Interview de M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, à France Info le 22 juin 2009, sur l'intervention du Président de la République lors de la réunion du Congrès à Versailles, après la réforme de la Constitution.

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Média : France Info

Texte intégral

C. Bayt-Darcourt.- Merci de commencer cette journée historique avec nous. En tant que président de l'Assemblée nationale, vous aurez l'honneur de présider le Congrès qui se réunit aujourd'hui à Versailles, avec une importante particularité puisque le président de la République va prendre la parole devant les parlementaires. Comment vous sentez-vous à quelques heures de ce grand moment ?
 
Tout a été préparé conformément à la nouvelle Constitution, et nous n'attendons plus que, d'abord, une petite réforme de notre règlement...
 
Ce matin...
 
...qui aura lieu ce matin, que nous avons regroupé par souci de bonne gestion, et puis cet après-midi, le discours du chef de l'Etat qui désormais, de façon tout à fait naturelle, plutôt que de le faire à travers les télévisions ou je ne sais quelle expression, discours ou interviews, parlera directement aux représentants légitimes de la nation que sont les parlementaires.
 
Il a fallu tout inventer pour le protocole. Le président de la République a voulu que ce soit comment, plutôt grandiose, plutôt simple ?
 
Il n'a imposé rien du tout, c'est le Congrès, le Parlement...
 
Vous n'avez pas eu de consignes ?
 
Non, nous nous sommes accordés au niveau du temps, au niveau des délais, pour des raisons pratiques, mais c'est le protocole du Congrès, avec un élément nouveau, un événement nouveau, une procédure nouvelle : l'intervention du président de la République.
 
Et la question qui fâche : combien tout ça va coûter ? On parle de 400.000 euros, c'est ça ?
 
Le coût approximatif est effectivement celui-ci, c'est le coût tout simplement d'une démocratie, qui fonctionne normalement, c'est comme ça dans toutes les démocraties, dans tous les Parlements du monde. Il y a nécessairement une procédure, une solennité, des circonstances qui rythment la vie des grandes démocraties. Nous avons réfléchi à tout ce qui permettait d'atténuer le coût, et je peux vous dire que celui-ci est bien inférieur à ce qu'il pourrait être si nous n'avions pas cette priorité, qu'il s'agisse de toutes les étapes de la journée.
 
Les élus vont payer eux-mêmes leur déjeuner, par exemple ?
 
Je vois que vous êtes bien informée, c'est effectivement vrai, c'est une première puisque jusqu'à présent, il était offert par le Congrès. Les élus le règleront eux-mêmes.
 
Le député socialiste, A. Vallini, suggère que les réunions du Congrès se tiennent désormais à Paris. C'est envisageable ?
 
Il y a un problème là encore de cérémonial, de solennité, mais nous avons mêmes regardé cette solution. Si la location des lieux n'est peut-être pas très onéreuse, l'aménagement est ruineux, en admettant que les lieux soient libres ce jour-là. Non, il y a des locaux qui sont prestigieux, qui sont chargés d'histoire, qui constituent une partie de l'identité française, ils sont là pour cela. Les élus du peuple, le Congrès les utilisent pour que le Président puisse leur parler, comme ils les utilisent pour modifier la Constitution ou pour ratifier les traités.
 
Vous allez avoir un tête à tête avec N. Sarkozy juste avant qu'il n'entre dans l'Hémicycle. Qu'allez-vous lui dire ?
 
C'est purement formel, je l'accompagne et je resterai quelques instants avec lui. Nous rappellerons à quel moment il va rentrer dans l'Hémicycle, mais il n'y a pas de discussion de fond, nous n'en aurons pas le temps.
 
Les élus Verts et les élus communistes ont décidé de boycotter la séance ; les socialistes, eux, seront là, même s'ils partiront avant le débat. Je vous ai entendu dire que vous aviez le moyen de les dissuader de perturber l'intervention de N. Sarkozy. Lequel ?
 
Je ne vais pas vous livrer de botte secrète...
 
