Déclaration de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur le développement des pôles de compétitivité et leur intégration dans la dynamique des territoires, Paris le 30 juin 2009.

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Circonstance : 5ème journée des pôles de compétitivité à Paris le 30 juin 2009

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un honneur et une très grande satisfaction d'être, pour ma première intervention publique, devant l'assemblée des présidents et directeurs des pôles de compétitivité français, et de saluer les représentants des collectivités territoriales et de l'Etat qui accompagnent votre action.
Une très grande satisfaction car vous travaillez à l'avenir de notre pays, et aménager le territoire, c'est aménager l'avenir. Compétitivité, cohésion, développement durable sont des ambitions réalistes pour l'avenir notre pays. Je porterai ces ambitions, car je serai un ministre de la réalité, d'une réalité ambitieuse dont les territoires sont le coeur. Cette réalité, ce sont d'abord vos entreprises, vos laboratoires, vos universités et écoles : ils ne sont pas désincarnés. Ce soir, vous allez rejoindre vos territoires, qui sont vos lieux de vie et de travail, où vous développez et concrétisez vos ambitions. Vous savez combien l'environnement local a d'impact sur les ressources et les appuis que vous pouvez mobiliser. La diversité des pôles de compétitivité traduit d'abord la diversité des richesses de nos territoires.
- Certains opposent compétitivité nationale et aménagement du territoire. C'est une approche intellectuelle simpliste : les pôles démontrent exactement le contraire.
Chacun s'accorde aujourd'hui pour dire que dans un pays développé comme le nôtre, l'innovation est au coeur de la compétitivité. Et que pour la développer, il faut faciliter et soutenir les interactions entre le système de production de savoir (les établissements de recherche et de formation), le système de production de biens et services (les entreprises) et les pouvoirs publics. Ce n'est pas nouveau, c'est le modèle de la « triple hélice » apparu dans les années 1990. Et l'Etat l'a mis en pratique. Je citerai un seul exemple : les réseaux de recherche et d'innovation technologiques créés en France il y a 10 ans. Comme les pôles, ils associaient entreprises de toutes tailles et laboratoires, qui animaient eux-mêmes ces réseaux, élaborant une réflexion stratégique et facilitant l'émergence de projets de R&D. Ils ont produit des succès indéniables. Mais la réussite des pôles de compétitivité est sans commune mesure et a amené à la disparition de ces réseaux. Pourquoi ? Parce que tout en conservant les facteurs de succès de ces réseaux, qui étaient nationaux, on a rajouté la prise en compte des territoires. Nous savons que les échanges de proximité sont très bénéfiques pour l'innovation, parce que la connaissance ne circule que par rapports humains directs, et que c'est souvent localement que les échanges interdisciplinaires et intersectoriels, si fructueux, sont les plus faciles. Les pôles le permettent. Il ne faut pas se limiter à ces échanges de proximité, sous peine de nombrilisme et d'isolement. Une démarche de réseau national et même international est nécessaire pour s'assurer de faire appel aux compétences de meilleur niveau. Le dispositif des pôles de compétitivité constitue un système équilibré et par cela globalement performant. C'est l'ancrage territorial qui a permis la mobilisation de tous les types d'acteurs nécessaires : entreprises, établissement de formation supérieure et de recherche et pouvoirs publics, dont la coordination est facilitée par la proximité physique. La dimension nationale des pôles et leur compétitivité sont renforcés par le soutien à des réseaux inter-pôles et par la possibilité offerte par le Fonds Unique Interministériel d'intégrer dans les projets jusqu'à 50% de participants qui sont hors des régions d'implantation des pôles. Le résultat est une dynamique sans précédent en France, appropriée et tirée par les entreprises, investie par les acteurs de recherche et de formation (même si ce dernier point reste à renforcer), massivement soutenu par les collectivités territoriales et par un travail interministériel exceptionnel. C'est pour l'instant le seul dispositif de soutien à l'innovation connu de tous en France, régulièrement cité dans la presse, dans le monde politique et même à l'école. Quant au nombre de pôles, je dirai que la mobilisation des excellences de chaque territoire est le meilleur garant du développement des richesses de notre pays. Ne disons pas que tous les pôles sont équivalents : ce serait faux. La diversité de leurs thématiques, de leur taille et la diversité des territoires qui les portent, plaident pour des accompagnements adaptés et diversifiés. Reconnaissons les différences, adaptons notre soutien et favorisons les coopérations utiles. En revanche, il ne faut pas transiger sur les exigences de qualité liées au label pôles de compétitivité. Encore une fois, ne partons pas d'intellectualisations mais de la réalité - riche et diverse - de nos vrais atouts pour être ambitieux.
