Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, sur l'accés aux soins médicaux et la modernisation des pratiques des professionnels de santé, Paris le 25 juin 2009.

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Circonstance : 3ème congrès de la médecine générale à Paris le 25 juin 2009

Texte intégral


Depuis plus de deux ans, l'accès de tous nos concitoyens à des soins de qualité est ma plus grande priorité.
Depuis plus de deux ans, j'ai voulu rappeler et renforcer le rôle et la place de la médecine générale, au coeur de notre système de santé.
Quoi de plus étroitement imbriqué que ces deux finalités de mon action ?
La médecine générale, en effet, est ce pilier qui soutient notre édifice commun. Son développement est primordial, pour assurer, partout et toujours, une offre de soins de proximité et de qualité.
La loi de 2004 a créé le parcours de soins et le médecin traitant. Aujourd'hui, 99,5 % des médecins traitants sont des médecins généralistes.
Dans la continuité de la loi de 2004, la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », qui vient d'être adoptée, instaure les conditions d'une meilleure organisation de l'offre de soins sur le territoire et d'une modernisation des pratiques des professionnels de santé. Une nouvelle fois, la médecine générale est appelée à jouer un rôle capital.
Je tenais à profiter de ce 3ème congrès de la médecine générale pour réaffirmer l'attention que je porte au développement et à la modernisation de la médecine générale, l'attention que je vous porte.
Face à l'urgence de la question de l'accès aux soins, et en dépit des pressions importantes pour chercher des solutions sur les voies de la coercition, j'ai fait, avec vous, le pari de l'organisation et de la modernisation.
Il existe à présent, dans la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », une définition de la médecine générale de premier recours.
Cette définition précise ses missions de soins et de prévention, mais aussi d'orientation des patients, de coordination, de respect des protocoles, de synthèse des informations ou encore de formation des plus jeunes.
Elle permettra de guider la montée en puissance de la filière universitaire de médecine générale, qui doit prendre toute sa place dans les facultés de médecine.
Aucune profession ne peut évoluer si elle n'est pas portée par une formation universitaire solide, d'excellence et modélisante pour l'évolution de la profession.
La médecine générale doit devenir une spécialité universitaire à part entière, avec la dimension d'enseignement et de recherche conforme aux canons universitaires. Mais elle doit également bénéficier des moyens humains et matériels nécessaires à ce développement.
Dans le prolongement de l'important travail effectué avec ma collègue Valérie Pécresse sur ce sujet depuis 2 ans, le projet de loi prévoit ainsi la nomination de 20 professeurs, 30 maîtres de conférence et 50 chefs de clinique par an, pendant une période de quatre ans. J'entends que ces objectifs soient tenus.
J'ai également souhaité que la formation médicale continue et que l'évaluation des pratiques professionnelles soient simplifiées et réunies dans une même notion : le développement professionnel continu (DPC).
Il est nécessaire que la mise en oeuvre du DPC se fasse sur une base professionnelle et pragmatique. C'est la raison pour laquelle je soutiens le développement des collèges de bonnes pratiques au sein de la fédération des spécialités médicales, présidée par le professeur Olivier Goéau Brissonnière.
Je sais que vous êtes très actif au sein du collège de médecine générale, et je vous en félicite. Je ne doute pas que vous saurez avancer rapidement dans la constitution de ces instances scientifiques professionnelles qui seront demain amenées à jouer un rôle important dans le DPC, mais également dans d'autres secteurs de l'organisation de notre système de santé. Pour cela, il sera nécessaire de donner un cadre institutionnel à la fédération des spécialités médicales et aux collèges. Je sais que le professeur Laurent Degos est également attaché à cette évolution.
Enfin, il convient que le développement de la recherche en soins primaires accompagne celui de la formation et du soin. Cette activité existe, elle doit pénétrer les activités professionnelles des enseignants bien entendu, mais également des étudiants et des médecins actuellement en exercice.
Par ailleurs, le projet de loi crée les instruments d'une modernisation des pratiques, en facilitant le développement et le financement des maisons de santé pluridisciplinaires et des pôles de santé.
Les coopérations entre professionnels de santé seront généralisées, sur la base du volontariat et des besoins de santé locaux.
Je me réjouis, à ce titre, que vous ayez choisi pour votre 3ème congrès le thème de la médecine générale et de la co-professionnalité et que, avant même la publication de cette loi au Journal officiel, vous vous saisissiez des outils qu'à votre demande, j'ai souhaité mettre à votre disposition.
Pour mieux répondre aux besoins de santé de la population, la télémédecine, définie et encadrée par le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », doit se développer.
