Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur l'engagement de la France aux côtés de la communauté internationale pour une réponse coordonnée à la crise et un soutien aux pays en difficulté, Paris le 25 juin 2009.

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Circonstance : Ouverture de la rencontre internationale - "les pays émergents et en développement face à la crise" - à Paris le 25 juin 2009

Texte intégral

Madame et Messieurs les ministres,
Messieurs les gouverneurs,
Monsieur le directeur général adjoint [cher John Lipsky],
Monsieur le président du Club de Paris [cher Ramon Fernandez],
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de vous accueillir aujourd'hui à Paris à une date particulièrement bien choisie : elle intervient au même moment que la conférence de l'ONU sur l'impact de la crise sur le développement ; elle se tient, par ailleurs, à mi-chemin entre le sommet d'avril à Londres et celui que nous préparons, à Pittsburgh en septembre.
Le Club de Paris n'est pas seulement un forum de négociation, c'est aussi un lieu d'observation privilégié de la situation financière internationale et de l'impact de la crise actuelle. Je compte sur l'ensemble de ces dimensions et sur toute l'expérience acquise par le Club de Paris en près de 50 ans pour nourrir notre réflexion et nous aider à mieux formuler ensemble les diagnostics et les solutions pour répondre à une crise d'ampleur historique. Je me réjouis que l'IIF soit présent à nos côtés pour cela.
Pour évoquer cette situation, nous avons la chance d'accueillir aujourd'hui plusieurs de mes collègues qui nous apporterons leur vision des conséquences concrètes de la crise. Permettez-moi saluer ainsi ma collègue indonésienne, Sri Mulyani Indrawati et mon collègue camerounais, Lazare Essimi Menye, ainsi que les gouverneurs des banques centrales du Ghana, Paul Acquah, et de Hongrie, Andras Simor. John Lipsky, dont l'institution effectue un travail remarquable en réponse à cette crise, nous en donnera aussi son analyse globale.
Contrairement à la thèse évoquée il y a encore quelques mois d'un découplage de l'économie mondiale, la crise souligne l'interdépendance de nos économies. Les pays émergents et en développement sont aujourd'hui triplement touchés par la crise : a/ les exportations vers les pays développés diminuent ; b/ les apports de capitaux par des investissements ou des transferts des migrants, sont en recul ; et c/ ces pays connaissent des difficultés à refinancer le service de leur dette externe.
Dans ce contexte, la force de notre action collective sera décisive, qu'il s'agisse de régulation financière ou de soutien aux pays les plus fragiles. C'est pourquoi je voudrai vous présenter l'ambition de la France pour (I) soutenir résolument l'engagement de la communauté internationale pour construire une réponse coordonnée à la crise et soutenir les pays en difficultés et (II) inviter tous les acteurs, qu'ils soient multilatéraux ou bilatéraux à être inventifs et ambitieux dans les solutions offertes aux pays les plus affectés.
I Une réponse globale à la crise et une solidarité plus importante vers les pays les plus touchés.
1. Un engagement collectif sans précédent
Comme vous le savez, la France s'est mobilisée pour élaborer une réponse internationale et coordonnée à la crise. C'est grâce à l'initiative européenne qu'au Sommet de Londres, nous avons construit un consensus et une réponse à la crise fondée sur le soutien à la demande et sur le renforcement de la régulation du système financier.
Mais, à Londres, nous nous sommes également mis d'accord pour soutenir les pays émergents et en développement. Je considère en effet qu'il est de notre responsabilité de prendre la mesure de l'impact de la crise sur les pays les plus fragiles. C'est un thème que j'ai souvent évoqué, notamment avec mes collègues africains. Nous ne pouvons pas laisser une crise née dans les pays riches et qui s'explique par un dysfonctionnement de nos systèmes de régulation remettre en cause les efforts de développement accomplis depuis plus de dix ans. C'est pour moi un devoir de solidarité internationale.
Le 2 avril, nous avons réaffirmé notre engagement à mettre en oeuvre les Objectifs de développement du millénaire et les engagements en matière d'annulation de dette. L'aide publique au développement fait partie des solutions à la crise.
À Londres, nous avons également décidé de renforcer très fortement les ressources des institutions multilatérales pour qu'elles aient les moyens de répondre à la crise. Celles du FMI et de la Banque asiatique de développement ont ainsi été triplées. Nous avons aussi soutenu un doublement de l'effort du FMI vis-à-vis des pays les plus pauvres.
