Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, en réponse à une question sur la situation au Kosovo, Paris le 23 mars 1999.

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Circonstance : Réponse à une question de Monsieur F. Léotard, député UDF, sur la situation au Kosovo le 23 mars 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les députés,
Monsieur le député,
Tirant les leçons du drame qui s'est produit en Bosnie, le Président de la République et le Gouvernement ont pris, depuis plusieurs mois, plusieurs initiatives - en relation avec nos amis européens, avec nos alliés, en contact avec les Russes -, pour adresser aux protagonistes de la crise qui s'est nouée au Kosovo, les messages nécessaires : encourager les forces qui veulent la paix et résoudre les conflits par la négociation, intimider, avertir à l'avance les forces qui veulent à nouveau trouver des solutions par la violence.
Nous avons adressé ces messages extrêmement clairs, avec nos alliés, à l'intention des autorités serbes qui, une fois de plus, n'ont pas su chercher au Kosovo, la solution maîtrisée qui, dans l'intégrité même des frontières de la Fédération yougoslave, aurait permis l'autonomie interne, montrant ainsi que des leçons étaient tirées des drames précédents et que ces protagonistes entraient avec nous dans le siècle. Ces messages ont été adressés également aux Kosovars et particulièrement à l'UCK, dont nous ne partageons ni les méthodes ni sans doute les visées stratégiques ou diplomatiques.
Pas plus que nous ne sommes pour une grande Serbie, nous ne sommes pour une grande Albanie.
Les autorités françaises, le ministre des Affaires étrangères au premier chef, ont déployé leur énergie pour engager un processus de paix, de négociation - celui de Rambouillet -, afin de rechercher une issue politique qui puisse montrer que les protagonistes serbes ou kosovars renonçaient à la violence, à la passion, au nationalisme exacerbé, à une approche ethnicisée des problèmes et considéraient, avec nous, que le respect des minorités, la recherche des compromis par la négociation collective, le fonctionnement de la démocratie, étaient ce qui unissaient désormais tous les peuples et les nations européennes, y compris ceux des Balkans.
A l'heure où je vous parle, il est nécessaire de reconnaître que ce processus n'a pas pu déboucher, que la tension devient de plus en plus forte sur le terrain, que les violences ne cessent pas et que le nombre de réfugiés, comme vous l'avez dit monsieur le Président, s'accroît.
Malgré les efforts de la coprésidence franco-britannique, des négociateurs, des émissaires, des membres du groupe de contact, monsieur Milosevic ne manifeste aucun signe d'ouverture et refuse toujours d'adhérer au cadre du règlement élaboré à Rambouillet, cadre politique qui est désormais accepté - et c'est une donnée de la situation -, par les Albanais du Kosovo.
Le moment n'est donc pas loin où nous devrons tirer toutes les conséquences de cette situation comme la communauté internationale en a constamment et clairement averti les autorités de Belgrade. Nous sommes dans la phase finale. A cet égard, nous sommes en contact permanent avec nos partenaires et nos alliés.
S'il apparaît que tous les moyens de convaincre les autorités de Belgrade de cesser leurs actions de répression et d'adhérer aux accords de Rambouillet, dans leur dimension politique et dans leur volet dit militaire, sont épuisés, la France est déterminée à prendre toute sa part à l'action militaire devenue inévitable et cela engagera des forces de la France comme des forces européennes et non exclusivement, monsieur le député, des forces américaines.
Le Président de la République et le Gouvernement partagent cette détermination.
En cas d'action militaire, le ministre de la Défense et le ministre des Affaires étrangères se tiendront à la disposition des commissions compétentes des Affaires étrangères et de la Défense du Parlement pour les informer aussitôt que cela sera nécessaire. Si l'évolution de la situation le justifie, le Gouvernement prendra alors toutes les initiatives utiles, en accord avec le Président de la République, pour assurer l'information rapide et complète du Parlement tout entier.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 25 mars 1999)