- Les décisions du Gouvernement pour la phase 2 des pôles confortent cette approche du développement de la compétitivité nationale avec un ancrage territorial, à travers plusieurs axes auxquels je serai particulièrement attentif. Vous connaissez bien ces axes et les mesures associées, je ne vais donc pas les détailler mais y faire référence.
Le premier est ce qu'on appelle le « développement d'écosystèmes d'innovation et de croissance ». Plus clairement, il s'agit de renforcer les synergies territoriales entre les pôles et les autres acteurs publics et privés concernés par l'innovation et la croissance. Ceci inclut les structures de coopération et de coordination mises en place par les établissements publics d'enseignement et de recherche (au premier rang desquelles les PRES - pôles de recherche et d'enseignement supérieur), les financeurs privés, les Chambres de commerce et d'industrie... Et bien entendu les collectivités territoriales, avec lesquelles l'Etat souhaite davantage se coordonner. À ce titre, les contrats de performance constituent le second axe. Ils sont essentiels car ils concrétisent le passage des pôles à un niveau de réflexion stratégique collective. Ils montrent que les entreprises et les établissements publics d'enseignement et de recherche d'un pôle, en lien avec les pouvoirs publics, ont su analyser leur situation collective et élaborer un projet d'avenir réaliste, un projet inscrit dans un territoire avec une ambition évaluée au niveau national et international. Leur signature par tous les acteurs, dont les collectivités et l'Etat, est un engagement pour un projet commun. Je suis heureux de constater que plus de 85% des contrats sont prêts pour signature et que plusieurs ont déjà été signés. Le troisième axe est le développement de plateformes d'innovations au sein des pôles, dont 35 projets ont été présélectionnés par l'Etat en début d'année. Ces équipements et infrastructures mutualisés permettront de mieux répondre au besoin d'équipements partagés et de services associés, et seront mis à la disposition des entreprises et des chercheurs pour leurs travaux de R&D. Ces moyens sont des facteurs puissants de structuration des pôles, d'organisation du travail entre les partenaires, d'ancrage de la R&D sur les territoires, et d'attractivité pour d'autres entreprises, chercheurs et talents. Ces plateformes constitueront à la fois un objet et un lieu visibles et attractifs. Elles sont donc un outil stratégique. Enfin, le développement des actions liées aux écotechnologies, que ce soit par l'élargissement de pôles existants ou la labellisation éventuelle de nouveaux pôles, comme mon collègue Christian Estrosi vient de l'annoncer, est un enjeu prioritaire pour notre pays . Il doit être décliné tant au niveau local, avec une bonne intégration et diffusion, qu'au niveau national, par des réseaux entre les pôles.
- En sus de ces orientations, et pour renforcer l'ambition gouvernementale, je vois des actions complémentaires importantes.
Tout d'abord, chaque région de France est en train d'élaborer une « Stratégie régionale d'innovation ».
Sous l'impulsion de la DG Regio de la Commission européenne, et dans le cadre de la construction de l'avenir des fonds structurels, les collectivités territoriales et l'Etat se sont mobilisés. Avec les acteurs de nos territoires, ils ont élaboré des diagnostics et nous sommes en phase d'élaboration des stratégies correspondantes, qui devraient toutes être publiées d'ici fin 2009, certaines régions ayant déjà achevé ce travail. Il a été noté que les clusters, notamment les pôles de compétitivité, sont un outil particulièrement adapté à l'implication des entreprises et du monde académique dans l'analyse des besoins, forces et faiblesses, et dans l'élaboration et la mise en oeuvre des stratégies. Ces dernières seront prises en compte pour la révision des programmes opérationnels des fonds structurels européens et des contrats de projets Etat-régions. Je vous invite donc à vous y engager du mieux possible, si ce n'est déjà fait.
