien aussi D. Cohn-Bendit, vous avez longtemps, souvent échangé avec lui. C'est un faux opposant à N. Sarkozy. Il y a une vraie connivence ?
Non, c'est un opposant, il n'a pas les mêmes idées, ça n'empêche pas de se parler. Mais je veux dire qu'à gauche, Cohn-Bendit c'est le seul vrai européen actuellement ; à gauche, c'est le seul qui a parlé de l'Europe, qui a des convictions, qui est crédible, qui en parle intelligemment. Donc les gens de gauche, qui ne voudraient pour nous, parce qu'il y a des gens de gauche qui vont voter pour nous, il y en a même sur nos listes... M. Gallo, elle vient de chez Chevènement, elle est sur ma liste, et j'espère qu'elle sera élue dimanche, et nous sommes sincères sur ce projet. Mais les gens qui veulent voter à gauche dimanche, et qui veulent voter en même temps européen, ils vont voter Cohn-Bendit.
Ca vous arrange, ça fait baisser le PS...
Non, ça me m'arrange pas, c'est ce que je constate parce que, au bout d'un débat de plusieurs mois, on voit bien qui dit quoi, qui fait quoi. J'ai dit "misérable" pour cette polémique parce qu'elle est misérable. Je préfère qu'on parle des vrais sujets. En quoi le discours d'Obama hier nous interpelle ? En quoi il nous oblige à avoir une politique étrangère, une politique de défense ? Voilà une question qui m'intéresse.
Il faut le soutenir sans réserves ce discours d'Obama ?
Non, enfin, on ne va pas soutenir sans réserves, on n'a pas de raison de soutenir sans réserves, il y a des raisons propres aux Etats-Unis de se réconcilier avec le monde musulman et le monde arabe, puisque il y avait eu depuis la guerre en Irak beaucoup de ruptures et d'incompréhension. Donc c'est bien que les Etats-Unis retrouvent leur place de manière positive. Ils nous obligent, nous, Européens, à avoir une vraie politique de défense et une vraie politique étrangère.
Et est-ce qu'ils nous obligent à durcir le ton envers les Israéliens dont le Gouvernement fait la sourde oreille ?
Non, à garder la même ligne, à dire aux Israéliens : cessez les colonisations, reconnaissez que pour votre propre sécurité - nous ne transigerons jamais sur la sécurité d'Israël -, il faut un Etat palestinien. Que le Président américain dise : "la feuille de route est toujours là", c'est ce que nous disons, nous, Européens, et c'est bien qu'on le dise ensemble parce que... Je veux dire "Yes we can", comme disait Obama pendant sa campagne, mais "But not alone". Les Américains ne peuvent pas tout seuls régler les problèmes au monde.
Puisque l'heure est donc à une certaine forme de réconciliation avec le monde musulman, il était donc très importun, très impertinent, de mettre la Turquie au coeur de la campagne de l'UMP, et de dire "non" aux Turcs, c'est-à-dire "non" à un pays musulman ?
Non, ça n'a rien à voir, ce n'est pas le sujet. Le sujet c'est : est-ce que l'Europe a des frontières ? J'ai été très marqué par l'échec du référendum il y a quelques années, il y a quatre ans. Et pourquoi ? J'ai écouté les gens qui ont voté "oui" et des autres qui ont voté "non". Il y a d'ailleurs sur ma liste des gens qui ont voté "non" ici en Ile-de-France. Et nous avons dépassé, grâce à N. Sarkozy, ce clivage. Quelle est la raison du vote négatif il y a quatre ans ? Une grande raison, c'est que l'idée des gens c'est que l'Europe n'a pas de frontières, qu'elle n'a pas de limites, c'est une sorte de fuite en avant, on va perdre notre identité, notre âme. Il faut que l'Europe ait des limites, c'est notre projet. L'Europe - Bruxelles -, ne doit pas s'occuper de tout, et il faut qu'elle ait des frontières, les frontières c'est celles du continent européen. Et la Turquie, avec laquelle nous voulons garder un dialogue, qui est engagée depuis 1963, qui pourra accéder à beaucoup de nos politiques, n'accédera pas à nos institutions parce qu'elle n'est pas en Europe, c'est aussi simple que ça.
Et l'Islande, qui frappe à la porte ?
Mais l'Islande, elle est plutôt du côté européen, comme la Norvège pourrait un jour rentrer dans l'Union si elle le souhaitait. Même la Suisse.
Qui a voté plusieurs fois contre.
Oui mais c'est leur affaire, c'est leur affaire souveraine d'entrer dans l'Europe et elles sont les bienvenues.
N. Sarkozy vous a demandé de rester à votre poste pendant cette campagne européenne, votre poste de ministre de l'Agriculture. Le regrettez-vous ?
Non, je ne le regrette pas, et d'ailleurs c'est son choix, et c'est un peu son tempérament. Vous l'avez vu pendant la présidence aller au front, aller au-devant des problèmes pour trouver des solutions, la Géorgie, la crise. Et donc, ce qu'il m'a demandé, c'est de rester à mon poste pour traiter les dossiers, pour trouver des solutions. Il y a eu des crises qu'on pouvait prévoir, comme celle du lait, il y a d'autres difficultés, parce que dans ce ministère il faut gérer beaucoup de crises - climatique, sanitaire, économique - en même temps. Donc il m'a demandé de rester jusqu'au bout. Je ne le regrette pas, et en même temps, quand on est ministre de l'Agriculture et de la Pêche, on est ministre de deux politiques qui sont totalement européennes, donc c'est assez logique.
