Interview de Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille, à RTL le 22 juin 2009, sur l'interdiction du port de la burqa, la politique d'immigration et l'islam en France.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
 
J.-M. Aphatie.- Êtes-vous favorable ou défavorable à l'interdiction de la burqa ?
 
D'abord, je dois dire que la burqa est une tenue, qui porte atteinte à la dignité de la femme. Elle est l'expression pour moi la plus noire de la soumission de la femme. Ce n'est pas une tenue cultuelle, il faut le rappeler, puisque je le rappelle, il n'y a pas d'indications dans le Coran au port de la burqa.. Donc attention, à ne pas stigmatiser la religion...
 
On n'est pas des spécialistes du Coran...
 
J'en ai parlé avec beaucoup de représentants religieux. J'ai d'ailleurs écouté aussi D. Boubakeur, qui le rappelait. Il ne faut donc pas stigmatiser la religion musulmane, mais parlons clair, la burqa est une tenue culturelle qui trouve ses origines en Afghanistan, qui est imposée par les fondamentalistes. Et alors que nous combattons aux côtés du peuple afghan, pour que les petites filles puissent aller à l'école - et je rappelle qu'aujourd'hui, elles sont 40 % à être scolarisée -, nous ne pouvons pas...
 
Donc vous êtes favorable à l'interdiction ?
 
...Nous ne pouvons pas laisser se développer ce phénomène en France, qui va à l'encontre de nos principes républicains.
 
Vous êtes favorable à l'interdiction ?
 
Je suis favorable à ce qu'on ouvre le débat.
 
Ce n'est pas une réponse.
 
Si, je suis favorable à ce qu'on ouvre le débat pour nous réfléchissions...
 
Tel que vous avez commencé vos propos, on en déduit que vous êtes plutôt favorable à l'interdiction.
 
Oui, mais c'est trop simpliste.
 
Il faut appeler un chat, un chat !
 
Oui, mais c'est trop simpliste. Vous savez pourquoi ? Parce qu'il faut que nous ouvrions le débat pour savoir exactement, quel est l'ampleur de ce phénomène, s'il se développe, où... Et puis, par ailleurs, il ne faudrait pas avoir une mesure qui consiste simplement à interdire la burqa, donc l'aspect visible de cette soumission des femmes dans la rue, qui pourrait mener à ce que ces femmes soient enfermées à l'intérieur de leur logement. Donc je pense qu'il faut ouvrir le débat pour voir si nous allons aller vers une loi. Mais la proposition qui a été faite par B. Accoyer de mettre en place une mission d'information parlementaire, me semble la bonne formule.
 
Alors, le président M. Moussahoui qui préside le CFCM, le Conseil français du culte musulman, dit que ça correspond à un usage, je le cite "très rare et extrêmement marginal en France". D'où sa ferme opposition à une mission d'enquête parce que, dit-il, ça stigmatise inutilement l'islam.
 
Oui, la formule "commission d'enquête", me semble un peut stigmatisante. Mission d'information nous permettrait, d'abord, de mener beaucoup d'auditions et de regarder la réalité du phénomène.
 
Quand il dit que c'est un usage très rare et extrêmement marginal...
 
C'est sans doute rare, mais qui ne l'a pas vu ? Moi, je l'ai vu moimême, même à Eurodisney, il y a des femmes qui portent la burqa. C'est quand même assez étonnant de voir...
 
Là, c'est très grave... !
 
Oui, je l'ai vu personnellement donc j'ai trouvé ça quand même assez étonnant. Mais en même temps, il faut évidemment, en France, on ne peut pas accepter ça, parce que la burqa, c'est quand même la soumission de la femme. Nos principes républicains, c'est égalité homme-femme, et c'est la liberté des uns et des autres.
 
Mais la liberté, c'est aussi de s'habiller comme ça, si on a envie.
 
Et donc, à travers le contrat d'intégration que nous avons mis en place et qui permet notamment l'apprentissage du français, de connaître nos institutions et de respecter nos valeurs républicaines, je crois qu'il faut faire attention parce que moi, je pense à ces femmes qui portent la burqa.
 
Mais si elles veulent la porter. Vous l'avez évoqué à l'instant - vous faites semblant de ne pas entendre...
 
Non, non, je vous entend très bien...
 
Vous avez évoqué à l'instant la liberté, si elles veulent s'habiller comme ça ?
 
Moi, je pense d'abord qu'il faut qu'elles connaissent leurs droits et la réalité de ce que leur demande le Coran et qu'elles ne soient pas soumises à leurs maris. Et d'ailleurs, je pense aussi que leurs maris ou les pères doivent respecter les principes de notre République. Parce que l'égalité homme-femme, chez nous, nous y sommes attachés, c'est un principe fondamental de notre République. Et je ne pense pas qu'au fond d'elles mêmes, ces femmes choisissent de porter la burqa en France, de manière délibérée. Donc nous avons vraiment à regarder l'ampleur de ce phénomène, à le définir et à trouver la meilleure méthode pour y répondre. Parce que, encore une fois, je vous le dis, je ne voudrais pas que ces femmes se retrouvent enfermées entre quatre murs dans leur logement.
 