Le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » prévoit également, à côté de l'indispensable modernisation des pratiques et de la formation, issue des demandes des professionnels, des mesures d'organisation de l'offre de soins :
- Dans chaque région, un SROS ambulatoire non opposable permettra de définir, sur chaque territoire, les besoins, en concertation avec l'ensemble des acteurs. Ce schéma donnera de la visibilité aux professionnels et permettra de faire converger les aides et les dispositifs d'incitation.
- Les étudiants et les internes seront formés dans les régions en fonction des besoins de la population.
- Un corps d'étudiants boursiers qui aura signé, sur la base du volontariat, un contrat d'engagement de service public garantira à la population une présence médicale dans les zones les moins dotées définies par les SROS.
- La permanence des soins ambulatoire pourra être organisée et financée en tenant compte des spécificités locales et en cohérence avec le reste de l'offre de soins régionale.
Elle reste bien sûr basée sur le volontariat.
Cette souplesse et cette adaptation de l'offre de soins aux besoins et aux spécificités locales, ce sont les agences régionales de santé, clé de voûte du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », qui les rendront possibles.
Vous en serez les partenaires légitimes. Je souhaite, en effet, que l'organisation opérationnelle de la santé au niveau régional se définisse et s'élabore en collaboration avec les acteurs de terrain. Je compte sur votre implication.
J'aimerais maintenant évoquer le sujet de la pandémie grippale, devant vous, médecins généralistes, dont je mesure les responsabilités tout autant que l'implication.
Je vais à ce sujet rencontrer vos représentants professionnels le 2 juillet prochain.
Pour le moment, comme vous le savez, la prise en charge des patients est encore relativement centrée sur l'hôpital. C'est utile à ce stade de l'épidémie aussi pour notre apprentissage. La progression de la pandémie et l'augmentation du nombre de cas nous pousseront certainement à étendre, dans le courant de l'été, la prise en charge des patients au milieu ambulatoire. Vous serez alors au coeur du dispositif. Cette extension, qui sera complémentaire à l'accueil hospitalier, permettra de proposer à chaque patient la prise en charge la mieux adaptée à son état de santé.
Je souhaite échanger avec vos représentants, leur apporter une information complète et affiner les modalités de prise en charge ambulatoire de nos concitoyens grippés ou suspects de l'être.
En attendant, nous continuons, bien entendu, à mener une action vigilante et déterminée, dont je voulais vous rappeler aujourd'hui les grands axes.
En décidant de passer, le 11 juin dernier, en phase 6 de son plan de préparation à une pandémie, l'OMS a confirmé que le monde était confronté à la première pandémie grippale du XXIe siècle.
Cette pandémie sera la première, dans l'histoire de l'humanité, que nous aborderons avec un plan élaboré et testé de longue date. Il s'agit là d'un atout absolument considérable. L'OMS considère, à ce titre, que la France est l'un des pays les mieux préparés au monde.
Ainsi, depuis 2005, la coordination interministérielle dirigée par le professeur Didier Houssin, délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire (DILGA), a élaboré un plan national coordonné par le secrétariat général de la défense nationale. Ce plan a été évalué, testé par de nombreux exercices nationaux et locaux et mis à jour à plusieurs reprises.
Dans ce cadre, la France a acquis d'importants moyens de protection : 1 milliard de masques chirurgicaux, destinés aux malades, 750 millions de masques de protection, dits « FFP2 », pour les personnes particulièrement exposées, dont vous faites partie, et 33 millions de traitements antiviraux. Des vaccins ont par ailleurs été pré-réservés auprès de certains industriels.
Nous avons aussi conçu et mis en oeuvre des programmes d'information et de formation des professionnels de santé. Nous avons défini un mode de fonctionnement du système de soins en situation de pandémie. Nous avons anticipé la sécurisation assurantielle, prudentielle et financière des professionnels de santé libéraux en cas de pandémie, grâce aux mesures prévues par la loi du 5 mars 2007. Nous avons créé l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), qui gère les stocks et a pour mission de mettre en place un corps de réserve sanitaire. Enfin, nous avons abordé les questions éthiques et le sujet de la mobilisation de la population.
Pour autant, ce plan ne doit en aucun cas nous enfermer dans une approche qui pourrait s'avérer inadaptée à la réalité de la situation.
