Interview de M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, à I-Télévision le 26 mai 2009, sur les violences dans les établissements scolaires et leur sécurisation.

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Média : I-télévision

Texte intégral

L. Bazin.- Notre invité ce matin, c'est X. Darcos. Bonjour... Ministre de l'Education nationale, on a envie de dire ministre de la sécurisation, de la sanctuarisation de l'école.
 
Je suis d'abord un éducateur, mais pour qu'il y ait l'éducation, il faut qu'il y ait la sûreté, la sécurité.
 
Vous y croyez dur comme fer à ça, depuis longtemps, si j'ai bien compris ?
 
Moi, je m'appuie sur des principes de réalité, je regarde ce qui se passe, tout simplement. Nous avons maintenant à peu près une vingtaine d'incidents par mois qui mettent en jeu des armes blanches, je parle de celles qu'on a trouvées, je ne parle pas de toutes les armes qui circulent par ailleurs, et nous avons des vies qui sont exposées ; il y a un élève qui est mort la semaine dernière, il y a un professeur qui a failli mourir sur la table d'opération la semaine dernière...
 
...Il y a un élève dans le coma.
 
Il y a un élève dans le coma aujourd'hui. Et hier, à Limoges, on a découvert dans le sac d'un élève des couteaux à cran d'arrêt, des Laguioles, des couteaux papillons qu'il comptait distribuer dans l'établissement. Donc moi, je prends les choses comme elles sont, je ne suis pas, par nature, un homme de répression, je veux simplement sécuriser les établissements, et je voudrais éviter qu'un professeur ou un élève expose sa vie, c'est une question de fond.
 
La question, c'est comment on sécurise. Les syndicats de professeurs disent : il faut mettre plus d'adultes à l'école ; vous, vous dites : il faut des portiques, il faut des fouilles, il faut des brigades volantes. Ça veut dire que vous êtes répressif ?
 
Plus d'adultes, je ne crois pas que ce soit la réponse, vous n'allez pas me dire que dans un établissement, parce que vous aurez un bibliothécaire ou un surveillant de plus, vous allez éviter qu'un élève entre armé dans un établissement scolaire...
 
Un psychologue par établissement, une infirmière quand il n'y en a pas...
 
Mais la question, c'est de savoir ce qui rentre et ce qui ne rentre pas dans l'école. Une fois que l'école est ouverte, le nombre d'adultes ne changera pas grand-chose, et je le répète, il faudrait qu'on me dise à combien d'adultes par élève on me garantit qu'à partir de ce moment-là, il n'y aura plus de problèmes...
 
Donc ça veut dire quoi, il faut claquemurer l'école, il faut en faire une forteresse ?
 
En tous les cas, il faut faire en sorte que l'on sache ce qui rentre à l'école, et pour le savoir, eh bien, évidemment, il faut vérifier ce qui se passe aux entrées, éventuellement, avoir des systèmes de détection sonore ou de vérification...
 
Portiques...
 
De portiques ou de...
 
Vous maintenez ça ?
 
Mais oui, bien entendu ! Vous savez, quand, en 2002, j'ai proposé d'installer des caméras de surveillance dans tous ces établissements scolaires, on m'a déjà présenté comme une espèce de vieux réactionnaire, quelqu'un qui était répressif, etc. Bon, aujourd'hui, il y en a partout. Et l'autre jour, lorsque, à Gagny, une bande armée est entrée dans un établissement pour tabasser des élèves, on les a retrouvés très peu de temps après, parce qu'on avait des caméras de surveillance dans cet établissement. Donc surveiller les entrées, vérifier par des portiques ou par d'autres systèmes s'il n'y a pas des armes qui rentrent, c'est une possibilité, je ne dis pas qu'on le fera partout, je ne dis pas...
 
Des fouilles, on va fouiller les élèves, tous les élèves ?
 
