Interview de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, à France 2 le 14 mai 2009, sur l'examen au Sénat du projet de loi "hôpital, patients, santé, territoires", la gouvernance des hôpitaux et la grippe A H1N1.

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Média : France 2

Texte intégral

O. Galzi.- Bonjour Madame la ministre.
 
Bonjour.
 
Votre texte sur la réforme de l'hôpital est en train d'être opéré au Sénat, pour ne pas dire charcuté, d'ailleurs, à la demande du président de la République. Il y aura quand même, malgré ces concessions, une vingtaine de villes qui vont manifester aujourd'hui. Est-ce que vous êtes prête à aller plus loin dans ces concessions ?
 
Nous sommes en train d'examiner ce texte au Sénat. La discussion sénatoriale est une phase très importante de la concertation, j'y ai travaillé en toute conscience, avec le rapporteur, A. Milon et le président N. About. Bien entendu, il ne s'agit pas de passer sur la phase sénatoriale. Moi, ce que je veux...
 
Mais vous êtes prête à aller plus loin ?
 
Nous avons déjà fait des avancées tout à fait intéressantes, je les ai d'ailleurs préparées, avec ce que l'on appelle les présidents de conférences, c'est-à-dire les représentants des médecins, pour clarifier par exemple les questions de gouvernance sur l'hôpital, car évidemment il n'a jamais été question que les médecins soient exclus de cette gouvernance, et les clarifications nécessaires seront ainsi apportées.
 
Justement, sur cette gouvernance, il était question, vous l'aviez souhaité, qu'il y ait un patron à l'hôpital, le directeur. Désormais, il y aura aussi un médecin. En numéro 2, en numéro 1 bis ? Comment ça va se passer ?
 
Il y a bien sûr un responsable à l'hôpital, c'est le directeur, c'est d'ailleurs ce que souhaitent les médecins.
 
Donc, le patron, ça reste un directeur.
 
Le responsable c'est le directeur, mais c'est une gouvernance unie, puisqu'il y a un directoire. Dans les hôpitaux qui ne sont pas des CHU, qui ne sont pas les 31 CHU, c'est le président de la Commission médicale d'établissement. Le directoire est à dominante, à majorité médicale. Et dans les CHU, il y a deux autres vice-présidents, c'était prévu et nous allons le sacraliser dans le texte.
 
Sans rentrer dans les détails, il y a une décision, à un moment donné, qui va être prise : elle sera financière, pour le directeur, ou elle sera médicale, pour le médecin ? Qui aura le dernier mot ?
 
Le projet de l'établissement, c'est toujours un projet médical, qui est mis en oeuvre par une équipe unie, où il ne s'agit pas de différencier les choses. Un hôpital...
 
Mais, dans ce cas là, rien ne change alors.
 
Un hôpital bien géré, c'est aussi un hôpital qui est sur un projet médical. Donc, non, les choses changent. Les choses changent parce que les responsabilités de chacun sont clarifiées. Nous avons renforcé les pouvoirs du directeur et de l'équipe médicale, pour éviter les blocages. Mais il y a aussi beaucoup d'autres choses dans la loi : les communautés hospitalières de territoire, les nouveaux statuts des praticiens hospitaliers, les dispositions pour la médecine de premier recours.
 
Alors, il y avait beaucoup de choses dans le premier texte qui est passé à l'Assemblée, et puis là, petit à petit, il est en train d'être considérablement modifié. 60 amendements introduits par le gouvernement, en général c'est l'opposition qui fait ce travail. Ça ne vous vexe pas un peu de voir que l'on est en train de complètement changer votre texte à la demande du président de la République ?
 
Ah non, mais non, on ne change pas le texte, on le complète, bien au contraire.
 
Ah ben là, il y a des changements.
 
Regardez...
 
Vous êtes en train de dire qu'il n'est pas changé sur le fond, là ?
 
Regardez ! On le complète. Regardez ce qui se passe pour les CHU. Il y a eu le travail important d'une commission sur les CHU. La matrice de la gouvernance de l'hôpital reste ce que nous avons prévu, avec l'équipe unie, directeur et équipe médicale, mais il fallait tenir compte des spécificités. Et bien entendu le Gouvernement a un pouvoir d'amendement. J'ai également au moment de la discussion de l'Assemblée nationale, déposé des amendements. Un texte, ça évolue, ça se discute.
 
Mais ça ne vous dérange pas que le Gouvernement, votre Gouvernement, charcute à ce point votre texte ?
 
Mais on ne charcute pas un texte ! Pourquoi employez-vous ce terme péjoratif ? On a des discussions, on a un débat. Est-ce que vous croyez que le débat parlementaire n'a pas d'intérêt ? Mais bien entendu. Vous savez combien j'ai accepté d'amendements, lors de la discussion à l'Assemblée nationale ? 500.
 
Il a changé, ce texte, entre l'Assemblée et le Sénat, ou il n'a pas changé ? Sur le fond. Sur le fond.
 
Nous commençons la discussion. Nous commençons la discussion depuis finalement hier. Nous avons regardé 60 amendements, il y en a à peu près 1 400 qui sont déposés par le Sénat, il y a des amendements qui sont des amendements de simple rédaction, du peaufinage. Il y a des amendements qui sont plus des amendements de fond.
 