Nous sommes aujourd'hui face à un virus qui semble avoir acquis une forte capacité de transmission, mais qui reste d'une virulence modérée. Nous ne sommes donc pas aujourd'hui, même s'il faut bien sûr rester très prudent dans cette analyse, face à la pandémie de type A/H5N1 que nous redoutions avec un très fort taux de létalité. L'OMS a d'ailleurs confirmé ce point en assortissant sa décision de passage en phase 6 d'une nouvelle échelle sur la virulence du virus, qualifiée de « modérée » à ce stade. L'OMS se réserve bien sûr la possibilité de revoir cette gradation en fonction de l'éventuelle évolution du virus. Mais l'observation des cas français nous conforte dans cette analyse menée à l'échelle mondiale.
Nous devons, par conséquent, nous interroger sans cesse sur la pertinence d'appliquer telle ou telle mesure prévue par le plan. C'est une réponse graduée, proportionnée et lucide que nous devons garantir.
Il n'est pas question d'interrompre l'effort de préparation, bien au contraire. C'est dans ce cadre que nous intensifions les discussions avec les industriels en vue d'acquérir des quantités importantes de vaccins.
En ce qui concerne la prise en charge des cas suspects ou confirmés sur le territoire national, notre dispositif doit, lui aussi, s'adapter à l'évolution de la situation épidémiologique.
Aux débuts de l'épidémie, et comme le prévoit le plan, le principe qui a guidé la prise en charge des patients a été une logique de contingentement, en particulier par hospitalisation systématique des cas probables ou confirmés. L'objectif, vous le savez, était de freiner au maximum la pénétration et la propagation du virus sur le territoire, et de protéger ainsi la population.
De plus, dans cette phase initiale de l'épidémie, une meilleure connaissance du virus était indispensable. Le circuit de prise en charge, selon lequel le patient devait se signaler au centre 15, ce dernier l'orientant vers un centre de référence, a permis de suivre très précisément le développement des premiers cas français.
Cependant, la situation épidémiologique internationale a évolué et, par voie de conséquence, le nombre de cas probables sur le territoire national a augmenté. Parallèlement, nous avons acquis une meilleure connaissance du caractère limité de la virulence de la grippe A/H1N1.
Aussi est-il récemment apparu nécessaire d'adapter une première fois notre stratégie.
Nous avons ainsi adapté le protocole médical en proposant que les cas bénins soient renvoyés à domicile, et que le médecin traitant en soit informé par l'hôpital qui les avait pris en charge.
Pour autant, à ce stade et sans doute pour quelques semaines encore, le centre 15 restera responsable de l'orientation des patients probables. Cela nous aide encore à conduire une surveillance épidémiologique rapprochée, et la première consultation sur le site hospitalier semble plus prudente dans cette phase précoce de l'épidémie pour dépister les cas potentiellement sévères.
Ce protocole évite aussi de devoir diffuser les stocks sur le territoire national de façon massive et prématurée au regard des besoins réels.
Enfin, ce dispositif, centré sur l'hôpital, permet de préserver au maximum l'activité des professionnels de santé libéraux, qui doivent continuer de répondre aux demandes de soins de la population.
Mais j'en suis consciente : si le rôle des médecins libéraux est central dans le fonctionnement de notre système de santé, il le sera encore bien davantage lorsque la pandémie s'installera véritablement sur notre territoire national.
Vous l'avez d'ores et déjà démontré, en diffusant l'information au sein de vos réseaux, par le biais de vos sites Internet ou de vos newsletters, et en répondant aux nombreuses interrogations de vos patients, alors même que nous étions confrontés à un virus inconnu. Soyez-en ici remerciés.
Parce que je ne doute pas un instant de votre mobilisation - qui, je le précise, ne saurait aboutir à votre surexposition, ni à la désorganisation de notre offre de soins -, j'ai tenu, très tôt, à ce que vous soyez protégés, informés, assurés personnellement.
Ainsi, dès l'émergence du nouveau virus, des dotations en équipements de protection et en antiviraux ont été mises en place dans chaque département. Il s'agissait, pour les professionnels de santé libéraux, de réassortir les kits de protection dont ils avaient été destinataires en 2007.
Aujourd'hui, la chaîne logistique qui permettra d'approvisionner, en fonction des besoins, les professionnels et les établissements de santé en équipements de protection et en antiviraux est prête à être activée sur l'ensemble du territoire.
J'ai demandé aux préfets de veiller à ce que la mise à disposition de ces équipements aux professionnels de santé soit organisée dans les meilleures conditions possibles.
Je sais que la diffusion des masques correspond à une forte attente de votre part. Elle est parfaitement légitime, et nous y répondons.
En plus des masques, des traitements antiviraux ont été acquis pour le traitement et, dans certains cas, pour la prophylaxie. La stratégie de diffusion de ces produits sera arrêtée par les experts en fonction de l'évolution de l'épidémie et dans le cadre de protocoles, pour éviter que les médecins ne passent plusieurs mois sous traitements.