Et je compte sur vous, Monsieur le directeur général adjoint, cher John Lipsky, pour que cet engagement soit suivi d'effets. C'est le principal enjeu en vue de la conférence de Pittsburgh.
2. Notre priorité doit être la mise en oeuvre pratique et rapide
Rien ne serait pire que de donner l'impression que les engagements pris ne se traduisent pas par des avancées concrètes. Dans le domaine de la régulation financière, c'est prendre le risque de voir les mêmes causes produire les mêmes effets. En matière de soutien aux pays fragiles, c'est prendre le risque de laisser la pauvreté s'accroître et de remettre en cause les efforts de développement.
Je mettrai donc toute ma détermination à veiller à cette mise en oeuvre en France, mais aussi au niveau européen et international.
Je vous en donne deux exemples datant de ces derniers jours. Le Sénat vient d'approuver la contribution de la France au renforcement des ressources du FMI à hauteur de 15 Md $ et je défends auprès de mes partenaires européens la nécessité d'aller plus loin. Le Conseil européen vient de nous donner un signal très positif en ce sens.
En matière d'aide publique au développement, nous avons pris avec le Premier ministre la décision de maintenir notre effort budgétaire, ce qui, dans un contexte de baisse du PIB, représente un effort très significatif.
II Face à la crise, nous devons adopter des approches inventives et responsables
1. Des approches innovantes sont indispensables
La réponse à la crise n'est pas seulement affaires de moyens. Son ampleur et son caractère largement inédits nous invitent à repenser les façons de faire et construire de nouveaux outils d'intervention.
Le FMI a créé fin mars un nouvel instrument assurantiel, la « Ligne de crédit flexible », mettant un terme à un débat de plus de 10 ans. Trois mois plus tard, c'est déjà un succès.
Avec mon collègue Lazare Essimi Menye, nous avons oeuvré pour mieux doter les instruments en faveur des pays à bas revenus et pour assouplir la conditionnalité du FMI.
La Banque mondiale a proposé de son côté un « Cadre de lutte contre les vulnérabilités », auquel la France apportera une contribution de 1 Md euros de co-financement pour les infrastructures et un soutien à hauteur de 160 millions d'euros pour le financement du commerce mondial.
La Commission européenne étudie par ailleurs un mécanisme « FLEX ad hoc relatif à la vulnérabilité » pour augmenter les ressources pour imprévus du Fonds européen de développement (FED) sous la forme d''aides budgétaires aux pays les plus vulnérables. En France enfin, le président de la République a souhaité que nous engagions un effort sans précédent en faveur du secteur privé en Afrique appuyé sur le recours à des instruments innovants.
2. Nos réponses doivent permettre de préparer l'après crise de façon responsable.
Les mesures exceptionnelles que nous sommes amenés à prendre posent la question de la hausse de l'endettement. Cette question prend un relief particulier dans le cas des pays dont la dette a été annulée dans le cadre du processus PPTE (Pays pauvres très endettés).
Nous devons leur donner accès aux ressources dont ils ont besoin, tout en évitant de nouvelles crises de dettes. C'est le rôle du Cadre de soutenabilité de la dette (CSD), élaboré par le FMI et la Banque, qui permet de rationaliser et d'harmoniser les comportements de chacun, dans le sens de l'intérêt collectif. Ces objectifs restent pleinement d'actualité.
Dans le même temps, nous devons tirer tout le parti possible des flexibilités offertes par ce cadre en prenant en compte la nature des dépenses publiques et la rentabilité économique des projets présentés. John, je veux vous dire combien nous serons attentifs aux propositions que vous nous ferez avec la Banque mondiale cet automne. Je compte sur vous pour trouver le bon équilibre entre souplesse nécessaire et responsabilité collective.
Notre effort concerté de réponse à la crise doit enfin être l'occasion de construire une gouvernance mondiale plus inclusive, notamment au FMI et à la Banque. Elle doit être fondée sur un rôle accru des pays émergents et en développement mais aussi sur des responsabilités partagées dans la gestion des biens publics mondiaux.
Je me réjouis ainsi que le nouveau Conseil de stabilité financière associe nos grands partenaires émergents. Je formule également le voeu que le dialogue organisé entre le Club de Paris et les créanciers privés soit élargi aux nouveaux bailleurs bilatéraux représentés dans cette salle et qui prennent des responsabilités croissantes dans le financement des pays émergents et en développement.
Je vous souhaite une très riche conférence.
Je passe maintenant la parole à John Lipsky.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 1er juillet 2009