Est-ce qu'on ne joue pas avec le feu avec ce débat ?
 
Je pense qu'il faut dialoguer, je pense qu'il enseigner, je pense qu'il faut éduquer. Et quand on vit dans un pays, il faut respecter les principes républicains.
 
Une loi serait inefficace, elle créerait des tensions qui n'ont pas lieu d'être en ce moment.
 
Eh bien, il faut ouvrir le débat.
 
C'est votre collègue E. Besson qui le dit ça.
 
J'ai bien entendu ce qu'a dit E. Besson.
 
C'est le spécialiste de l'intégration au Gouvernement.
 
J'ai aussi écouté ce qu'a dit F. Amara...
 
"Je suis pour l'interdiction", dit-elle...
 
Et pour m'être déplacée avec elle, à Venissieux, il y a plusieurs mois, et avoir discuté avec A. Gerin, des phénomènes qu'il constate sur sa commune, non seulement le port de la burqa qui se développe, mais également certains phénomènes de femmes qui se retrouvent enfermées chez elles. Donc, moi, je dis qu'il faut être extrêmement vigilants à ne pas laisser en France, se développer des phénomènes qui vont à l'encontre de nos principes républicains..
 
Savez-vous sur ce sujet dans quel sens s'exprimera le président de la République cet après-midi devant les parlementaires ?
 
Si je le savais, je ne vous le dirais pas, parce que je ne dévoilerai en rien...
 
Je vous demande si vous le savez, je ne vous demande pas de me dire le sens, mais est-ce que vous savez dans quel sens il va s'exprimer ?
 
Non, parce qu'il n'en fait part à personne, qu'il a beaucoup travaillé sur son discours tout au long de ce week-end, et que sa position, qui sera sans doute comme d'habitude mûrement réfléchie, il la fera partager d'abord aux parlementaires qui vont se réunir en Congrès tout à l'heure.
 
Est-ce que vous savez N. Morano, vous êtes secrétaire d'Etat chargée de la Famille, si vous serez mercredi au Conseil des ministres ?
 
Non, je ne le sais pas non plus.
 
Quelle angoisse !
 
Pas du tout.
 
C'est vrai, vous n'êtes pas angoissée ?
 
Non, parce que lorsque...
 
Vous allez peut être perdre votre ministère et vous n'êtes pas angoissée ?
 
Non, parce que ça fait partie de la règle du jeu. Lorsque vous êtes nommé au Gouvernement, vous savourez évidemment cette chance que de pouvoir servir votre pays. Vous savez aussi que vous êtes peut-être appelé à changer, vous savez aussi, que vous êtes peut-être appelé à en sortir. Et donc, à partir du moment, où vous avez cette lucidité, vous vivez l'avenir avec beaucoup de sérénité.
 
C'est votre espoir d'être "appelé" à changer", comme vous dites ?
 
Mon espoir, c'est de continuer à servir la France parce que quand on s'engage en politique, il faut le faire avec passion. Et c'est le sens de ma vie donc je m'y engage chaque jour et je veux continuer à m'y engager.
 
Votre nom n'a jamais été cité dans la liste des remaniés, alors je ne sais pas si de bon ou de mauvais augure...
 
Oui, mais mon nom n'était pas cité non plus dans le remaniement qui a précédé et je n'en avais jamais fait état, alors que je l'avais su, dans les médias.
 
Donc ça ne veut rien dire. E. Woerth était l'invité du "Grand Jury" hier. Il a décrit une situation d'explosion des déficits publics, la Sécurité sociale, 30 milliards l'année prochaine. Et il conclut en disant qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts, vous le croyez vous ?
 
Oui, parce que c'est la volonté du Gouvernement, que de faire en sorte de répondre à cette crise avec des mesures qui nous ont amenés, par exemple, à travers le sommet social, à répondre envers les 10 millions de familles modestes et les plus exposées face à la crise, ce sont des décisions qui portent sur près de 2,6 milliards d'euros. Mais ce sont des réponses ponctuelles et nécessaires, et en même temps, nous aurons à l'avenir à maîtriser évidemment nos déficits publics. Et le choix que nous avons fait..
 
Sans augmenter les impôts ?
 
Le choix que nous avons fait à travers le plan de relance, c'est un choix de dépense par l'investissement.
 
Vous êtes favorable au changement, à la modification de l'âge légal du départ à la retraite ?
 
Je pense que c'est un sujet qui est sur la table, évidemment...
 
Le sujet, oui... Vous êtes favorable au changement ?
 
Je pense que, à terme, nous n'aurons pas le choix puisque l'espérance de vie augmente. Nous sommes passés de 75 ans à 81 ans. Et moi, j'ai même fait des propositions sur l'accueil des personnes âgées. Nous aurons à vivre avec quatre générations. Il nous faudra bien diversifier là aussi les réponses pour les personnes âgées.
 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 juin 2009