Dommage.
 
...mais je fais confiance aux parlementaires, ce sont des républicains, des démocrates. Certains ont trouvé que cette réforme n'était pas conforme à leurs convictions ; la majorité - et je me range à cette opinion - pense qu'au contraire, nous sommes dans un exercice normal d'une démocratie où les chefs d'Etat peuvent s'exprimer devant tous les Parlements, y compris le leur. Il y avait une exception, c'était en France depuis 136 ans, c'était une exception qui avait été voulue par des royalistes, mais il n'y a plus de royalistes, nous avons tout simplement remis nos institutions, comme de Gaulle l'aurait voulu lorsqu'il a instauré ces institutions, en ordre de marche.
 
Mais ce qui pose problème, c'est que N. Sarkozy parte avant de le débat, qu'il n'y ait pas de vote non plus. Cela ne vous gêne pas ?
 
Non, parce qu'il y a un grand principe : la Vème République a été mise en place par de Gaulle pour corriger les dérives de la IIIème et de la IVème Républiques, qui ont causé un tort terrible à notre pays. Et donc, le président de la République n'est responsable que devant le peuple, le peuple français, qui l'élit directement depuis le référendum de 62, alors que c'est le Premier ministre qui est responsable devant l'Assemblée nationale. Et donc il ne peut pas y avoir d'entorse à cette règle qui a été réinscrite dans la Constitution.
 
J.-P. Raffarin vient de déclarer à France 2, qu'il aurait préféré que le Premier ministre, F. Fillon, réponde aux parlementaires.
 
Je suis en désaccord avec cette interprétation de nos institutions. Le Parlement, l'Assemblée nationale en particulier, est là pour le débat entre le Gouvernement et la majorité, et l'opposition. Et l'arme de la motion de censure, mais également des dispositions comme les votes de confiance, les déclarations de politique générale, ce sont des outils qui permettent ces échanges, sur des perspectives qui doivent être des perspectives politiques, parce que cet après-midi, ce sont des grandes orientations que le Président a priori nous présentera.
 
Justement, qu'attendez-vous, vous, de l'allocution de N. Sarkozy ?
 
D'abord, je ne sais absolument pas ce dont il va parler...
 
Non ! ?
 
...Ce que je pense, c'est que le chef de l'Etat dans ce moment qui est un moment encore une fois nouveau et particulièrement solennel, va s'adresser avec une vision, qui soit une vision d'ensemble sur l'analyse d'une situation d'un monde et d'une France qui traversent une crise sans précédent, sur les conclusions à en tirer, sur les orientations pour sortir de la crise, et puis les grands problèmes auxquels nous sommes confrontés, que nous partageons d'ailleurs avec la plupart des démocraties au monde, je pense notamment au défi environnemental, au défi du vieillissement et de la solidarité.
 
Le remaniement ministériel se fera dans la foulée de ce Congrès ? Vous savez quand il aura lieu ?
 
On peut imaginer que ça va être très rapidement, il y a un Conseil des ministres d'ici mercredi, on peut imaginer que le remaniement sera en place dans les deux jours qui viennent.
 
Vous avez des tuyaux ?
 
Strictement aucun tuyau, ni même des tuyaux percés.
 
Vous êtes intéressé par une entrée au Gouvernement ?
 
Non, je suis responsable de l'Assemblée nationale, je préside, ce qui est un grand honneur, cette institution prestigieuse, cela suffit. J'ai accompagné la réforme constitutionnelle, la réforme du règlement. Aujourd'hui, nous mettons en oeuvre cette réforme, ma tâche n'est pas terminée.
 
L'ouverture va-t-elle se poursuivre et avec qui ?
 
Qui pourrait critiquer une attitude d'ouverture ? En tout cas, pas moi. Je pense que les Français doivent être les plus nombreux à se retrouver dans ce qu'on leur propose, dans ce qui est décidé par le Gouvernement, voté par la majorité. Et, personnellement, je pense que l'ouverture est une très bonne chose.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 juin 2009