Je souhaite également insister sur les clusters ainsi que sur la synergie territoriale.
Vous savez qu'il y a des réseaux d'entreprises qui coopèrent et qui innovent, sans pour autant être des pôles de compétitivité. Certains peuvent être des SPL (systèmes productifs locaux) ou avoir des labellisations régionales. Beaucoup d'entre vous ont des relations étroites avec eux, car ils regroupent généralement des PME et TPE dont la majorité sont en amont et en aval de la R&D. Celles-ci peuvent exprimer des besoins qui suscitent de la R&D et en traduire les résultats en produits et services commercialisés. Certains de vos pôles ont des présidents de tels clusters dans le Conseil d'Administration, afin notamment d'avoir une voix représentant un groupe de PME. Ces clusters ont été à l'origine de plusieurs projets de recherche ou de plateformes d'innovation que vous avez jugé dignes d'être labellisés. Je vous engage à poursuivre dans cette voie de collaboration fructueuse très bénéfique pour tous, et notamment pour nos PME. Avoir des structurations de PME sur nos territoires à travers ces clusters est utile à tous.
Là encore, la démarche de Stratégie régionale d'innovation est une voie pour renforcer la cohérence et l'efficacité de nos politiques globales de clusters.
Enfin, je suis attaché à une vision large des apports mutuels entre un pôle et son territoire.
Certes, les territoires tirent automatiquement bénéfice de la réussite des pôles au sens où les entreprises et établissements de recherche et de formation sont sur ces territoires. Les pôles favorisent aussi directement les investissements étrangers. Mais les pôles peuvent apporter davantage aux territoires. Par exemple en termes d'image internationale, au-delà de leur seul secteur d'activité. En termes de relations avec les entreprises qui ne font pas de R&D, comme je l'ai cité précédemment en parlant des clusters de PME. En établissant des relations avec les établissements de formation qui pérennisent ces derniers et leur permettent de rayonner nationalement ou internationalement au-delà des besoins du pôle. En impulsant une gestion des emplois et compétences qui apporte une base fondatrice au territoire. En engageant des actions sur l'environnement sous une forme entraînante pour le reste du territoire. En exprimant de manière collective les besoins en développement des infrastructures et services numériques. Dans chaque exemple, c'est la manière dont vous réaliserez une action bénéfique à votre pôle qui va accroître le bénéfice pour le territoire. Ce qui ne peut qu'entraîner en retour, à terme, un soutien consolidé du territoire au profit du pôle.
En conclusion, mesdames et messieurs les responsables de pôles de compétitivité, je vous engage à continuer et même renforcer votre intégration dans la dynamique de vos territoires. Vos pôles ne sont en effet pas « assis » sur des territoires, ils s'inscrivent dans des relations de dépendance mutuelle qui conditionnent les performances de chacun. Vos actions gagnent ainsi à porter non seulement sur vos pôles mais également sur vos territoires, bien que le bénéfice de ces actions de structuration et de compétitivité paraisse moins immédiat. Ce double engagement, à la fois territorial et à l'attention des pôles, ne signifie pas pour autant que vous preniez en charge d'autres actions que celles qui relèvent des pôles de compétitivité. Il signifie plutôt l'intégration d'une vision et d'une coopération territoriale renforcées à vos objectifs et à vos modalités d'actions. Vous l'aurez compris, pour moi, la France, ce sont avant tout ses territoires. Et la vision que je porte de l'aménagement du territoire, c'est celle du développement de la compétitivité, de la cohésion et du respect de l'environnement pour chaque territoire. C'est celle de la recherche de la meilleure expression du potentiel d'excellence de chaque territoire, et de préparer l'avenir par le renforcement de ce potentiel. C'est enfin celle du développement de relations fructueuses entre les territoires, qui permettent la spécialisation de chacun et la circulation de l'innovation et le renforcement mutuel. Votre action remarquable y contribue. Je vous soutiendrai et je vous inviterai à la renforcer encore, et de construire ainsi l'avenir de notre pays. Je vous remercie.Source http://www.competitivite.gouv.fr, le 3 juillet 2009