Le prix du lait, les producteurs ne sont pas contents ; ils vous accusent d'avoir acheté la paix électorale pendant trois jours, avec un vrai faux accord ?
Cela n'a rien à voir. Aujourd'hui même, la paye du mois de mai va arriver. Donc, c'était ça l'échéance, ça n'avait rien à voir avec les élections européennes. Je n'ai rien acheté du tout. J'ai trouvé un accord - enfin je n'ai pas trouvé, j'ai facilité un accord - entre les différentes familles qui ne se parlaient plus : les producteurs, les coopératives, les industriels. C'était beaucoup mieux d'avoir un accord même, s'il n'est pas satisfaisant. On sait bien que tout le monde a fait un effort ; il y en a qui demandaient à payer moins, d'autres qui souhaitaient recevoir plus pour leur travail. On a trouvé un accord qui est un compromis. Et s'il n'y avait pas eu d'accord, qu'est-ce qui se serait passé ? Vous auriez aujourd'hui les éleveurs, les agriculteurs en face, chacun, de leur industriel, dans un dialogue extrêmement dur et difficile. Donc, on a un accord qui donne une lisibilité sur l'année 2009, avec un prix moyen. J'ai apporté, parce qu'il y a beaucoup d'entreprises agricoles, beaucoup d'exploitations qui sont en difficulté, 30 millions d'euros pour aider, sous les formes de charges fiscales, de charges d'emprunts - les banques vont nous aider aussi - des investissements pour les jeunes. Et puis, on va se battre aussi parce qu'il y a une autre dimension du problème de la crise laitière qui va continuer : on va continuer à se battre pour avoir une politique agricole qui tienne le coup, qui ait des régulations, qui maîtrise le marché.
Les quotas, des prix garantis, et tout le monde est content.
Non, ce n'est pas des prix garantis, c'est des quotas pour maîtriser la production, parce qu'on ne peut pas traiter, C. Barbier, l'alimentation, le lait, les fruits et légumes, le porc - les dossiers en crise - comme on traite les ordinateurs ou les voitures. L'alimentation on ne peut pas la laisser à la seule loi du marché, qui est toujours la loi du moins disant.
Vous êtes sûr d'être élu dimanche au Parlement européen de Strasbourg. Quand quitterez-vous le Gouvernement ? Lundi matin ou cinq minutes avant d'aller siéger début juillet ?
Il y a quelques semaines de délai au moment où il faut choisir. Naturellement, ça ne prendra pas du temps. Je comprends votre impatience. Moi aussi j'ai la patience d'être totalement dans le débat européen. C'est le président de la République qui va fixer le moment où le Gouvernement sera remanié ; il l'a dit, ce sera dans les jours qui suivront l'élection européenne.
Est-ce que X. Bertrand n'a pas capté, n'a pas confisqué, le leadership de cette campagne alors que ça devait être vous, en politisant la campagne ?
Mais non, X. Bertrand est le responsable du mouvement, il est secrétaire général, c'est lui qui avait le leadership de cette campagne. Depuis le début, les rôles sont clairs : il est le chef d'équipe, il est le secrétaire général du principal parti de la majorité présidentielle, et nous avons toujours été en confiance. J'étais à ses côtés en charge d'élaborer ce projet. Ce projet ce sont trente propositions, parce qu'on a pris cette élection au sérieux, très au sérieux, les électeurs au sérieux ; on a fait trente propositions qui peuvent être consultées sur notre site ump2009.eu, qui sont en débat, qui sont notre feuille de route pour les cinq ans qui viennent. C'était mon rôle, avec la formidable équipe de l'Ile-de-France et les formidables équipes qu'on a dans les sept autres régions y compris en métropole et Outre-mer.
Malgré R. Dati et les critiques sur sa motivation réelle à être candidate ?
Et pourquoi "malgré" ? Avec elle, parce qu'elle apporte une vraie valeur ajoutée, sa personnalité. Moi je l'ai vue tout au long de cette campagne, on a fait des dizaines de réunions avec Rachida, qui ont été formidables. C'est d'ailleurs l'une des raisons de la confiance que nous feront les Franciliens, je pense.
Dimanche soir, à quel niveau estimez-vous que l'UMP aura vraiment gagné ? 20 % ou 25 % comme dit J.-F. Copé ?
Je peux dire simplement que nous espérons être en tête. Après, c'est le plus de voix, le plus de confiance possible, le plus d'élus possible, mais franchement, c'est trop tôt ou trop tard pour faire des pronostics.
C'est l'abstention qui va gagner dimanche soir ?
C'est un vrai problème qui m'interpelle. Je crois que le premier combat qu'on a essayé de mener, peut-être imparfaitement, c'était de faire reculer l'abstention, et tout point qu'on gagnera sur l'abstention sera des points gagnés pour la démocratie européenne.
Et vous faites campagne pour J.M. Barroso ? C'est votre candidat pour la Commission européenne ? C'est le candidat du PPE, de la droite ?
Je fais campagne pour que le PPE soit en tête, en France et en Europe. Ce n'est pas une formalité, l'élection. Respectons ce temps-là, et on verra ensuite si JM. Barroso veut ou non être candidat. Moi je pense que c'était un bon président. Maintenant, la ligne de la future Commission devra être forcément différente, parce qu'il va falloir tirer les leçons de la crise, et mettre en place des régulations, une gouvernance européenne qui n'existait pas forcément jusqu'à maintenant.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 juin 2009