Mais, le mot ne me fait pas peur. Aujourd'hui, savez-vous que, pour des raisons judiciaires, juridiques ou réglementaires, il n'est pas possible à un professeur ou à un responsable pédagogique, de vérifier le sac d'un élève si l'élève n'est pas d'accord. Donc il faut bien qu'on trouve une solution. Si l'élève dit : non, moi, je ne veux pas qu'on regarde dans mon sac, on ne peut pas. Donc il faut qu'on ait les moyens de vérifier ce qui se trouve dans le sac des élèves. Si le mot « fouille » paraît un peu inquiétant, fait peur, moi il ne me fait pas peur dès lors qu'il s'agit d'empêcher des couteaux ou des armes d'entrer dans les établissements scolaires.
 
Qui va le faire, X. Darcos, les professeurs, les surveillants ou est-ce qu'il faudra embaucher ?
 
Eh bien, justement, je ne veux pas que ce soit les professeurs. Moi, les professeurs, ce sont des enseignants, ce sont des pédagogues, ils ont assez de soucis comme ça, il faut les laisser enseigner. Mais il faut que d'autres personnels protègent les établissements...
 
Il faut embaucher, clairement ?
 
Eh bien, oui, sans aucun doute, il faudra faire appel, il faudrait faire appel à des forces particulières qui viendraient faire de la prévention, faire de la dissuasion, qui viendraient en soutien lorsque des difficultés se présentent, et j'ai proposé d'imaginer qu'on puisse avoir une sorte de forces mobiles qui dépendraient de rectorats, et qui iraient en appui dans les établissements lorsque c'est nécessaire. Ce sont des propositions que je mets sur la table, moi, je n'ai pas de solution...
 
Un syndicat de chefs d'établissement a dit : si on mettait des portiques par exemple dans les écoles, on estime que ça coûterait en personnels simplement, parce que ces portiques, il faut les allumer, il faut surveiller, il faut filtrer, 500 - je vais être précis - 500 millions d'euros.
 
Ecoutez, de toute façon, les équipements des établissements, ce sont les collectivités qui...
 
Un chiffre qui ne vous fait pas peur ?
 
500 millions d'euros, le budget de l'Education nationale, c'est soixante milliards. S'il s'agit de sauver la vie des professeurs et des élèves, nous verrons bien ce qu'il faut investir.
 
Voyez la distorsion : on supprime des postes, ou on ne remplace pas des postes de profs, et de l'autre côté, on va mettre des vigiles à l'entrée...
 
Ça n'est pas tout à fait exact, on m'a dit ça aussi, on m'a dit : mais il faudrait mettre des surveillants. Ecoutez, lorsque monsieur Lang a quitté ce ministère - monsieur Lang, qui nous explique toujours comment il faut faire - il y avait 10.000 CPE - conseillers principaux d'éducation - en France ; aujourd'hui, il y en a 12.500, nous avons augmenté de 25%, donc ce n'est pas seulement ça qui règle le problème. Bien sûr qu'il faut des personnels, bien sûr qu'il faut des éducateurs. Mais il faut qu'on ne puisse pas rentrer dans nos établissements avec des objets violents. D'ailleurs, d'autres pays l'ont fait, on me dit : mais c'est une spécialité française. Pas du tout, ça existe dans beaucoup de pays, où il y a des systèmes de contrôle à l'entrée, en particulier aux Etats-Unis, il y a des portiques, il y a des caméras...
 
Donc 5% des établissements allumés en permanence dont moins de 1%, ce sont les chiffres...
 
Oui, ça, ce sont les chiffres des portiques, mais ce qu'on ne dit pas, c'est que, aux Etats-Unis, mais j'ai entendu dire ce chiffre qui est vrai, mais qui est en même temps faux, parce qu'aux Etats-Unis, il y a toutes sortes de dispositifs autres de contrôle, en particulier, les caméras de surveillance, en particulier, les policiers en uniforme qui circulent dans les établissements, les établissements américains sont sécurisés.
 
Vous avez entendu M. Alliot-Marie ce week-end : je ne veux pas d'une protection artificielle à l'école, c'est son communiqué...
 
Mais M. Alliot-Marie a raison de dire qu'il ne faut pas mélanger les métiers, les professeurs ont besoin en appui de personnels qui vérifient l'entrée dans les établissements, et ces personnels ont besoin en appui de la police, ils ont besoin d'être épaulés par...
 
