Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "France Info" le 23 juin 2009, surles orientations fixées au gouvernement par Nicolas Sarkozy devant le Congrès et sur la question du port de la burqa.

Prononcé le

Texte intégral

R. Duchemin & M.-E. Malouines R. Duchemin : Je voudrais d'abord votre réaction à la décision mexicaine de ne pas transférer F. Cassez en France...

C'est forcément une déception pour les autorités françaises qui avaient souhaité une commission bilatérale, franco-mexicaine, qui travaillait. Et le fait que les Mexicains aient mis fin, de manière unilatérale à ces travaux, et pris leur décision est forcément une déception. La France, comme le président Sarkozy s'y était engagé, fera tout, utilisera et utilise tous les moyens de droit international, toutes les procédures qui sont à sa disposition pour obtenir le transfert de F. Cassez.

R. Duchemin : Vous allez continuer à vous battre ?

Oui, la France continuera à utiliser, à exploiter toutes les procédures internationales en vigueur.

R. Duchemin : N. Sarkozy a donc fixé les grandes orientations de la deuxième partie de son quinquennat. Il avait choisi l'exercice le plus solennel, une allocution devant le Congrès. Est-ce que ça méritait vraiment tout ça ? Une intervention à la télé c'était pareil, moins cher, non ?!

Je crois que c'était un moment fort dans la mesure où... vous savez, ça fait deux ans que N. Sarkozy a été élu, beaucoup de réformes ont été engagées, donc il y a un moment où ça mérite, ça justifie un décryptage pour les Français. Ensuite, nous sommes entrés dans la crise depuis presque un an, une crise sans précédent, il a tenu à le rappeler. Nous venons d'avoir un débat européen. Donc je crois que c'était utile que le Président replace un petit peu son action en perspective. Et finalement, il y a deux grands messages qu'il a délivrés hier : le premier, c'est que le monde va être totalement bousculé avec cette crise, plus rien ne sera comme avant, il y aura des gagnants et il y aura des perdants. Et finalement, la bonne nouvelle dans ce paradoxe, avec cette crise, c'est que le modèle français, qui est fait d'équilibre entre l'économique et le social, avec des amortisseurs sociaux, il a sa place dans ce monde de demain. Et puis la deuxième nouvelle importante, qu'il a eue l'occasion de développer, c'est qu'il y aura une fin à cette crise, le rôle du Gouvernement, le rôle de l'Etat, c'est de tout faire pour miser sur les secteurs économiques qui vont nous aider à sortir plus vite de cette crise, et qui permettront d'aller chercher de la croissance au moment où la crise sera derrière nous.

M.-E. Malouines : En même temps, le reproche qui est fait à N. Sarkozy, c'est qu'il dit que c'est la deuxième phase, la crise est passée par là, mais en même temps, il ne change rien, les réformes sont les mêmes. L'annonce que tout le monde retient c'est un emprunt, et l'opposition dit "un emprunt c'est de la dette".

Mais N. Sarkozy l'a très bien dit : il ne s'agit pas de remettre en cause la politique qui a été menée depuis deux ans, bien au contraire, elle a été voulue par les Français, il y a beaucoup de réformes qui ont été engagées, et le modèle français que j'évoquais tout à l'heure, sur lequel N. Sarkozy a beaucoup insisté hier, il se justifie et il percera dans ce monde de l'après-crise que si nous continuons à réformer en profondeur le pays.

M.-E. Malouines : Mais ce qui change alors, c'est que les déficits se creusent ?

Non. D'abord, encore une fois, le but du discours d'hier, c'était de rappeler, de remettre en perspective l'action du Gouvernement face à la crise. Nous avions un programme de Gouvernement sur cinq années, la crise est venue nous prendre de plein fouet, nous avons été amenés à répondre, à riposter fortement à la crise, avec une vraie réactivité par rapport à nos voisins européens. Il y a un moment où c'est important de se poser et de rappeler aux Français pourquoi on fait ça, quel est l'objectif final, et finalement, quelles sont les chances de la France dans ce monde de l'après-crise. Et c'est ce que le président de la République a fait hier.

R. Duchemin : Il n'y avait rien sur le pouvoir d'achat. Vous ne pensez pas que les Français attendaient de nouvelles mesures là-dessus ?

D'abord, ce n'était pas un discours de politique générale où on aborde...

R. Duchemin : Ça y ressemblait...

Non, parce qu'un discours de politique générale, c'est un discours qui aborde dans le détail un certain nombre de mesures, qui fixe quasiment au quotidien la feuille de route pour le Gouvernement. On en était loin hier, ce n'était pas le but de l'exercice d'hier. Le pouvoir d'achat, ça reste un des objectifs prioritaires du Gouvernement. Je rappelle quand même qu'il a augmenté, on a un peu oublié, de 1 % l'année dernière, que les prévisions de l'Insee nous laissent penser que cette année il continuera à évoluer dans cet ordre de grandeur. Et puis, dernier élément, face à la crise, la réponse du Gouvernement, ça a été des mesures de pouvoir d'achat pour les moins favorisés. Ce mois-ci, on met en place le RSA ; qu'est-ce le RSA si ce n'est une mesure à destination du pouvoir d'achat des moins favorisés ?