Sur le fond, est-ce qu'il a suffisamment changé, par exemple, pour nécessiter un deuxième passage à l'Assemblée ? C'est ce que demande le président de l'Assemblée nationale, B. Accoyer.
 
Le président de l'Assemblée nationale n'a pas demandé une deuxième lecture. Il a dit : si... s'il y avait des différences qui n'étaient pas compatibles au niveau du texte, on pourrait faire une deuxième lecture. Moi, ce que je constate pour l'instant...
 
Qu'est-ce que vous en pensez, vous, vous êtes pour ?
 
Ce que je constate pour l'instant, c'est que les textes, tels qu'ils apparaissent, de la Commission, sont tout à fait - de la commission du Sénat - sont tout à fait compatibles pour en rester à une lecture. Mais nous verrons bien.
 
Donc, vous êtes en train de dire que les gens qui vont manifester aujourd'hui ont raison de manifester, puisque finalement il n'y a rien qui va changer.
 
Vous savez, il y a des clarifications qui ont été apportées, il y a des choses qui ont changé, qui ont été précisées, sans dénaturer l'esprit du texte. Et d'ailleurs, la grande majorité des acteurs de l'hôpital sont d'accord avec ce texte. J'ai regardé par exemple un certain nombre de déclarations, des uns et des autres, même qui avaient manifesté. Ce texte nous l'avons fait avec eux. Il résulte d'une grande concertation. Moi, je veux dire à ceux qui vont défiler, que je suis le défenseur de l'hôpital public. Je donne, dans une période extrêmement difficile, des budgets importants à l'hôpital public. L'emploi n'y est pas menacé. Le concept du non remplacement d'un agent sur deux, quand il part à la retraite, ne compte par pour l'hôpital public, l'emploi est sauvegardé.
 
Parmi les modifications qui ont été faites cette nuit, vers 01h00 du matin - d'ailleurs vous avez défendu cet amendement - il s'agit de supprimer une proposition qui avait été faite par les députés, sur la difficulté d'accès aux soins. On devait pouvoir accéder aux soins dans les hôpitaux publics, sans dépassement d'honoraires, une sorte de possibilité d'avoir une garantie, en quelque sorte, et vous l'avez supprimé cet amendement. Pourquoi ?
 
Non, vous faites une erreur, vous avez mal lu le texte...
 
C'est un sénateur qui l'a supprimé.
 
Non, non...
 
Mais vous étiez d'accord.
 
Non, non, il ne s'agit pas de ça, il s'agit d'une disposition qui fixait justement, dans l'hôpital privé - et non pas dans l'hôpital public, pour bien dire le texte - dans l'hôpital privé un certain pourcentage sans dépassement d'honoraires. Et, effectivement, je m'étais opposée à cette disposition...
 
Mais, comme il y avait des concessions de service public dans les hôpitaux privés...
 
Je m'étais opposée à cette disposition lors de l'examen à l'Assemblée nationale, je m'y suis à nouveau opposée, en toute cohérence, en indiquant que cela aurait un effet délétère, de fuite, évidemment, des praticiens des zones les plus défavorisées. Mais par contre, sur toutes les missions de service public, si elles sont pour les besoins des patients, confiées à des hôpitaux privés, toutes ces prestations doivent être faites à des tarifs remboursés par la Sécurité sociale, et sur ce point crucial, je n'ai pas cédé d'un pouce, malgré de nombreux amendements sénatoriaux.
 
Un petit mot sur la Grippe A, avant de terminer. Certains experts s'inquiètent d'un retour du virus de manière plus virulente, à l'hiver. Est-ce que l'on aura un vaccin qui sera prêt ? Est-ce que ce vaccin vaccinera aussi contre la grippe saisonnière ?
 
Les experts que nous consultons, et qui guident évidemment toute la gouvernance sur cette grippe aviaire (sic), effectivement... porcine, mais aussi la grippe aviaire...
 
Vous, vous dites "Grippe porcine". Grippe A, allez !
 
Grippe A H1N1... Tous les experts, effectivement, prévoient sans doute, sans doute, une flambée à nouveau, au début de la période hivernale. Nous sommes en train d'étudier de façon très fine ce qui se passe dans l'hémisphère sud, les épidémiologistes, les virologues, ce qui se passe ans les l'hémisphère sud, qui lui rentre en période d'hiver. Nous allons donc pouvoir anticiper ce qui va se passer. Bien entendu, ils nous dirons, eux, ils nous diront ce qu'il convient de faire, soit un vaccin spécifique, soit un vaccin groupé, avec la grippe saisonnière, mais plus on avance, plus on est sur un vaccin spécifique, étant donné que les populations cibles risquent de ne pas être les mêmes.
 
Ce qui veut dire que l'on pourrait sacrifier le vaccin de la grippe saisonnière ? C'est un choix dangereux, non ?
 
Vous savez, ces décisions seront prises par l'Organisation mondiale de la Santé. C'est une décision qui n'est pas une décision politique, c'est une décision scientifique, c'est une décision de stratégie médicale. Nous sommes en relation, bien sûr, avec l'Organisation mondiale de la Santé, avec les institutions européennes sanitaires, parce que c'est une décision que l'on ne peut pas prendre seuls. Une pandémie grippale, c'est par définition, quelque chose où la collaboration entre les Etats et les scientifiques, doit être au niveau mondial.
 
Merci beaucoup Madame la ministre, d'avoir accepté de venir nous répondre ce matin.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 mai 2009