Donc on embauchera s'il le faut - voilà ce que j'entends ce matin, on embauchera, s'il le faut - des vigiles pour pratiquer les fouilles et faire fonctionner les portiques...
 
Bien entendu, c'est une question fondamentale. Mais vous savez...
 
Et on paiera...
 
Ben oui, parce que, je le répète, demandez aux familles, tout simplement, aux parents, aux gens qui sont dans ces établissements, ça ne leur paraît pas une dépense superflue que d'arrêter ces débordements actuels, qui sont extrêmement inquiétants.
 
Le Président vous suivra, il vous a dit oui déjà ?
 
Nous avons eu les réunions préparatoires, le Président nous a demandé de présenter des pistes, moi, c'est ce que je fais, et je n'ai pas dit que tout ceci allait se réaliser.
 
Oui, vous êtes à l'unisson avec lui ?
 
Nous le verrons lorsqu'il va nous réunir demain, et lorsqu'il va s'exprimer sur cette question jeudi. Il nous a demandé d'ouvrir des pistes, j'ai indiqué les pistes auxquelles je réfléchissais...
 
Et les Français vous suivront, à votre avis ?
 
 Je crois, en effet, que les Français nous suivent, comme le montreront, je crois, des sondages qui vont paraître demain.
 
Vous avez connaissance de sondages à paraître demain ?
 
J'ai entendu dire que ces sondages montraient une opinion publique très favorable.
 
Polémique aussi autour des évaluations en CE1, une partie des syndicats parle de boycotter...
 
Alors là, en revanche, pourquoi polémique ? Décidément, j'ai beaucoup de mal à comprendre, bon...
 
Pas facile, votre ministère, décidément.
 
Evidemment, ça concerne très, très peu de professeurs, comme d'habitude. Mais...
 
On parle de boycott, on dit aussi qu'il est scandaleux de mettre des élèves en compétition si tôt.
 
Non, mais écoutez, franchement, est-ce que les Français entendent ça et est-ce qu'ils peuvent se rendre compte de ce qu'on entend dire au bout d'un moment tout de même ? Nous avons d'abord évalué les élèves de CM2 en milieu d'année, pour voir si dans la dernière partie de l'année, on pouvait remédier à leurs difficultés, on nous a expliqué : ce n'est pas bien de le faire en milieu d'année, parce que les pauvres petits, ça va les traumatiser, etc., bon, nous l'avons fait, ça a bien marché, 80% des professeurs l'ont fait évidemment, et ça nous permet, d'ici le moment où ils rentrent en 6ème, de les aider sur les difficultés particulières qu'ils ont, c'est ça le travail. Le CE1, il s'agit de vérifier, lorsqu'ils sortent du CP, de CE1, en gros, s'ils ont la lecture, s'ils ont à peu près la maîtrise de l'écriture, et s'ils ont les opérations les plus élémentaires. C'est nécessaire. Pourquoi, parce que s'ils ne l'ont pas, évidemment, ils rentreront quand même en CE2, mais nous organiserons dès le début de l'année la mise en place du soutien personnalisé dont ils auront besoin. Comment peut-on être contre ça ?
 
D'un mot, s'il y a boycott, il y aura sanction ?
 
Mais il n'y aura pas boycott, parce que l'on parle toujours...
 
Il y aura sanction ou pas ?
 
Mais bien entendu, on parle toujours de 2 ou 3.000 qui ne font pas ces...
 
Oui ?
 
Ou qui se prétendent résistants, enfin, qui font comme s'il était glorieux de ne pas rendre service aux élèves, mais l'immense majorité, je ne sais pas, 360.000, 355.000 professeurs que nous ayons feront évidemment ces évaluations, qui sont utiles. D'ailleurs, je pense aux parents, je voudrais bien qu'on explique aux parents et dire : ah, non, votre élève, je n'ai aucune envie de l'évaluer, on ne veut pas savoir, passez ; écoutez, tout cela est indéfendable, vous le voyez bien tout de même. Mais je le répète, c'est complètement marginal.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 mai 2009