M.-E. Malouines : C'est un discours qui intervenait aussi après les élections européennes qui ont marqué une inspiration écologiste en France. Et les écologistes ce matin se disent extrêmement déçus par le discours du Président, il n'y a rien qui les intéresse.

Je les appelle à relire le texte du Président lorsqu'il évoque dans les secteurs de "sortie de crise" précisément, les éco-industries, toutes les technologies liées à l'environnement. En disant qu' "il y a quelques années, personne n'aurait imaginé la place qu'elles auraient pu prendre". Je rappelle aussi que c'est ce Gouvernement qui a fait le Grenelle de l'environnement, qui est en train...

M.-E. Malouines : Oui mais ça c'est le passé. Pour l'avenir...

Non, ce n'est pas le passé.

M.-E. Malouines : ...C. Lepage nous dit, "où, quand, comment, combien ? Y a pas..."

Ce n'est pas le passé, puisque je rappelle qu'en ce moment, au Parlement, nous avons les deux projets de loi de transcription dans les faits des grandes orientations du Grenelle de l'environnement. Cela veut dire qu'on va passer des grandes orientations des débats aux actes à travers ces deux projets de loi. Donc ce n'est pas le passé. On est bien dans des actes, et c'est aussi ce qu'a voulu rappeler le président de la République hier.

R. Duchemin : Est-ce qu'il va y avoir une loi pour interdire la burqa en France ?

Le Président a eu l'occasion hier d'expliquer sa position. Il a indiqué que, indiscutablement, la burqa ce n'était pas l'image de la femme telle que nous l'avons en France, et ce n'était pas l'expression d'une appartenance religieuse. Il n'y a pas de lien entre l'appartenance à la communauté musulmane et la burqa. Donc c'était un point important à souligner. Il a rappelé son attachement à la laïcité, qui est un point essentiel. Et il a souhaité que ce soit le Parlement, comme nous l'avons très bien fait dans les années 2003-2004, qui s'empare de ce sujet pour faire un certain nombre de propositions. Voilà en gros la position du Gouvernement.

M.-E. Malouines : Et quand il dit qu'elle ne sera pas la bienvenue, ça veut dire interdire ou pas juridiquement ?

Cela veut dire qu'il considère que : un, la burqa n'est pas l'expression d'une appartenance religieuse, en l'occurrence à la communauté musulmane, et que dans le cadre de la laïcité, encore une fois, il considère que ce n'est pas compatible avec notre modèle républicain.

M.-E. Malouines : Donc l'interdire ?

Maintenant, quant à l'interdiction, il a souhaité renvoyer le débat vers le Parlement. Je crois que c'est un sujet suffisamment compliqué pour ne pas y apporter de réponses hâtives, et qui soient tirées d'avance. Donc il faut vraiment qu'il y ait un vrai débat parlementaire. Il y a des propositions qui ont eu lieu, le président de l'Assemblée nationale a proposé une mission d'information. Je pense que c'est une formule qui doit permettre d'engager ce débat en toute sérénité et sans stigmatiser les uns, ni les autres.

R. Duchemin : Il y aura demain un remaniement ministériel. Est-ce qu'il s'agira d'un léger remaniement, juste pour remplacer R. Dati et M. Barnier qui partent à Bruxelles, ou alors un véritable chamboulement ?

La Constitution a changé sur un certain nombre de points, elle n'a pas changé sur le remaniement ministériel. C'est bien le président de la République, sur proposition du Premier ministre, qui choisit ses ministres...

M.-E. Malouines : Vous, vous ne savez rien ?

Donc, je ne vais pas, en tant que porte-parole du Gouvernement, avant l'heure, vous annoncer le remaniement. Encore une fois, il y aura effectivement des remplaçants de ministres qui doivent partir au Parlement européen, mais le choix...

R. Duchemin : Sauf B. Hortefeux...

Il y a deux ministres qui vont partir...

M.-E. Malouines : Non, il y en a trois qui ont été élus, il n'y en a que deux qui partent...

Il y en deux qui vont siéger au Parlement européen, et donc le Président et le Premier ministre vont les remplacer. Il ne m'appartient pas de vous annoncer avant l'heure ce que sera le contenu de ce remaniement.

R. Duchemin : Et vous, vous êtes pressenti pour une promotion ? Vous avez envie de quoi ?

Je vais vous faire une confidence : d'abord, le Président et le Premier ministre m'ont confié une mission passionnante, difficile en la matière, notamment le secrétariat d'Etat à l'Industrie, mais en même temps passionnante. Je vais vous dire, personne n'est propriétaire de son poste. Quand on est élu de la République, on remplit sa mission, la mission qui vous a été fixée. Et en l'occurrence, ce n'est pas moi qui me fixe, qui "m'auto-fixe" ma mission.

M.-E. Malouines : Mais on parle de vous à l'Agriculture, ça vous plairait ?

Ah bon ? Ecoutez, nous verrons.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 24 juin 2009