De la même manière, du fait de leur activité, les professionnels de santé libéraux feront très certainement partie des populations prioritaires de toute campagne de vaccination contre la souche A/H1N1, si elle devait être mise en oeuvre à l'automne.
Dès à présent, les moyens nécessaires sont déployés pour qu'une telle campagne puisse être organisée dès que les vaccins seront disponibles, si l'épidémie le nécessite et si les conditions de sécurité garanties par le vaccin disponible font apparaître un rapport bénéfice / risque positif.
Le partage d'une information claire, fiable et récente est également un point essentiel auquel je suis particulièrement attentive et qu'il faut sans cesse améliorer.
Dès le début de l'alerte sanitaire, j'ai souhaité que soit diffusée, auprès du grand public et des professionnels de santé, une information aussi complète et à jour que possible. Une plateforme téléphonique dédiée a été ouverte. Nous veillons, en outre, à ce que l'actualisation des sites Internet du ministère de la santé et des agences concernés soit assurée, en temps réel.
Ces éléments d'information ont été complétés par des recommandations spécifiques adressées aux professionnels de santé. Le centre de crise sanitaire a adressé des messages « DGS-URGENT » aux professionnels abonnés. Je sais que nombre d'entre vous se sont inscrits à ce service gratuit. Je ne puis qu'inciter tous les autres à le faire.
J'ai également demandé aux préfets de réunir les CODAMUPS (comités départementaux de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires) pour procéder, au niveau local, à une information plus fine des professionnels de santé libéraux.
Je souhaite que cette instance de proximité puisse prendre toute sa place dans la situation actuelle.
Enfin, j'ai décidé la mise en place d'un site Internet dédié aux professionnels de santé. Il sera opérationnel à la fin de l'été. Il comprendra une partie nationale et une déclinaison locale pour informer au mieux les professionnels de l'ensemble des sujets relatifs à l'évolution de la situation épidémiologique et aux modalités pratiques de la prise en charge des patients. Un groupe de travail impliquant des professionnels de santé libéraux doit se mettre en place très prochainement.
La question de l'assurance et de la rémunération des médecins est aussi, bien sûr, une question centrale. Pour avoir moi-même été professionnelle de santé libérale, je sais ce que signifie une absence d'activité prolongée. Je sais ce que c'est que d'engager sa responsabilité personnelle, au service de la population. Je veux donc vous rassurer.
Sur l'ensemble de ces sujets, je veille et veillerai à ce que, quelle que soit la situation dans laquelle vous devrez exercer votre métier, vous soyez assurés et rémunérés.
Nous disposons aujourd'hui, pour ce faire, d'un nombre important d'outils juridiques que je veux vous présenter rapidement :
* Si la virulence du virus n'évolue que peu au cours de la pandémie, le régime principal d'intervention des médecins libéraux sera celui du droit commun, comme il l'est pour la grippe saisonnière. Tant que la situation sanitaire le permet, le fonctionnement des cabinets médicaux et des établissements de santé privés doit en effet rester basé sur le paiement à l'acte, et les patients continueront d'être remboursés par l'assurance maladie. Dans ce contexte, vos contrats personnels d'assurance et de prévoyance demeurent valables. Une pandémie ne constitue pas une clause d'exclusion de garanties. Ce point est très important.
* Si, pour des raisons sanitaires ou pour accomplir une mission particulière, il s'avérait nécessaire d'inscrire votre activité dans un autre cadre, nous disposerions, avec la loi du 5 mars 2007, d'un arsenal législatif susceptible de couvrir toutes les situations.
* Ainsi, que ce soit dans le cadre de l'article L 3131-1 du code de la santé publique ou dans celui de la réquisition, les professionnels de santé susceptibles d'intervenir, à la demande de l'Etat, en dehors de leur cadre traditionnel d'exercice, bénéficieront d'une couverture assurantielle et seront rémunérés. L'article L 3131-1 permet également de couvrir la responsabilité des professionnels de santé qui réalisent des actes en dehors des conditions d'autorisation traditionnelles, comme l'utilisation de produits de santé hors AMM.
Vous l'aurez compris, pour lutter efficacement contre une pandémie grippale, nous disposons de moyens nombreux et gradués.
Soyez certains que vous disposerez, en temps voulu, des protections nécessaires et que vous pourrez travailler dans des conditions parfaitement sécurisées.
Vous savez pouvoir compter sur moi.
Je sais pouvoir compter sur vous, sur vos compétences et votre implication.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 3 juillet 2009